Plateforme libre de discussion
|
Les éditions de l’université Saint Tikhon ont, conjointement avec les éditions « EXMO» fait paraître un recueil des interventions du père Alexandre Schmemann sur les ondes de "Radio Liberty ". Le titre en est « Je crois. Qu’est-ce que cela signifie ? De l’essentiel du christianisme ».
Le père Alexandre a été pendant près de trente ans (1953-1983) le rédacteur des émissions religieuses de cette radio. A l’époque soviétique ces causeries ont été pour des centaines de milliers d’auditeurs une véritable découverte de la foi chrétienne. Voici ce que disait de ces émissions Alexandre Soljenitsyne : « Il y a très longtemps, c’est avec un plaisir spirituel authentique que j’écoutais les homélies dominicales du père Alexandre. C’était de nuit, je m’étonnais du brio et de la modernité dont étaient marquées ces homélies. Aucune fausse note, aucune lourdeur, pas le moindre tribut au ritualisme ».
Le recueil est préfacé par Serge Schmemann le fils du père Alexandre. Voici un extrait de cette préface ainsi que le texte de l’une des émissions.
Le père Alexandre a été pendant près de trente ans (1953-1983) le rédacteur des émissions religieuses de cette radio. A l’époque soviétique ces causeries ont été pour des centaines de milliers d’auditeurs une véritable découverte de la foi chrétienne. Voici ce que disait de ces émissions Alexandre Soljenitsyne : « Il y a très longtemps, c’est avec un plaisir spirituel authentique que j’écoutais les homélies dominicales du père Alexandre. C’était de nuit, je m’étonnais du brio et de la modernité dont étaient marquées ces homélies. Aucune fausse note, aucune lourdeur, pas le moindre tribut au ritualisme ».
Le recueil est préfacé par Serge Schmemann le fils du père Alexandre. Voici un extrait de cette préface ainsi que le texte de l’une des émissions.
Causerie du père Alexandre Schmemann sur "Radio Liberty". Traduction et sous titres Vladimir Golovanow
RELIGION ou IDEOLOGIE ?
Une différence énorme
Nous vivons dans l'ère du triomphe de l'idéologie - un mot horrible qui, en fait, apparu très récemment et a empoisonné notre monde et nos vies de façon quasi irrémédiable. Qu'est-ce qu'une idéologie? C'est une doctrine ou une théorie qui non seulement prétend être une vérité totale et absolue, mais qui en plus prescrit des comportements individuels et des actes. L'idéologie, au fond, c'est bien évidement un ersatz, un substitut de la religion. Mais la différence entre religion et idéologie, et c'est une différence énorme, c'est que la religion, la foi, c'est toujours quelque chose de très individuel, impossible sans une profonde expérience personnelle et intérieure, tandis que l'idéologie, toute idéologie, commence toujours par nier tout ce qu'il y a de personnel et le rejette comme inutile.
La religion, l'appel à croire, est toujours tournée vers l'homme. L'idéologie est toujours tournée vers les masses, le collectif, à la limite vers un peuple, une classe, voire vers l'humanité. Le but, l'essence de la religion c'est que, ayant trouvé Dieu, l'homme se retrouve lui même, devienne lui même.
Le but et l'essence de l'idéologie c'est de se soumettre l'homme totalement, qu'il devienne un outil, un serviteur de l'idéologie. La religion dit: «Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme?" (Matthieu 16: 26). L'idéologie dit: il faut s'approprier le monde pour faire aboutir l'idéologie. La religion appelle à voir son prochain dans toute autre personne ; l'idéologie est toujours orientée vers des gens indéfinis, impersonnels, abstraits.
L'homme au dessus de l'idéologie:
Je le répète: nous vivons dans l'ère du triomphe de l'idéologie, sa terrible domination sur les hommes. Dans ce seul siècle – qui n'a encore que soixante dix ans -, des millions, des milliards d'êtres humains ont été massacrés au nom d'idéologies abstraites, au nom d'utopies. Et la véritable urgence de l'humanité c'est de rejeter et démystifier cette mainmise idéologique, cette tyrannie idéologique sur les hommes.
Mais cela ne sera possible que si l'on parvient à placer la personne humaine au-dessus de toutes les idéologies, pour les surpasser et les limiter. Et j'entends bien la personne humaine concrète, vivante, unique et non-reproductible. Le déclin de la religion et le triomphe de l'idéologie conduit au déclin quasi-total de l'idée même de l'individu et de l'expérience accumulée derrière cette idée. Or cette expérience trouve évidement ses fondements dans le fait religieux: ce n'est que dans la religion et par la religion que peut exister l'idée de la personne humaine et c'est bien cela que ne comprennent pas, ne peuvent pas, ne veulent pas comprendre nos contemporains qui, pourtant, cherchent tous à échapper à telle ou telle idéologie.
