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« J’ai du monde une conception mystique à l’origine et, par comparaison, le moment religieux, organisé, n’est que secondaire. Eckhart, Jacob Boehme, Angélus Silesius sont plus près de mon cœur que les Pères de l’Eglise. Je crois à la présence d’une mystique universelle, d’un spiritualisme universel. (…) J’ai cependant toujours été plus attiré par la mystique gnostique et la mystique prophétique que par la mystique ayant reçu l’approbation officielle de l’Eglise, celle qui a été reconnue comme la mystique orthodoxe, quoiqu’elle mériterait mieux le nom d’ascèse », In Essai d’autobiographie spirituelle. (1) « Dans le Christ, Dieu devient visage, et l'homme à son tour connaît le sien. » (2)
Nicolas Berdiaev
***
Aucune commémoration particulaire n'a marqué les 140 ans de la naissance du grand penseur et philosophe religieux russe Nicolas Alexandrovitch Berdiaev (Kiev, 1874 - Clamart 1948).
Bilingue, auteur de nombreux textes en russe et en français, il est toujours l'objet de controverses passionnées: marxiste dans sa jeunesse, il avait retrouvé l'Orthodoxie à 26 ans, mais sa vision très personnelle de la foi et sa distance envers la Tradition orthodoxe l'éloignent de l'Eglise avant sa réconciliation à la fin de sa vie. L'Eglise russe a d'ailleurs acheté sa maison de Clamart pour y loger les clercs de sa cathédrale parisienne et y conserve son bureau comme musée (ibid 2), mais ses spéculations n'en sont pas acceptées pour autant malgré leur influence indéniable.
Nicolas Berdiaev
***
Aucune commémoration particulaire n'a marqué les 140 ans de la naissance du grand penseur et philosophe religieux russe Nicolas Alexandrovitch Berdiaev (Kiev, 1874 - Clamart 1948).
Bilingue, auteur de nombreux textes en russe et en français, il est toujours l'objet de controverses passionnées: marxiste dans sa jeunesse, il avait retrouvé l'Orthodoxie à 26 ans, mais sa vision très personnelle de la foi et sa distance envers la Tradition orthodoxe l'éloignent de l'Eglise avant sa réconciliation à la fin de sa vie. L'Eglise russe a d'ailleurs acheté sa maison de Clamart pour y loger les clercs de sa cathédrale parisienne et y conserve son bureau comme musée (ibid 2), mais ses spéculations n'en sont pas acceptées pour autant malgré leur influence indéniable.
Il a en effet profondément marqué la philosophie et la théologie russes et occidentales du XXe siècle, mais il est resté indépendant de toute coterie et de toute école ce qui explique qu'il n'ait pas de disciples pour commémorer sa naissance
Jeunesse russe
Nicolas Berdiaev est né il y a exactement 140 ans, le 19 mars 1874, près de Kiev dans une famille de la haute noblesse (3) Il passa son enfance et son adolescence à Kiev, faisant ses études à l'école des cadets, réservée aux enfants de la noblesse, qu'il ne termina pas pour entrer à la faculté de sciences naturelles puis à la faculté de droit de l'université, premier signe de la révolte contre son milieu privilégié qui l'amènera rapidement au marxisme, très à la mode dans les milieux étudiants de l'époque. En 1897 il est emprisonné et exclu de l’Université pour activités révolutionnaires, puis exilé à Vologda (nord de la Russie) en 1900-1901. Il publie son premier article dans la revue marxiste allemande «Neue Zeit» (1899) puis son premier ouvrage, "Subjectivisme et individualisme dans la philosophie sociale" en 1901, toujours marxiste.
