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Vladimir GOLOVANOV
"Rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions " Nicolas Berdiaev
Un grand nombre de commentaire sur l'œcuménisme montre une grande ignorance des conditions réelles de la participation des orthodoxes à ce mouvement et je voudrais présenter quelques repères historiques pour clarifier le débat, sans aucune prétention à l'exhaustivité. Je limite cet article au cadre de l'œcuménisme stricto sensu: le dialogue avec les Catholiques n'est pas pris en compte (jusqu'à Vatican II, 1962-65, l’Église catholique ne participe pas au mouvement œcuméniste et ses instances officielles le critiquent durement; (cf. encyclique "Mortalium animos", 1928 ): "Il est vrai, quand il s'agit de favoriser l'unité entre tous les chrétiens, certains esprits sont trop facilement séduits par une apparence de bien… etc.") ni, évidement, les contacts interreligieux qui n'ont rien à voir avec l'œcuménisme.
"Rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions " Nicolas Berdiaev
Un grand nombre de commentaire sur l'œcuménisme montre une grande ignorance des conditions réelles de la participation des orthodoxes à ce mouvement et je voudrais présenter quelques repères historiques pour clarifier le débat, sans aucune prétention à l'exhaustivité. Je limite cet article au cadre de l'œcuménisme stricto sensu: le dialogue avec les Catholiques n'est pas pris en compte (jusqu'à Vatican II, 1962-65, l’Église catholique ne participe pas au mouvement œcuméniste et ses instances officielles le critiquent durement; (cf. encyclique "Mortalium animos", 1928 ): "Il est vrai, quand il s'agit de favoriser l'unité entre tous les chrétiens, certains esprits sont trop facilement séduits par une apparence de bien… etc.") ni, évidement, les contacts interreligieux qui n'ont rien à voir avec l'œcuménisme.
Je pense que ces jalons montrent bien les deux constantes de la participation orthodoxe au mouvement œcuménique:
• L'Orthodoxie témoigne partout de la doctrine et de la tradition catholique de l'Église
• L’Église orthodoxe affirme sa conviction d’être la détentrice et le témoin de la foi et de la tradition de l’Église une, sainte, catholique et apostolique et ce sans qu'aucun compromis ne soit envisageable à ce propos.
Mais aussi les difficultés croissantes que rencontrent les Orthodoxes pour participer: "Dès le début de leur participation au dialogue avec le mouvement œcuménique, les théologiens orthodoxes se heurtèrent à l'inévitable ambiguïté de la langue employée dans le dialogue et de la terminologie qui trahissait le désir des hétérodoxes d'obtenir un compromis doctrinal" (In "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie", Annexe, chapitre "Participation aux organisations et aux dialogues chrétiens internationaux dans le cadre du "mouvement œcuménique"")
Ma présentation est organisée en 3 parties:
Partie 1: Les pionniers
Partie 2: Le Conseil œcuménique des Églises (COE).
Partie 3: Evolution de la position orthodoxe
Partie 1: Les pionniers
Les prémices:
On fait généralement partir le mouvement œcuménique de la Conférence des sociétés protestantes à Edimbourg qui vit la création du mouvement « Foi et Constitution » en 1910, que les Orthodoxes rejoignent en 1927 (voir plus loin). Mais en fait les Orthodoxes avaient déjà posé les premiers jalons avant. Dès 1902, le patriarche de Constantinople JOACHIM III adressait une encyclique à toutes les Églises orthodoxes territoriales qui posait la question des modalités possibles pour un rapprochement entre les familles chrétiennes d'Orient et d'Occident. "Par cette encyclique, tous les chrétiens étaient invités à participer à l'amorce d'un dialogue afin d'apprendre à mieux se connaître et à collaborer de manière plus étroite sur toute une série de questions pratiques", a déclaré le patriarche BARTHOLOMEE Ier en 2002, avant de constater que "ce document publié il y a cent ans n'[avait] pas perdu de son actualité". (In SOP 247)
En 1920 le patriarcat œcuménique adressait une encyclique "à toutes les Eglises de la chrétienté" C'était un appel que le premier des patriarches de l'Eglise orthodoxe d'Orient lançait à toutes les Eglises, les invitant à surmonter la méfiance et l'amertume et à rechercher ensemble la nature de la communion fraternelle qui existe entre elles, malgré les divergences doctrinales. Dans cette encyclique, il suggérait plusieurs démarches pratiques en vue d'amener les Eglises à se rapprocher les unes des autres, en établissant notamment des relations et des échanges d'un type nouveau dans de larges secteurs de la vie ecclésiale et appelait à la constitution d'une "koinonia d'Eglises" qui œuvrerait à la coopération charitable et au dialogue théologique".
