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Et voici le "Troisième Sauveur", le 16/29 août, la fête de la "de la translation d'Edesse à Constantinople de l'icône de la face du Christ non faite de main d'homme" en 944. Cette fête est aussi appelée le "Sauveur du pain" ou encore le "Sauveur des noisettes" voir explication ici Nous connaissons tous cette icône particulièrement vénérée, puisque considérée comme l'archétype de toutes les icônes, mais plusieurs explications de son origine circulent. "Albocicade" en fait une analyse érudite sur son blog*
La "légende d'Abgar"
Eusèbe de Césarée cite, dans son Histoire ecclésiastique (HE I. XIII), une correspondance que le roi Abgar d'Édesse — que l'on identifie comme étant "Abgar V Oukama" (= "le noir") — aurait eue avec Jésus pour le prier de venir le guérir d'une maladie réputée incurable. Dans sa réponse, Jésus aurait écrit :
"Lorsque j'aurai été élevé, je t'enverrai un de mes disciples pour te guérir de ton infirmité et te donner la vie, à toi et à ceux qui sont avec toi."
Eusèbe rapporte que le disciple en question fut Thaddée, qui évangélisa la ville d'Édesse et son roi. Toutefois, déjà dans le Décret de Gélase [1], comme encore actuellement, cette correspondance est regardée comme apocryphe. Cet épisode connut une fortune certaine, et divers textes le rapportent dans une rédaction amplifiée et grossie de plusieurs légendes-
La "légende d'Abgar"
Eusèbe de Césarée cite, dans son Histoire ecclésiastique (HE I. XIII), une correspondance que le roi Abgar d'Édesse — que l'on identifie comme étant "Abgar V Oukama" (= "le noir") — aurait eue avec Jésus pour le prier de venir le guérir d'une maladie réputée incurable. Dans sa réponse, Jésus aurait écrit :
"Lorsque j'aurai été élevé, je t'enverrai un de mes disciples pour te guérir de ton infirmité et te donner la vie, à toi et à ceux qui sont avec toi."
Eusèbe rapporte que le disciple en question fut Thaddée, qui évangélisa la ville d'Édesse et son roi. Toutefois, déjà dans le Décret de Gélase [1], comme encore actuellement, cette correspondance est regardée comme apocryphe. Cet épisode connut une fortune certaine, et divers textes le rapportent dans une rédaction amplifiée et grossie de plusieurs légendes-
Le Mandylion d'Edesse
Ainsi, Moïse de Khorène (fin Ve siècle) dans son Histoire d'Arménie ( Liv II, chap 30 à 33) reprend le récit d'Eusèbe en y ajoutant d'autres correspondances avec Tibère, Nerses, Ardashes… Concernant la correspondance d'Abgar et Jésus, il est fait mention que le messager d'Abgar, "Anan" rapporta la réponse de Jésus, "ainsi que l'image du Sauveur qui se trouve encore à présent à Edesse".D'autre part, la Doctrine d'Addaï (IVe ou Ve siècle), précise qu'en plus d'être le messager d'Abgar, Hannan était le "peintre du roi", et qu'il réalisa un portrait de Jésus. (Addaï est la forme syriaque de Thaddée).Une autre variante tardive, les Actes de l'apôtre Thaddée (VIIe siècle) indiquent qu'Annanias (= Hannan = Anan), cherchait à fixer dans sa mémoire les traits de Jésus, pour en faire une description à son roi, mais n'y parvenait pas. Jésus s'étant lavé le visage s'essuya avec un linge qu'il remit à Annanias. Sur le linge s'était "imprimée" l'image du visage de Jésus. Enfin, la forme ultime de ce développement précise qu'Ananias, voulait faire le portrait de Jésus, mais qu'il lui était impossible de fixer les traits du Sauveur, car son visage semblait changer sans cesse d'aspect, "sous l'effet de la grâce indicible qui s'en dégageait". Le Christ, devinant le dessein d'Ananie se fit apporter une petite bassine, s'y lava le visage et l'essuya avec un linge plié en quatre. Aussitôt ses traits se trouvèrent imprimés de manière indélébile sur ce linge, sans le secours d'une main humaine.