Mais ensuite il se lie avec Serge Boulgakov, qui lui fait redécouvrir l'Orthodoxie, et découvre les Pères grecs comme le révèle Olivier Clément (4), qui sera profondément influencé par ces deus philosophes. Le jeune Berdiaev lit St. Grégoire de Nysse, St Athanase, St Irénée de Lyon, St Maxime le Confesseur Origène, St. Isaac le Syrien et en même temps les mystiques allemands (Jacob Böhme, Angélus Silésius et Maître Eckhart) et français (Huysmans). Il participe à une revue avec le célèbre écrivain Dimitri Mérejkovski (5), qu'il avait rencontré au cours d'un voyage à Paris, puis créé sa propre revue avec Boulgakov. En 1907 survient un événement singulier qu’il décrira brièvement dans son "Essai d’autobiographie spirituelle" (1940): « Je me rappelle un moment - c’était en été, à la campagne, - je me trouvais dans le jardin, à l’heure du crépuscule et le cœur lourd… Sous les nuages, la nuit s’épaississait, mais subitement une lumière intérieure surgit ». Ce que fut cette lumière, c’est sans doute cette « lumière non crépusculaire » dont parle Soloviev qui invite à « se mettre en route », en sa direction. Il dira lui-même que ce ne fut pas une « conversion », parce qu’il ne trouva pas la paix du cœur en cette circonstance, et l’on ne peut parler d’une initiation au sens strict. (ibid. 1)
Berdiaev se rapproche alors de l’Eglise orthodoxe et participe à la “Renaissance religieuse et philosophique russe” (6), en particulier avec la création de la "Société philosophique et religieuse en mémoire de Vladimir Soloviev de Moscou", mais, résolument indépendant et non-conformiste, il va rapidement prendre ses distances avec l'institution; il se définit lui même comme un prophète voué à l'élaboration d'une anthropologie chrétienne en marge de l'Eglise (7). Il s’intéresse néanmoins aux Pères de l'Eglise, principalement Saint Grégoire de Nysse, Origène et Isaac le syrien, puis il passera à la mystique germanique, c’est-à-dire à Jacob Böhme, Angélus Silésius et Maître Eckhart. «J’ai commencé à faire beaucoup de lectures mystiques et j’ai été surpris de la ressemblance des mystiques de tout temps et de toute confession» écrit-il dans son autobiographie (8). Son retentissant article « Les étouffeurs de l'Esprit » (1913), où il dénonce la répression des moines onomatodoxes de l'Athos emmenés de force en Russie et condamnés sur décision du Saint Synode russe (9), lui vaudra une condamnation pour blasphème et un nouvel exil de trois ans à Vologda.
Révolution et exil
Le philosophe réagit peu à la révolution de 1917 et au coup d'état bolchevik mais fut élu président de l'Union des écrivains (1918) et rédigea "La Philosophie de l’inégalité", une attaque contre le bolchevisme qui ne sera pas publiée. En 1920 il est arrêté, interrogé par Dzerjinsky, le fondateur de la Tcheka qui deviendra plus tard le KGB, et il sera finalement expulsé en 1922 sur le fameux «bateau des philosophes» (10), avec 160 intellectuels jugés indésirables. Berdiaev passa deux ans à Berlin puis s'installa à Clamart, prés de Paris; où il vécut jusqu’à sa mort le 23 mars1947. C'est là qu'il écrivit l'essentiel de son œuvre.
La vie religieuse de Berdiaev en exil ne fut pas simple: avant: avant la seconde guerre mondiale il fut considéré comme hérétique par beaucoup d'orthodoxes, puis il revint sur beaucoup de ses théories et communia régulièrement à l'église des Trois Saints Docteurs (rue Petel, Paris) alors que son épouse était devenue catholique. Sa maison devint un lieu de rencontres pour de nombreuses personnalités de l'émigration russe qu'il y invitait régulièrement, ainsi que des catholiques français. Y sont venus, parmi beaucoup d'autres, le philosophe "existentialiste" Léon Chestov, le philosophe et militant catholique Jacques Maritain, sainte mère Marie Skobtzov…. Son cabinet de travail a été conservé tel quel et se visite ainsi que sa chapelle privée dont l'iconostase fut peinte par le père Grégoire Krug après le décès du philosophe (11).
A Paris Berdiaev devint l'un des maîtres de la philosophie orthodoxe des “émigrés russes”, héritiers de "l'Age d'Argent" (12), qui ont prolongé le développement de la pensée théologique russe et constitué de fait l'essentiel de la théologie orthodoxe au XXe siècle. Ils gravitaient en particulier autour de la revue "Путь" ("La Voie", 1925-1940) fondée et dirigée par Berdiaev avec ses compagnons du "bateau des philosophes", Simon Frank, Serge Bulgakov, Nicolas Losski, passés comme Berdiaev du marxisme à l'idéalisme kantien pour finalement devenir des théologiens orthodoxes et enrichir "l'Ecole de Paris"; ils sont rejoints par d'autres intellectuels progressistes émigrés comme Antoine Kartachev, Léon Chestov, mère Marie (Skobtsov), Georges Florovski et d'autres encore.
Nicolas Berdiaev a pour beaucoup inspiré la pensée de mère Marie et secondé dans la la mise en œuvre de l'association "Pravoslavnoie delo" ("La cause orthodoxe"). Nous devons à Berdiaev un très beau texte consacré à mère Marie.
