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D'après le père Nicolas Balachov, vice président du département des relations ecclésiales extérieures (DREE) du patriarcat de Moscou
Dans une interview récente au forum de la paroisse Sainte Tatiana (Université de Moscou) le père Nicolas revient sur la question des réformes de l'Eglise orthodoxe Russe. En voici l'essentiel:
- Faut-il des réformes ou doit-on conserver une tradition inébranlable?
- La tradition n'est pas un "dépôt" figé mais un processus de transmission de l'héritage sur plusieurs siècles (le mot même provient, en russe aussi, du latin "traditio, tradere", de "trans" « à travers » et "dare" « donner », « faire passer à un autre, remettre »). C'est cela que dit le "Grand Catéchisme" du métropolite Philarète de Moscou (1):« On parle de "Sainte Tradition" quand les vrais croyants craignant Dieu transmettent de l'un à l'autre, et des ancêtres aux descendants, par le verbe et par l'exemple, la doctrine de la foi, la loi de Dieu, les sacrements et les rites sacrés,».(*) Il indique ainsi l'essentiel, l'intangible, ce qui ne peut pas changer car l'Église du Christ est toujours identique à elle-même et la Révélation, dont elle a la garde, est intangible. La Bonne Nouvelle ne peut se soumettre aux changements du monde!
Par contre, les moyens de la transmettre changent radicalement cours des siècles! Les anciens chrétiens recopiaient les livres sacrés avec une plume sur parchemin, puis il y eut le papier, l'imprimerie, et aujourd'hui les technologies numériques.
Dans une interview récente au forum de la paroisse Sainte Tatiana (Université de Moscou) le père Nicolas revient sur la question des réformes de l'Eglise orthodoxe Russe. En voici l'essentiel:
- Faut-il des réformes ou doit-on conserver une tradition inébranlable?
- La tradition n'est pas un "dépôt" figé mais un processus de transmission de l'héritage sur plusieurs siècles (le mot même provient, en russe aussi, du latin "traditio, tradere", de "trans" « à travers » et "dare" « donner », « faire passer à un autre, remettre »). C'est cela que dit le "Grand Catéchisme" du métropolite Philarète de Moscou (1):« On parle de "Sainte Tradition" quand les vrais croyants craignant Dieu transmettent de l'un à l'autre, et des ancêtres aux descendants, par le verbe et par l'exemple, la doctrine de la foi, la loi de Dieu, les sacrements et les rites sacrés,».(*) Il indique ainsi l'essentiel, l'intangible, ce qui ne peut pas changer car l'Église du Christ est toujours identique à elle-même et la Révélation, dont elle a la garde, est intangible. La Bonne Nouvelle ne peut se soumettre aux changements du monde!
Par contre, les moyens de la transmettre changent radicalement cours des siècles! Les anciens chrétiens recopiaient les livres sacrés avec une plume sur parchemin, puis il y eut le papier, l'imprimerie, et aujourd'hui les technologies numériques.
«Les réalités de la modernité» s'imposent et conditionnent inévitablement les formes culturelles qui habillent le message de l'Église. Mais ils n'ont aucune influencent ni sur la teneur du dogme, ni sur les principes régissant le fonctionnement ecclésial.
Dans les quatre gros volumes publiés sur ce sujet après la Conférence préconciliaire de 1905-1906 (2) les évêques russes de l'époque prérévolutionnaire exposent les opinions les plus diverses sur les modifications à apporter au fonctionnement de l'Eglise; ils ne sont pas toujours d'accord entre eux… sauf sur le fait que des réformes sont nécessaires pour le succès de la mission de l'Eglise. Là- dessus il n'y avait quasiment pas de doute!
- Faut-il traduire les offices? Les simplifier pour les rendre plus clair pour les croyants du XXI siècle ?
- L'office divin est le cœur de la vie d'Eglise: il unit tous ses membres qui sont, en fait, tellement différents! Tout ce qu'est l'Église se fonde sur la Liturgie et c'est bien évidement là un domaine où la préservation de la transmission est particulièrement importante. C'est pourquoi l'Église "ne se dépêche pas". Toutefois l'histoire montre que, là aussi, des évolutions interviennent avec le temps, mais sans révolutions ni précipitation. L'apôtre Paul compare souvent l'Église à un corps: c'est un organisme vivant qui change et grandit, mais rejette les tentatives d'accélérer artificiellement son développement par des espèces de "manipulations génétiques".
