Perplexio

5-8 septembre 2012 - XXe Colloque œcuménique international de Bose


A l'occasion du XXe Colloque oecuménique international de spiritualité orthodoxe au monastère de Bose est-il permis d'aborder une question majeure dans le rapprochement avec Rome mais qui reste toutefois un tabou paradoxal ?

Il s'agit de l'eucharistie, dont les évêques s'accordent à souligner l'importance et notamment l'un des intervenants de ce colloque dont la communication traitera de : "La célébration eucharistique est, par excellence, un sacrifice de louange offert au Père, dans lequel l'assemblée des croyants entraîne la création entière et toute l'histoire de l'humanité" ("L'eucharistie et la création" : évêque Antoine de Boryspol, Kiev).

L'eucharistie, dont l'un des aspects est maintenu sous le boisseau, parfois par des partisans de l’œcuménisme à tout prix, parfois par des érudits qui sont capables de publier 1300 pages sur ses pratiques sans effleurer cette particularité : celle de l'exclusion de fait, de la privation de fait de la sainte communion aux petits baptisés catholiques, c'est à dire qu'on le veuille ou non de leur excommunication de fait dès leur baptême et pour de longues années.

Voici quelques interrogations non limitatives parmi d'autres, qu'il est licite de se poser dans un esprit fraternel.

1°) Concernant l'excommunication de fait des petits baptisés catholiques dès leur baptême

- Comment se fait-il que cette situation perdure depuis la fin du XIIème siècle, alors qu'ils avaient été admis à la Sainte Eucharistie jusque là ?
- On peut s'interroger sur les raisons précises qui ont conduit à cet interminable ostracisme, puisque la lettre synodale de Eudes de Sully, qui a généré ce rejet d'une partie de l'assemblée, la plus humble, la plus vulnérable, la moins apte à se défendre, est regrettablement péremptoire et sans argument. Ce n'est d'ailleurs pas d'interdit à proprement parler dont il est fait état, c'est plus enrobé : il est affirmé simplement que l'eucharistie n'est pas nécessaire aux petits baptisés pour leur salut, sous-entendant que puisqu'ils n'en n'ont ni la nécessité ni le besoin pour être sauvés, elle leur est inutile. Plus tard l'anathème pourra être jeté sur ceux qui ne pensent pas ainsi.
Aucun catholique interrogé, membre du clergé ou laïc, n'est en mesure de justifier un tel rejet de fait de nos jours, autrement que par la subordination de la participation à la Sainte Eucharistie au niveau intellectuel du futur communiant, en l'occurrence à son "âge de raison". Ce qui est en contradiction complète avec l'esprit des évangiles, et qui est un argument apparu après coup, comme une justification a posteriori de la lettre synodale en question. Conséquence : les enfants ne sont admis actuellement aux Saint Dons en France que vers l'âge de neuf ans rarement plus tôt.

Ne s'agit-il pas au fond d'une mise en cause de la grâce eucharistique, formulée de façon disons contournée pour rester mesuré.
Comment ne pas y voir un déni de cette grâce eucharistique qui est le plus grand, le plus impensable de tous les dons que Dieu a fait aux hommes ?

- Le pape de Rome Jean-Paul II avait déclaré : "Avec les orthodoxes ce n'est pas la juridiction que je veux mais la communion".
Mais comment rétablir l'eucharistie commune sans abolir préalablement ce manquement fait à ceux qui ne peuvent se défendre ? En effet, puisque les orthodoxes n'ont jamais excommuniés leurs petits baptisés - qui communient dès leur baptême et sont bien sûr dispensés du jeûne pendant leur enfance - , rien ne s'opposerait canoniquement une fois l'union réalisée, à ce que les petits catholiques viennent communier dans l'Église orthpdoxe tout en restant catholiques, au cas où leur exclusion serait maintenue dans leur propre Église natale ? Les choses sont liées.

2°) Quelques interrogations collatérales sur les pratiques

Comment arriver à une eucharistie commune si Rome non seulement ne met pas fin à cet ostracisme, mais encore si elle ne rétablit pas les saints dons sous les deux espèces véritablement pain et vin ? En effet en raison de sa consistance actuelle on ne voit pas comment l'unique espèce pourrait être donnée telle quelle sans risque à des tout-petits. Le Christ avait tout prévu !
Rappelons pour mémoire que Rome pratique la communion dissociée : l'une sous les deux espèces réservées au clergé; l'autre sous une seule espèce comme l'on sait, pour le peuple. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas le célébrant de proclamer depuis l'autel à l'assemblée le "Buvez-en TOUS" ordonné par le Christ Lui-même.
La question doit aussi être posée de la consécration des espèces en leur totalité dans l'église lors de la célébration au cours de laquelle elles seront consommées et non pas préalablement à l'extérieur puis livrées déjà consacrées comme cela arrive paraît-il.

Rappelons aussi chez nos frères la tradition de l'anonymat du communiant, lequel de nos jours peut être baptisé ou non. En effet les non-baptisés sont admis, les petits baptisés eux n'ont pas cette chance, comprenne qui pourra. D'autre part chaque laïc se donne à lui-même l'eucharistie ce qui est explicitement interdit chez nous (cf. In Trullo), qui avons la joie d'être appelés au calice chacun personnellement par son nom de baptême, et ce même lors des grands pèlerinages où la foule est dense.

3°) En conclusion

- Pourquoi la question majeure du rejet des petits baptisés catholiques est-elle systématiquement occultée par les instances œcuméniques qui insistent parallèlement sur le rétablissement de la communion commune ? Pourquoi ce silence, ce barrage de non-dit entre les chrétiens occidentaux et orientaux dans leurs nombreux colloques, débats, semaines liturgiques et autres tables rondes depuis 70 ans ? Malgré quelques exceptions, dont le regretté Dom Lambert Beauduin.

- Quand, où et par qui les nombreuse implications, conséquences et suites pédagogiques d'une éventuelle union auraient-elle été examinées ?

Le moment n'est-il pas venu de mettre fraternellement sur la table en plein jour cette affaire délicate et douloureuse sur laquelle il y a beaucoup à dire et d'y passer tout le temps nécessaire ? N'y a-t-il pas urgence à en débattre sérieusement en profondeur plutôt que de continuer à se satisfaire de vœux pieux ? Ne serait-il pas légitime de restituer le droit à la grâce eucharistique à ceux que le Christ a voulu proches de Lui ? Ce qui contribuerait peut-être collatéralement à remplir un peu plus les églises.
N'est-ce pas une simple question d'honnêteté vis-à-vis des petits laissés-pour-compte mais aussi de nous-mêmes les uns vis-à-vis des autres, ainsi que vis-à-vis des générations futures ?

Ces mots sont gravés sur l'autel d'une chapelle latérale dans une église (catholique) de Vannes : "On est baptisé pour communier". 1er septembre 2012

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 3 Septembre 2012 à 21:34 | 8 commentaires | Permalien



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