Le petit SERJIK « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ( partie 2)
Par la moniale Serafima /Antonina Ossorguine/ Traduction du russe par Nikita Krivocheine

Tous étaient étonnés par la profondeur et la sincérité de sa foi.

Un jour, sa mère lui avait demandé de prier pour sa sœur, souffrante, et pour lui-même. Tous les deux avaient une forte fièvre et très mal à la gorge. Serjik accomplit ce souhait, le lendemain matin sa sœur et lui étaient complètement guéris et vinrent assister à la liturgie de l’entrée du Seigneur à Jérusalem. Souvent il disait « Il ne faut pas faire venir le médecin, il faut prier et tout s’arrangera ».

Serjik s’accoutume très tôt à la vie en Eglise, il était garçon d’autel à la cathédrale de la rue Daru. Lorsqu’il avait sept ans son père fut ordonné diacre. Le petit se tenait toujours dans les chœurs. Plus jamais il ne s’éloignait de son père, il voulait toujours être à ses côtés lors des offices. Son visage était radieux, de nombreux prêtres et fidèles n’arrivaient pas à en détacher le regard. L’évêque Vladimir de Nice avait tout particulièrement remarqué la luminosité de ce visage enfantin.

Le petit SERJIK « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ( partie 2)
Photo: père Boris Stark

Après l’ordination du père Boris Serjik l’appréhendait comme une personne spirituelle, sacrée et non simplement comme un papa. Il le secondait toujours en tant que garçon d’autel, se tenait à ses côtés.

Ils formaient un couple touchant : le père Boris, de très grande taille, et le petit personnage en chasuble à côté, avec son tendre profil enfantin et ses yeux noirs, très attentifs. Jamais Serjik ne se laissait aller à faire des farces dans l’église. Il se donnait entièrement à la célébration. Il arrive de constater chez certains garçons d’autel un côté quelque peu théâtral. Souvent ils s’amusent avec les cierges, soufflent dans l’encensoir, c’est pour eux un jeu parmi d’autres. Serjik avait toujours une expression particulière reflétant une concentration intérieure, c’était une véritable transfiguration d’un garçonnet rieur en authentique orant.

Il disait : « Mon père et moi, nous célébrons ». Jamais il ne s’ennuyait à l’église.

Encore tout petit il ne se fatiguait jamais, même lors des très longs offices du Grand Carême. Sa mère se souvenait de lui, alors âgé de cinq ans à la cathédrale de la rue Daru, à la liturgie de Sainte Marie l’Egyptienne. Sa maman se pencha vers lui pour demander s’il ne voulait pas s’asseoir. Il chuchota en réponse : « Je ne suis pas du tout fatigué. Je dis la prière de Jésus et l’office ne m’ennuie pas du tout ». Personne ne savait où il avait appris la prière de Jésus, même ses parents. Une réponse se trouva plus tard : la grand-mère de Serjik avait été malade et était décédée dans leur maison. Il était très attaché à sa grand-mère et restait toujours assis à côté d’elle lorsque le père venait prier à son chevet. Il chuchotait « Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu aie pitié de moi pécheur et pardonne moi… », ces mots dont il se souvint pour toujours.

Serjik rêvait d’avoir son propre chapelet, à l’instar de celui de son père. Mais ses parents ne cédaient pas car ils avaient le sentiment que ce désir n’était pas naturel mais relevait des apparences. Une fois il fit part de son souhait au père Serge Moussine-Pouchkine. Celui-ci lui offrit en cadeau un petit chapelet de vingt grains. Serjik le montra à sa mère. Elle le prit en disant qu’elle aller l’accrocher à côté des icônes mais qu’elle ne permettait pas de sortir le chapelet de la chambre. Serjik accepta. On pouvait souvent le voir à tout temps se tenant devant les icônes avec son rosaire. Après avoir prié il le remettait à sa place. Sa prière était toujours ardente, si l’on peut dire réfléchie. Après le décès de sa grand-mère il ne parvint pas pendant longtemps à la mentionner parmi les défunts, pour lui elle restait vivante.

Devenu adolescent il lui arrivait de paraître changé après avoir communié. Il devenait silencieux, n’adressait la parole à personne, se retirait dans un coin et y restait pendant longtemps.

