Troisième dimanche après la Pentecôte: " Nul ne peut servir deux maîtres..."
Archevêque Job de Telmessos

Nous venons d’entendre la lecture d’un passage de l’Évangile du saint apôtre et évangéliste Mathieu qui est un extrait du fameux sermon sur la montagne, un discours prononcé par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ à ses disciples ainsi qu’à une large foule réunie (Mt 5,1-8,8).

La portion la mieux connue de ce discours est bien évidemment celle des Béatitudes, qui se trouve au début, et que nous chantons presque à chaque Divine Liturgie. Ce sermon contient aussi la prière du Seigneur, le Notre Père, que nous récitons quotidiennement.

Mais aujourd’hui, le passage nous interpelle en nous rappelant que « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6, 24 ; Lc 16, 13).

Ces paroles de notre Seigneur pourraient suggérer qu’il existe une symétrie parfaite entre les deux maîtres : le bien ou le mal, un ange ou un démon, la vertu ou le vice, Dieu et l’argent. Car c’est précisément aux richesses matérielles que les Hébreux désignaient par le nom de mammona.

Troisième dimanche après la Pentecôte: " Nul ne peut servir deux maîtres..."
Selon saint Augustin « i[servir Mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a préposé aux choses terrestres, et que le Seigneur appelle prince de ce monde (Jn 12, 31). […] En effet, quiconque est esclave des richesses s’attache à un maître dur et à une domination funeste ; enchaîné par sa cupidité, il subit la tyrannie du démon, et certes, il ne l’aime pas ; car qui peut aimer le démon ? Mais cependant, il le supporte ]i» (Sur le sermon sur la Montagne 2, 14, 47. PL 34, 1290).

Notre Seigneur attire notre attention sur les choses éternelles

Or, dans son sermon sur la montagne, notre Seigneur Jésus-Christ attire notre attention sur les choses éternelles. Il souligne que le but de notre vie n’est pas cette vie passagère sur terre, mais la vie éternelle dans son Royaume dont notre vie terrestre n’est que le prélude. Saint Basile, reprenant la parabole du marchand, nous rappelle les paroles du Christ : « Le royaume des cieux est semblable à un marchand en quête de pierres précieuses ; lorsqu’il en a trouvé une d’un grand prix, il court vendre tout ce qu’il a, afin de pouvoir l’acheter » (Mt 13, 45-46). Saint Basile poursuit en disant : « La pierre précieuse désigne assurément ici le royaume des Cieux, et le Seigneur nous montre qu’il est impossible de l’obtenir, si nous n’abandonnons tout ce que nous possédons : richesse, gloire, noblesse de naissance et tout ce que tant d’autres recherchent avidement.

Le Seigneur l’a déclaré, il est du reste impossible de s’occuper convenablement de ce que l’on fait, quand l’esprit est sollicité par des objets divers : Personne ne peut servir deux maîtres, a-t-il dit, et encore : Vous ne pouvez servir en même temps Dieu et Mammon. C’est pourquoi le trésor qui est dans le ciel est le seul que nous puissions choisir pour y attacher notre cœur : Car où est votre trésor, là est votre cœur (Mt 6, 21). Si nous nous réservons donc des biens terrestres ou un superflu périssable, notre esprit y demeure enfoui comme dans la fange et notre âme reste incapable de contempler Dieu ; elle devient insensible aux désirs des splendeurs du ciel et des biens qui nous sont promis. Or, ces biens, nous ne pouvons les obtenir que si une aspiration ardente nous porte à les demander sans cesse et nous rend léger l’effort pour les atteindre » (Les grandes règles, question 8).

