Mgr Marc (Arndt) accorde une interview à Interfax
Les medias russes laïcs publient un très grand nombres d’articles traitant de la déclaration récente du synode de l’Eglise russe hors frontières à propos du livre du père Georges Mitrofanov et donc du mouvement « vlassovien ».
La polémique est devenue virulente à un tel point que l'archevêque Marc de Berlin et d’Allemagne a cru nécessaire d’apporter des clarifications sous la forme
d’une interview à Interfax.
En voici l’essentiel :

Excellence, la déclaration du synode l’EORHF a suscité en Russie de fortes réactions pour la plupart critiques. Ceci non seulement dans les milieux communistes, mais aussi dans des cercles que l’on pourrait nommer « patriotiques blancs », chez ceux des croyants qui estiment faussé le choix « Staline ou Vlassov ». On aurait souhaité voir des personnages plus acceptables et plus univoques en tant que symboles de la résistance au pouvoir athée et de service à l’idée nationale russe. Comment, selon vous, se poursuivra le dialogue entre la partie de l’Eglise qui se situe à l’étranger et la société russe qui éprouve une forte vénération à l’égard de la victoire de 1945 ?

-La résolution adoptée par le Synode n’avait pas pour but de glorifier Vlassov et d’en faire l’alternative à ce qui existait à l’époque dans le pays. Telle n’était pas la portée de ce texte. Le Synode tenait à contribuer à ce qu’un débat ouvert se développe quant à ce qui s’est produit en réalité. Jamais ces thèmes n’a encore été discutés en profondeur en Russie. La parution de l’ouvrage du Père Georges Mitrofanov a pour ainsi dire ouvert le feu. Le livre s’est heurté à de violentes critiques. Les évêques de l’étranger ont simplement tenu à préciser que le personnage du général Vlassov devait être abordé dans toute sa complexité. Il y de cela assez longtemps Alexandre Soljenitsyne a longuement parlé de Vlassov dans son « Archipel ».

Mais il n’avait pas été compris. Il n’est pas acceptable à nos yeux que toute personne qui rejetait Staline soit considérée comme un traître. Le débat doit porter sur des faits réels, il ne s’agit pas d’une polémique doctrinaire…
Des volontaires appartenant à des ethnies diverses ont combattu dans l’Armée Vlassov, dont des Ukrainiens. Le mouvement Vlassov n’était exclusivement « grand russien », il était d’inspiration pan-russienne. L’ont rejoint tous ceux qui se refusaient de continuer à souffrir sous le joug communiste. C’est par milliers que des volontaires se ralliaient aux unités Vlassov. L’histoire ne connaît pas d’autres exemples de telles masses de population ayant passé à l’ennemi pour combattre le régime existant dans leur pays. En effet, il n’y avait jamais eu auparavant de pouvoir qui extermine sa propre population à une telle envergure.
A. Soljenitsyne cite des chiffres : un camp de dix mille prisonniers de guerre des Allemands dont neuf mille ont accepté de suivre Vlassov. Un autre camp où quatre mille militaires de l’Armée Rouge faits prisonniers par les Allemands sur cinq mille sont passés dans les unités Vlassov. Ils n’y ont pas été forcés. La vie était tellement terrible qu’au début de la guerre la population acclamait les occupants non parce qu’ils conquéraient le territoire national, mais parce qu’il était possible d’ouvrir à nouveau des églises, qu’une vie moins difficile que sous les soviets était devenue possible, pour la première fois depuis 1917.

Monseigneur, qu’est-ce qui différencie d’après vous le mouvement de Vlassov de celui de Bendera ? (Mouvance nationaliste ukrainienne qui a combattu la Wermacht comme l’Armée Rouge. (NdT)

-Le mouvement Vlassov se fixait exclusivement pour but de renverser le pouvoir athée tandis que les divers mouvements ukrainiens ne voulaient que détacher la Petite Russie de la Grande Russie….

Permettez, Votre Éminence, une question d’un ordre plus abstrait. La délégation de l’EORHF venue en Russie pour accompagner la sainte icône de la Vierge de Koursk se rendra dans le monastère de la Nouvelle Jérusalem où se trouve la sépulture du patriarche Nicon. Le métropolite Antoine avait été un partisan du patriarche Nicon, il le considérait comme un grand personnage de l’histoire russe, un pasteur éminent, comme celui auquel revient le mérite d’avoir réussi l’union entre la Grande Russie et la Petite Russie, celui dont le rêve avait été de faire de la Russie le leader du monde orthodoxe. Mais le patriarche Nicon a fait l’objet d’une campagne de calomnies. Le métropolite Antoine a beaucoup œuvré pour le rétablissement de la foi unique (edinoverie), pour l’union entre les Vieux Croyants et l’Eglise russe. La délégation de l’EORHF a également l’intention de se rendre dans le centre de « la foi unique » à Mikhailovskoe. Comment le métropolite Antoine a-t-il su rester le partisan du patriarche Nicon et, en même temps, obtenir le ralliement de Vieux Croyants à l’Eglise orthodoxe. Est-ce que cela peut se faire de nos jours ?

-L’Eglise est hospitalière. Nous ne sommes pas une communauté d’exclusion mais d’inclusion. Nous accueillons les bras ouverts tous ceux qui viennent à nous le cœur ouvert, qui veulent puiser à l’expérience de l’Eglise. C’est une expérience riche et très variée. Nous sommes conscients de ce que les évènements qui ont causé l’apparition des « vieux rites » et la scission d’une partie de l’Eglise ne sont pas encore suffisamment étudiés. Des clarifications sont indispensables. Bien des avancées ont déjà eu lieu, y compris au XIX siècle sous l’influence du métropolite Philarète (Drosdov) qui a contribué à l’apparition du mouvement de « la foi unique ». L’Eglise orthodoxe a reconnu que des spécifités peuvent avoir lieu d’être dans les rites et que personne n’en meurt. Ce qui compte, c’est le salut au sein de l’Eglise. C’est dans cet esprit que la possibilité a été donnée aux Vieux Croyants qui le souhaitaient de rejoindre l’Eglise. C’était là une possibilité très intéressante faire revenir au sein de l’Eglise une partie de son troupeau. Il y a au sein de l’EORHF une telle paroisse. Elle se trouve aux Etats-Unis. Les rites y sont conformes « à la foi unique ». Je connais cette paroisse et j’y ai célébré. Les fidèles sont des personnes de valeur. Ils sont devenus totalement américains, ils ont oublié le slavon. Mais ils s’en tiennent aux vieux rites. Nous ne devons pas les rejeter, mais, au contraire, accepter ceux qui viennent à nous dans la bonne volonté et le cœur ouvert….

D’autres questions portaient sur la situation ecclésiale en Ukraine, les mouvements nationalistes ukrainiens pendant la guerre, l’éventualité d’un afflux de néophytes orthodoxes en Europe et aux Etats-Unis, la venue en Russie de l’icône miraculeuse de la Vierge de Koursk….

Rédigé par l'équipe de rédaction le 16 Septembre 2009 à 20:38 | 2 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile