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Alexandre Baounov
Traduction du russe Dimitri Garmonov
Dans un des lieux catholiques les plus vénérés en Argentine, la basilique Notre-Dame de Lujan près de Buenos-Aires, j’étais le plus surpris par la présence de chiens errants qui, pendant la messe, tranquillement, dormaient sous les colonnes des nefs gothiques de l’église. Personne ne les incommodait : ni le prêtre, ni les servants, ni les paroissiens. Je n’ai jamais rien vu de pareil ni en Amérique du Nord, ni en Europe occidentale avec leur culte sentimental des animaux domestiques et leurs lobbys verts tapageurs. Là, c’est un pays plus pauvre et moins conscient : aucun parti « vert » au parlement, souvent les humains eux-mêmes n’ont pas d’abri ni de nourriture, les catholiques y sont plus conservateurs qu’en Europe, mais – des chiens dans l’église.
En Argentine, j’ai compris que des nouveautés dans l’Eglise ou l’inattention pour certaines interdictions anciennes venaient non pas de l’extérieur (amenés par une mode ou une habitude, ni à cause d’une crainte de n’être pas comme tout le monde), mais, au contraire, de l’intérieur, motivés par l’amour et l’humilité. Forces devant être constamment opérantes dans l’Eglise. De telles novations, parfois les plus radicales, peuvent coexister avec le conservatisme.
Notre François
Le nouveau nom du Pape François est, quant à moi, très éloquent et il peut paraitre attrayant à tous les gens qui ont connu l’époque où l’Eglise russe n’était pas associée aux cosaques, les archimandrites ne roulaient pas en jeep et les manifestants orthodoxes n’exhibaient pas des pancartes avec des mots tels qu’un homme bien élevé ne pourrais les énoncer même dans un tête-à-tête. L’Eglise s’associait alors avec les noms de l’archiprêtre Alexandre Men, de Sergueï Averintsev et d’Olivier Clément. Pour un intellectuel qui a vécu cette période, Saint François d’Assise dont le nouveau Pape porte désormais le nom, est sûrement quelqu’un de très proche. Il évoque, entre autre, également un brillant essai de Chesterton traduit par la tant aimée Natalie Trauberg ainsi que le dialogue avec le loup et les oiseaux des Fioretti et son « Chant du Soleil » traduits par Averintsev.
Nous te louons, Seigneur, pour toutes tes créations,
Surtout pour notre frère bien-aimé – le Soleil…
Traduction du russe Dimitri Garmonov
Dans un des lieux catholiques les plus vénérés en Argentine, la basilique Notre-Dame de Lujan près de Buenos-Aires, j’étais le plus surpris par la présence de chiens errants qui, pendant la messe, tranquillement, dormaient sous les colonnes des nefs gothiques de l’église. Personne ne les incommodait : ni le prêtre, ni les servants, ni les paroissiens. Je n’ai jamais rien vu de pareil ni en Amérique du Nord, ni en Europe occidentale avec leur culte sentimental des animaux domestiques et leurs lobbys verts tapageurs. Là, c’est un pays plus pauvre et moins conscient : aucun parti « vert » au parlement, souvent les humains eux-mêmes n’ont pas d’abri ni de nourriture, les catholiques y sont plus conservateurs qu’en Europe, mais – des chiens dans l’église.
En Argentine, j’ai compris que des nouveautés dans l’Eglise ou l’inattention pour certaines interdictions anciennes venaient non pas de l’extérieur (amenés par une mode ou une habitude, ni à cause d’une crainte de n’être pas comme tout le monde), mais, au contraire, de l’intérieur, motivés par l’amour et l’humilité. Forces devant être constamment opérantes dans l’Eglise. De telles novations, parfois les plus radicales, peuvent coexister avec le conservatisme.