Le père Alexandre Men en dit: «Ce n'est pas une revue, c'est un trésor de la pensée! Ses soixante numéros en font véritablement une richesse, un héritage, que nous recevons aujourd'hui. Que Dieu fasse qu'ils parviennent à nos descendants» (13). Comme on voit, leurs idées sont très diversifiées et c'est Berdiaev qui parvient à les regrouper autour de lui.
Aperçu de la pensée de Berdiaev
Il est très difficile de résumer cette pensée foisonnante (une trentaine de livres et presque autant d’articles). Berdiaev "exerça une profonde influence sur la pensée européenne. Il sera le précurseur d'une nouvelle anthropologie: celle de l'homme répondant à son propre destin en prenant conscience de sa vocation créatrice" comme le définissent Olivier CLÉMENT et Marie-Madeleine DAVY (14). Sa philosophie atteint un sommet de l'existentialisme chrétien tout en étant empreinte de mysticisme. Pour Berdiaev, le premier principe n'est pas l'être mais la liberté. A partir de cette liberté, Dieu crée l'homme, l'être libre. La liberté étant par nature irrationnelle peut donc conduire au bien comme au mal. Selon lui, le mal, c'est la liberté qui se retourne contre elle-même, c'est l'asservissement de l'homme par les idoles de l'art, de la science et de la religion qui reproduisent «les rapports d'esclavage et de domination dont est issue l'histoire de l'humanité».
Berdiaev se qualifie lui même de "pneumatologue" et c'est bien l'étude de l'âme et des êtres spirituels qui constituent le cœur de son œuvre. Il relie la vocation spirituelle de l’homme à Dieu: l’esprit est le souffle de Dieu alors que l'âme est liée au corps de façon organique. Mais il n’oppose pas l’esprit et la matière; l’esprit ne s’oppose ni au corps ni à l’âme: « En vérité, l’esprit appartient à une qualité d’existence différente, supérieure à celle de l’âme et du corps. La conception tripartite de l’homme comme être tout ensemble spirituel, psychique et corporel a un sens éternel et doit être retenue. Cela ne signifie pas qu’il existe, pour ainsi dire, dans l’homme, à coté de sa nature psychique et corporelle, une nature spirituelle. » L’esprit est une émanation de Dieu. Relié au corps, il est divino-humain, divino-cosmique. C'est un don de Dieu, synonyme de liberté: « Ce n'est pas l'homme qui exige de Dieu sa liberté, mais Dieu qui exige de l'homme qu'il soit libre car cette liberté est le signe de la dignité de l'homme, créé à l'image de Dieu» 514) et il est impossible d’en donner une définition rationnelle, on peut seulement énumérer ses caractéristiques… Et Berdiaev voit le côté religieux et mystique de l’esprit: c’est par son origine divine que l'homme est créé à la ressemblance de Dieu. Le philosophe oppose l'esprit, capable de reconnaitre les lois divines, à la raison humaine, qui ne peut qu'en voir les applications, et il se réfère aux mystiques et à leurs révélations des lois divines qui échappent à la raison. « La dignité de l'homme présuppose l'existence de Dieu. C'est l'essence même de toute dialectique vitale de l'humanisme. L'homme n'est une personne que s'il est un libre esprit reflétant l'Etre suprême» (16)
Berdiaev se révolte contre les conceptions rationalistes, déterministes, téléologiques qui brisent le règne de la liberté. Le problème de l'existence humaine est donc celui de sa libération. Ici, Berdiaev fonde une véritable philosophie de la personne qui influencera Emmanuel Mounier et le personnalisme, ou encore le jésuite uruguayen José Luis Segundo, théologien de la libération qui fit sa thèse sur lui. Se dressant contre toutes les formes d'oppression sociale, politique, religieuse, "dépersonnalisantes" et déshumanisantes, l'œuvre de Berdiaev agit comme un vaccin contre toutes les formes d'utopies meurtrières du passé et de l'avenir. Par opposition, elle souligne les vrais besoins et la vraie destination de l'homme qui est surnaturelle liberté issue du mystère divin et fin de l'histoire dans une annonce du Royaume de Dieu que l'homme doit d'ores et déjà préparer dans l'amour et la liberté.
"Ce qui se passe dans les profondeurs de l'homme se passe également dans celles de Dieu."
"La liberté s'allume dans les ténèbres."
"Là où il n'y a plus de Dieu, il n'y a plus d'homme non plus."
"La personne humaine... est la révélation en l'homme de l'image de Dieu."
"Le mystère divin et le mystère humain ne sont qu'un mystère;
en Dieu se garde la mystique de l'homme et dans l'homme le secret de Dieu."
