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Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a donné une interview à l’agence TASS.
Les informations les plus contradictoires nous parviennent, principalement de source anonyme, depuis le Concile épiscopal de l’Église de Grèce, samedi dernier. Pourriez-vous expliquer quelles décisions y ont été prises, et ce qu’en pense l’Église russe ?
Mgr Hilarion: Pour l’instant, c’est par la presse que nous apprenons les décisions qu’a prises l’Église grecque. Un communiqué a été publié, ainsi qu’un discours de l’archevêque Jérôme. Avant de tirer des conclusions, il faudra procéder à une sérieuse analyse. Il y aura une réaction, elle sera formulée par le Saint-Synode de notre Église, qui doit se réunir très prochainement pour examiner cette question et d’autres.
Depuis 10 ans que vous êtes à la tête du Département des relations ecclésiastiques extérieures, beaucoup de choses ont changé dans les rapports entre l’Église russe et les chrétiens hétérodoxes, entre les Églises orthodoxes, entre l’Église et les états étrangers. Quels étaient les objectifs de la « diplomatie ecclésiastique » il y a dix ans, et qu’en est-il aujourd’hui ? Plus généralement, comment le dialogue de l’Église avec le monde se différencie-t-il de la diplomatie laïque ?
Les informations les plus contradictoires nous parviennent, principalement de source anonyme, depuis le Concile épiscopal de l’Église de Grèce, samedi dernier. Pourriez-vous expliquer quelles décisions y ont été prises, et ce qu’en pense l’Église russe ?
Mgr Hilarion: Pour l’instant, c’est par la presse que nous apprenons les décisions qu’a prises l’Église grecque. Un communiqué a été publié, ainsi qu’un discours de l’archevêque Jérôme. Avant de tirer des conclusions, il faudra procéder à une sérieuse analyse. Il y aura une réaction, elle sera formulée par le Saint-Synode de notre Église, qui doit se réunir très prochainement pour examiner cette question et d’autres.
Depuis 10 ans que vous êtes à la tête du Département des relations ecclésiastiques extérieures, beaucoup de choses ont changé dans les rapports entre l’Église russe et les chrétiens hétérodoxes, entre les Églises orthodoxes, entre l’Église et les états étrangers. Quels étaient les objectifs de la « diplomatie ecclésiastique » il y a dix ans, et qu’en est-il aujourd’hui ? Plus généralement, comment le dialogue de l’Église avec le monde se différencie-t-il de la diplomatie laïque ?
Mgr Hilarion: Les objectifs du DREE sont toujours les mêmes. Mais le monde change, les circonstances changent, des évènements auxquels on ne peut pas ne pas réagir se produisent, si bien que le travail du Département s’en ressent, l’accent n’est pas mis sur les mêmes choses. Par exemple, nous avions donné une grande partie de notre temps et de notre attention à la préparation du Concile panorthodoxe. Ce devait être un concile vraiment panorthodoxe, où l’on aurait résolu des problèmes importants pour l’Orthodoxie, mais, plusieurs églises ayant refusé d’y participer, nous avons dû aussi nous abstenir. Après quoi, les évènements se sont précipités, et dans le mauvais sens. A la fin de l’année dernière et au début de cette année, nous avons fait face à des évènements qui ont provoqué un schisme dans la famille des Églises orthodoxes.
Ce qui s’est passé samedi à Athènes ne fait qu’approfondir le schisme. Jusqu’où cela ira-t-il, c’est difficile à dire. Lorsque les légats du pape sont venus à Constantinople en 1054 pour éclaircir leurs relations avec le patriarche de Constantinople, et que ces explications n’ont provoqué qu’une rupture de la communion eucharistique entre l’Église romaine et l’Église constantinopolitaine, personne n’aurait pu prévoir que cette rupture durerait mille ans, ni quelles en seraient les terribles conséquences.