Notre François
Le nouveau nom du Pape François est, quant à moi, très éloquent et il peut paraitre attrayant à tous les gens qui ont connu l’époque où l’Eglise russe n’était pas associée aux cosaques, les archimandrites ne roulaient pas en jeep et les manifestants orthodoxes n’exhibaient pas des pancartes avec des mots tels qu’un homme bien élevé ne pourrais les énoncer même dans un tête-à-tête. L’Eglise s’associait alors avec les noms de l’archiprêtre Alexandre Men, de Sergueï Averintsev et d’Olivier Clément. Pour un intellectuel qui a vécu cette période, Saint François d’Assise dont le nouveau Pape porte désormais le nom, est sûrement quelqu’un de très proche. Il évoque, entre autre, également un brillant essai de Chesterton traduit par la tant aimée Natalie Trauberg ainsi que le dialogue avec le loup et les oiseaux des Fioretti et son « Chant du Soleil » traduits par Averintsev.
Nous te louons, Seigneur, pour toutes tes créations,
Surtout pour notre frère bien-aimé – le Soleil…
C’était un saint pour ainsi dire idéal et dont nous avions tous si besoin. Il témoignait de ce que les paroissiens qui n’étaient pas encore pétrifiés par l’orgueil de leur orthodoxie bien à eux voulaient entendre dans l’Eglise à l’époque : ils ont, eux aussi, des hommes certainement saints (car ne peut-on pas douter de la sainteté de François), et donc nous ne sommes pas si éloignés que cela peut paraître. L’ours de Saint Séraphin nous était proche, le loup et les oiseaux apprtenaient si l’on peut dire à Saint François. Comme avant la séparation des Eglises, les lions obéissaient à nos saints communs : Jérôme, traducteur de la Bible en latin et, en Orient, à ascètes comme Guérassime du Jourdain. Cela signifie que nous pouvons nous aimer les uns les autres et ne pas se souvenir des anciennes offenses.
Tous ceux qui ont connu l’Eglise russe de cette époque ont aimé le nouveau pape rien pour le seul nom qu’il s’est choisi. Par ailleurs, ceux qui ne faisaient pas partie de l’Eglise à cette époque ne comprendront probablement pas la raison pour laquelle faut-il l’aimer d’emblée, dès le soir de son élection. Peut-être, il n’y a encore pas de vraies raisons pour l’aimer : nous ne le savons pas. Les noms peuvent être trompeurs.
Le cardinal Ratzinger avait pris le nom Benoît, le nom de quinze papes qui l’avaient précédé, le nom du fondateur du monachisme occidental et de l’auteur de la première règle monastique. Ce nom mettait en évidence la continuité, la tradition et la discipline. Le cardinal Bergoglio a choisi, lui, un nom qui n’avait pas été pris par aucun autre pape avant lui. Alors que c’est le nom de saint François qui, au XIII siècle (une des époques de l’essor de l’Europe), prêchait la pauvreté de l’Eglise, la simplicité, voyait en tout le monde des frères et des sœurs, même dans les oiseaux, et pensait que les moines ne devraient pas être enfermés dans les monastères, mais devraient vivre dans le monde, dans les villes et les villages, parmi les hommes simples. Pas comme tous, mais non loin de tous, sans s’enorgueillir de leur différence.
Avant le conclave, nous nous demandions : comment l’Eglise peut-elle répondre aux, comme on dit maintenant, défis de l’époque. Si le nom choisi par le nouveau pape est, dans un certain sens, son programme, il devient possible de deviner ses réponses. Je ne sais pas trop ce qui se passe dans l’Eglise d’Argentine, mais j’ai entendu dire que l’archevêque de Buenos-Aires prenait le bus pour aller au travail. Voici enfin des prélats qui prennent le bus et qui habitent un petit appartement. Le fait que cette attitude franciscaine trouve l’appui parmi les cardinaux est également un bon signe. Cela tandis que les hiérarques orthodoxes font valoir leurs droits à une résidence digne du statut d’évêque et à une voiture de qualité.
Tous ceux qui ont connu l’Eglise russe de cette époque ont aimé le nouveau pape rien pour le seul nom qu’il s’est choisi. Par ailleurs, ceux qui ne faisaient pas partie de l’Eglise à cette époque ne comprendront probablement pas la raison pour laquelle faut-il l’aimer d’emblée, dès le soir de son élection. Peut-être, il n’y a encore pas de vraies raisons pour l’aimer : nous ne le savons pas. Les noms peuvent être trompeurs.
