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Amanda Breuer Rivera
Hymne à la renaissance du Christ, cette cathédrale orthodoxe fut construite par des Russes exilés sur la côte d’Azur au XIXe siècle, suite à la guerre de Crimée
Si les galets blancs et l’azur de la mer niçoise se souviennent sans peine des Anglais, le souvenir des Russes est plus dilué. Pourtant, la douleur de la tsarine Alexandra Feodorovna reste gravée dans la pierre à l’entrée de son lopin de terre au nord de la gare : « Souvenir 1865. » La mort du tsarévitch Nicolas Alexandrovitch poussa sa mère à raser la villa où il se faisait soigner afin de construire une chapelle commémorative à l’endroit exact où il rendit son dernier souffle. Aujourd’hui protégé dans un huis clos de verdure, le monument est fortement dégradé par les intempéries.
Tout autour, des passants se prélassent sur le gazon. La plus grande et belle cathédrale orthodoxe russe exilée arbore les couleurs de sa ville d’adoption. Reposant sur un bâtiment brique et blanc, des coupoles bleues et vertes guettent la mer. Un petit dôme se tient à l’écart. Vêtu d’or véritable, il abrite le clocher visible depuis son balcon et illuminé la nuit tombée. Des chérubins de céramique témoignent de l’influence de l’art nouveau s’inspirant du patrimoine russe du XVIIe siècle. Au sommet des deux entrées, un aigle à deux têtes, blason de la famille impériale russe, virevolte face aux vents.
Hymne à la renaissance du Christ, cette cathédrale orthodoxe fut construite par des Russes exilés sur la côte d’Azur au XIXe siècle, suite à la guerre de Crimée
Si les galets blancs et l’azur de la mer niçoise se souviennent sans peine des Anglais, le souvenir des Russes est plus dilué. Pourtant, la douleur de la tsarine Alexandra Feodorovna reste gravée dans la pierre à l’entrée de son lopin de terre au nord de la gare : « Souvenir 1865. » La mort du tsarévitch Nicolas Alexandrovitch poussa sa mère à raser la villa où il se faisait soigner afin de construire une chapelle commémorative à l’endroit exact où il rendit son dernier souffle. Aujourd’hui protégé dans un huis clos de verdure, le monument est fortement dégradé par les intempéries.
Tout autour, des passants se prélassent sur le gazon. La plus grande et belle cathédrale orthodoxe russe exilée arbore les couleurs de sa ville d’adoption. Reposant sur un bâtiment brique et blanc, des coupoles bleues et vertes guettent la mer. Un petit dôme se tient à l’écart. Vêtu d’or véritable, il abrite le clocher visible depuis son balcon et illuminé la nuit tombée. Des chérubins de céramique témoignent de l’influence de l’art nouveau s’inspirant du patrimoine russe du XVIIe siècle. Au sommet des deux entrées, un aigle à deux têtes, blason de la famille impériale russe, virevolte face aux vents.
Bulle verte et mosaïque byzantine
À l’origine, l’édifice devait être à un carrefour de rue, mais il est aujourd’hui reclus dans sa bulle verte : la seconde entrée a été condamnée et la mosaïque byzantine n’accueille plus que les promeneurs. L’intérieur de la cathédrale est un hymne à la ville et à la renaissance du Christ. Ses parois sont baignées d’un bleu de mer méridionale et garnis de végétation luxuriante peinte en trompe-l’œil.
L'ancien recteur de la cathédrale, Jean Gueit, qui vouait une haine féroce à « l’impérialisme » russe, aspirait à rassembler toutes les églises orthodoxes de la région pour fonder une église orthodoxe territoriale d’Europe occidentale. Un souhait pieux qui semble aujourd’hui illusoire, d'autant que la cathédrale a changé de propriétaire, revenant dans le giron de Moscou en 2011, au terme d'une longue bataille judiciaire.
