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Extrait du livre de Jean-Claude Larchet, L’Église, Corps du Christ, tome II, Les relations entre les Églises, Éditions du Cerf, Paris, 2012
Les années 20 du XXe siècle ont marqué un tournant important dans la façon dont le patriarcat de Constantinople a compris ses prérogatives et a entendu les exercer au sein du monde orthodoxe. Ces années furent marquées par la constitution en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’une importante diaspora composée d’abord par les Russes qui avaient été contraints de fuir leur pays à la suite de la Révolution de 1917, puis par les Grecs chassés d’Asie mineure par la politique du nouvel État turc.
De ce dernier fait, le patriarcat de Constantinople se voyait, sur son territoire canonique, privé d’une grande partie de ses fidèles; dans le pays où ils continuaient à résider, le patriarche voyait ses droits et sa liberté d’action considérablement limités, un processus qui s’accentua avec l’interminable conflit entre la Grèce et la Turquie.
Les années 20 du XXe siècle ont marqué un tournant important dans la façon dont le patriarcat de Constantinople a compris ses prérogatives et a entendu les exercer au sein du monde orthodoxe. Ces années furent marquées par la constitution en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’une importante diaspora composée d’abord par les Russes qui avaient été contraints de fuir leur pays à la suite de la Révolution de 1917, puis par les Grecs chassés d’Asie mineure par la politique du nouvel État turc.
De ce dernier fait, le patriarcat de Constantinople se voyait, sur son territoire canonique, privé d’une grande partie de ses fidèles; dans le pays où ils continuaient à résider, le patriarche voyait ses droits et sa liberté d’action considérablement limités, un processus qui s’accentua avec l’interminable conflit entre la Grèce et la Turquie.
D’un côté, le souci d’assurer sa subsistance dans les conditions difficiles imposées par l’État turc a conduit le patriarche de Constantinople, depuis ces années vingt à jusqu’à nos jours, à entreprendre et à développer une action diplomatique tous azimuts, afin de s’assurer un maximum de soutiens politiques auprès des différents États [[i]]. C’est en vue de s’assurer aussi le soutien de l’importante Église catholique romaine et celui des diverses communautés protestantes répandues dans le monde, qu’il a développé les relations œcuméniques sous différentes formes et multiplié les tentatives d’union [[ii]].
D’un autre côté, le souci de maintenir ses prérogatives et son influence parmi les Églises orthodoxes (alors que ce qui avait motivé leur octroi par les conciles Constantinople I et Chalcédoine, à savoir la position politique de capitale de l’empire de la ville où résidait l’évêque de Constantinople était désormais caduque) s’est traduit, premièrement par la volonté d’étendre sa juridiction à l’ensemble de la diaspora [[iii]]; deuxièmement par une tentative d’inclure dans sa sphère d’influence les Églises non chalcédoniennes (en développant à leur égard une politique unioniste); troisièmement par un interventionnisme intempestif (c’est-à-dire ne respectant pas l’indépendance qui leur est garantie par les canons) dans les affaires internes de nombreuses Églises autocéphales et par le soutien apporté à des groupes schismatiques ou la constitution dans plusieurs pays (par exemple l’Ukraine, l’Estonie et la Moldavie, et plus récemment l’Amérique du Sud) d’une hiérarchie parallèle, dans le but principal d’étendre sa juridiction; quatrièmement par la prétention à être – sur le modèle de la papauté – le centre d’unité [[iv]] et de communion [[v]] des Églises orthodoxes; cinquièmement par la volonté de faire de sa primauté d’honneur une primauté d’autorité et de pouvoir [[vi]], là encore en s’inspirant du modèle de la papauté.
Cette politique a été étayée par une réinterprétation des canons fondant les prérogatives du siège de Constantinople. On a ainsi affirmé que le canon 3 de Constantinople I (381), bien qu’il ne mentionne qu’une primauté d’honneur du siège de Constantinople à la suite de celle de Rome, supposait l’existence d’une égalité de pouvoir [[vii]]. Le 34e canon apostolique a été compris comme permettant que le patriarcat de Constantinople soit responsable de l’ordre canonique dans les autres patriarcats [[viii]].
Les canons 9 et 17 de Chalcédoine ont été interprétés par les canonistes constantinopolitains comme lui conférant à la fois un droit de juridiction universel (se caractérisant notamment par la capacité de constituer une instance d’appel pour tout clerc d’une autre Église qui serait en conflit avec le primat de sa propre juridiction) et un droit stavropégiaque (se caractérisant par le pouvoir de créer des entités dépendant directement de lui au sein des autres Églises autocéphales).