On me rétorquera que la religion elle-même, à l'époque historique de son triomphe, a le plus souvent bafoué l'individu; que le principe même des droits individuels, des libertés, etc. est né dans la lutte contre la religion. Cela correspond partiellement é la vérité. Mais cette vérité doit être analysée dans toute sa complexité.
Oui, le Christ a évidement été crucifié par des gens religieux. Mais, ils L'ont justement crucifié parce qu'Il dénonçait leur religion comme une fausse religion ou, dans notre langage moderne, Il les dénonçait pour la transformation de la religion en idéologie. Parce que tout le sens du conflit du Christ avec ceux qui L'ont crucifié se résume à un point: Lui, le Christ, plaçait l'homme au-dessus de tout; Il en a fait, et seulement lui, l'objet de l'amour, l'objet d'une attention pratiquement absolue, alors que les ennemis religieux du Christ voulaient l'ordre, le salut de la patrie, le confort personnel, etc. et exigeaient pour cela une obéissance aveugle à des lois impersonnelles.
Le Christ n'a rien dit à propos de tout cela. Il n'a rien dit de l'État, de la société, de l'histoire, de la culture: de tout ce qui a toujours constitué l'objet de toutes les idéologies. Son attention a toujours été tournée vers les personnes vivantes qui l'entouraient; mais Il n'a même pas parlé de leurs droits - Il n'a fait que déverser sur eux Son amour, Son intérêt, Sa compassion, Son d'inquiétude. Et c'est pour cela, par ce qu'Il a mis la personne réelle au dessus du monde entier, Il a été condamné. Mais cette condamnation - et il est temps de comprendre – a transformé la religion elle-même. D'idéologie elle est devenue force vivante et le concept de personnalité individuelle règne maintenant sur le monde à jamais.
RELIGION ou IDEOLOGIE ?
Une différence énorme
Nous vivons dans l'ère du triomphe de l'idéologie - un mot horrible qui, en fait, apparu très récemment et a empoisonné notre monde et nos vies de façon quasi irrémédiable. Qu'est-ce qu'une idéologie? C'est une doctrine ou une théorie qui non seulement prétend être une vérité totale et absolue, mais qui en plus prescrit des comportements individuels et des actes. L'idéologie, au fond, c'est bien évidement un ersatz, un substitut de la religion. Mais la différence entre religion et idéologie, et c'est une différence énorme, c'est que la religion, la foi, c'est toujours quelque chose de très individuel, impossible sans une profonde expérience personnelle et intérieure, tandis que l'idéologie, toute idéologie, commence toujours par nier tout ce qu'il y a de personnel et le rejette comme inutile.
La religion, l'appel à croire, est toujours tournée vers l'homme. L'idéologie est toujours tournée vers les masses, le collectif, à la limite vers un peuple, une classe, voire vers l'humanité. Le but, l'essence de la religion c'est que, ayant trouvé Dieu, l'homme se retrouve lui même, devienne lui même.
Le but et l'essence de l'idéologie c'est de se soumettre l'homme totalement, qu'il devienne un outil, un serviteur de l'idéologie. La religion dit: «Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme?" (Matthieu 16: 26). L'idéologie dit: il faut s'approprier le monde pour faire aboutir l'idéologie. La religion appelle à voir son prochain dans toute autre personne ; l'idéologie est toujours orientée vers des gens indéfinis, impersonnels, abstraits.
L'homme au dessus de l'idéologie:
Je le répète: nous vivons dans l'ère du triomphe de l'idéologie, sa terrible domination sur les hommes. Dans ce seul siècle – qui n'a encore que soixante dix ans -, des millions, des milliards d'êtres humains ont été massacrés au nom d'idéologies abstraites, au nom d'utopies. Et la véritable urgence de l'humanité c'est de rejeter et démystifier cette mainmise idéologique, cette tyrannie idéologique sur les hommes.