La présence russe à Nice date de la défaite lors de la guerre de Crimée. L’Empire blanc avait trouvé un nouveau lieu pour mouiller sa marine au large de Nice, qui à l’époque n’était pas française. Le climat doux avait attiré les aristocrates et la famille royale. Une communauté orthodoxe se forma à Nice et ils fondèrent Sainte-Alexandra, la première église orthodoxe d’Europe occidentale. Jugée trop petite, les paroissiens voulurent une cathédrale. Elle fut bâtie de 1903 à 1912, avec l’aide de la famille impériale. Le tsar céda son lopin de terre où reposait la chapelle commémorative de son oncle, puis finança et patronna la cathédrale.
À l’origine, l’édifice devait être à un carrefour de rue, mais il est aujourd’hui reclus dans sa bulle verte : la seconde entrée a été condamnée et la mosaïque byzantine n’accueille plus que les promeneurs. L’intérieur de la cathédrale est un hymne à la ville et à la renaissance du Christ. Ses parois sont baignées d’un bleu de mer méridionale et garnis de végétation luxuriante peinte en trompe-l’œil.
L'ancien recteur de la cathédrale, Jean Gueit, qui vouait une haine féroce à « l’impérialisme » russe, aspirait à rassembler toutes les églises orthodoxes de la région pour fonder une église orthodoxe territoriale d’Europe occidentale. Un souhait pieux qui semble aujourd’hui illusoire, d'autant que la cathédrale a changé de propriétaire, revenant dans le giron de Moscou en 2011, au terme d'une longue bataille judiciaire.
La présence russe à Nice date de la défaite lors de la guerre de Crimée. L’Empire blanc avait trouvé un nouveau lieu pour mouiller sa marine au large de Nice, qui à l’époque n’était pas française. Le climat doux avait attiré les aristocrates et la famille royale. Une communauté orthodoxe se forma à Nice et ils fondèrent Sainte-Alexandra, la première église orthodoxe d’Europe occidentale. Jugée trop petite, les paroissiens voulurent une cathédrale. Elle fut bâtie de 1903 à 1912, avec l’aide de la famille impériale. Le tsar céda son lopin de terre où reposait la chapelle commémorative de son oncle, puis finança et patronna la cathédrale.
Au gré des vagues d’immigration
Le temps forgea ensuite une communauté paroissiale au pouls des immigrations politiques. Aujourd’hui, la paroisse se compose de très rares survivants de la première vague d’immigration des Russes blancs datant de la révolution d’octobre 1917, de quelques immigrés de la deuxième vague de la Seconde Guerre mondiale et essentiellement d’immigrés de la troisième vague correspondant à la fin de l’URSS. Un prêtre, habillé d’or et de blanc, indiquait qu’il existe quelques tensions entre certains « novariches », les nouveaux Russes très argentés venus dès la décennie 1990, et les derniers venus, plus modestes et originaires d’autres anciennes contrées de l’ex-URSS comme la Géorgie, la Moldavie ou la Roumanie.
Non loin de lui, Maïa est debout dans le chœur. Musicienne professionnelle, elle participe bénévolement aux chants liturgiques accompagnant les messes orthodoxes. Sous sa tignasse blonde platine, cette Géorgienne mère de famille a fui la révolution rose. Arrivée par hasard à Nice sans parler un mot de français, la paroisse russophone lui a été d’un grand secours pour s’intégrer dans son nouveau pays d’adoption : « Lorsque nous sommes arrivés, ils ne nous ont pas demandé notre nationalité. Je pense qu’ici tout est parfait et qu’on y trouve la vraie foi car l’orthodoxie est transnationale. »
Ce dimanche matin, ils étaient une centaine de paroissiens dans la cathédrale. De différentes nationalités, de toutes les générations, ils sont restés deux heures debout.