S'il fallait retenir une phrase de Nicolas Berdiaev, ce serait peut-être celle-ci: « Dans le Christ, Dieu devient visage, et l'homme à son tour connaît le sien. » (ibid 2)
Jeunesse russe
Nicolas Berdiaev est né il y a exactement 140 ans, le 19 mars 1874, près de Kiev dans une famille de la haute noblesse (3) Il passa son enfance et son adolescence à Kiev, faisant ses études à l'école des cadets, réservée aux enfants de la noblesse, qu'il ne termina pas pour entrer à la faculté de sciences naturelles puis à la faculté de droit de l'université, premier signe de la révolte contre son milieu privilégié qui l'amènera rapidement au marxisme, très à la mode dans les milieux étudiants de l'époque. En 1897 il est emprisonné et exclu de l’Université pour activités révolutionnaires, puis exilé à Vologda (nord de la Russie) en 1900-1901. Il publie son premier article dans la revue marxiste allemande «Neue Zeit» (1899) puis son premier ouvrage, "Subjectivisme et individualisme dans la philosophie sociale" en 1901, toujours marxiste.
Mais ensuite il se lie avec Serge Boulgakov, qui lui fait redécouvrir l'Orthodoxie, et découvre les Pères grecs comme le révèle Olivier Clément (4), qui sera profondément influencé par ces deus philosophes. Le jeune Berdiaev lit St. Grégoire de Nysse, St Athanase, St Irénée de Lyon, St Maxime le Confesseur Origène, St. Isaac le Syrien et en même temps les mystiques allemands (Jacob Böhme, Angélus Silésius et Maître Eckhart) et français (Huysmans). Il participe à une revue avec le célèbre écrivain Dimitri Mérejkovski (5), qu'il avait rencontré au cours d'un voyage à Paris, puis créé sa propre revue avec Boulgakov. En 1907 survient un événement singulier qu’il décrira brièvement dans son "Essai d’autobiographie spirituelle" (1940): « Je me rappelle un moment - c’était en été, à la campagne, - je me trouvais dans le jardin, à l’heure du crépuscule et le cœur lourd… Sous les nuages, la nuit s’épaississait, mais subitement une lumière intérieure surgit ». Ce que fut cette lumière, c’est sans doute cette « lumière non crépusculaire » dont parle Soloviev qui invite à « se mettre en route », en sa direction. Il dira lui-même que ce ne fut pas une « conversion », parce qu’il ne trouva pas la paix du cœur en cette circonstance, et l’on ne peut parler d’une initiation au sens strict. (ibid. 1)
Berdiaev se rapproche alors de l’Eglise orthodoxe et participe à la “Renaissance religieuse et philosophique russe” (6), en particulier avec la création de la "Société philosophique et religieuse en mémoire de Vladimir Soloviev de Moscou", mais, résolument indépendant et non-conformiste, il va rapidement prendre ses distances avec l'institution; il se définit lui même comme un prophète voué à l'élaboration d'une anthropologie chrétienne en marge de l'Eglise (7). Il s’intéresse néanmoins aux Pères de l'Eglise, principalement Saint Grégoire de Nysse, Origène et Isaac le syrien, puis il passera à la mystique germanique, c’est-à-dire à Jacob Böhme, Angélus Silésius et Maître Eckhart. «J’ai commencé à faire beaucoup de lectures mystiques et j’ai été surpris de la ressemblance des mystiques de tout temps et de toute confession» écrit-il dans son autobiographie (8). Son retentissant article « Les étouffeurs de l'Esprit » (1913), où il dénonce la répression des moines onomatodoxes de l'Athos emmenés de force en Russie et condamnés sur décision du Saint Synode russe (9), lui vaudra une condamnation pour blasphème et un nouvel exil de trois ans à Vologda.
Révolution et exil
Le philosophe réagit peu à la révolution de 1917 et au coup d'état bolchevik mais fut élu président de l'Union des écrivains (1918) et rédigea "La Philosophie de l’inégalité", une attaque contre le bolchevisme qui ne sera pas publiée. En 1920 il est arrêté, interrogé par Dzerjinsky, le fondateur de la Tcheka qui deviendra plus tard le KGB, et il sera finalement expulsé en 1922 sur le fameux «bateau des philosophes» (10), avec 160 intellectuels jugés indésirables. Berdiaev passa deux ans à Berlin puis s'installa à Clamart, prés de Paris; où il vécut jusqu’à sa mort le 23 mars1947. C'est là qu'il écrivit l'essentiel de son œuvre.