Le petit SERJIK « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ( partie 2)
Un dessin de Serjik: Le métropolite Euloge célèbre une panikhide

Serjik aimait dessiner sans que l’on puisse dire que ses dessins étaient très réussis.

Même pour son âge ses croquis paraissaient un peu primitifs. Les seuls sujets qu’il choisissait étaient des églises, des crucifix, des tombes, des prêtres, des enfants tenant des branches de laurier. Il lui était interdit de représenter le Sauveur car ses dessins n’étaient pas d’une grande beauté. Il ne réussissait pas à s’en abstenir et persévérait.

Parmi ses sujets qui n’étaient pas tous d’ordre religieux, il y avait divers petits animaux. Ces dessins lui tenaient à cœur. Il rangeait un petit sac dans ses jouets préférés des nounours, des petits lapins, des chiens, des chevaux qu’il alignait sur la table et les dessinait. Son préféré était Yachka, un grand singe en peluche, il était tout chiffonné et pelé, Serjik ne s’en séparait jamais, il dormait avec lui. Ce n’est qu’à l’article de la mort qu’il dut s’en séparer.

Ce serait une erreur de croire que le petit garçon n’appartenait pas à ce monde. C’était le plus gai et le plus vivant de tous les enfants que je connaissais. En 1939, dernier été de sa vie, à Elancourt, il s’attacha à moi et se mit à me nommer « ma tante » et me considérait comme de sa famille.

L’époque était difficile, trouble, la proximité de la guerre se faisait sentir, elle était pour ainsi dire dans l’air. Le père Boris devait se rendre à Paris. Son épouse ne voulait pas le laisser partir seul, d’autant plus qu’elle devait elle-même consulter un médecin. Ils me prièrent de rester deux ou trois jours avec les enfants. Nous les accompagnâmes jusqu’à l’autocar. Les petits faisaient des signes de la main à leurs parents jusqu’à ce que le véhicule ne disparaisse dans un tournant.

Véra, la sœur ainée de Serjik, m’embrassa et me dit qu’elle allait passer la nuit dans le lit de sa maman et s’empressa de rejoindre ses amies dans la colo. Serjik dit qu’il n’irait pas dans la colonie, qu’il voudrait rester avec moi, qu’il voulait rédiger une lettre à sa maman, mais sur un papier lui appartenant et la mettre dans une enveloppe lui appartenant également. De retour dans ma chambre je me mis à lire, Serjik s’assit et commença à écrire sa lettre.

Le petit SERJIK « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ( partie 2)
Photo: Serjik et Vera Stark

Je l’observais, je regardais sa tête brune penchée par-dessus le col de sa veste de matelot, il chuchotait s’aidant ainsi à écrire. Ses joues étaient rougies par l’effort. Il n’excellait pas en orthographe et m’apporta son écrit pour vérification. Je me souviens de cette lettre par cœur : « Ma chère petite maman, mon chaton ! Comment es-tu arrivée ? Comment est arrivé mon cher petit papa ? Quand je vous quittais je faisais semblant de rire mais à l’intérieur de moi-même je versais des larmes. Je vous écris de chez tante Tonia, ce n’est que là que je trouve des consolations dans ma tristesse… »

Puis il dit : « j’écrirai chaque jour ». Le lendemain il accourut, se mit à table et commença : « Chère petite maman ! ». Puis il s’arrêta, le temps était si beau qu’il avait très envie d’aller courir dans la forêt. Ces quelques mots de cette lettre inachevée restent dans le bloc-notes.

Deux jours plus tard ses parents étaient de retour. C’est à Elancourt que nous apprîmes que la guerre venait d’être déclarée. Les parents se demandaient avec anxiété que fallait-il faire des enfants, que se passera-t-il en hiver ? Plusieurs fois par jours ils changeaient d’avis.
À suivre sur PO ICI>>> Partie 1

Le petit SERJIK « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ( partie 2)
Photo: 1939, procession Pascale à l'institut de théologie Saint Serge à Paris. Au premier rang Serjik Stark, suivi par le lecteur Georges Abachev avec un pain Artos

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 15 Juin 2021 à 21:57 | 2 commentaires | Permalien



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