Je pense qu’il faut s’efforcer de regarder vers l’avant. Parmi ceux qui jouent aux échecs, il y a des gens qui ne sont capables de calculer leur coup qu’un tour à l’avance, et il y ceux qui peuvent calculer plusieurs coups. Il nous faut réfléchir aux mesures à prendre, et quels sont les risques. En tous cas, il ne faut pas agir sous le coup de l’émotion, sous l’influence de l’indignation et de la perplexité, il faut peser et prendre dans la prière une décision dont nous aurons ensuite à porter la responsabilité.
La rupture de la communion avec le Patriarcat de Constantinople a été une décision difficile à prendre pour l’Église. Quelles en ont été les conséquences pour les orthodoxes d’Ukraine ? Peut-on espérer que l’Église divisée se réunisse, et quel est le principal obstacle à cette réunion ?
Mgr Hilarion: Je dois dire que la rupture avec Constantinople n’a eu aucune conséquence sur la vie quotidienne de l’Église orthodoxe russe, non plus que sur celle de l’Église orthodoxe ukrainienne, qui en fait partie. Nous continuons à vivre comme auparavant, à célébrer comme auparavant, nous fêtons Pâques et les autres grandes fêtes comme nous l’avons toujours fait. Nous n’avons senti aucun dommage qui aurait été causé par cette rupture.
Le Patriarcat de Constantinople a commis une grande erreur, et il continue à s’obstiner dans cette erreur, exigeant que les autres Églises locales reconnaissent la prétendue église orthodoxe d’Ukraine. Il est pourtant évident que l’EOd’U ne tient pas en tant qu’Église. Elle se composait au départ de deux groupes schismatiques, mais depuis les quelques mois qu’elle existe ; elle s’est déjà scindée en deux parties, et elle n’a pas été suivie par le peuple. Le patriarche Bartholomée pensait que l’épiscopat de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique la rejoindrait dès qu’elle recevrait l’autocéphalie. Elle a bien reçu un tomos, mais l’épiscopat reste groupé autour du béatissime métropolite Onuphre, les hiérarques de l’Église ukrainienne ont fait part de leur désir de rester unis à l’Église orthodoxe russe, ils se sont dit entièrement satisfaits de l’actuel statut de leur Église. Il est tout à fait évident que le schisme n’a pas été surmonté, au contraire, le schisme n’a fait que s’approfondir.
L’unité avec Constantinople est devenue impossible pour l’Église russe non seulement à cause du débat autour de la juridiction sur l’Ukraine, mais aussi à cause d’opinions différentes sur les pleins-pouvoirs du patriarche de Constantinople. Le rappel du tomos d’autocéphalie concédé à l’EOd’U sera-t-il nécessaire pour le rétablissement de l’unité ? Dans le cas contraire, que faut-il ? L’unité peut-elle être rétablie ?
Mgr Hilarion: Il ne faut pas s’attendre à ce que Constantinople rappelle le tomos qu’il a accordé. Le patriarche de Constantinople a bien annulé une décision d’un de ses prédécesseurs, datant de trois cent ans, mais nous ne prenons pas ces résolutions-là au sérieux, et nous estimons qu’elles n’ont aucune valeur d’un point de vue canonique. Je pense qu’il est prématuré de parler d’une quelconque amélioration de la situation et de la guérison des plaies. Visiblement, il faudra un certain temps avant que les Églises orthodoxes trouvent ensemble une solution.
Il faudrait, vraisemblablement, une Consultation panorthodoxe, comme cela s’est déjà fait, ou bien un Concile ? Sous quelle forme une solution pourrait-elle être trouvée ?
Mgr Hilarion: J’ai du mal à parler de forme, puisque je ne vois pas que Constantinople soit prêt au dialogue. Nous ne voyons que des démarches visant à faire reconnaître par les autres Églises orthodoxes les mesures qu’il a prises précipitamment. Or, cela ne peut mener qu’à l’impasse, parce qu’une grande partie des Églises ne les accepteront pas de toute façon, et ces reconnaissances ne feront donc qu’agraver le schisme qui s’est déjà installé.