1925: un visionnaire
Le célèbre philosophe russe N. A. Berdiaev fixe une véritable mission aux émigrés russes dès 1925 (cf. "les tâches spirituelles de l'émigration russe", article programmatique de N. A. Berdiaev paru en septembre 1925 dans le premier numéro de la revue philosophique et religieuse "Pout" ("Voie", revue religieuse russe) dont il est le rédacteur.): apporter l'orthodoxie au monde, aux autres peuples. Ce n'est pas un hasard si l'orthodoxie russe a été amenée à être en étroit contact avec les Chrétiens du monde Occidental écrit-il. L'orthodoxie a un sens universel et ne peut pas rester dans des cadres ethno-centrés, dans une situation d'isolement. Elle doit devenir forte, spirituelle, active dans le monde. Puisque dans leur vie; il est arrivé aux orthodoxes russes de vivre parmi des sans-dieu, des agnostiques ou des gens confessant autrement le christianisme du monde, différentes façons de s'impliquer lui semblent envisageable et le philosophe les classe en trois groupes.
Il commence par critiquer et rejeter les deux extrêmes: il ne faut ni rester renfermés, devenir une sorte "d'épouvantail affirmant son Orthodoxie" et se refusant à toute relation spirituelle, car cette attitude est complètement inadaptée à l'époque contemporaine et destructive de la vie créative spirituelle ni, à l'autre extrême, accepter une dissolution dans la vie occidentale qui en faisant perdre à l'émigration son identité religieuse, la couperait de ses racines nationales et culturelles. Et Berdiaev propose donc de rester fidèle à sa foi tout en prenant conscience de sa signification et de sa portée universelle, il faut écrit-il, "rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions". C'est en cela que consistent les nouvelles tâches auxquelles l'église Orthodoxe se trouve confrontée. Dans le même temps s'est formée une nouvelle conception de l'âme orthodoxe, plus active, responsable, créative, plus courageuse. L'auteur voit cette tâche comme une façon de "lutter pour la dignité et la liberté de l'esprit humain, pour l'image même de l'homme, maintenant piétinée" et d' "aspirer de toutes ses forces à la renaissance de la Russie, mais à sa renaissance dans la vérité du Christ."(D'après Julia P. (Traduction Alexandre C.) "Le chameau et le chas, journal de la jeunesse orthodoxe" p. 12-14)
1927: "L’enseignement de l’ancienne Eglise non divisée des huit premiers siècles doit constituer la base de la réunion des Eglises.": Les Orthodoxes se joignirent donc officiellement au mouvement à la première conférence de « Foi et Constitution » à Lausanne en 1927 avec la participation d'une importante délégation orthodoxe. L'Eglise russe était essentiellement représentée par une délégation des "les Russes de Paris", avec le métropolite Euloge (alors responsable des paroisses orthodoxes russes à l’étranger) et les pères S. Boulgakov, doyen, et G. Florovsky, les professeurs L. Zander et V. Zenkovsky "(in "Istina" Volume 15 Centre d'études Istina) de l'Institut de théologie Saint Serge, mais aussi saint Nicolas d'Ohrid, dont les déclarations conservées dans les archives du COE ne me sont malheureusement pas accessibles (information donnée sur ce site par "Irénée" et que je n'ai pu recouper). Par contre nous pouvons accéder à l'intervention du Métropolite Germanos de Thyatire, doyen de la faculté de théologie de Halki et l'un des premiers président du COE (1948), qui est particulièrement intéressante: il s’exprime le plus souvent au nom de l’Eglise orthodoxe tout entière et non de Constantinople, il insiste sur l’unité à retrouver non comme une fin en soi, mais comme une nécessaire fidélité à l’évangile et enfin il mentionne clairement les divergences théologiques. En voici de larges extraits:
