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Voici un bel article de " La CROIX " par Bruno BOUVET:
« Ce projet m’a ramené à certaines valeurs essentielles »
Durant sa détention, vécue « comme un moment de retraite intérieure », Gilles Grégoire a mûri un projet qu’il nourrissait depuis sa jeunesse : construire des bateaux en bois. À sa sortie, il est entré dans une école de charpente et, depuis quatre mois, il effectue un stage en Bretagne, au Chantier du Guip, où il participe à la restauration du dernier thonier en bois…
« Je rappelle toujours aux détenus que Dieu n’a pas de rétroviseur, indique le P. Frigaux. Il n’enferme pas les gens dans leur passé et ne les confond pas avec ce qu’ils ont fait. Cette cathédrale, je l’appellerais bien Notre-Dame de l’Ailleurs. »
La Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris a fait l’acquisition d’une maquette de la cathédrale de Laon, réalisée par 57 détenus de la maison d’arrêt du Val-d’Oise
Six ans de travail, soit trente-cinq mille heures de construction patiente et ingénieuse, pour un projet mené au total par 57 détenus… et, au final, une entrée triomphale dans un musée national, la Cité de l’architecture et du patrimoine au Palais de Chaillot, à Paris.
N’importe quel esprit rationnel imagine qu’il a fallu un sacré chef de chantier et une incroyable foi en l’avenir pour assurer la continuité d’une telle entreprise, avec des « ouvriers » souvent appelés à finir leur peine ailleurs, voire à retrouver la liberté. Eh bien, non… À en croire le P. Dominique Frigaux, 75 ans, sa participation à la fantastique maquette de la cathédrale de Laon se résumerait à l’achat de kilomètres de papier millimétré et à de multiples allers-retours entre le Val-d’Oise et l’Aisne pour prendre des photos.
« Ce projet m’a ramené à certaines valeurs essentielles »
Durant sa détention, vécue « comme un moment de retraite intérieure », Gilles Grégoire a mûri un projet qu’il nourrissait depuis sa jeunesse : construire des bateaux en bois. À sa sortie, il est entré dans une école de charpente et, depuis quatre mois, il effectue un stage en Bretagne, au Chantier du Guip, où il participe à la restauration du dernier thonier en bois…
« Je rappelle toujours aux détenus que Dieu n’a pas de rétroviseur, indique le P. Frigaux. Il n’enferme pas les gens dans leur passé et ne les confond pas avec ce qu’ils ont fait. Cette cathédrale, je l’appellerais bien Notre-Dame de l’Ailleurs. »
La Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris a fait l’acquisition d’une maquette de la cathédrale de Laon, réalisée par 57 détenus de la maison d’arrêt du Val-d’Oise
Six ans de travail, soit trente-cinq mille heures de construction patiente et ingénieuse, pour un projet mené au total par 57 détenus… et, au final, une entrée triomphale dans un musée national, la Cité de l’architecture et du patrimoine au Palais de Chaillot, à Paris.
N’importe quel esprit rationnel imagine qu’il a fallu un sacré chef de chantier et une incroyable foi en l’avenir pour assurer la continuité d’une telle entreprise, avec des « ouvriers » souvent appelés à finir leur peine ailleurs, voire à retrouver la liberté. Eh bien, non… À en croire le P. Dominique Frigaux, 75 ans, sa participation à la fantastique maquette de la cathédrale de Laon se résumerait à l’achat de kilomètres de papier millimétré et à de multiples allers-retours entre le Val-d’Oise et l’Aisne pour prendre des photos.
En réalité, cette réplique désormais visible par le grand public (voir ci-contre) doit bien davantage à l’aumônier de la maison d’arrêt du Val-d’Oise (Mavo), à Osny. Depuis près de quinze ans, le prêtre a compris l’enjeu d’un atelier maquette en milieu carcéral.
