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Traduit par Laurence Guillon
Sur Bogoslov.ru un texte de Nikita et Xenia Krivochéine consacré aux conflits interethniques et interconfessionnels.
La Horde « qui n’est pas d’or » (1)
Nous venons de passer à Moscou six jours, du 4 au 11 décembre. On nous avait invités aux fêtes commémoratives dans « la Maison de la Russie à l’étranger Alexandre Soljenitsyne ». Il y eut des spectacles, des rencontres, des offices funèbres au cimetière du monastère Donskoï pour les victimes de la guerre civile, et le 8 décembre, nous nous rendîmes à la soirée en mémoire des déportés du camp des Solovki (SLON), dans la cathédrale du Christ-Sauveur.
Là, nous vîmes des visages sympathiques, entendîmes des paroles émouvantes, une jeunesse qui n’était pas indifférente. Cette jeune génération qui aime la Russie, s’inquiète de son avenir, et ne se moque pas de la façon dont les historiens parleront de notre patrie.
Sur Bogoslov.ru un texte de Nikita et Xenia Krivochéine consacré aux conflits interethniques et interconfessionnels.
La Horde « qui n’est pas d’or » (1)
Nous venons de passer à Moscou six jours, du 4 au 11 décembre. On nous avait invités aux fêtes commémoratives dans « la Maison de la Russie à l’étranger Alexandre Soljenitsyne ». Il y eut des spectacles, des rencontres, des offices funèbres au cimetière du monastère Donskoï pour les victimes de la guerre civile, et le 8 décembre, nous nous rendîmes à la soirée en mémoire des déportés du camp des Solovki (SLON), dans la cathédrale du Christ-Sauveur.
Là, nous vîmes des visages sympathiques, entendîmes des paroles émouvantes, une jeunesse qui n’était pas indifférente. Cette jeune génération qui aime la Russie, s’inquiète de son avenir, et ne se moque pas de la façon dont les historiens parleront de notre patrie.
Oui, tous disaient qu’on ne pourrait plus les tromper, que le Devoir de Mémoire ne consistait pas à altérer les terribles évènements de la terreur rouge, mais à les rappeler et à en transmettre le souvenir aux générations suivantes. On évoqua les Nouveaux Martyrs, la façon dont ils ont été célébrés et presque aussitôt mis de coté, beaucoup de livres ont été publiés à leur sujet qui se couvrent maintenant de poussière sur les étagères des librairies, que des souffrances de ces anges innocents on se souvenait bien peu. Le poète Iouri Koublanovski raconta sa visite de la région d’Iaroslavl, dans les années 90, quand il prit part à la mise en place d’une croix sur l’emplacement d’un charnier datant de la « grande terreur » récemment découvert. On y fit alors une route destinée aux pèlerins avec un panneau indicateur. Tout récemment, Koublanovski, revenu sur place, vit qu’il n’y avait plus ni croix, ni panneau, et qu’à leur place avait poussé une mauvaise herbe d’un drôle de genre, d’armatures métalliques et de béton.
Nous pouvons constater avec douleur que la pierre amenée des Solovki et dressée sur la place de la Loubianka est en déshérence. Les inscriptions en sont effacées et sont à peine lisibles. D’ici quelques temps, les générations suivantes passeront à côté dans la plus totale indifférence.
Et là, comment ne pas pleurer de honte pour son peuple oublieux, et ne pas comparer avec un autre Devoir de Mémoire, celui des détenus victimes du nazisme ? En ce qui concerne les juifs qui ont péri dans les camps de la mort, ce « cierge » se transmet de génération en génération : on parle encore et encore de Treblinka et d’Auschwitz. Dans la presse occidentale, il ne se passe pas de jours sans qu’on rappelle les crimes du nazisme, des bourreaux recherchés depuis des décennies continuent à être démasqués, des compensations matérielles sont réclamées.
Est-il possible, alors, que nous soyons des « Ivan qui oublient leurs parents » ? Et il n’est pas ici question de pardon chrétien des offenses mais d’indifférence absolue à ce que le pays a souffert.
Le jour de notre départ de Moscou, on nous envoya une voiture pour nous amener à l’aéroport.