Citation:
"L’œuvre intérieure de l’Eglise est entravée parce que les circonstances actuelles exigent un front unique contre les éléments subversifs qui menacent l’édifice chrétien. La division des Eglises, ou, si l’on veut, des forces militantes de la chrétienté, affaiblit singulièrement la vigueur de leur déploiement. …
Par suite, l’Eglise orthodoxe, dans toutes les Assemblées, prie pour la réunion de tous et ne cesse d’espérer que ce que l’on considère comme humainement impossible, la réunion des Eglises, ne sera pas impossible à Dieu. Mais qu’entend l’Eglise orthodoxe par ce terme : «Réunion des Eglises» ? Bien que l’Eglise orthodoxe considère l’unité de la foi comme la condition primordiale de la réunion des Eglises, elle rejette cependant la théorie exclusive d’après laquelle une Eglise, se considérant comme seule véritable Eglise, affirme que celles qui cherchent la réunion avec elle doivent se ranger sous leur autorité. Cette conception de la réunion, qui équivaut à celle de l’absorption des autres Eglises, est de toute façon opposée à celle qui règne dans l’Eglise orthodoxe. Celle-ci a toujours distingué entre l’Unité, d’une part, et l’Uniformité, de l’autre. Le Patriarche de Constantinople, Photius, avait déjà formulé la règle que, dans la pratique, l’Eglise orthodoxe a toujours observée. « Dans le cas où l’objet du désaccord n’est pas affaire de foi et n’implique désobéissance à aucun décret général ou catholique, un homme au jugement sain aurait raison de décider que, ni ceux qui maintiennent, ni ceux qui écartent les points en question, ne commettent une faute » (lettre encyclique adressée en 860 au Pape Nicolas I).
En conséquence, seuls les points qui ont un rapport direct avec la Foi et qui sont acceptés par le consentement général, doivent être considérés comme nécessaires et obligatoires à l’Unité. Ainsi, l’Eglise orthodoxe, suivant l’avis d’Augustin « in dubiis libertas », accorde aux théologiens la liberté de pensée en tout ce qui touche aux points non essentiels et qui n’ont pas de lien avec la foi du cœur. Mais tandis que cette Eglise n’écarte pas cette liberté et reconnaît volontiers que ces questions sont de telle sorte que les solutions qu’on leur donne appartiennent nécessairement au domaine du doute et de la probabilité, elle maintient cependant le principe que l’accord est nécessaire dans les choses essentielles : « In necessariis unitas ».
Mais quels sont les éléments de la doctrine chrétienne qui devront être regardés comme essentiels ? L’Eglise orthodoxe est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de discuter et de déterminer aujourd’hui ces éléments, puisqu’ils ont été déterminés par les anciens symboles et les discussions des sept Synodes œcuméniques. En conséquence, l’enseignement de l’ancienne Eglise non divisée des huit premiers siècles, débarrassé de toutes les questions qui n’avaient pas de relation directe avec les objets obligatoires de la foi, doit encore aujourd’hui constituer la base de la réunion des Eglises. La légitimité de cette base a été universellement reconnue dans les discussions sur la réunion (…). Je crois pouvoir dire qu’aucun véritable théologien orthodoxe ne se trouvera pour dévier de ce principe et pour aborder et discuter des sujets qui, telle est sa conviction, ont déjà été décidés, sauf dans le cas ou cette discussion aurait pour but de justifier la foi professée par son Eglise.