Saint Jean Damascène mentionne lui aussi brièvement l'épisode dans sa Défense de la foi orthodoxe (De fide IV. 16) Ce fut le Mandylion [2] d'Édesse, réputée la "première" icône. Indépendamment de toute question d'historicité, le Mandylion (ou "Sainte Face") est aujourd'hui une icône du Christ et, selon la doctrine de l'Église orthodoxe, celui qui vénère une icône ne vénère pas la matière (bois, peinture...) dont elle est faite — ou les légendes qui s'y sont attachées — mais celui qui y est représenté, en l'occurrence le Christ.
Le Mandylion et Abgar dans la liturgie
Comme le note l'iconographe Léonide Ouspensky, "L'Église garde des traditions qui, par leur contenu, même exprimé sous une forme légendaire, servent à manifester et à affirmer les vérités dogmatiques de l'œuvre divine. (…) C'est pour cela que ces traditions, comme celle de l'image non faite de main d'homme et du roi Abgar, sont fixées dans les Actes des Conciles et dans les écrits patristiques, c'est pour cela qu'elles entrent dans la vie liturgique orthodoxe."
Ainsi, le 16 août est la fête de l'icône "non faite de main d'homme" dans l'Église orthodoxe, ainsi que dans l'Église copte. D'autre part, Abgar est commémoré comme saint "Abgar, roi d'Édesse et premier roi chrétien" durant l'Avent de Noël par l'Église d'Arménie, et à la Mi-carême par l'Église syrienne. [3] S'il n'y eut pas de vénération de "saint Abgar" en Occident, l'histoire est toutefois connue par la "Légende Dorée" de Jacques de Voragine qui l'intègre dans la vie des apôtres Simon et Jude, en se basant sur Eusèbe et saint Jean Damascène.
Abgar et Véronique
Tandis qu'en Orient, la légende d'Abgar allait en s'amplifiant, en Occident, elle prit une autre forme. Selon les Acta Sanctorum publiés par les Bollandistes (pour le 4 février), il s'agit d'une femme pieuse de Jérusalem qui, poussée par la compassion lorsque Jésus-Christ portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu'il pût essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'y était miraculeusement imprimée. Aussi, l'iconographie occidentale représente traditionnellement Véronique tenant un tissu où s'est imprimé le visage de Jésus. Le nom "Véronique" lui-même est une latinisation du prénom macédonien Bérénice (Βερενίκη) signifiant "qui porte la victoire". L'étymologie populaire a ensuite rapproché ce nom des mots latins "vera" "icon" : vraie image.
Eusèbe de Césarée raconte, dans son Histoire Ecclésiastique (VII 18) que la femme hémorroïsse que le Christ avait guérie (Matthieu 9:20) avait fait installer une statue du Sauveur à Césarée de Philippe. Il ne fallut pas longtemps à la légende pour donner un nom à cette femme. En Occident, elle a été identifiée avec Marthe de Béthanie, en Orient on l'a appelée Berenikè, ou Beronikè, nom qui apparaît déjà dans une œuvre comme les Acta Pilati, dont la forme la plus ancienne remonte au IVe siècle.
