Le p. Ernest Simoni a passé en tout 18 ans entre la prison et les travaux forcés en Albanie
En Albanie, un prêtre rescapé de la terreur créé cardinal par le pape François

Samuel Lieven

C’est le coup de cœur du pape François.
Lors du prochain consistoire qui doit entériner la création de 17 nouveaux cardinaux, le franciscain albanais Ernest Simoni, âgé de bientôt 88 ans, sera l’un des rares prêtres à revêtir directement la pourpre sans passer par la case « évêque ». C’est que son parcours, marqué par dix-huit ans de prison et de travaux forcés sous l’un des régimes communistes les plus féroces de la planète, a bouleversé le pape, lors de sa visite dans ce petit pays des Balkans en 2014

Né en 1928 à Troshani, un village situé à quelques kilomètres de Scutari dans le nord de l’Albanie où se concentre la minorité catholique du pays (deux tiers des Albanais sont musulmans, 15 % orthodoxes, 11 % catholiques), le P. Simoni entre très tôt chez les franciscains. Mais leur couvent, dès 1948, est transformé en un lieu de torture par le régime communiste d’Enver Hoxha. La terreur bat alors son plein. Les religieux sont tous fusillés et les novices expulsés. Âgé d’à peine 20 ans, le futur prêtre est envoyé par le régime comme enseignant dans de petits villages isolés de la montagne, où il fait secrètement œuvre de mission et d’évangélisation.

Plus tard, malgré deux années de service militaire particulièrement difficiles, dans une dictature parmi les plus fermées de la planète, Ernest Simoni réussit à achever clandestinement ses études de théologie et est ordonné prêtre à Scutari en 1956. Par obéissance à son évêque, il se fait incardiner dans son diocèse tout en restant franciscain de cœur.

Dans les geôles de la terrible « Sigurimi »

Le 24 décembre 1963, veille de Noël, il est arrêté et jeté en cellule d’isolement à Scutari, où la répression communiste est des plus meurtrières. Dirigée contre des prêtres et des intellectuels, elle touche aussi des musulmans, comme en témoignent les inscriptions – des dessins d’églises et de mosquées – retrouvées dans les cellules de la terrible « Sigurimi », la police secrète, dont l’ancien siège abrite à présent un couvent de sœurs clarisses.

Condamné à mort, le jeune prêtre voit finalement sa peine commuée en 25 années de travaux forcés. En prison, il devient un père spirituel pour les détenus. De nouveau condamné à mort en 1973 comme instigateur présumé d’une révolte, il en réchappe cette fois grâce aux témoignages de prisonniers.

Finalement libéré en 1981, le P. Simoni n’en reste pas moins considéré comme un « ennemi du peuple » et il est contraint de travailler dans les égouts de Scutari. Il continue, malgré tout, d’exercer clandestinement son ministère jusqu’à la fin du régime, en 1990.

Depuis lors, il sert comme simple prêtre dans de nombreux villages, en s’employant notamment à réconcilier les familles prises dans l’engrenage infernal des vengeances (« vendetta »), phénomène répandu en Albanie.

SUITE La Croix

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 12 Octobre 2016 à 16:00 | -20 commentaire | Permalien



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