Le cardinal Ratzinger avait pris le nom Benoît, le nom de quinze papes qui l’avaient précédé, le nom du fondateur du monachisme occidental et de l’auteur de la première règle monastique. Ce nom mettait en évidence la continuité, la tradition et la discipline. Le cardinal Bergoglio a choisi, lui, un nom qui n’avait pas été pris par aucun autre pape avant lui. Alors que c’est le nom de saint François qui, au XIII siècle (une des époques de l’essor de l’Europe), prêchait la pauvreté de l’Eglise, la simplicité, voyait en tout le monde des frères et des sœurs, même dans les oiseaux, et pensait que les moines ne devraient pas être enfermés dans les monastères, mais devraient vivre dans le monde, dans les villes et les villages, parmi les hommes simples. Pas comme tous, mais non loin de tous, sans s’enorgueillir de leur différence.
Avant le conclave, nous nous demandions : comment l’Eglise peut-elle répondre aux, comme on dit maintenant, défis de l’époque. Si le nom choisi par le nouveau pape est, dans un certain sens, son programme, il devient possible de deviner ses réponses. Je ne sais pas trop ce qui se passe dans l’Eglise d’Argentine, mais j’ai entendu dire que l’archevêque de Buenos-Aires prenait le bus pour aller au travail. Voici enfin des prélats qui prennent le bus et qui habitent un petit appartement. Le fait que cette attitude franciscaine trouve l’appui parmi les cardinaux est également un bon signe. Cela tandis que les hiérarques orthodoxes font valoir leurs droits à une résidence digne du statut d’évêque et à une voiture de qualité.
Eglise locale
Autre chose m’a étonné dans le premier discours du nouveau pape, dans lequel, malgré sa brièveté, il s’est présenté plusieurs fois comme le nouvel évêque de Rome : « Je suis l’évêque de cette ville magnifique. […] Avant tout, je veux prier pour mon prédécesseur, évêque de votre ville ». Jamais il ne s’est présenté comme chef de l’Eglise, ni successeur de Pierre. Cette humble insistance du rôle modeste de l’évêque en tant que chef de l’Eglise locale n’est bien entendu pas le refus du service au monde entier, mais le refus de la compréhension naïve du rôle du pape comme celui du premier de l’univers.
Le monde contemporain est un monde à mille voix où, même dans l’Eglise, peu de gens sont prêts à suivre les ordres du général. Le nouveau pape donne à entendre qu’il le comprend. De jure, les pouvoirs du pontife romain sont beaucoup plus étendus et incontestables que, par exemple, ceux du patriarche de Russie, mais en réalité, ils sont d’une moindre importance. Le pape ne peut plus bannir ce qui tout simplement lui déplaît ou imposer ce qui est à son goût. La papauté et le papisme que nous invectivons habituellement chez les catholiques sont depuis longtemps beaucoup plus présents dans notre Eglise. De toute façon, il est difficile de s’imaginer que le patriarche se rappelle tout d’abord son rôle de l’évêque de la ville magnifique de Moscou et de l’importance de consulter les autres églises locales au sujet de toute autre question
Un libéral ou un conservateur ?
J’ai entendu plusieurs absurdités sur la démission du pape Benoît. Une d’elles touche son passé nazi : comme s’il a démissionné parce qu’on a découvert ses photos en uniforme de la Hitlerjugend (Jeunesses hitlériennes). Raisonner de cette manière signifie reporter sur l’Eglise les mécanismes d’honnêteté et de honte du milieu des intellectuels et même celui des nobles. Mais l’Eglise les surpasse. Croire qu’un garçon qui portait l’uniforme de la hitlerjugend ne peut pas ensuite devenir évêque comme si une pécheresse ne pouvait atteindre la sainteté, ou que le bon Larron n’a pas pu être sauvé, c’est comme nier la parabole des ouvriers de la onzième heure : autrement dit, refuser toutes les raisons pour lesquelles l’Eglise existe. « Parmi vos péchés, il n’y a aucun qui ne soit accomplit par les saints », dit un des personnages d’un roman de Graham Greene. Un pionnier léniniste ainsi qu’un komsomol peuvent devenir évêque : la raison d’être de l’Eglise est là. Le principal est qu’après être ordonnés évêques, ils cesseraient d’être komsomols.