Cette maquette doit beaucoup à l’aumônier de la prison
Gilles Grégoire, détenu pendant quatre ans et demi à la Mavo, en parle mieux que personne. « Sur les 800 détenus (600 hommes, 200 femmes), le quart seulement peuvent avoir une activité salariée. En l’occurrence, des travaux de pliage, rétribués de manière dérisoire. Quand j’ai appris qu’il y avait un atelier maquette, je me suis dit que ce pouvait être une occasion de tuer l’ennui. »
Pour d’autres prisonniers, l’atelier représentait tout simplement la seule manière de sortir de leur cellule. « Les trois quarts des gars ne vont pas en promenade, pour échapper à la violence qui règne dans la cour. En les faisant participer à la maquette, le P. Dominique en a sauvé certains qui se laissaient mourir à petit feu, dans la crasse et la promiscuité », poursuit Gilles Grégoire.
Avec son verbe fleuri, cet ancien cadre d’une société de transport, qui a connu « un accident de la vie », se souvient de sa première visite à l’atelier. « Une cathédrale en prison, cela avait un côté décalé… Je me suis demandé où je mettais les pieds. »
Le projet a sauvé certains détenus qui se laissaient mourir
Il ne tarde pas à découvrir que l’aumônier n’en est pas à son coup d’essai. D’abord, il y eut une maquette ferroviaire construite par les prisonniers à l’intention des pensionnaires – et parfois anciens retraités de la SNCF – du service gériatrique de l’hôpital de Pontoise, où le P. Frigaux fut aumônier et brancardier pendant vingt ans. « Lorsqu’elle a été terminée, un détenu a dit en riant qu’il ne leur restait plus qu’à faire une cathédrale ! »
Qu’à cela ne tienne… Les voilà donc qui se mettent à l’ouvrage en réalisant la réplique de la cathédrale de Noyon. Quatre ans de travail plus tard, le chef-d’œuvre fait la joie du maire de la petite sous-préfecture de l’Oise. « Depuis 2001, elle est exposée sur un socle tournant dans la vitrine de l’office de tourisme de la ville. Les passants peuvent la voir jour et nuit », se réjouit l’aumônier.
L’aventure s’est révélée moins heureuse avec la municipalité de Laon, qui avait passé commande d’une maquette de la cathédrale de la ville. Apparemment, le résultat, trop ambitieux, ne correspondait pas à la demande initiale des édiles… Il faut désormais trouver un autre financement pour les 15 000 € nécessaires au projet et lui trouver un espace digne !
L’aumônier Dominique Frigaux n’en est pas à son coup d’essai
« Un jour, j’ai entendu à la radio que la Cité de l’architecture venait d’être inaugurée par Nicolas Sarkozy. J’ai téléphoné le lendemain et ai reçu un accueil chaleureux. J’avais toujours dit aux gars qu’on finirait par trouver une solution. » L’aumônier sait à quel point ils méritent de voir leurs efforts publiquement récompensés. « Nous passions six heures par jour à l’atelier », indique Gilles Grégoire, intarissable sur les problèmes techniques qu’il a fallu surmonter pour édifier l’édifice en résine, pierre après pierre, tuile après tuile.
L’emploi de matériel (cutter, ponceuse…), théoriquement interdit en prison, n’a donné lieu à aucun incident majeur. « L’atelier était le seul lieu de confiance de la maison d’arrêt. Aucun surveillant n’était présent pendant les heures de construction. Moi-même, je n’étais pas là pour les encadrer. Je venais les rejoindre pour me détendre, après mes visites dans les cellules », souligne le P. Frigaux.
Gilles Grégoire a une explication sur cette ambiance inhabituelle en milieu carcéral. « Sans le dire, beaucoup de gars sont venus là pour se racheter. Moi aussi, ce projet m’a ramené à certaines valeurs essentielles », dit ce « croyant » qui ne pratique que pour les grandes fêtes mais « aime saint Paul et les valeurs de Jésus ». Pour lui, cette cathédrale sortie des murs est plus qu’un symbole. « C’est une bouteille à la mer envoyée à l’extérieur. Une manière de dire que les détenus ne sont pas “incurables”. Un appel au secours en faveur de la réinsertion. »
Cette maquette doit beaucoup à l’aumônier de la prison
Gilles Grégoire, détenu pendant quatre ans et demi à la Mavo, en parle mieux que personne. « Sur les 800 détenus (600 hommes, 200 femmes), le quart seulement peuvent avoir une activité salariée. En l’occurrence, des travaux de pliage, rétribués de manière dérisoire. Quand j’ai appris qu’il y avait un atelier maquette, je me suis dit que ce pouvait être une occasion de tuer l’ennui. »
Pour d’autres prisonniers, l’atelier représentait tout simplement la seule manière de sortir de leur cellule. « Les trois quarts des gars ne vont pas en promenade, pour échapper à la violence qui règne dans la cour. En les faisant participer à la maquette, le P. Dominique en a sauvé certains qui se laissaient mourir à petit feu, dans la crasse et la promiscuité », poursuit Gilles Grégoire.