La vie religieuse de Berdiaev en exil ne fut pas simple: avant: avant la seconde guerre mondiale il fut considéré comme hérétique par beaucoup d'orthodoxes, puis il revint sur beaucoup de ses théories et communia régulièrement à l'église des Trois Saints Docteurs (rue Petel, Paris) alors que son épouse était devenue catholique. Sa maison devint un lieu de rencontres pour de nombreuses personnalités de l'émigration russe qu'il y invitait régulièrement, ainsi que des catholiques français. Y sont venus, parmi beaucoup d'autres, le philosophe "existentialiste" Léon Chestov, le philosophe et militant catholique Jacques Maritain, sainte mère Marie Skobtzov…. Son cabinet de travail a été conservé tel quel et se visite ainsi que sa chapelle privée dont l'iconostase fut peinte par le père Grégoire Krug après le décès du philosophe (11).
A Paris Berdiaev devint l'un des maîtres de la philosophie orthodoxe des “émigrés russes”, héritiers de "l'Age d'Argent" (12), qui ont prolongé le développement de la pensée théologique russe et constitué de fait l'essentiel de la théologie orthodoxe au XXe siècle. Ils gravitaient en particulier autour de la revue "Путь" ("La Voie", 1925-1940) fondée et dirigée par Berdiaev avec ses compagnons du "bateau des philosophes", Simon Frank, Serge Bulgakov, Nicolas Losski, passés comme Berdiaev du marxisme à l'idéalisme kantien pour finalement devenir des théologiens orthodoxes et enrichir "l'Ecole de Paris"; ils sont rejoints par d'autres intellectuels progressistes émigrés comme Antoine Kartachev, Léon Chestov, mère Marie (Skobtsov), Georges Florovski et d'autres encore.
Nicolas Berdiaev a pour beaucoup inspiré la pensée de mère Marie et secondé dans la la mise en œuvre de l'association "Pravoslavnoie delo" ("La cause orthodoxe"). Nous devons à Berdiaev un très beau texte consacré à mère Marie.
Le père Alexandre Men en dit: «Ce n'est pas une revue, c'est un trésor de la pensée! Ses soixante numéros en font véritablement une richesse, un héritage, que nous recevons aujourd'hui. Que Dieu fasse qu'ils parviennent à nos descendants» (13). Comme on voit, leurs idées sont très diversifiées et c'est Berdiaev qui parvient à les regrouper autour de lui.
Aperçu de la pensée de Berdiaev
Il est très difficile de résumer cette pensée foisonnante (une trentaine de livres et presque autant d’articles). Berdiaev "exerça une profonde influence sur la pensée européenne. Il sera le précurseur d'une nouvelle anthropologie: celle de l'homme répondant à son propre destin en prenant conscience de sa vocation créatrice" comme le définissent Olivier CLÉMENT et Marie-Madeleine DAVY (14). Sa philosophie atteint un sommet de l'existentialisme chrétien tout en étant empreinte de mysticisme. Pour Berdiaev, le premier principe n'est pas l'être mais la liberté. A partir de cette liberté, Dieu crée l'homme, l'être libre. La liberté étant par nature irrationnelle peut donc conduire au bien comme au mal. Selon lui, le mal, c'est la liberté qui se retourne contre elle-même, c'est l'asservissement de l'homme par les idoles de l'art, de la science et de la religion qui reproduisent «les rapports d'esclavage et de domination dont est issue l'histoire de l'humanité».