Il commençait à neiger énormément, et nous mîmes trois heures à rallier Cheremetièvo. La conversation avec le chauffeur nous plongea dans la stupeur et l’effroi. Son monologue méritait un enregistrement. Mais même si nous avions eu un dictaphone, nous n’aurions pas osé nous en servir, de peur de ne pas trouver le chemin de la pharmacie et de l’hôpital les plus proches. C’était un gars d’environ 40 ans, grand, fort, qui « avait servi dans la milice, mais en était parti, parce qu’il n’en pouvait plus de voir de sang ni de se réveiller la nuit à cause de ses cauchemars, la vie familiale et les enfants sont plus précieux que la carrière et l’argent, il avait préféré faire le chauffeur. Non, il n’était jamais allé à l’étranger, il n’y avait pas mieux que notre Russie, il allait se reposer avec sa famille dans le Kouban. Il fallait chasser tous les Caucasiens de Moscou, le pouvoir, chez nous, était trop faible. Le théâtre et les shows télévisés étaient tous entre les mains de la confrérie « non slave ». Il le fallait depuis longtemps, se rappeler Staline et ses lois, et fourrer tout ce monde dans des culs de basse-fosse ou en Sibérie. Mais le pouvoir continuait à faire le libéral, on avait importé la démocratie, imposée par les Américains, les juifs et les musulmans. Et d’ailleurs, il avait toujours avec lui un gourdin en cas de problème avec cette « racaille ».
Ainsi nous allâmes pendant trois heures, dans l’espace clos de cette Mercedes… Et tout autour de nous, la splendeur, à travers la fenêtre, l’enchantement de la forêt enneigée. Échangeant des regards nous posions à ce gars différentes questions, et nous recevions des réponses sidérantes. Un instituteur méritant ou bien un vétéran de l’époque communiste aurait dit que l’école d’aujourd’hui est coupable de tout, car elle a perdu le contrôle de la jeunesse, qui ne connaît ni Tolstoï ni Tchékhov, et qu’ici seuls Dzerjinski et Makarenko pourraient redresser la situation… Mais ils se tromperaient aussi bien l’un que l’autre, l’instituteur et le vétéran, ce sont précisément de tels communistes purs et durs qui ont élevé (mais comment ?) ce genre « d’hybride », imprégné de haine pour le monde entier.
Nous étions à peine rentrés à Paris que la télévision nous montrait la révolte des « supporteurs » en plein centre de Moscou, et nous nous sommes souvenus de notre chauffeur.
Autre chose nous étonne, que ce phénomène de haine interconfessionnelle ait pu si longtemps couver sans que non seulement personne n’en parle mais sans que personne ne se soit préparé à une telle émeute. Ce conflit interethnique a depuis longtemps mûri et s’est installé dans les rues des capitales européennes (à part, pour l’instant, en Allemagne, où le souvenir du nazisme est fort ), et où le pouvoir s’efforce de ne pas permettre de tueries interethniques. Et même là, récemment, est sorti le livre dirigé contre l’immigration du ministre Tillo Sarrazin ( ! ) « La fin prochaine de l’Allemagne ». En France, la jeunesse de couleur, venue d’Afrique du Nord, c’est la troisième génération issue de modestes travailleurs, vivant principalement dans les banlieues, sur les allocations sociales et le trafic de drogue, constituée en bandes, parmi lesquelles figurent aussi des rassemblements de filles (d’ailleurs terriblement violentes). Ils brûlent périodiquement des voitures, pillent des magasins. Ces bandes sont armées jusqu’aux dents, et l’âge des criminels baisse d’année en année. Voici que dernièrement, un garçon de 12 ans a poignardé son institutrice qui l’avait mal noté en littérature. Habituellement, pour provoquer une émeute déchaînée et impitoyable, il suffit de la plus petite étincelle. Au printemps, une voiture de police poursuivait les voleurs d’un scooter, l’un d’eux fut blessé par une balle de caoutchouc, on les a arrêtés, et c’est parti… Et il y a quelques années, des vendeurs de drogues avaient échappé à la police en se cachant dans un transformateur, et y avaient brûlé. La faute en revint aux policiers, qui furent jugés, et condamnés à des peines avec sursis… Les foules « multicolores » avaient parcouru les villes de France en balayant tout sur leur passage.