Avec son verbe fleuri, cet ancien cadre d’une société de transport, qui a connu « un accident de la vie », se souvient de sa première visite à l’atelier. « Une cathédrale en prison, cela avait un côté décalé… Je me suis demandé où je mettais les pieds. »
Le projet a sauvé certains détenus qui se laissaient mourir
Il ne tarde pas à découvrir que l’aumônier n’en est pas à son coup d’essai. D’abord, il y eut une maquette ferroviaire construite par les prisonniers à l’intention des pensionnaires – et parfois anciens retraités de la SNCF – du service gériatrique de l’hôpital de Pontoise, où le P. Frigaux fut aumônier et brancardier pendant vingt ans. « Lorsqu’elle a été terminée, un détenu a dit en riant qu’il ne leur restait plus qu’à faire une cathédrale ! »
Qu’à cela ne tienne… Les voilà donc qui se mettent à l’ouvrage en réalisant la réplique de la cathédrale de Noyon. Quatre ans de travail plus tard, le chef-d’œuvre fait la joie du maire de la petite sous-préfecture de l’Oise. « Depuis 2001, elle est exposée sur un socle tournant dans la vitrine de l’office de tourisme de la ville. Les passants peuvent la voir jour et nuit », se réjouit l’aumônier.
L’aventure s’est révélée moins heureuse avec la municipalité de Laon, qui avait passé commande d’une maquette de la cathédrale de la ville. Apparemment, le résultat, trop ambitieux, ne correspondait pas à la demande initiale des édiles… Il faut désormais trouver un autre financement pour les 15 000 € nécessaires au projet et lui trouver un espace digne !
L’aumônier Dominique Frigaux n’en est pas à son coup d’essai
« Un jour, j’ai entendu à la radio que la Cité de l’architecture venait d’être inaugurée par Nicolas Sarkozy. J’ai téléphoné le lendemain et ai reçu un accueil chaleureux. J’avais toujours dit aux gars qu’on finirait par trouver une solution. » L’aumônier sait à quel point ils méritent de voir leurs efforts publiquement récompensés. « Nous passions six heures par jour à l’atelier », indique Gilles Grégoire, intarissable sur les problèmes techniques qu’il a fallu surmonter pour édifier l’édifice en résine, pierre après pierre, tuile après tuile.
L’emploi de matériel (cutter, ponceuse…), théoriquement interdit en prison, n’a donné lieu à aucun incident majeur. « L’atelier était le seul lieu de confiance de la maison d’arrêt. Aucun surveillant n’était présent pendant les heures de construction. Moi-même, je n’étais pas là pour les encadrer. Je venais les rejoindre pour me détendre, après mes visites dans les cellules », souligne le P. Frigaux.
Gilles Grégoire a une explication sur cette ambiance inhabituelle en milieu carcéral. « Sans le dire, beaucoup de gars sont venus là pour se racheter. Moi aussi, ce projet m’a ramené à certaines valeurs essentielles », dit ce « croyant » qui ne pratique que pour les grandes fêtes mais « aime saint Paul et les valeurs de Jésus ». Pour lui, cette cathédrale sortie des murs est plus qu’un symbole. « C’est une bouteille à la mer envoyée à l’extérieur. Une manière de dire que les détenus ne sont pas “incurables”. Un appel au secours en faveur de la réinsertion. »
Rédigé par l'équipe de rédaction le 12 Janvier 2010 à 11:07
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