Berdiaev se qualifie lui même de "pneumatologue" et c'est bien l'étude de l'âme et des êtres spirituels qui constituent le cœur de son œuvre. Il relie la vocation spirituelle de l’homme à Dieu: l’esprit est le souffle de Dieu alors que l'âme est liée au corps de façon organique. Mais il n’oppose pas l’esprit et la matière; l’esprit ne s’oppose ni au corps ni à l’âme: « En vérité, l’esprit appartient à une qualité d’existence différente, supérieure à celle de l’âme et du corps. La conception tripartite de l’homme comme être tout ensemble spirituel, psychique et corporel a un sens éternel et doit être retenue. Cela ne signifie pas qu’il existe, pour ainsi dire, dans l’homme, à coté de sa nature psychique et corporelle, une nature spirituelle. » L’esprit est une émanation de Dieu. Relié au corps, il est divino-humain, divino-cosmique. C'est un don de Dieu, synonyme de liberté: « Ce n'est pas l'homme qui exige de Dieu sa liberté, mais Dieu qui exige de l'homme qu'il soit libre car cette liberté est le signe de la dignité de l'homme, créé à l'image de Dieu» 514) et il est impossible d’en donner une définition rationnelle, on peut seulement énumérer ses caractéristiques… Et Berdiaev voit le côté religieux et mystique de l’esprit: c’est par son origine divine que l'homme est créé à la ressemblance de Dieu. Le philosophe oppose l'esprit, capable de reconnaitre les lois divines, à la raison humaine, qui ne peut qu'en voir les applications, et il se réfère aux mystiques et à leurs révélations des lois divines qui échappent à la raison. « La dignité de l'homme présuppose l'existence de Dieu. C'est l'essence même de toute dialectique vitale de l'humanisme. L'homme n'est une personne que s'il est un libre esprit reflétant l'Etre suprême» (16)
Berdiaev se révolte contre les conceptions rationalistes, déterministes, téléologiques qui brisent le règne de la liberté. Le problème de l'existence humaine est donc celui de sa libération. Ici, Berdiaev fonde une véritable philosophie de la personne qui influencera Emmanuel Mounier et le personnalisme, ou encore le jésuite uruguayen José Luis Segundo, théologien de la libération qui fit sa thèse sur lui. Se dressant contre toutes les formes d'oppression sociale, politique, religieuse, "dépersonnalisantes" et déshumanisantes, l'œuvre de Berdiaev agit comme un vaccin contre toutes les formes d'utopies meurtrières du passé et de l'avenir. Par opposition, elle souligne les vrais besoins et la vraie destination de l'homme qui est surnaturelle liberté issue du mystère divin et fin de l'histoire dans une annonce du Royaume de Dieu que l'homme doit d'ores et déjà préparer dans l'amour et la liberté.
"Ce qui se passe dans les profondeurs de l'homme se passe également dans celles de Dieu."
"La liberté s'allume dans les ténèbres."
"Là où il n'y a plus de Dieu, il n'y a plus d'homme non plus."
"La personne humaine... est la révélation en l'homme de l'image de Dieu."
"Le mystère divin et le mystère humain ne sont qu'un mystère;
en Dieu se garde la mystique de l'homme et dans l'homme le secret de Dieu."
S'il fallait retenir une phrase de Nicolas Berdiaev, ce serait peut-être celle-ci: « Dans le Christ, Dieu devient visage, et l'homme à son tour connaît le sien. » (ibid 2)
Précurseur et prophète
L'œcuménisme orthodoxe: Berdiaev en fut un précurseur et un inspirateur. Dès 1925, deux ans avant la première conférence de « Foi et Constitution » (Lausanne en 1927), il fixe une véritable mission aux émigrés russes dans un article programmatique paru dans le premier numéro de sa revue "Путь": apporter l'orthodoxie au monde, aux autres peuples. Ce n'est pas un hasard si l'orthodoxie russe a été amenée à être en étroit contact avec les Chrétiens du monde Occidental écrit-il. L'orthodoxie a un sens universel et ne peut pas rester dans des cadres ethno-centrés, dans une situation d'isolement. Elle doit devenir forte, spirituelle, active dans le monde. Puisque dans leur vie; il est arrivé aux orthodoxes russes de vivre parmi des sans-dieu, des agnostiques ou des gens confessant autrement le christianisme du monde, différentes façons de s'impliquer lui semblent envisageable.
Et le philosophe regroupe les orthodoxes en trois courants, classement qui reste totalement d'actualité:
- Il y a d'abord les deux groupes extrêmes, qu'il critique et rejette: il ne faut ni rester renfermés, devenir une sorte "d'épouvantail affirmant son Orthodoxie" et se refusant à toute relation spirituelle, car cette attitude est complètement inadaptée à l'époque contemporaine et destructive de la vie créative spirituelles (ce sont nos "zélotes" actuels), ni, à l'autre extrême, accepter une dissolution dans la vie occidentale qui en faisant perdre à l'émigration son identité religieuse, la couperait de ses racines nationales et culturelles (nous reconnaissons nos "modernistes").
- Et Berdiaev soutien la voie médiane de ceux qui restent fidèles à leur foi tout en prenant conscience de sa signification et de sa portée universelle. Il faut écrit-il, "rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions". C'est en cela que consistent les nouvelles tâches auxquelles l'église Orthodoxe se trouve confrontée. Dans le même temps s'est formée une nouvelle conception de l'âme orthodoxe, plus active, plus responsable, plus créative, plus courageuse... L'auteur voit cette tâche comme une façon de "lutter pour la dignité et la liberté de l'esprit humain, pour l'image même de l'homme, maintenant piétinée" et "d'aspirer de toutes ses forces à la renaissance de la Russie, mais à sa renaissance dans la vérité du Christ (17).