Mais cela ne sera possible que si l'on parvient à placer la personne humaine au-dessus de toutes les idéologies, pour les surpasser et les limiter. Et j'entends bien la personne humaine concrète, vivante, unique et non-reproductible. Le déclin de la religion et le triomphe de l'idéologie conduit au déclin quasi-total de l'idée même de l'individu et de l'expérience accumulée derrière cette idée. Or cette expérience trouve évidement ses fondements dans le fait religieux: ce n'est que dans la religion et par la religion que peut exister l'idée de la personne humaine et c'est bien cela que ne comprennent pas, ne peuvent pas, ne veulent pas comprendre nos contemporains qui, pourtant, cherchent tous à échapper à telle ou telle idéologie.
On me rétorquera que la religion elle-même, à l'époque historique de son triomphe, a le plus souvent bafoué l'individu; que le principe même des droits individuels, des libertés, etc. est né dans la lutte contre la religion. Cela correspond partiellement é la vérité. Mais cette vérité doit être analysée dans toute sa complexité.
Oui, le Christ a évidement été crucifié par des gens religieux. Mais, ils L'ont justement crucifié parce qu'Il dénonçait leur religion comme une fausse religion ou, dans notre langage moderne, Il les dénonçait pour la transformation de la religion en idéologie. Parce que tout le sens du conflit du Christ avec ceux qui L'ont crucifié se résume à un point: Lui, le Christ, plaçait l'homme au-dessus de tout; Il en a fait, et seulement lui, l'objet de l'amour, l'objet d'une attention pratiquement absolue, alors que les ennemis religieux du Christ voulaient l'ordre, le salut de la patrie, le confort personnel, etc. et exigeaient pour cela une obéissance aveugle à des lois impersonnelles.
Le Christ n'a rien dit à propos de tout cela. Il n'a rien dit de l'État, de la société, de l'histoire, de la culture: de tout ce qui a toujours constitué l'objet de toutes les idéologies. Son attention a toujours été tournée vers les personnes vivantes qui l'entouraient; mais Il n'a même pas parlé de leurs droits - Il n'a fait que déverser sur eux Son amour, Son intérêt, Sa compassion, Son d'inquiétude. Et c'est pour cela, par ce qu'Il a mis la personne réelle au dessus du monde entier, Il a été condamné. Mais cette condamnation - et il est temps de comprendre – a transformé la religion elle-même. D'idéologie elle est devenue force vivante et le concept de personnalité individuelle règne maintenant sur le monde à jamais.
Ensuite, historiquement, le christianisme lui-même, il faut l'admettre, a trop souvent dégénéré en une idéologie; il a exigé pour lui une obéissance aveugle, il a servi des objectifs secondaires ... Mais malgré tout ce n'est pas là son essence. Son essence est dans l'icône évangélique du Christ, dans Sa forme humaine, Qui s'adresse à un autre être humain, voyant en lui le prochain et mettant en lui le but et la signification de la vie.
Et c'est bien là la seule prise en compte de l'homme en tant que personne dans toute l'histoire de l'humanité: il n'en est question ni dans la grande philosophie grecque, ni à Rome, qui a fondé l'idée de droit mais ne considérait pas l'esclave comme un être humain. Et, bien entendu, l'idée de personne est absente de toute idéologie moderne, toujours préoccupée de l'humanité mais détruisant, pour le bien de l'humanité, des millions de personnes sans aucun état d'âme.
Je pense que la prise en compte de l'homme en tant que personne est religieuse parce qu'il est évident que, si il n'y a pas une origine supérieure, si l'homme ne vient pas "d'en haut" mais "d'en bas", s'il est juste un phénomène passager alors, effectivement, il n'y a aucune raison de s'en préoccuper et le monde est simplement régis par la loi des grands nombres. Alors, et nous allons bientôt y arriver, il faut supprimer les handicapés et les malades et les vieux: il ne faut se préoccuper que de sélection naturelle. Alors la fameuse "larme de l'enfant" de Dostoïevski(1) n'est que sentimentalité inutile.
On peut l'exprimer très simplement ainsi: si Dieu n'existe pas alors, en fait, l'homme non plus. Il n'y a que "des gens": une masse impersonnelle dont le bien-être animal est bien l'objet de l'idéologie, quel qu'en soit le prix à payer. Et c'est dans ce monde idéologique épouvantable, ce monde de masses, de classes, de groupes que nous vivons maintenant.
Et nous devons y réfléchir, nous devons en être terrifiés avant qu'il ne soit trop tard.
Avant que la personne vivante ne soit remplacée par un vulgaire numéro de série. Avant que l'homme ne soit plus qu'une petite vis dans une machine de plus en plus compliquée, de plus en plus énorme. La question de la religion aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout la question de la personne; et c'est pour cela de que nous reviendrons dans nos prochaines causeries sur cette question essentielle parmi toutes les questions contemporaines.