Mais tandis que l’Eglise orthodoxe maintient irrévocablement la base ainsi posée, elle n’a aucune intention de mettre comme condition à la réunion des Eglises ce qui, après la première période mentionnée, a été accepté sur l’autorité des Saintes Ecritures, ou a été défini par les Conciles ou les Synodes locaux. Nous ne nions pas qu’il ne se soit trouvé, et qu’il ne se trouve encore, des théologiens orthodoxes qui insistent pour imposer l’acceptation même de décisions plus récentes ; cependant, ceux qui ont le meilleur jugement s’en tiennent aux seules décisions auxquelles est arrivée la conscience chrétienne commune de l’Orient et de l’Occident. Lorsque nous considérons le petit nombre de décisions qui furent ainsi prises officiellement, il paraît évident qu’il reste un champ de discussion très large, ouvert aux théologiens orthodoxes et à ceux qui sont hors de l’Eglise orthodoxe, mais qui sont poussés par le même désir de voir s’accomplir la réunion des Eglises. Ainsi, des sujets tels que la nature de l’Eglise, sa commune confession de foi, l’importance des saintes écritures, la signification des Sacrements, qui tous seront discutés par notre Conférence, doivent évidemment être mis au nombre de ceux sur lesquels les théologiens orthodoxes peuvent formuler une opinion. Ce faisant, ils remplissent un devoir envers leur Eglise tout en contribuant à écarter les obstacles qui se trouvent sur la voie de l’unité."
Fin de citation
"Aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe": Et nous avons aussi un passage de la "Déclaration des participants orthodoxes" à cette Première Conférence mondiale « Foi et Constitution »: "Comme il a été souligné plus d'une fois au cours des pourparlers qui ont déjà eu lieu, en matière de foi et de conscience religieuse, aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe et il n'est pas possible de fonder sur les mêmes mots deux conceptions, deux représentations et deux explications différentes de formulations reçues par tous. Et les orthodoxes ne peuvent espérer qu'une unité fondée ainsi sur des formulations ambiguës puisse être de longue durée... L'Église orthodoxe estime que toute alliance doit se fonder sur une foi commune ... L'accord sur la nécessité des sacrements dans l'Église, par exemple, n'a aucune valeur pratique s'il existe des différences radicales entre les Églises concernant leur nombre, leur signification et en général l'essence de chacun, leurs effets et leurs résultats... En conséquence, nous ne pouvons accepter une conception de la réunification qui se limite seulement à des éléments insignifiants: selon l'enseignement de l'Église orthodoxe, là où il n'y a pas communauté de foi, il ne peut y avoir communion dans les sacrements. Nous ne pouvons même pas ici appliquer le principe de l'Économie qui pourrait jouer dans d'autres circonstances et que l'Église orthodoxe a souvent adopté à l'égard de ceux qui se convertissaient à elle." (In "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie", ibidem.)
• L'Orthodoxie témoigne partout de la doctrine et de la tradition catholique de l'Église
• L’Église orthodoxe affirme sa conviction d’être la détentrice et le témoin de la foi et de la tradition de l’Église une, sainte, catholique et apostolique et ce sans qu'aucun compromis ne soit envisageable à ce propos.
Mais aussi les difficultés croissantes que rencontrent les Orthodoxes pour participer: "Dès le début de leur participation au dialogue avec le mouvement œcuménique, les théologiens orthodoxes se heurtèrent à l'inévitable ambiguïté de la langue employée dans le dialogue et de la terminologie qui trahissait le désir des hétérodoxes d'obtenir un compromis doctrinal" (In "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie", Annexe, chapitre "Participation aux organisations et aux dialogues chrétiens internationaux dans le cadre du "mouvement œcuménique"")
Ma présentation est organisée en 3 parties:
Partie 1: Les pionniers
Partie 2: Le Conseil œcuménique des Églises (COE).