La foi en la Russie: cette foi en la renaissance de la Russie est un fil conducteur. En 1946 Berdiaev écrit dans "L’idée Russe" ces paroles d’espérance" : « Il y a la Russie de Kiev, la Russie sous le joug tartare, la Russie de Pierre le Grand et la Russie soviétique, et il est possible qu’il y ait encore une Russie nouvelle. » Son « seul espoir était que le bolchevisme fût vaincu de l’intérieur. Le peuple russe devait être son propre libérateur », disait-il. Vision prophétique qui annonçait peut-être la Fédération de Russie d’aujourd’hui.
Rien que pour cela, malgré ses errements, Berdiaev mérite de ne pas être oublié (18).
Vladimir Golovanow
L'œcuménisme orthodoxe: Berdiaev en fut un précurseur et un inspirateur. Dès 1925, deux ans avant la première conférence de « Foi et Constitution » (Lausanne en 1927), il fixe une véritable mission aux émigrés russes dans un article programmatique paru dans le premier numéro de sa revue "Путь": apporter l'orthodoxie au monde, aux autres peuples. Ce n'est pas un hasard si l'orthodoxie russe a été amenée à être en étroit contact avec les Chrétiens du monde Occidental écrit-il. L'orthodoxie a un sens universel et ne peut pas rester dans des cadres ethno-centrés, dans une situation d'isolement. Elle doit devenir forte, spirituelle, active dans le monde. Puisque dans leur vie; il est arrivé aux orthodoxes russes de vivre parmi des sans-dieu, des agnostiques ou des gens confessant autrement le christianisme du monde, différentes façons de s'impliquer lui semblent envisageable.
Et le philosophe regroupe les orthodoxes en trois courants, classement qui reste totalement d'actualité:
- Il y a d'abord les deux groupes extrêmes, qu'il critique et rejette: il ne faut ni rester renfermés, devenir une sorte "d'épouvantail affirmant son Orthodoxie" et se refusant à toute relation spirituelle, car cette attitude est complètement inadaptée à l'époque contemporaine et destructive de la vie créative spirituelles (ce sont nos "zélotes" actuels), ni, à l'autre extrême, accepter une dissolution dans la vie occidentale qui en faisant perdre à l'émigration son identité religieuse, la couperait de ses racines nationales et culturelles (nous reconnaissons nos "modernistes").
- Et Berdiaev soutien la voie médiane de ceux qui restent fidèles à leur foi tout en prenant conscience de sa signification et de sa portée universelle. Il faut écrit-il, "rentrer, du plus profond de sa foi, en contact avec les Chrétiens d'Occident, collaborer avec eux, mettre en place des relations fraternelles plus étroites entre Chrétiens de toutes confessions". C'est en cela que consistent les nouvelles tâches auxquelles l'église Orthodoxe se trouve confrontée. Dans le même temps s'est formée une nouvelle conception de l'âme orthodoxe, plus active, plus responsable, plus créative, plus courageuse... L'auteur voit cette tâche comme une façon de "lutter pour la dignité et la liberté de l'esprit humain, pour l'image même de l'homme, maintenant piétinée" et "d'aspirer de toutes ses forces à la renaissance de la Russie, mais à sa renaissance dans la vérité du Christ (17).
La foi en la Russie: cette foi en la renaissance de la Russie est un fil conducteur. En 1946 Berdiaev écrit dans "L’idée Russe" ces paroles d’espérance" : « Il y a la Russie de Kiev, la Russie sous le joug tartare, la Russie de Pierre le Grand et la Russie soviétique, et il est possible qu’il y ait encore une Russie nouvelle. » Son « seul espoir était que le bolchevisme fût vaincu de l’intérieur. Le peuple russe devait être son propre libérateur », disait-il. Vision prophétique qui annonçait peut-être la Fédération de Russie d’aujourd’hui.
Rien que pour cela, malgré ses errements, Berdiaev mérite de ne pas être oublié (18).
Vladimir Golovanow
Notes et références:
(1) In "Essai d’autobiographie spirituelle". Cité par "NOVALIS" in http://www.moncelon.com/berdiaev.htm
(2) Cf. http://chretiens-clamart.eu/ccorthodoxe/saint_esprit.html
(3) Son père, officier des chevaliers-gardes de la garde impériale, était président de la noblesse de Kiev et sa mère était la fille du prince Koudachev et de la comtesse Mathilde de Choiseul-Gouffie.
(4) In Olivier Clément, " Berdiaev : un philosophe russe en France", Desclée de Brouwer, 1992.