...........................................
Note du traducteur
(1) « L'harmonie universelle ne vaut pas une seule larme d'un enfant qui appelle "le bon Dieu" en se frappant la poitrine de ses petits poings […]. Et si les souffrances des enfants sont nécessaires pour payer la connaissance de la vérité, j'affirme d'avance que la vérité ne vaut pas ce prix […], l'entrée est trop chère, je m'empresse de rendre mon billet […]. » Dostoïevski ; "Les frères Karamazov" chapitre 5.
Et c'est bien là la seule prise en compte de l'homme en tant que personne dans toute l'histoire de l'humanité: il n'en est question ni dans la grande philosophie grecque, ni à Rome, qui a fondé l'idée de droit mais ne considérait pas l'esclave comme un être humain. Et, bien entendu, l'idée de personne est absente de toute idéologie moderne, toujours préoccupée de l'humanité mais détruisant, pour le bien de l'humanité, des millions de personnes sans aucun état d'âme.
Je pense que la prise en compte de l'homme en tant que personne est religieuse parce qu'il est évident que, si il n'y a pas une origine supérieure, si l'homme ne vient pas "d'en haut" mais "d'en bas", s'il est juste un phénomène passager alors, effectivement, il n'y a aucune raison de s'en préoccuper et le monde est simplement régis par la loi des grands nombres. Alors, et nous allons bientôt y arriver, il faut supprimer les handicapés et les malades et les vieux: il ne faut se préoccuper que de sélection naturelle. Alors la fameuse "larme de l'enfant" de Dostoïevski(1) n'est que sentimentalité inutile.
On peut l'exprimer très simplement ainsi: si Dieu n'existe pas alors, en fait, l'homme non plus. Il n'y a que "des gens": une masse impersonnelle dont le bien-être animal est bien l'objet de l'idéologie, quel qu'en soit le prix à payer. Et c'est dans ce monde idéologique épouvantable, ce monde de masses, de classes, de groupes que nous vivons maintenant.
Et nous devons y réfléchir, nous devons en être terrifiés avant qu'il ne soit trop tard.
Avant que la personne vivante ne soit remplacée par un vulgaire numéro de série. Avant que l'homme ne soit plus qu'une petite vis dans une machine de plus en plus compliquée, de plus en plus énorme. La question de la religion aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout la question de la personne; et c'est pour cela de que nous reviendrons dans nos prochaines causeries sur cette question essentielle parmi toutes les questions contemporaines.
...........................................
Note du traducteur
(1) « L'harmonie universelle ne vaut pas une seule larme d'un enfant qui appelle "le bon Dieu" en se frappant la poitrine de ses petits poings […]. Et si les souffrances des enfants sont nécessaires pour payer la connaissance de la vérité, j'affirme d'avance que la vérité ne vaut pas ce prix […], l'entrée est trop chère, je m'empresse de rendre mon billet […]. » Dostoïevski ; "Les frères Karamazov" chapitre 5.
Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 20 Décembre 2013 à 11:30
|
1 commentaire
|
Permalien
Derniers commentaires
-
Surprenantes fresques dans un monastère en Serbie
19/09/2024 13:35 - Patrick -
"Il n'y a aucune excuse pour ceux qui déclenchent des guerres", - Mgr Onuphre, Primat de l'Eglise d’Ukraine, PM
14/04/2023 05:58 - Gilles -
Le père George Egorov, sa visite pastorale à la Légion étrangère
12/12/2022 12:55 - Baron André -
OSCE demande à Russie ce cesser la destruction d'églises en Ukraine
10/05/2022 03:22 - pere jean -
Communiqué des Evêques Orthodoxes de France au sujet de la guerre en Ukraine
14/04/2022 19:15 - Hai Lin -
Deux hiérarques russes s’expriment à titre personnel à propos de la guerre et de la paix, de la situation en Russie
14/04/2022 10:39 - Marie Genko -
Communiqué des Evêques Orthodoxes de France au sujet de la guerre en Ukraine
14/04/2022 10:26 - Marie Genko -
Le Parlement Européen a condamné le patriarche Cyrille et a félicité le clergé orthodoxe qui s'est opposé à la guerre en Ukraine
13/04/2022 21:21 - Gilles -
Communiqué des Evêques Orthodoxes de France au sujet de la guerre en Ukraine
12/04/2022 23:05 - Théophile -
Communiqué des Evêques Orthodoxes de France au sujet de la guerre en Ukraine
12/04/2022 22:00 - Nadejda na Mir
Liens francophones