Récemment l’archevêque Jean /Renneteau/ a été reçu dans la communion de l’Église, ainsi que les clercs et les laïcs de l’Archevêché des paroisses de tradition russe en Europe occidentale. Sous quelle forme l’ancien Archevêché du Patriarcat de Constantinople existera-t-il dans l’Église russe, quel sera sa position par rapport à l’Exarchat patriarcal en Europe occidentale ? Quelles sont les particularités liturgiques et paroissiales qui se sont mises en place depuis les décennies qu’existe l’archevêché, lesquelles peuvent être conservées ?
Mgr Hilarion: Les paroisses qui célèbrent suivant le nouveau style continueront à célébrer suivant le nouveau style. Les paroisses où l’on célèbre en français, en allemand ou dans d’autres langues, continueront à célébrer dans la langue à laquelle les gens sont habitués. L’archevêché existera en tant que structure à part entière, dirigé par un archevêque, tout en faisant partie de l’Église orthodoxe russe. Il ne sera intégré ni à l’Exarchat d’Europe occidentale, ni à l’Église russe hors frontières, il aura sa propre structure, celle-là même qui existe, avec ses traditions.
Le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a dit que cette réunification mettait un terme à la division de l’Église russe et de la diaspora russe à l’étranger. Cela veut-il dire que les objectifs de catéchisation et de mission que l’Église orthodoxe russe se donnait à l’étranger sont à revoir ? Pourra-t-il, par exemple, y avoir des offices dans d’autres langues que le slavon d’église ? >>>> SUITE Mospat
Ce qui s’est passé samedi à Athènes ne fait qu’approfondir le schisme. Jusqu’où cela ira-t-il, c’est difficile à dire. Lorsque les légats du pape sont venus à Constantinople en 1054 pour éclaircir leurs relations avec le patriarche de Constantinople, et que ces explications n’ont provoqué qu’une rupture de la communion eucharistique entre l’Église romaine et l’Église constantinopolitaine, personne n’aurait pu prévoir que cette rupture durerait mille ans, ni quelles en seraient les terribles conséquences.
Je pense qu’il faut s’efforcer de regarder vers l’avant. Parmi ceux qui jouent aux échecs, il y a des gens qui ne sont capables de calculer leur coup qu’un tour à l’avance, et il y ceux qui peuvent calculer plusieurs coups. Il nous faut réfléchir aux mesures à prendre, et quels sont les risques. En tous cas, il ne faut pas agir sous le coup de l’émotion, sous l’influence de l’indignation et de la perplexité, il faut peser et prendre dans la prière une décision dont nous aurons ensuite à porter la responsabilité.
La rupture de la communion avec le Patriarcat de Constantinople a été une décision difficile à prendre pour l’Église. Quelles en ont été les conséquences pour les orthodoxes d’Ukraine ? Peut-on espérer que l’Église divisée se réunisse, et quel est le principal obstacle à cette réunion ?
Mgr Hilarion: Je dois dire que la rupture avec Constantinople n’a eu aucune conséquence sur la vie quotidienne de l’Église orthodoxe russe, non plus que sur celle de l’Église orthodoxe ukrainienne, qui en fait partie. Nous continuons à vivre comme auparavant, à célébrer comme auparavant, nous fêtons Pâques et les autres grandes fêtes comme nous l’avons toujours fait. Nous n’avons senti aucun dommage qui aurait été causé par cette rupture.