Durant la messe, certains ont circulé pour saluer des amis, la famille, ou sont sortis prendre l’air. Au sol, quelques bébés ont fait leurs premiers pas sous l’œil attendri de leurs mères. Les rares sièges de la salle n’ont pas tous été occupés. Les personnes âgées présentes se sont tantôt assises, tantôt levées pour être en harmonie avec l’office. Un professeur de russe à la retraite explique : « Nous sommes gênés de voir partout en ville des panneaux indiquant une église russe, car nous sommes orthodoxes avant d’être russes. L’orthodoxie russe a été figée par la persécution puis par sa mise sous tutelle, tandis que nous avons développé une orthodoxie non-nationale et autonome. Aujourd’hui, nos prêtres ne considèrent pas comme primordiale la façon de s’habiller, mais ils regardent juste la sincérité de la foi. Nous aimerions encore vivre trente ans sur ces acquis importants sans être balayés par un intégrisme venant de Russie avec sa vision nationaliste de la religion » , conscient que face à la désaffection des églises, l’avenir de la paroisse reposera sur l’afflux d’immigrés.
Le temps forgea ensuite une communauté paroissiale au pouls des immigrations politiques. Aujourd’hui, la paroisse se compose de très rares survivants de la première vague d’immigration des Russes blancs datant de la révolution d’octobre 1917, de quelques immigrés de la deuxième vague de la Seconde Guerre mondiale et essentiellement d’immigrés de la troisième vague correspondant à la fin de l’URSS. Un prêtre, habillé d’or et de blanc, indiquait qu’il existe quelques tensions entre certains « novariches », les nouveaux Russes très argentés venus dès la décennie 1990, et les derniers venus, plus modestes et originaires d’autres anciennes contrées de l’ex-URSS comme la Géorgie, la Moldavie ou la Roumanie.
Non loin de lui, Maïa est debout dans le chœur. Musicienne professionnelle, elle participe bénévolement aux chants liturgiques accompagnant les messes orthodoxes. Sous sa tignasse blonde platine, cette Géorgienne mère de famille a fui la révolution rose. Arrivée par hasard à Nice sans parler un mot de français, la paroisse russophone lui a été d’un grand secours pour s’intégrer dans son nouveau pays d’adoption : « Lorsque nous sommes arrivés, ils ne nous ont pas demandé notre nationalité. Je pense qu’ici tout est parfait et qu’on y trouve la vraie foi car l’orthodoxie est transnationale. »
Ce dimanche matin, ils étaient une centaine de paroissiens dans la cathédrale. De différentes nationalités, de toutes les générations, ils sont restés deux heures debout.
Durant la messe, certains ont circulé pour saluer des amis, la famille, ou sont sortis prendre l’air. Au sol, quelques bébés ont fait leurs premiers pas sous l’œil attendri de leurs mères. Les rares sièges de la salle n’ont pas tous été occupés. Les personnes âgées présentes se sont tantôt assises, tantôt levées pour être en harmonie avec l’office. Un professeur de russe à la retraite explique : « Nous sommes gênés de voir partout en ville des panneaux indiquant une église russe, car nous sommes orthodoxes avant d’être russes. L’orthodoxie russe a été figée par la persécution puis par sa mise sous tutelle, tandis que nous avons développé une orthodoxie non-nationale et autonome. Aujourd’hui, nos prêtres ne considèrent pas comme primordiale la façon de s’habiller, mais ils regardent juste la sincérité de la foi. Nous aimerions encore vivre trente ans sur ces acquis importants sans être balayés par un intégrisme venant de Russie avec sa vision nationaliste de la religion » , conscient que face à la désaffection des églises, l’avenir de la paroisse reposera sur l’afflux d’immigrés.
Au centre de la nef, les retardataires se pressent vers l’icône présentée pour Pâques. Si certains font le signe de croix puis touchent le sol, d’autres déposent délicatement leur front ou leur joue comme pour lui confier un secret avant d’embrasser l’image. Après cette marque de respect, les plus fervents croyants se déplacent d’icône en icône pour les saluer. Parmi ces images, certaines ont appartenu au tsar Nicolas II (1868-1918) ou à Ivan IV le Terrible (1530-1584). Sous ces reliques, une petite fille court vers des cierges et souffle dessus. Sa mère tente de la rattraper tout en restant silencieuse.