Le grand théologien russe Vladimir Lossky le dit très bien: «la Tradition – c'est la vie de l'Esprit Saint dans l'Église» (3). Et cette vie – est calme, tranquille; elle n'est pas soumise aux coups de force genre «Art actuel» (4).
Hors de l'Eglise la langue change de nos jours si vite que toute traduction risque de se trouver "démodée" avant même d'être imprimée (comme ce fut partiellement le cas avec la traduction Synodale de la Bible, alors même qu'au XIX siècle la vitesse du changement était relativement faible). Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien changer aux textes liturgiques: en réalité ils ont vécu et "respiré" tout au long de l'histoire du christianisme russe: la langue des livres liturgiques actuels se distingue considérablement de celle des saints Cyrille et Méthode. Mais une sage et prudente lenteur est particulièrement importante pour toute modification des mots qui expriment l'expérience de la prière si chère au cœur des fidèles.
Toutefois, je suis personnellement persuadé qu'il faut aussi s'occuper de ceux qui commencent seulement à découvrir cette expérience: je suis certain que l'office divin sera aussi englobé dans le développement créatif, pondéré et inspiré qui naît juste maintenant au sein de l'Eglise et devient enfin possible au terme des persécutions du XX siècle et des élans naïfs qui vinrent immédiatement après («que tout revienne comme autrefois»).
- Pourquoi ne pas simplement installer des bancs dans nos églises, comme chez les catholiques et les protestants? Ne peut-on raccourcir ces offices si longs?
- Pour ce qui concerne les bancs, ne nous dépêchons pas de les attribuer aux seuls catholiques et protestants: même au Mont Athos il y a des sièges – les stalles, bien plus confortables que de simples bancs, et notre typikon traditionnel marque bien les moments où les fidèles écoutent les lectures en étant assis. Il est en tout cas évident que les bancs, qui existent dans toutes nos églises, sont tout à fait indiqués pour les paroissiens âgés ou malades, comme pour les femmes enceintes qui portant en leur sein l'avenir sacré de l'Église.
Il en est de même avec la durée des offices divins : il faut trouver une norme mure et raisonnable. Dans les monastères cette norme est spécifique (et là encore elle peut différer d'un monastère à l'autre…), et dans les paroisses où prient les laïques – dont la plupart travaillent, ont une famille, élèvent des enfants – elle est différente. «Réduire au maximum» l'office est inutile, car qui va donc définir ce maximum? Autant supprimer carrément les offices – personne ne vous oblige! Mais, prenant en considération les possibilités réelles des laïques personne ne tente en fait d'officier "à l'Athonite" dans l'immense majorité de nos paroisses: Ce que nous appelons comme au bon vieux temps "nocturne" (всенощная) (5), ne dure en réalité aujourd'hui guère plus de deux heures et quelque. Et cela s'est fait il y a longtemps, mais ces changements se sont produits progressivement, sans sauts radicaux.
«Le cœur du sage connaît le temps et le statut», - a dit le sage Ecclésiaste (6). Et l'Eglise suit toujours cette sagesse là.
Traduction, mise en page et notes de V.G.
(1) Wikipedia
(2) "Remarques des évêques diocésains à propos de la réforme de l'Eglise" («Отзывы епархиальных архиереев по вопросу о церковной реформе»), 1905-1906, réédité en 2004б Cf. aussi
(3) Vladimir Lossky, essai "Tradition and Traditions", Chapter 8 of "In the Image and Likeness of God", St Vladimir’s Seminary Press, Crestwood, NY:1974, pp 141-168, non traduit à ma connaissance, p. 153)
(4) Wikipedia
(5) "Всенощная" signifie en slavon "toute la nuit"
(6) Eccl. 8, 5
Dans les quatre gros volumes publiés sur ce sujet après la Conférence préconciliaire de 1905-1906 (2) les évêques russes de l'époque prérévolutionnaire exposent les opinions les plus diverses sur les modifications à apporter au fonctionnement de l'Eglise; ils ne sont pas toujours d'accord entre eux… sauf sur le fait que des réformes sont nécessaires pour le succès de la mission de l'Eglise. Là- dessus il n'y avait quasiment pas de doute!
- Faut-il traduire les offices? Les simplifier pour les rendre plus clair pour les croyants du XXI siècle ?