Troisième dimanche après la Pentecôte: " Nul ne peut servir deux maîtres..."
Il y a deux chemins : l’un de la vie, l’autre de la mort

Par ailleurs, l’évocation des deux maîtres dans l’évangile d’aujourd’hui n’est pas sans nous rappeler un autre enseignement que nous trouvons dans la Didaché des douze apôtres, un document chrétien du 1er-2e siècle, concernant les deux voies. « Il y a deux chemins : l’un de la vie, l’autre de la mort ; et il y a une grande différence entre les deux chemins. Le chemin de la vie est celui-ci : en premier, tu aimeras le Dieu qui t’a créé, en second ton prochain comme toi-même ; et tout ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait, toi non plus ne le fais pas à autrui… (Didaché 1). Quant au chemin de la mort, « il est mauvais et plein de malédiction ; meurtres, adultères, convoitise, fornication, vols, idolâtries, pratiques magiques, sorcellerie, rapines, faux témoignages, hypocrisie, duplicité du cœur, ruse, orgueil, malice, arrogance, avarice, obscénité, jalousie, insolence, faste, forfanterie, absence de toute crainte. Persécuteurs des hommes bons, ennemis de la vérité, amis du mensonge, qui ignorent la récompense de la justice, qui ne s’attachent pas au bien ni au juste jugement, qui sont en éveil non pour le bien mais pour le mal, qui sont loin de la douceur et de la patience, qui aiment la vanité, qui courent après la récompense, qui n’ont pas de pitié pour le pauvre et ne se mettent point en peine des affligés, qui méconnaissent leur propre Créateur, meurtriers d’enfants, et meurtriers par avortement des créatures de Dieu, qui se détournent de l’indigent et accablent les opprimés, avocats des riches, juges iniques des pauvres, pécheurs de part en part ! » (Didaché 5).

Hélas, combien il est lamentable de nos jours de constater, sous prétexte d’évolution de la société, du principe d’égalité, de liberté d’expression ou de droits de l’homme, que l’avortement ou encore le « mariage » de même sexe se voient légalisés, de même que la pornographie, l’adultère, ou encore la fornication soient admises comme faisant partie de la normalité. Combien il est regrettable de voir, soit disant à cause d’un langage « politiquement correct » ou de principes de communication, que l’hypocrisie, le mensonge, l’orgueil et la ruse soient promus comme des vertus sociales sans lesquels le citoyen ne serait réussir dans la société. Combien ces réalités sont éloignées des idéaux chrétiens ! Combien ce mode de vie est superficiel et loin de l’authenticité ! Combien ces choses sont incompatibles avec une vie centrée sur le Christ.

Troisième dimanche après la Pentecôte: " Nul ne peut servir deux maîtres..."
Il n’y a pas de demi-mesure dans l’enseignement de l’Évangile

Or, être chrétien signifie non seulement une fidélité au Christ, mais aussi une intégrité et une entière dédicace à notre Seigneur. On ne peut plaire à la fois au monde et à Dieu. Il n’y a pas de demi-mesure dans l’enseignement de l’Évangile. Il ne peut nous faire ni chaud ni froid.

C’est ce que le Seigneur affirme dans l’Apocalypse de manière très dure : « Je connais tes œuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant !

Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche » (Ap 3, 15-16).

Et c’est précisément ce que saint Jean Chrysostome nous rappelle : « Si vraiment nous donnons la première place aux réalités spirituelles, nous n’aurons pas à nous préoccuper des biens matériels, car Dieu, dans sa bonté, nous les procurera en abondance. Si, au contraire, nous veillons uniquement à nos intérêts temporels sans prendre soin de notre vie spirituelle, le souci constant des choses terrestres nous conduira à négliger notre âme. Nous perdrons alors les biens spirituels et n’en retirerons aucun avantage matériel » (Catéchèses baptismales 8, 19-20 ; SC 50, 257).

Troisième dimanche après la Pentecôte: " Nul ne peut servir deux maîtres..."
Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ne veut qu’une seule chose : que nous soyons libres de tout souci temporel et que nous nous préoccupions des choses spirituelles. « Cherchez donc, nous dit-il dans l’évangile d’aujourd’hui, les biens spirituels et je pourvoirai moi-même amplement à tous vos besoins matériels. […] Regardez les oiseaux du ciel, ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit » (Mt 6, 26).

Puissions-nous le servir en vérité, avec sincérité et sans hypocrisie, comme notre seul Maître, comme l’unique Seigneur et Maître de notre vie, et hérité de son Royaume, où lui revient gloire et adoration, avec son Père sans commencement et son Esprit saint, bon et vivifiant, dans les siècles des siècles. Amen.

Lien: Archevêque Job de Telmessos Blog personnel du représentant du Patriarcat œcuménique auprès du COE

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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 25 Juin 2017 à 10:58 | 0 commentaire | Permalien



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