Partie 3: Evolution de la position orthodoxe
Partie 1: Les pionniers
Les prémices:
On fait généralement partir le mouvement œcuménique de la Conférence des sociétés protestantes à Edimbourg qui vit la création du mouvement « Foi et Constitution » en 1910, que les Orthodoxes rejoignent en 1927 (voir plus loin). Mais en fait les Orthodoxes avaient déjà posé les premiers jalons avant. Dès 1902, le patriarche de Constantinople JOACHIM III adressait une encyclique à toutes les Églises orthodoxes territoriales qui posait la question des modalités possibles pour un rapprochement entre les familles chrétiennes d'Orient et d'Occident. "Par cette encyclique, tous les chrétiens étaient invités à participer à l'amorce d'un dialogue afin d'apprendre à mieux se connaître et à collaborer de manière plus étroite sur toute une série de questions pratiques", a déclaré le patriarche BARTHOLOMEE Ier en 2002, avant de constater que "ce document publié il y a cent ans n'[avait] pas perdu de son actualité". (In SOP 247)
En 1920 le patriarcat œcuménique adressait une encyclique "à toutes les Eglises de la chrétienté" C'était un appel que le premier des patriarches de l'Eglise orthodoxe d'Orient lançait à toutes les Eglises, les invitant à surmonter la méfiance et l'amertume et à rechercher ensemble la nature de la communion fraternelle qui existe entre elles, malgré les divergences doctrinales. Dans cette encyclique, il suggérait plusieurs démarches pratiques en vue d'amener les Eglises à se rapprocher les unes des autres, en établissant notamment des relations et des échanges d'un type nouveau dans de larges secteurs de la vie ecclésiale et appelait à la constitution d'une "koinonia d'Eglises" qui œuvrerait à la coopération charitable et au dialogue théologique".
1925: un visionnaire
Le célèbre philosophe russe N. A. Berdiaev fixe une véritable mission aux émigrés russes dès 1925 (cf. "les tâches spirituelles de l'émigration russe", article programmatique de N. A. Berdiaev paru en septembre 1925 dans le premier numéro de la revue philosophique et religieuse "Pout" ("Voie", revue religieuse russe) dont il est le rédacteur.): apporter l'orthodoxie au monde, aux autres peuples. Ce n'est pas un hasard si l'orthodoxie russe a été amenée à être en étroit contact avec les Chrétiens du monde Occidental écrit-il. L'orthodoxie a un sens universel et ne peut pas rester dans des cadres ethno-centrés, dans une situation d'isolement. Elle doit devenir forte, spirituelle, active dans le monde. Puisque dans leur vie; il est arrivé aux orthodoxes russes de vivre parmi des sans-dieu, des agnostiques ou des gens confessant autrement le christianisme du monde, différentes façons de s'impliquer lui semblent envisageable et le philosophe les classe en trois groupes.
Il commence par critiquer et rejeter les deux extrêmes: il ne faut ni rester renfermés, devenir une sorte "d'épouvantail affirmant son Orthodoxie" et se refusant à toute relation spirituelle, car cette attitude est complètement inadaptée à l'époque contemporaine et destructive de la vie créative spirituelle ni, à l'autre extrême, accepter une dissolution dans la vie occidentale qui en faisant perdre à l'émigration son identité religieuse, la couperait de ses racines nationales et culturelles. Et Berdiaev propose donc de rester fidèle à sa foi tout en prenant conscience de sa signification et de sa portée universelle, il faut écrit-il, "rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions". C'est en cela que consistent les nouvelles tâches auxquelles l'église Orthodoxe se trouve confrontée. Dans le même temps s'est formée une nouvelle conception de l'âme orthodoxe, plus active, responsable, créative, plus courageuse. L'auteur voit cette tâche comme une façon de "lutter pour la dignité et la liberté de l'esprit humain, pour l'image même de l'homme, maintenant piétinée" et d' "aspirer de toutes ses forces à la renaissance de la Russie, mais à sa renaissance dans la vérité du Christ."(D'après Julia P. (Traduction Alexandre C.) "Le chameau et le chas, journal de la jeunesse orthodoxe" p. 12-14)