Aujourd’hui, le téléphone portable est le meilleur organisateur et inspirateur de révoltes déchaînées. Pour cela, il n’est plus nécessaire d’éditer en Suisse « L’étincelle (journal des bolcheviks émigrés) ». La police française a appris à se préparer à de tels pogroms (comme aux incendies de forêt, d’ailleurs). Parmi la jeunesse criminelle, il y a beaucoup d’indicateurs, la police dispose d’un service spécial pour noyauter les bandes criminelles. Tous les efforts d’intégration accomplis pendant des décennies par le gouvernement et la société se sont soldés par une défaite !
On leur a construit de superbes immeubles municipaux, des écoles, des stades, des clubs, des centres d’informatique, mais lors des révoltes, ils brûlent précisément ces écoles, ces clubs et ces établissements sportifs… C’est là vraiment « le choc des civilisations » ? Il était de bon ton de railler Fukuyama, au temps de l’effondrement de l’Union Soviétique. C’était sans doute un tort…
Bien sûr, en Occident comme en Russie, il y a des masses d’immigrés tout à fait honorables. Ce sont de paisibles travailleurs, ils étudient, font toutes sortes d’efforts, loin de « l’agitation de ce monde ». Mais ce sont eux qui, bien souvent, au moment des explosions et des émeutes, servent de boucs émissaires.
Que peut-on faire en Russie ? Voilà que cette vague a roulé jusqu’à elle. Dire que c’est là la conséquence d’une mauvaise politique et qu’on a fait une boulette ? Il est trop facile de donner des conseils, ils ne valent rien.
Dire que l’Eglise ne réagit pas de façon adéquate, et qu’elle ne porte plus la bonne parole évangélique ? Ce n’est pas cela non plus. Ses interventions sont diverses. Il y a, bien sûr, au sein du clergé des extrémistes, comme ce diacre moscovite « d’airain » très médiatisé.
Il ne faut pas oublier que la Quatrième Guerre Mondiale se déroule depuis longtemps, et qu’elle a commencé en Afghanistan. Le papa et la maman de l’islamisme, c’est le Politburo, décidant d’envoyer un « contingent limité » dans les montagnes afghanes. Les Etats-Unis (on était alors en pleine guerre froide ) réagirent en se mettant à armer les moudjahidines, et parmi eux, le jeune Ben Laden. La suite en découla… l’Irak, l’Iran, et, bien sûr, la Tchétchénie, avec des combattants venus de tout le monde musulman.
Les terroristes kamikazes se promènent dans le monde entier, et cela fait froid dans le dos de penser à ce qui se passera, si les « hordes d’or » continuent à financer des bandes islamo-caucasiennes, tandis que la « horde qui n’est pas d’or », celle du pouvoir central, avec le camarade Staline sur ses bannières, s’efforcera de soutenir le clan adverse… celui auquel pouvait parfaitement appartenir notre « gentil » chauffeur.
La foule, comme l’incendie, peut échapper au contrôle et devenir ingouvernable, et alors c’est tout le monde qui prendra. Le jeu qui s’exerce sur les bas instincts des « siens » et des « autres », des « blancs », des « noirs », « des émigrants sans droits ou des Moscovites de pure souche » est répugnant et a toujours amené au désastre ceux-là mêmes qui le commanditent.
Et pourtant, jusque là, des vétérans de l’armée ou du travail essuient une larme quand la télé montre pour la énième fois « le Cirque », ou « la Porchère et le Berger », films de 1937 (une histoire d’amour entre une villageoise russe et l’habitant d’un aoul de Ciscaucasie : à l’ère Staline l’amitié entre les peuples est indéfectible, et il n’y a plus ni hellènes ni juifs, et l’on porte un toast au « grand peuple russe », et les marchés avec des vendeurs exclusivement d’origine slave. Les secrétaires en second des Comités Centraux des Républiques sont Russes. Les allogènes sont admis en priorité à l’université.