(5) Dimitri Merejkovski (ou Merejkowsky Saint-Pétersbourg, 1866, - Paris 1941) est l'un des écrivains les plus lus et les plus célèbres du début du XXe siècle. Il est considéré comme le fondateur du symbolisme russe après son célèbre "manifeste du symbolisme russe" (1893)
(6) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Arkady-Mahler-developpement-de-la-theologie-russe-aux-XIX-XX-siecles_a3311.html
(7) In "Le Sens de l'Acte créateur" (1913): cité par Marie-Madeleine Davy ibid.1
(8) "Autobiographie" p. 110. Cité par http://theses.univ-lyon3.fr/documents/lyon3/2007/lasserre_p/pdfAmont/lasserre_p_partie2.pdf
(9) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1988_num_29_2_2140
(10) http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/5646077/94030230/
(11) Ibid 2
(12) http://global.britannica.com/EBchecked/topic/513793/Russian-literature/29161/The-Silver-Age
(13) http://fra.orthodoxlogos.com/bookcatalog112_dive_2_1.html
(14) In http://www.universalis.fr/encyclopedie/nicolas-berdiaev/
(15) In Nicolas Berdiaev, "Essai d'autobiographie spirituelle", Buchet/Chastel, 1979, p. 221.
(16) In Nicolas Berdaiev, "Au seuil de la nouvelle époque", (1947) Delachaux et Niestlé S.A, p.38
(17) "les tâches spirituelles de l'émigration russe", cité par ." Julia P. (Traduction Alexandre C.) "Le chameau et le chas, journal de la jeunesse orthodoxe" p. 12-14
(18) D'après Jean-Bernard Cahours d’Aspry http://www.culturemag.fr/2013/04/05/nicolas-berdiaev-un-philosophe-pour-comprendre-la-russie/
Nous devons à Berdiaev un très beau texte consacré à mère Marie - Памяти матери Марии
18 марта – 140 лет со дня рождения Н.А. Бердяева, русского религиозного философа и публициста.
Clamart - Maison de Nicolas Berdiaev
(1) In "Essai d’autobiographie spirituelle". Cité par "NOVALIS" in http://www.moncelon.com/berdiaev.htm
(2) Cf. http://chretiens-clamart.eu/ccorthodoxe/saint_esprit.html
(3) Son père, officier des chevaliers-gardes de la garde impériale, était président de la noblesse de Kiev et sa mère était la fille du prince Koudachev et de la comtesse Mathilde de Choiseul-Gouffie.
(4) In Olivier Clément, " Berdiaev : un philosophe russe en France", Desclée de Brouwer, 1992.
(5) Dimitri Merejkovski (ou Merejkowsky Saint-Pétersbourg, 1866, - Paris 1941) est l'un des écrivains les plus lus et les plus célèbres du début du XXe siècle. Il est considéré comme le fondateur du symbolisme russe après son célèbre "manifeste du symbolisme russe" (1893)
(6) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Arkady-Mahler-developpement-de-la-theologie-russe-aux-XIX-XX-siecles_a3311.html
(7) In "Le Sens de l'Acte créateur" (1913): cité par Marie-Madeleine Davy ibid.1
(8) "Autobiographie" p. 110. Cité par http://theses.univ-lyon3.fr/documents/lyon3/2007/lasserre_p/pdfAmont/lasserre_p_partie2.pdf
(9) http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1988_num_29_2_2140
(10) http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/5646077/94030230/
(11) Ibid 2
(12) http://global.britannica.com/EBchecked/topic/513793/Russian-literature/29161/The-Silver-Age
(13) http://fra.orthodoxlogos.com/bookcatalog112_dive_2_1.html
(14) In http://www.universalis.fr/encyclopedie/nicolas-berdiaev/
(15) In Nicolas Berdiaev, "Essai d'autobiographie spirituelle", Buchet/Chastel, 1979, p. 221.
(16) In Nicolas Berdaiev, "Au seuil de la nouvelle époque", (1947) Delachaux et Niestlé S.A, p.38
(17) "les tâches spirituelles de l'émigration russe", cité par ." Julia P. (Traduction Alexandre C.) "Le chameau et le chas, journal de la jeunesse orthodoxe" p. 12-14
(18) D'après Jean-Bernard Cahours d’Aspry http://www.culturemag.fr/2013/04/05/nicolas-berdiaev-un-philosophe-pour-comprendre-la-russie/
Nous devons à Berdiaev un très beau texte consacré à mère Marie - Памяти матери Марии
18 марта – 140 лет со дня рождения Н.А. Бердяева, русского религиозного философа и публициста.
Clamart - Maison de Nicolas Berdiaev
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 22 Avril 2014 à 18:10
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