1927: "L’enseignement de l’ancienne Eglise non divisée des huit premiers siècles doit constituer la base de la réunion des Eglises.": Les Orthodoxes se joignirent donc officiellement au mouvement à la première conférence de « Foi et Constitution » à Lausanne en 1927 avec la participation d'une importante délégation orthodoxe. L'Eglise russe était essentiellement représentée par une délégation des "les Russes de Paris", avec le métropolite Euloge (alors responsable des paroisses orthodoxes russes à l’étranger) et les pères S. Boulgakov, doyen, et G. Florovsky, les professeurs L. Zander et V. Zenkovsky "(in "Istina" Volume 15 Centre d'études Istina) de l'Institut de théologie Saint Serge, mais aussi saint Nicolas d'Ohrid, dont les déclarations conservées dans les archives du COE ne me sont malheureusement pas accessibles (information donnée sur ce site par "Irénée" et que je n'ai pu recouper). Par contre nous pouvons accéder à l'intervention du Métropolite Germanos de Thyatire, doyen de la faculté de théologie de Halki et l'un des premiers président du COE (1948), qui est particulièrement intéressante: il s’exprime le plus souvent au nom de l’Eglise orthodoxe tout entière et non de Constantinople, il insiste sur l’unité à retrouver non comme une fin en soi, mais comme une nécessaire fidélité à l’évangile et enfin il mentionne clairement les divergences théologiques. En voici de larges extraits:
Citation:
"L’œuvre intérieure de l’Eglise est entravée parce que les circonstances actuelles exigent un front unique contre les éléments subversifs qui menacent l’édifice chrétien. La division des Eglises, ou, si l’on veut, des forces militantes de la chrétienté, affaiblit singulièrement la vigueur de leur déploiement. …
Par suite, l’Eglise orthodoxe, dans toutes les Assemblées, prie pour la réunion de tous et ne cesse d’espérer que ce que l’on considère comme humainement impossible, la réunion des Eglises, ne sera pas impossible à Dieu. Mais qu’entend l’Eglise orthodoxe par ce terme : «Réunion des Eglises» ? Bien que l’Eglise orthodoxe considère l’unité de la foi comme la condition primordiale de la réunion des Eglises, elle rejette cependant la théorie exclusive d’après laquelle une Eglise, se considérant comme seule véritable Eglise, affirme que celles qui cherchent la réunion avec elle doivent se ranger sous leur autorité. Cette conception de la réunion, qui équivaut à celle de l’absorption des autres Eglises, est de toute façon opposée à celle qui règne dans l’Eglise orthodoxe. Celle-ci a toujours distingué entre l’Unité, d’une part, et l’Uniformité, de l’autre. Le Patriarche de Constantinople, Photius, avait déjà formulé la règle que, dans la pratique, l’Eglise orthodoxe a toujours observée. « Dans le cas où l’objet du désaccord n’est pas affaire de foi et n’implique désobéissance à aucun décret général ou catholique, un homme au jugement sain aurait raison de décider que, ni ceux qui maintiennent, ni ceux qui écartent les points en question, ne commettent une faute » (lettre encyclique adressée en 860 au Pape Nicolas I).
En conséquence, seuls les points qui ont un rapport direct avec la Foi et qui sont acceptés par le consentement général, doivent être considérés comme nécessaires et obligatoires à l’Unité. Ainsi, l’Eglise orthodoxe, suivant l’avis d’Augustin « in dubiis libertas », accorde aux théologiens la liberté de pensée en tout ce qui touche aux points non essentiels et qui n’ont pas de lien avec la foi du cœur. Mais tandis que cette Eglise n’écarte pas cette liberté et reconnaît volontiers que ces questions sont de telle sorte que les solutions qu’on leur donne appartiennent nécessairement au domaine du doute et de la probabilité, elle maintient cependant le principe que l’accord est nécessaire dans les choses essentielles : « In necessariis unitas ».
