INTERVIEW - Le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe Cyrille et le pape François ont annoncé leur rencontre le 12 février prochain à Cuba. Le Père Alexandre Siniakov, recteur du séminaire orthodoxe russe en France basé à Epinay-sous-Sénart dans l'Essonne, décrypte cet évènement historique.

LE FIGARO. - Comment cette première rencontre entre le pape et le patriarche a-t-elle été rendue possible?

Le père Alexandre Siniakov: Si l'on a attendu si longtemps pour vivre cette rencontre, c'est tout simplement parce qu'elle n'était pas souhaitée. Les priorités du Patriarcat de Moscou étaient ailleurs, et le dialogue avec l'Eglise catholique n'en faisait pas partie. Je crois que la situation géopolitique mondiale a été le facteur déclencheur d'un changement d'attitude. Les graves problèmes auxquels sont victimes les chrétiens menacés par la tyrannie des terroristes islamistes ont eu un énorme poids. Le métropolite Hilarion (responsables des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, NDLR) a expliqué, lors de sa conférence de presse annonçant la rencontre avec le pape, que nous faisions aujourd'hui face à une «extermination des chrétiens».

La question de l'Ukraine a également joué: la position neutre, et pacifiante du pape François dans le conflit a été saluée par l'Eglise orthodoxe russe. Je crois que l'approche du Concile panorthodoxe, rassemblant tous les patriarches des Eglises orthodoxes (qui se déroulera du 16 au 27 juin 2016, en Crète, NDLR), a aussi encouragé cette décision. Le patriarche de Moscou ne veut apparaître isolé, alors que les autres patriarches, qui ont déjà rencontré le pape, et qui entretiennent des relations avec lui. Il a enfin une véritable curiosité personnelle vis-à-vis du pape François.

En quoi la personnalité du patriarche Cyrille se prête à cette rencontre?

Il est le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe qui a le plus côtoyé le monde occidental, et les autres confessions chrétiennes. Il faut se rappeler qu'il est le fils spirituel du métropolite Nicodème, l'archevêque de Leningrad qui est mort dans les bras du pape Jean Paul Ier, en 1978, le jour de sa rencontre avec le pape! Nicodème était très engagé dans le dialogue avec les catholiques. Il s'était dévoué à la cause de l'unité des chrétiens, et Cyrille a hérité de ce désir. C'est un homme audacieux, et fort de caractère. Il a la maîtrise aujourd'hui des différents mouvements internes à l'Eglise orthodoxe russe. Il est en position de prendre des décisions aussi importantes. C'est aussi un homme pour qui les relations personnelles sont primordiales, comme pour le pape François! J'ajoute qu'il sera très important de recevoir la déclaration commune entre le pape et le patriarche, qui sortira de cette rencontre. Ce sera à la fois une référence, pour l'unité des chrétiens, et une garantie, à l'intention des conservateurs orthodoxes. Ces derniers sont hostiles au dialogue avec les catholiques. Une déclaration commune au pape et au patriarche sera un appui supplémentaire et très visible pour cette recherche de l'unité.

Que peuvent mutuellement s'apporter les deux Eglises, catholique et orthodoxe russe?

Les deux Eglises peuvent faire beaucoup pour le sort des chrétiens en Orient, ainsi que pour ceux qui ont dû fuir les persécutions. L'Eglise orthodoxe russe a derrière elle le soutien de l'Etat russe, et a les moyens de son action. Quant à l'influence mondiale du Vatican, elle est considérable! Les deux Eglises peuvent également rétablir la paix religieuse en Ukraine. Quant au dialogue théologique entre catholiques et orthodoxes, il va pouvoir se poursuivre. Le charisme du pape François y contribue déjà beaucoup. Je note aussi que les deux Eglises ont une expérience de la sécularisation: pendant soixante-dix ans, l'Eglise russe a connu le sécularisme le plus atroce et le plus violent qui soit avec le communisme. Quant à l'Eglise catholique, elle fait aujourd'hui face au sécularisme occidental, de manière positive, et utile pour nous. Le patriarche Cyrille n'a jamais caché de vouloir s'inspirer de s'en inspirer. Nous sommes confrontés aux mêmes défis: nos réponses doivent être les mêmes.... SUITE Le Figaro
«Les Eglises catholique et orthodoxe russe peuvent faire beaucoup pour les chrétiens en Orient»

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 6 Février 2016 à 09:59 | 1 commentaire | Permalien



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