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Nicolas Werth, l’auteur du "Livre noir du communisme" vient de publier une recherche consacrée à la Grande Terreur: L’ivrogne et la marchande de fleurs (« Taillandier »). Le principal sujet en est l’étude du know how de la répression de 1937-1938 et du contingentement de ses victimes, hors « nomenklatura » et membres de base du parti.
L’approche est certes nouvelle, mais quant à l’envergure du processus ceux qui se souviennent de La grande terreur de Robert Conquest et, bien sûr, de l’Archipel ne feront pas de grandes découvertes, si ce n’est celle du déchaînement de cruauté chez les bourreaux du NKVD qui a atteint un paroxysme tel qu’il est difficile d’en trouver des précédents dans l’histoire. Les musées de la torture au Moyen Age font piètre figure comparés aux prisons et aux « polygones » du NKVD.
Comment le nombre des évêques en chaire s’est-il en ex URSS réduit à quatre en 1940 ?
Nicolas Werth a des réponses.En page 172, la déposition d’un comptable de kolkhoz de la région de Tomsk, juillet 1937:
«Le 23 juillet j’étais à l’embarcadère de Batourino, où j’ai reconnu le pope Pribylov. Il avait rassemblé autour de lui six personnes, surtout des vieux. Il disait : « Les kolhoziens vivent très mal aujourd’hui. Les adultes reçoivent tout au plus un kg de céréales par journée de travail (unité de comptage ne correspondant pas au temps de travail, N.K.), et les enfants rien du tout. Est-ce une vie ? »
L’approche est certes nouvelle, mais quant à l’envergure du processus ceux qui se souviennent de La grande terreur de Robert Conquest et, bien sûr, de l’Archipel ne feront pas de grandes découvertes, si ce n’est celle du déchaînement de cruauté chez les bourreaux du NKVD qui a atteint un paroxysme tel qu’il est difficile d’en trouver des précédents dans l’histoire. Les musées de la torture au Moyen Age font piètre figure comparés aux prisons et aux « polygones » du NKVD.
Comment le nombre des évêques en chaire s’est-il en ex URSS réduit à quatre en 1940 ?
Nicolas Werth a des réponses.En page 172, la déposition d’un comptable de kolkhoz de la région de Tomsk, juillet 1937:
«Le 23 juillet j’étais à l’embarcadère de Batourino, où j’ai reconnu le pope Pribylov. Il avait rassemblé autour de lui six personnes, surtout des vieux. Il disait : « Les kolhoziens vivent très mal aujourd’hui. Les adultes reçoivent tout au plus un kg de céréales par journée de travail (unité de comptage ne correspondant pas au temps de travail, N.K.), et les enfants rien du tout. Est-ce une vie ? »
Il discutait aussi de la dernière résolution du gouvernement concernant la diminution des collectes d’État sur la production des kolkhoz, disant que toutes ces mesures n’étaient que de la poudre aux yeux, l’État faisant semblant de pardonner aux paysans, alors que c’est lui qui les pille. Concernant la Constitution, il disait que là aussi tout est tromperie, elle n’a rien donné aux kolkhoziens. On y promet la liberté de culte, mais l’Église est bâillonnée, écrasée d’impôts, tout est bourrage de crâne ».
Autre déposition :
« N’allant jamais à la messe, ce que je vais dire, je le sais par ma belle-sœur qui fréquente l’église. Au sermon le pope a dit: Le Christ redescendra bientôt sur terre et les pêcheurs seront punis, ils sont particulièrement nombreux dans notre Union Soviétique, seul pays athée au monde et tous ceux qui se sont détournés de Dieu iront en enfer ». Ces propos montrent bien que le pope tenait un discours antisoviétique. Une autre fois il a dit : « Avant on vivait mieux. C’est parce qu’on croyait en Dieu, il n’y avait pas de queues et beaucoup plus de produits dans les magasins. Tandis que maintenant on a les kolkhoz et on n’a plus rien. Et tout ça parce qu’on a oublié Dieu ».
Le prêtre en question reçut une balle dans la nuque dans les dix jours qui suivirent la fin de l’instruction de son dossier.
Au chapitre « Les victimes », p. 257, ce qui suit:
« Le premier groupe à risque, où les probabilités d’être arrêté étaient particulièrement élevées était le clergé. Au recensement de janvier 1937, 31.298 serviteurs des cultes avaient été comptabilisés dans tout le pays. Le chiffre de 45.000 membres du clergé réprimés, qui figure dans le statistiques centrales du NKVD, sans doute « gonflé » - comme les chiffres de tous les « groupes sociaux requis » - doit évidemment être corrigé à la baisse ; en effet, y ont été inclus les « conseils de paroissiens », ainsi que les « membres des sectes » (baptistes, évangélistes, pentecôtistes), spécifiquement visés aux côtés des cléricaux, dans la directive du NKVD N° 00447. Même réduits à une trentaine de milliers ce chiffre signifierait un anéantissement, à 90% des membres du clergé…
Nous avons vu dans le premier chapitre les raisons pour lesquelles en 1937, le clergé «était perçu par les autorités comme une menace et ses membres comme autant « d’activistes contre-révolutionnaires ». Même très affaiblie, l’Église orthodoxe était considérée comme la dernière structure organisée, avec sa hiérarchie, ses réseaux, son vivier (les conseils de paroissiens) existant encore dans le pays, en dehors du parti communiste et de ses « organisations sociales » (syndicats, unions professionnelles, etc).L’existence même de ces structures étroitement surveillées, voire noyautées, par la police politique faisait des membres du clergé systématiquement fichés par la police, une cible idéale; elle permettait, en outre, aux tchékistes entreprenants et inventifs de construire de formidables conspirations, englobant des dizaines, voire des centaines de participants.
En cette période grand carême pensons aux prêtres, aux fidèles qui ont eu l’héroïsme de témoigner de leur foi orthodoxe pendant, avant et après la « grande terreur » (alors que le reste de la société en avait été, pour l’essentiel, réduite à ne rêver que de survie), jusqu’en 1991: comment douter que c’est l’intensité de leur foi et tout ce qu’ils ont eu à endurer qui ont triomphé du communisme athée bien plus que « la guerre des étoiles » et les cours de « l’or noir » ?
Nikita Krivochéine
Photo: Un tableau de Xénia Krivochéine.
Autre déposition :
« N’allant jamais à la messe, ce que je vais dire, je le sais par ma belle-sœur qui fréquente l’église. Au sermon le pope a dit: Le Christ redescendra bientôt sur terre et les pêcheurs seront punis, ils sont particulièrement nombreux dans notre Union Soviétique, seul pays athée au monde et tous ceux qui se sont détournés de Dieu iront en enfer ». Ces propos montrent bien que le pope tenait un discours antisoviétique. Une autre fois il a dit : « Avant on vivait mieux. C’est parce qu’on croyait en Dieu, il n’y avait pas de queues et beaucoup plus de produits dans les magasins. Tandis que maintenant on a les kolkhoz et on n’a plus rien. Et tout ça parce qu’on a oublié Dieu ».
Le prêtre en question reçut une balle dans la nuque dans les dix jours qui suivirent la fin de l’instruction de son dossier.
Au chapitre « Les victimes », p. 257, ce qui suit:
« Le premier groupe à risque, où les probabilités d’être arrêté étaient particulièrement élevées était le clergé. Au recensement de janvier 1937, 31.298 serviteurs des cultes avaient été comptabilisés dans tout le pays. Le chiffre de 45.000 membres du clergé réprimés, qui figure dans le statistiques centrales du NKVD, sans doute « gonflé » - comme les chiffres de tous les « groupes sociaux requis » - doit évidemment être corrigé à la baisse ; en effet, y ont été inclus les « conseils de paroissiens », ainsi que les « membres des sectes » (baptistes, évangélistes, pentecôtistes), spécifiquement visés aux côtés des cléricaux, dans la directive du NKVD N° 00447. Même réduits à une trentaine de milliers ce chiffre signifierait un anéantissement, à 90% des membres du clergé…
Nous avons vu dans le premier chapitre les raisons pour lesquelles en 1937, le clergé «était perçu par les autorités comme une menace et ses membres comme autant « d’activistes contre-révolutionnaires ». Même très affaiblie, l’Église orthodoxe était considérée comme la dernière structure organisée, avec sa hiérarchie, ses réseaux, son vivier (les conseils de paroissiens) existant encore dans le pays, en dehors du parti communiste et de ses « organisations sociales » (syndicats, unions professionnelles, etc).L’existence même de ces structures étroitement surveillées, voire noyautées, par la police politique faisait des membres du clergé systématiquement fichés par la police, une cible idéale; elle permettait, en outre, aux tchékistes entreprenants et inventifs de construire de formidables conspirations, englobant des dizaines, voire des centaines de participants.
En cette période grand carême pensons aux prêtres, aux fidèles qui ont eu l’héroïsme de témoigner de leur foi orthodoxe pendant, avant et après la « grande terreur » (alors que le reste de la société en avait été, pour l’essentiel, réduite à ne rêver que de survie), jusqu’en 1991: comment douter que c’est l’intensité de leur foi et tout ce qu’ils ont eu à endurer qui ont triomphé du communisme athée bien plus que « la guerre des étoiles » et les cours de « l’or noir » ?
Nikita Krivochéine
Photo: Un tableau de Xénia Krivochéine.
Rédigé par Nikita Krivochéine le 16 Mars 2012 à 15:00
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