Mais quels sont les éléments de la doctrine chrétienne qui devront être regardés comme essentiels ? L’Eglise orthodoxe est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de discuter et de déterminer aujourd’hui ces éléments, puisqu’ils ont été déterminés par les anciens symboles et les discussions des sept Synodes œcuméniques. En conséquence, l’enseignement de l’ancienne Eglise non divisée des huit premiers siècles, débarrassé de toutes les questions qui n’avaient pas de relation directe avec les objets obligatoires de la foi, doit encore aujourd’hui constituer la base de la réunion des Eglises. La légitimité de cette base a été universellement reconnue dans les discussions sur la réunion (…). Je crois pouvoir dire qu’aucun véritable théologien orthodoxe ne se trouvera pour dévier de ce principe et pour aborder et discuter des sujets qui, telle est sa conviction, ont déjà été décidés, sauf dans le cas ou cette discussion aurait pour but de justifier la foi professée par son Eglise.
Mais tandis que l’Eglise orthodoxe maintient irrévocablement la base ainsi posée, elle n’a aucune intention de mettre comme condition à la réunion des Eglises ce qui, après la première période mentionnée, a été accepté sur l’autorité des Saintes Ecritures, ou a été défini par les Conciles ou les Synodes locaux. Nous ne nions pas qu’il ne se soit trouvé, et qu’il ne se trouve encore, des théologiens orthodoxes qui insistent pour imposer l’acceptation même de décisions plus récentes ; cependant, ceux qui ont le meilleur jugement s’en tiennent aux seules décisions auxquelles est arrivée la conscience chrétienne commune de l’Orient et de l’Occident. Lorsque nous considérons le petit nombre de décisions qui furent ainsi prises officiellement, il paraît évident qu’il reste un champ de discussion très large, ouvert aux théologiens orthodoxes et à ceux qui sont hors de l’Eglise orthodoxe, mais qui sont poussés par le même désir de voir s’accomplir la réunion des Eglises. Ainsi, des sujets tels que la nature de l’Eglise, sa commune confession de foi, l’importance des saintes écritures, la signification des Sacrements, qui tous seront discutés par notre Conférence, doivent évidemment être mis au nombre de ceux sur lesquels les théologiens orthodoxes peuvent formuler une opinion. Ce faisant, ils remplissent un devoir envers leur Eglise tout en contribuant à écarter les obstacles qui se trouvent sur la voie de l’unité."
Fin de citation
"Aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe": Et nous avons aussi un passage de la "Déclaration des participants orthodoxes" à cette Première Conférence mondiale « Foi et Constitution »: "Comme il a été souligné plus d'une fois au cours des pourparlers qui ont déjà eu lieu, en matière de foi et de conscience religieuse, aucun compromis n'est de mise dans l'Église orthodoxe et il n'est pas possible de fonder sur les mêmes mots deux conceptions, deux représentations et deux explications différentes de formulations reçues par tous. Et les orthodoxes ne peuvent espérer qu'une unité fondée ainsi sur des formulations ambiguës puisse être de longue durée... L'Église orthodoxe estime que toute alliance doit se fonder sur une foi commune ... L'accord sur la nécessité des sacrements dans l'Église, par exemple, n'a aucune valeur pratique s'il existe des différences radicales entre les Églises concernant leur nombre, leur signification et en général l'essence de chacun, leurs effets et leurs résultats... En conséquence, nous ne pouvons accepter une conception de la réunification qui se limite seulement à des éléments insignifiants: selon l'enseignement de l'Église orthodoxe, là où il n'y a pas communauté de foi, il ne peut y avoir communion dans les sacrements. Nous ne pouvons même pas ici appliquer le principe de l'Économie qui pourrait jouer dans d'autres circonstances et que l'Église orthodoxe a souvent adopté à l'égard de ceux qui se convertissaient à elle." (In "Principes fondamentaux régissant les relations de l'Eglise orthodoxe russe avec l'hétérodoxie", ibidem.)
Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 1 Juillet 2012 à 12:32
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