Le Patriarcat de Constantinople a commis une grande erreur, et il continue à s’obstiner dans cette erreur, exigeant que les autres Églises locales reconnaissent la prétendue église orthodoxe d’Ukraine. Il est pourtant évident que l’EOd’U ne tient pas en tant qu’Église. Elle se composait au départ de deux groupes schismatiques, mais depuis les quelques mois qu’elle existe ; elle s’est déjà scindée en deux parties, et elle n’a pas été suivie par le peuple. Le patriarche Bartholomée pensait que l’épiscopat de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique la rejoindrait dès qu’elle recevrait l’autocéphalie. Elle a bien reçu un tomos, mais l’épiscopat reste groupé autour du béatissime métropolite Onuphre, les hiérarques de l’Église ukrainienne ont fait part de leur désir de rester unis à l’Église orthodoxe russe, ils se sont dit entièrement satisfaits de l’actuel statut de leur Église. Il est tout à fait évident que le schisme n’a pas été surmonté, au contraire, le schisme n’a fait que s’approfondir.
L’unité avec Constantinople est devenue impossible pour l’Église russe non seulement à cause du débat autour de la juridiction sur l’Ukraine, mais aussi à cause d’opinions différentes sur les pleins-pouvoirs du patriarche de Constantinople. Le rappel du tomos d’autocéphalie concédé à l’EOd’U sera-t-il nécessaire pour le rétablissement de l’unité ? Dans le cas contraire, que faut-il ? L’unité peut-elle être rétablie ?
Mgr Hilarion: Il ne faut pas s’attendre à ce que Constantinople rappelle le tomos qu’il a accordé. Le patriarche de Constantinople a bien annulé une décision d’un de ses prédécesseurs, datant de trois cent ans, mais nous ne prenons pas ces résolutions-là au sérieux, et nous estimons qu’elles n’ont aucune valeur d’un point de vue canonique. Je pense qu’il est prématuré de parler d’une quelconque amélioration de la situation et de la guérison des plaies. Visiblement, il faudra un certain temps avant que les Églises orthodoxes trouvent ensemble une solution.
Il faudrait, vraisemblablement, une Consultation panorthodoxe, comme cela s’est déjà fait, ou bien un Concile ? Sous quelle forme une solution pourrait-elle être trouvée ?
Mgr Hilarion: J’ai du mal à parler de forme, puisque je ne vois pas que Constantinople soit prêt au dialogue. Nous ne voyons que des démarches visant à faire reconnaître par les autres Églises orthodoxes les mesures qu’il a prises précipitamment. Or, cela ne peut mener qu’à l’impasse, parce qu’une grande partie des Églises ne les accepteront pas de toute façon, et ces reconnaissances ne feront donc qu’agraver le schisme qui s’est déjà installé.
Récemment l’archevêque Jean /Renneteau/ a été reçu dans la communion de l’Église, ainsi que les clercs et les laïcs de l’Archevêché des paroisses de tradition russe en Europe occidentale. Sous quelle forme l’ancien Archevêché du Patriarcat de Constantinople existera-t-il dans l’Église russe, quel sera sa position par rapport à l’Exarchat patriarcal en Europe occidentale ? Quelles sont les particularités liturgiques et paroissiales qui se sont mises en place depuis les décennies qu’existe l’archevêché, lesquelles peuvent être conservées ?
Mgr Hilarion: Les paroisses qui célèbrent suivant le nouveau style continueront à célébrer suivant le nouveau style. Les paroisses où l’on célèbre en français, en allemand ou dans d’autres langues, continueront à célébrer dans la langue à laquelle les gens sont habitués. L’archevêché existera en tant que structure à part entière, dirigé par un archevêque, tout en faisant partie de l’Église orthodoxe russe. Il ne sera intégré ni à l’Exarchat d’Europe occidentale, ni à l’Église russe hors frontières, il aura sa propre structure, celle-là même qui existe, avec ses traditions.
Le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a dit que cette réunification mettait un terme à la division de l’Église russe et de la diaspora russe à l’étranger. Cela veut-il dire que les objectifs de catéchisation et de mission que l’Église orthodoxe russe se donnait à l’étranger sont à revoir ? Pourra-t-il, par exemple, y avoir des offices dans d’autres langues que le slavon d’église ? >>>> SUITE Mospat
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 16 Octobre 2019 à 18:26
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