Ces canonistes ont même étendu la compétence du siège de Constantinople en matière d’appel en le considérant comme l’héritier, depuis le schisme de 1054, des prérogatives accordées au siège de Rome par le concile de Sardique conçues comme « l’exercice extraterritorial du droit de recours [[ix]] ». Le canon 28 a été interprété quant à lui comme instituant une juridiction du patriarche de Constantinople sur la diaspora (les canonistes précédemment évoqués prenant cependant soin, pour les raisons susdites, de préserver les « droits » de l’Église de Rome [[x]]).
Mais indépendamment de la question de la diaspora, ces canonistes attribuent rétroactivement à Constantinople un territoire qui va très au-delà de ses attributions canoniques et semble relever de leur imagination, comme quand l’archimandrite Grigorios Papathomas écrit que « le territoire patriarcal juridictionnel [du siège de Constantinople], jusqu’à la fin du premier millénaire, est étendu et déterminé historiquement et choro-géographiquement par quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique [[xi]]) ». SUITE Orthodoxologie
D’un autre côté, le souci de maintenir ses prérogatives et son influence parmi les Églises orthodoxes (alors que ce qui avait motivé leur octroi par les conciles Constantinople I et Chalcédoine, à savoir la position politique de capitale de l’empire de la ville où résidait l’évêque de Constantinople était désormais caduque) s’est traduit, premièrement par la volonté d’étendre sa juridiction à l’ensemble de la diaspora [[iii]]; deuxièmement par une tentative d’inclure dans sa sphère d’influence les Églises non chalcédoniennes (en développant à leur égard une politique unioniste); troisièmement par un interventionnisme intempestif (c’est-à-dire ne respectant pas l’indépendance qui leur est garantie par les canons) dans les affaires internes de nombreuses Églises autocéphales et par le soutien apporté à des groupes schismatiques ou la constitution dans plusieurs pays (par exemple l’Ukraine, l’Estonie et la Moldavie, et plus récemment l’Amérique du Sud) d’une hiérarchie parallèle, dans le but principal d’étendre sa juridiction; quatrièmement par la prétention à être – sur le modèle de la papauté – le centre d’unité [[iv]] et de communion [[v]] des Églises orthodoxes; cinquièmement par la volonté de faire de sa primauté d’honneur une primauté d’autorité et de pouvoir [[vi]], là encore en s’inspirant du modèle de la papauté.
Cette politique a été étayée par une réinterprétation des canons fondant les prérogatives du siège de Constantinople. On a ainsi affirmé que le canon 3 de Constantinople I (381), bien qu’il ne mentionne qu’une primauté d’honneur du siège de Constantinople à la suite de celle de Rome, supposait l’existence d’une égalité de pouvoir [[vii]]. Le 34e canon apostolique a été compris comme permettant que le patriarcat de Constantinople soit responsable de l’ordre canonique dans les autres patriarcats [[viii]].
Les canons 9 et 17 de Chalcédoine ont été interprétés par les canonistes constantinopolitains comme lui conférant à la fois un droit de juridiction universel (se caractérisant notamment par la capacité de constituer une instance d’appel pour tout clerc d’une autre Église qui serait en conflit avec le primat de sa propre juridiction) et un droit stavropégiaque (se caractérisant par le pouvoir de créer des entités dépendant directement de lui au sein des autres Églises autocéphales).
Ces canonistes ont même étendu la compétence du siège de Constantinople en matière d’appel en le considérant comme l’héritier, depuis le schisme de 1054, des prérogatives accordées au siège de Rome par le concile de Sardique conçues comme « l’exercice extraterritorial du droit de recours [[ix]] ». Le canon 28 a été interprété quant à lui comme instituant une juridiction du patriarche de Constantinople sur la diaspora (les canonistes précédemment évoqués prenant cependant soin, pour les raisons susdites, de préserver les « droits » de l’Église de Rome [[x]]).
Mais indépendamment de la question de la diaspora, ces canonistes attribuent rétroactivement à Constantinople un territoire qui va très au-delà de ses attributions canoniques et semble relever de leur imagination, comme quand l’archimandrite Grigorios Papathomas écrit que « le territoire patriarcal juridictionnel [du siège de Constantinople], jusqu’à la fin du premier millénaire, est étendu et déterminé historiquement et choro-géographiquement par quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique [[xi]]) ». SUITE Orthodoxologie
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 2 Octobre 2018 à 06:19
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