- L'office divin est le cœur de la vie d'Eglise: il unit tous ses membres qui sont, en fait, tellement différents! Tout ce qu'est l'Église se fonde sur la Liturgie et c'est bien évidement là un domaine où la préservation de la transmission est particulièrement importante. C'est pourquoi l'Église "ne se dépêche pas". Toutefois l'histoire montre que, là aussi, des évolutions interviennent avec le temps, mais sans révolutions ni précipitation. L'apôtre Paul compare souvent l'Église à un corps: c'est un organisme vivant qui change et grandit, mais rejette les tentatives d'accélérer artificiellement son développement par des espèces de "manipulations génétiques".
Le grand théologien russe Vladimir Lossky le dit très bien: «la Tradition – c'est la vie de l'Esprit Saint dans l'Église» (3). Et cette vie – est calme, tranquille; elle n'est pas soumise aux coups de force genre «Art actuel» (4).
Hors de l'Eglise la langue change de nos jours si vite que toute traduction risque de se trouver "démodée" avant même d'être imprimée (comme ce fut partiellement le cas avec la traduction Synodale de la Bible, alors même qu'au XIX siècle la vitesse du changement était relativement faible). Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien changer aux textes liturgiques: en réalité ils ont vécu et "respiré" tout au long de l'histoire du christianisme russe: la langue des livres liturgiques actuels se distingue considérablement de celle des saints Cyrille et Méthode. Mais une sage et prudente lenteur est particulièrement importante pour toute modification des mots qui expriment l'expérience de la prière si chère au cœur des fidèles.
Toutefois, je suis personnellement persuadé qu'il faut aussi s'occuper de ceux qui commencent seulement à découvrir cette expérience: je suis certain que l'office divin sera aussi englobé dans le développement créatif, pondéré et inspiré qui naît juste maintenant au sein de l'Eglise et devient enfin possible au terme des persécutions du XX siècle et des élans naïfs qui vinrent immédiatement après («que tout revienne comme autrefois»).
- Pourquoi ne pas simplement installer des bancs dans nos églises, comme chez les catholiques et les protestants? Ne peut-on raccourcir ces offices si longs?
- Pour ce qui concerne les bancs, ne nous dépêchons pas de les attribuer aux seuls catholiques et protestants: même au Mont Athos il y a des sièges – les stalles, bien plus confortables que de simples bancs, et notre typikon traditionnel marque bien les moments où les fidèles écoutent les lectures en étant assis. Il est en tout cas évident que les bancs, qui existent dans toutes nos églises, sont tout à fait indiqués pour les paroissiens âgés ou malades, comme pour les femmes enceintes qui portant en leur sein l'avenir sacré de l'Église.
Il en est de même avec la durée des offices divins : il faut trouver une norme mure et raisonnable. Dans les monastères cette norme est spécifique (et là encore elle peut différer d'un monastère à l'autre…), et dans les paroisses où prient les laïques – dont la plupart travaillent, ont une famille, élèvent des enfants – elle est différente. «Réduire au maximum» l'office est inutile, car qui va donc définir ce maximum? Autant supprimer carrément les offices – personne ne vous oblige! Mais, prenant en considération les possibilités réelles des laïques personne ne tente en fait d'officier "à l'Athonite" dans l'immense majorité de nos paroisses: Ce que nous appelons comme au bon vieux temps "nocturne" (всенощная) (5), ne dure en réalité aujourd'hui guère plus de deux heures et quelque. Et cela s'est fait il y a longtemps, mais ces changements se sont produits progressivement, sans sauts radicaux.
«Le cœur du sage connaît le temps et le statut», - a dit le sage Ecclésiaste (6). Et l'Eglise suit toujours cette sagesse là.
Traduction, mise en page et notes de V.G.
(1) Wikipedia
(2) "Remarques des évêques diocésains à propos de la réforme de l'Eglise" («Отзывы епархиальных архиереев по вопросу о церковной реформе»), 1905-1906, réédité en 2004б Cf. aussi
(3) Vladimir Lossky, essai "Tradition and Traditions", Chapter 8 of "In the Image and Likeness of God", St Vladimir’s Seminary Press, Crestwood, NY:1974, pp 141-168, non traduit à ma connaissance, p. 153)
(4) Wikipedia
(5) "Всенощная" signifie en slavon "toute la nuit"
(6) Eccl. 8, 5
Rédigé par V. Golovanow le 8 Août 2012 à 12:17
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