Ainsi, Moïse de Khorène (fin Ve siècle) dans son Histoire d'Arménie ( Liv II, chap 30 à 33) reprend le récit d'Eusèbe en y ajoutant d'autres correspondances avec Tibère, Nerses, Ardashes… Concernant la correspondance d'Abgar et Jésus, il est fait mention que le messager d'Abgar, "Anan" rapporta la réponse de Jésus, "ainsi que l'image du Sauveur qui se trouve encore à présent à Edesse".D'autre part, la Doctrine d'Addaï (IVe ou Ve siècle), précise qu'en plus d'être le messager d'Abgar, Hannan était le "peintre du roi", et qu'il réalisa un portrait de Jésus. (Addaï est la forme syriaque de Thaddée).Une autre variante tardive, les Actes de l'apôtre Thaddée (VIIe siècle) indiquent qu'Annanias (= Hannan = Anan), cherchait à fixer dans sa mémoire les traits de Jésus, pour en faire une description à son roi, mais n'y parvenait pas. Jésus s'étant lavé le visage s'essuya avec un linge qu'il remit à Annanias. Sur le linge s'était "imprimée" l'image du visage de Jésus. Enfin, la forme ultime de ce développement précise qu'Ananias, voulait faire le portrait de Jésus, mais qu'il lui était impossible de fixer les traits du Sauveur, car son visage semblait changer sans cesse d'aspect, "sous l'effet de la grâce indicible qui s'en dégageait". Le Christ, devinant le dessein d'Ananie se fit apporter une petite bassine, s'y lava le visage et l'essuya avec un linge plié en quatre. Aussitôt ses traits se trouvèrent imprimés de manière indélébile sur ce linge, sans le secours d'une main humaine.
Saint Jean Damascène mentionne lui aussi brièvement l'épisode dans sa Défense de la foi orthodoxe (De fide IV. 16) Ce fut le Mandylion [2] d'Édesse, réputée la "première" icône. Indépendamment de toute question d'historicité, le Mandylion (ou "Sainte Face") est aujourd'hui une icône du Christ et, selon la doctrine de l'Église orthodoxe, celui qui vénère une icône ne vénère pas la matière (bois, peinture...) dont elle est faite — ou les légendes qui s'y sont attachées — mais celui qui y est représenté, en l'occurrence le Christ.
Le Mandylion et Abgar dans la liturgie
Comme le note l'iconographe Léonide Ouspensky, "L'Église garde des traditions qui, par leur contenu, même exprimé sous une forme légendaire, servent à manifester et à affirmer les vérités dogmatiques de l'œuvre divine. (…) C'est pour cela que ces traditions, comme celle de l'image non faite de main d'homme et du roi Abgar, sont fixées dans les Actes des Conciles et dans les écrits patristiques, c'est pour cela qu'elles entrent dans la vie liturgique orthodoxe."
Ainsi, le 16 août est la fête de l'icône "non faite de main d'homme" dans l'Église orthodoxe, ainsi que dans l'Église copte. D'autre part, Abgar est commémoré comme saint "Abgar, roi d'Édesse et premier roi chrétien" durant l'Avent de Noël par l'Église d'Arménie, et à la Mi-carême par l'Église syrienne. [3] S'il n'y eut pas de vénération de "saint Abgar" en Occident, l'histoire est toutefois connue par la "Légende Dorée" de Jacques de Voragine qui l'intègre dans la vie des apôtres Simon et Jude, en se basant sur Eusèbe et saint Jean Damascène.
Abgar et Véronique
Tandis qu'en Orient, la légende d'Abgar allait en s'amplifiant, en Occident, elle prit une autre forme. Selon les Acta Sanctorum publiés par les Bollandistes (pour le 4 février), il s'agit d'une femme pieuse de Jérusalem qui, poussée par la compassion lorsque Jésus-Christ portait sa croix au Golgotha, lui a donné son voile pour qu'il pût essuyer son front. Jésus accepta et, après s'en être servi, le lui rendit avec l'image de son visage qui s'y était miraculeusement imprimée. Aussi, l'iconographie occidentale représente traditionnellement Véronique tenant un tissu où s'est imprimé le visage de Jésus. Le nom "Véronique" lui-même est une latinisation du prénom macédonien Bérénice (Βερενίκη) signifiant "qui porte la victoire". L'étymologie populaire a ensuite rapproché ce nom des mots latins "vera" "icon" : vraie image.