La campagne antisémite contre « le cosmopolitisme » n’a duré guère plus de 4 ans. Cinquième point (mention de l’origine ethnique) ou pas, il y a des gens qui regrettent sincèrement une société où la terreur aveugle aidait à oublier la conscience de l’appartenance ethnique. La conscience confessionnelle étant de toute façon tabou.
Mais dans les années 90, tomba, comme « l’étoile absinthe », la maudite liberté : chassez le naturel, il revient au galop. Les passions interethniques accumulées, même sans migrations massives, explosèrent avec une intensité dont n’auraient rêvé ni le Pen, ni lord Mosley.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais il est certain qu’ici, on ne s’en sortira pas avec les seules unités spéciales. La Russie est un pays énorme. Mais comme nous le disait le poète Tioutchev, « la Russie ne peut ni être comprise ni être mesurée à l’aune commune, il nous faut croire en elle ».
Et croire également en une autre jeunesse, celle que nous avons rencontrée à la soirée des Solovki. Celle-ci a lu Tchékhov et Soljenitsyne, elle reçoit l’Eucharistie, elle élève ses enfants dans le sein de l’Eglise, et va s’incliner devant les Nouveaux Martyrs au polygone de Boutovo. Cette jeunesse n’a certainement pas appris l’histoire de son pays dans les manuels scolaires, la vérité, elle la trouve plutôt en les contournant.
(1) La Horde d'or et la Russie
Nous pouvons constater avec douleur que la pierre amenée des Solovki et dressée sur la place de la Loubianka est en déshérence. Les inscriptions en sont effacées et sont à peine lisibles. D’ici quelques temps, les générations suivantes passeront à côté dans la plus totale indifférence.
Et là, comment ne pas pleurer de honte pour son peuple oublieux, et ne pas comparer avec un autre Devoir de Mémoire, celui des détenus victimes du nazisme ? En ce qui concerne les juifs qui ont péri dans les camps de la mort, ce « cierge » se transmet de génération en génération : on parle encore et encore de Treblinka et d’Auschwitz. Dans la presse occidentale, il ne se passe pas de jours sans qu’on rappelle les crimes du nazisme, des bourreaux recherchés depuis des décennies continuent à être démasqués, des compensations matérielles sont réclamées.
Est-il possible, alors, que nous soyons des « Ivan qui oublient leurs parents » ? Et il n’est pas ici question de pardon chrétien des offenses mais d’indifférence absolue à ce que le pays a souffert.
Le jour de notre départ de Moscou, on nous envoya une voiture pour nous amener à l’aéroport.
Il commençait à neiger énormément, et nous mîmes trois heures à rallier Cheremetièvo. La conversation avec le chauffeur nous plongea dans la stupeur et l’effroi. Son monologue méritait un enregistrement. Mais même si nous avions eu un dictaphone, nous n’aurions pas osé nous en servir, de peur de ne pas trouver le chemin de la pharmacie et de l’hôpital les plus proches. C’était un gars d’environ 40 ans, grand, fort, qui « avait servi dans la milice, mais en était parti, parce qu’il n’en pouvait plus de voir de sang ni de se réveiller la nuit à cause de ses cauchemars, la vie familiale et les enfants sont plus précieux que la carrière et l’argent, il avait préféré faire le chauffeur. Non, il n’était jamais allé à l’étranger, il n’y avait pas mieux que notre Russie, il allait se reposer avec sa famille dans le Kouban. Il fallait chasser tous les Caucasiens de Moscou, le pouvoir, chez nous, était trop faible. Le théâtre et les shows télévisés étaient tous entre les mains de la confrérie « non slave ». Il le fallait depuis longtemps, se rappeler Staline et ses lois, et fourrer tout ce monde dans des culs de basse-fosse ou en Sibérie. Mais le pouvoir continuait à faire le libéral, on avait importé la démocratie, imposée par les Américains, les juifs et les musulmans. Et d’ailleurs, il avait toujours avec lui un gourdin en cas de problème avec cette « racaille ».