L’enfant rit de bon cœur et la sème en tournant autour du meuble. Un homme d’âge mûr oublie momentanément la liturgie et sourit face à la scène. Les paroissiens restés à côté du chandelier s’approchent des bougies et les rallument. Une vieille femme ridée et voilée d’un foulard blanc s’approche et nettoie le meuble de la cire fondue. Puis le silence vient. Le prêtre proclame une injonction en russe. Les fidèles baissent la tête et prient. L’homme qui plus tôt souriait se couche sur un meuble surplombé d’un Christ en croix ; les paumes liées, il prie à genoux sous la présence d’une Vierge au foulard argenté et incrusté de perles.
L’enfant rit de bon cœur et la sème en tournant autour du meuble. Un homme d’âge mûr oublie momentanément la liturgie et sourit face à la scène. Les paroissiens restés à côté du chandelier s’approchent des bougies et les rallument. Une vieille femme ridée et voilée d’un foulard blanc s’approche et nettoie le meuble de la cire fondue. Puis le silence vient. Le prêtre proclame une injonction en russe. Les fidèles baissent la tête et prient. L’homme qui plus tôt souriait se couche sur un meuble surplombé d’un Christ en croix ; les paumes liées, il prie à genoux sous la présence d’une Vierge au foulard argenté et incrusté de perles.
Un iconostase couleur miel
La vieille femme au foulard blanc passe entre les fidèles pour l’aumône. Dans ce panier rempli de pièces, flottent quelques billets de 10 et 20 euros. La foule en mouvement entre et se retire de la cathédrale.
À la fin de la messe, la plupart des paroissiens sont déjà partis et presque aucun n’est resté devant l’édifice. Au soleil, une famille de Géorgiens s’apprête à aller déjeuner. Heureux de s’être lavés de leurs péchés, ils regrettent un peu qu’il n’y ait pas d’église orthodoxe géorgienne en ville.
Lire Après deux ans de travaux la cathédrale russe Saint-Nicolas retrouve sa splendeur!
La vieille femme au foulard blanc passe entre les fidèles pour l’aumône. Dans ce panier rempli de pièces, flottent quelques billets de 10 et 20 euros. La foule en mouvement entre et se retire de la cathédrale.
À la fin de la messe, la plupart des paroissiens sont déjà partis et presque aucun n’est resté devant l’édifice. Au soleil, une famille de Géorgiens s’apprête à aller déjeuner. Heureux de s’être lavés de leurs péchés, ils regrettent un peu qu’il n’y ait pas d’église orthodoxe géorgienne en ville.
Lire Après deux ans de travaux la cathédrale russe Saint-Nicolas retrouve sa splendeur!
Au même moment, près de la place Masséna, célèbre pour son sol en damier, un petit garçon se laisse glisser sur la rampe d’escalier de l’église orthodoxe Sainte-Alexandra.
Les chants liturgiques en langue française prennent fin.
Deux femmes voilées, un homme et un vieillard sortent silencieusement. La salle de prière est lumineuse, l’iconostase d’or et de bois couleur miel, le personnel célébrant l’office plus nombreux que le public. Malgré tout, la dignité se lit sur tous les visages. Ils sont des survivants et témoignent d’un des derniers vestiges de la grandeur de la communauté russe à Nice.
Lien Le Monde des religions
Ces textes figurent dans notre hors-série numéro 16 « Les hauts lieux spirituels, 50 sites sacrés en France ».
Les chants liturgiques en langue française prennent fin.
Deux femmes voilées, un homme et un vieillard sortent silencieusement. La salle de prière est lumineuse, l’iconostase d’or et de bois couleur miel, le personnel célébrant l’office plus nombreux que le public. Malgré tout, la dignité se lit sur tous les visages. Ils sont des survivants et témoignent d’un des derniers vestiges de la grandeur de la communauté russe à Nice.
Lien Le Monde des religions
Ces textes figurent dans notre hors-série numéro 16 « Les hauts lieux spirituels, 50 sites sacrés en France ».
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 6 Août 2016 à 14:19
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