Eusèbe de Césarée raconte, dans son Histoire Ecclésiastique (VII 18) que la femme hémorroïsse que le Christ avait guérie (Matthieu 9:20) avait fait installer une statue du Sauveur à Césarée de Philippe. Il ne fallut pas longtemps à la légende pour donner un nom à cette femme. En Occident, elle a été identifiée avec Marthe de Béthanie, en Orient on l'a appelée Berenikè, ou Beronikè, nom qui apparaît déjà dans une œuvre comme les Acta Pilati, dont la forme la plus ancienne remonte au IVe siècle.
Notes
"Albocicade" en fait une analyse érudite sur son blog*
1. Le Décret de Gélase est un texte qui énonce les livres reconnus comme canoniques par l'Église de Rome, et ceux auxquels elle ne reconnaît pas cette canonicité. Ce Decretum Gelasianum est probablement du VIe siècle, donc nettement postérieur au pape Gélase
2. Mandylion, de mindil, "mouchoir", "serviette" en syriaque.
3. Selon l'ouvrage d'Holweck, A Biographical Dictionary of the Saints publié en 1924, et cité dans le Wikipédia anglais, l'Église orthodoxe vénèrerait saint Abgar le 11 mai et le 28octobre. On ne trouve cependant nulle trace d'une telle vénération dans "Le Synaxaire, vies des saints de l'Église orthodoxe en français", du moine Macaire de Simonos Petra (Mont Athos) (Editions To Perivoli tis Panaghias Thessalonique 1987-1996). D'autre part, selon la même source, l'Église syrienne le vénèrerait le 1er août.
"Albocicade" produit ensuite plusieurs documents intéressants:
• L'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée en traduction française, à télécharger
• L'histoire d'Arménie de Moïse de Khorène en traduction française.
• La "Doctrine d'Addaï", en traduction anglaise
• Les "Actes de Thaddée", en traduction anglaise
• La légende d'Abgar, dans sa forme ultime.
• L'histoire de St Simon et St Jude, dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine
• De la Foi orthodoxe, IV 16, sur les icônes, par St Jean Damascène
• Petit poème
Et propose plusieurs illustrations intéressantes (malheureusement sans préciser l'origine…)
V.Golovanow
"Albocicade" en fait une analyse érudite sur son blog*
1. Le Décret de Gélase est un texte qui énonce les livres reconnus comme canoniques par l'Église de Rome, et ceux auxquels elle ne reconnaît pas cette canonicité. Ce Decretum Gelasianum est probablement du VIe siècle, donc nettement postérieur au pape Gélase
2. Mandylion, de mindil, "mouchoir", "serviette" en syriaque.
3. Selon l'ouvrage d'Holweck, A Biographical Dictionary of the Saints publié en 1924, et cité dans le Wikipédia anglais, l'Église orthodoxe vénèrerait saint Abgar le 11 mai et le 28octobre. On ne trouve cependant nulle trace d'une telle vénération dans "Le Synaxaire, vies des saints de l'Église orthodoxe en français", du moine Macaire de Simonos Petra (Mont Athos) (Editions To Perivoli tis Panaghias Thessalonique 1987-1996). D'autre part, selon la même source, l'Église syrienne le vénèrerait le 1er août.
"Albocicade" produit ensuite plusieurs documents intéressants:
• L'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée en traduction française, à télécharger
• L'histoire d'Arménie de Moïse de Khorène en traduction française.
• La "Doctrine d'Addaï", en traduction anglaise
• Les "Actes de Thaddée", en traduction anglaise
• La légende d'Abgar, dans sa forme ultime.
• L'histoire de St Simon et St Jude, dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine
• De la Foi orthodoxe, IV 16, sur les icônes, par St Jean Damascène
• Petit poème
Et propose plusieurs illustrations intéressantes (malheureusement sans préciser l'origine…)
V.Golovanow
Rédigé par Vladimir Golovanow le 29 Août 2014 à 09:26
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