Ainsi nous allâmes pendant trois heures, dans l’espace clos de cette Mercedes… Et tout autour de nous, la splendeur, à travers la fenêtre, l’enchantement de la forêt enneigée. Échangeant des regards nous posions à ce gars différentes questions, et nous recevions des réponses sidérantes. Un instituteur méritant ou bien un vétéran de l’époque communiste aurait dit que l’école d’aujourd’hui est coupable de tout, car elle a perdu le contrôle de la jeunesse, qui ne connaît ni Tolstoï ni Tchékhov, et qu’ici seuls Dzerjinski et Makarenko pourraient redresser la situation… Mais ils se tromperaient aussi bien l’un que l’autre, l’instituteur et le vétéran, ce sont précisément de tels communistes purs et durs qui ont élevé (mais comment ?) ce genre « d’hybride », imprégné de haine pour le monde entier.
Nous étions à peine rentrés à Paris que la télévision nous montrait la révolte des « supporteurs » en plein centre de Moscou, et nous nous sommes souvenus de notre chauffeur.
Autre chose nous étonne, que ce phénomène de haine interconfessionnelle ait pu si longtemps couver sans que non seulement personne n’en parle mais sans que personne ne se soit préparé à une telle émeute. Ce conflit interethnique a depuis longtemps mûri et s’est installé dans les rues des capitales européennes (à part, pour l’instant, en Allemagne, où le souvenir du nazisme est fort ), et où le pouvoir s’efforce de ne pas permettre de tueries interethniques. Et même là, récemment, est sorti le livre dirigé contre l’immigration du ministre Tillo Sarrazin ( ! ) « La fin prochaine de l’Allemagne ». En France, la jeunesse de couleur, venue d’Afrique du Nord, c’est la troisième génération issue de modestes travailleurs, vivant principalement dans les banlieues, sur les allocations sociales et le trafic de drogue, constituée en bandes, parmi lesquelles figurent aussi des rassemblements de filles (d’ailleurs terriblement violentes). Ils brûlent périodiquement des voitures, pillent des magasins. Ces bandes sont armées jusqu’aux dents, et l’âge des criminels baisse d’année en année. Voici que dernièrement, un garçon de 12 ans a poignardé son institutrice qui l’avait mal noté en littérature. Habituellement, pour provoquer une émeute déchaînée et impitoyable, il suffit de la plus petite étincelle. Au printemps, une voiture de police poursuivait les voleurs d’un scooter, l’un d’eux fut blessé par une balle de caoutchouc, on les a arrêtés, et c’est parti… Et il y a quelques années, des vendeurs de drogues avaient échappé à la police en se cachant dans un transformateur, et y avaient brûlé. La faute en revint aux policiers, qui furent jugés, et condamnés à des peines avec sursis… Les foules « multicolores » avaient parcouru les villes de France en balayant tout sur leur passage.
Aujourd’hui, le téléphone portable est le meilleur organisateur et inspirateur de révoltes déchaînées. Pour cela, il n’est plus nécessaire d’éditer en Suisse « L’étincelle (journal des bolcheviks émigrés) ». La police française a appris à se préparer à de tels pogroms (comme aux incendies de forêt, d’ailleurs). Parmi la jeunesse criminelle, il y a beaucoup d’indicateurs, la police dispose d’un service spécial pour noyauter les bandes criminelles. Tous les efforts d’intégration accomplis pendant des décennies par le gouvernement et la société se sont soldés par une défaite !
On leur a construit de superbes immeubles municipaux, des écoles, des stades, des clubs, des centres d’informatique, mais lors des révoltes, ils brûlent précisément ces écoles, ces clubs et ces établissements sportifs… C’est là vraiment « le choc des civilisations » ? Il était de bon ton de railler Fukuyama, au temps de l’effondrement de l’Union Soviétique. C’était sans doute un tort…
Bien sûr, en Occident comme en Russie, il y a des masses d’immigrés tout à fait honorables. Ce sont de paisibles travailleurs, ils étudient, font toutes sortes d’efforts, loin de « l’agitation de ce monde ». Mais ce sont eux qui, bien souvent, au moment des explosions et des émeutes, servent de boucs émissaires.
Que peut-on faire en Russie ? Voilà que cette vague a roulé jusqu’à elle. Dire que c’est là la conséquence d’une mauvaise politique et qu’on a fait une boulette ? Il est trop facile de donner des conseils, ils ne valent rien.
Dire que l’Eglise ne réagit pas de façon adéquate, et qu’elle ne porte plus la bonne parole évangélique ? Ce n’est pas cela non plus. Ses interventions sont diverses. Il y a, bien sûr, au sein du clergé des extrémistes, comme ce diacre moscovite « d’airain » très médiatisé.
Il ne faut pas oublier que la Quatrième Guerre Mondiale se déroule depuis longtemps, et qu’elle a commencé en Afghanistan. Le papa et la maman de l’islamisme, c’est le Politburo, décidant d’envoyer un « contingent limité » dans les montagnes afghanes. Les Etats-Unis (on était alors en pleine guerre froide ) réagirent en se mettant à armer les moudjahidines, et parmi eux, le jeune Ben Laden. La suite en découla… l’Irak, l’Iran, et, bien sûr, la Tchétchénie, avec des combattants venus de tout le monde musulman.
Les terroristes kamikazes se promènent dans le monde entier, et cela fait froid dans le dos de penser à ce qui se passera, si les « hordes d’or » continuent à financer des bandes islamo-caucasiennes, tandis que la « horde qui n’est pas d’or », celle du pouvoir central, avec le camarade Staline sur ses bannières, s’efforcera de soutenir le clan adverse… celui auquel pouvait parfaitement appartenir notre « gentil » chauffeur.
La foule, comme l’incendie, peut échapper au contrôle et devenir ingouvernable, et alors c’est tout le monde qui prendra. Le jeu qui s’exerce sur les bas instincts des « siens » et des « autres », des « blancs », des « noirs », « des émigrants sans droits ou des Moscovites de pure souche » est répugnant et a toujours amené au désastre ceux-là mêmes qui le commanditent.
Et pourtant, jusque là, des vétérans de l’armée ou du travail essuient une larme quand la télé montre pour la énième fois « le Cirque », ou « la Porchère et le Berger », films de 1937 (une histoire d’amour entre une villageoise russe et l’habitant d’un aoul de Ciscaucasie : à l’ère Staline l’amitié entre les peuples est indéfectible, et il n’y a plus ni hellènes ni juifs, et l’on porte un toast au « grand peuple russe », et les marchés avec des vendeurs exclusivement d’origine slave. Les secrétaires en second des Comités Centraux des Républiques sont Russes. Les allogènes sont admis en priorité à l’université.
La campagne antisémite contre « le cosmopolitisme » n’a duré guère plus de 4 ans. Cinquième point (mention de l’origine ethnique) ou pas, il y a des gens qui regrettent sincèrement une société où la terreur aveugle aidait à oublier la conscience de l’appartenance ethnique. La conscience confessionnelle étant de toute façon tabou.
Mais dans les années 90, tomba, comme « l’étoile absinthe », la maudite liberté : chassez le naturel, il revient au galop. Les passions interethniques accumulées, même sans migrations massives, explosèrent avec une intensité dont n’auraient rêvé ni le Pen, ni lord Mosley.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais il est certain qu’ici, on ne s’en sortira pas avec les seules unités spéciales. La Russie est un pays énorme. Mais comme nous le disait le poète Tioutchev, « la Russie ne peut ni être comprise ni être mesurée à l’aune commune, il nous faut croire en elle ».
Et croire également en une autre jeunesse, celle que nous avons rencontrée à la soirée des Solovki. Celle-ci a lu Tchékhov et Soljenitsyne, elle reçoit l’Eucharistie, elle élève ses enfants dans le sein de l’Eglise, et va s’incliner devant les Nouveaux Martyrs au polygone de Boutovo. Cette jeunesse n’a certainement pas appris l’histoire de son pays dans les manuels scolaires, la vérité, elle la trouve plutôt en les contournant.
(1) La Horde d'or et la Russie
Rédigé par Nikita et Xenia Krivocheine le 30 Décembre 2010 à 11:39
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