Maintenant on commencera à fouiller dans la vie du pape François pour vérifier s’il est digne du statut papal. Il est évident qu’on trouvera bien quelque chose. L’évêque Bergoglio avait de bonnes relations avec la junte militaire d’Argentine qui était au pouvoir dans les années 1970 jusqu’au début des années 1980 et qui est responsable pour des milliers des morts. Quand on a déclenché un procès contre les participants aux crimes de la junte d’Argentine, le cardinal Bergoglio a été convoqué au tribunal qui l’a écouté et l’a laissé aller. Ce qui, d’ailleurs, ne le sauvera pas, à n’en pas douter, des jugements de la presse progressiste.
Il n’a pas non plus les meilleures relations avec la couple présidentiel Kirchner, populistes de gauche modérés qui gouvernent l’Argentine la dernière décennie. Il a désapprouvé la loi de Kristine Kirchner légalisant le mariage homosexuel, ce qui a été perçu par elle comme une manifestation d’obscurantisme médiéval. Mais en même temps, il ne reportait jamais son attitude négative à l’égard du mariage gay sur les êtres humains. Au contraire, il venait voir les mourants du SIDA à l’hospice et embrassait leurs pieds. Il y allait, bien évidemment, en bus.
Dans le système de coordonnées latino-américain, l’évêque Bergoglio parait d’ailleurs un conservateur modéré. Puisqu’il vient d’Amérique latine, on commence à analyser son attitude envers la théologie de la libération, théorie libérale gauche, presque marxiste. La réponse est évidente : l’évêque Bergoglio ne la partage pas. Cependant, il ne persécutait pas ses partisans et n’interdisait pas à ses prêtres et ses évêques de la partager.
« D’abord, nourrissez et guérissez, puis prêchez le salut », cette phrase résonne comme un appel plutôt socialiste qu’évangélique. Une question se pose : à quel niveau du PIB peut-on être sauvé ? Le nouveau Pape n’applaudit pas les postulats de la théologie de la libération, mais il vient de l’Eglise où elle est apparue et donc ne pouvait éviter les questions de l’élimination de la pauvreté, des droits à l’éducation et à la santé en tant que présupposés du salut. En outre, le service épiscopal dans la mégapole d’un pays du tiers monde avec une population d’une pauvreté que ne connait aucune ville européenne ne peut que rendre sensible à la justice sociale. Le nouveau Pape est donc un pasteur comme il y en a beaucoup dans le monde en développement : conservateur dans les questions familiales, radical dans les questions sociales, scrupuleux dans la question de l’image de l’Eglise – aucune richesse superflue.
Autre chose m’a étonné dans le premier discours du nouveau pape, dans lequel, malgré sa brièveté, il s’est présenté plusieurs fois comme le nouvel évêque de Rome : « Je suis l’évêque de cette ville magnifique. […] Avant tout, je veux prier pour mon prédécesseur, évêque de votre ville ». Jamais il ne s’est présenté comme chef de l’Eglise, ni successeur de Pierre. Cette humble insistance du rôle modeste de l’évêque en tant que chef de l’Eglise locale n’est bien entendu pas le refus du service au monde entier, mais le refus de la compréhension naïve du rôle du pape comme celui du premier de l’univers.
Le monde contemporain est un monde à mille voix où, même dans l’Eglise, peu de gens sont prêts à suivre les ordres du général. Le nouveau pape donne à entendre qu’il le comprend. De jure, les pouvoirs du pontife romain sont beaucoup plus étendus et incontestables que, par exemple, ceux du patriarche de Russie, mais en réalité, ils sont d’une moindre importance. Le pape ne peut plus bannir ce qui tout simplement lui déplaît ou imposer ce qui est à son goût. La papauté et le papisme que nous invectivons habituellement chez les catholiques sont depuis longtemps beaucoup plus présents dans notre Eglise. De toute façon, il est difficile de s’imaginer que le patriarche se rappelle tout d’abord son rôle de l’évêque de la ville magnifique de Moscou et de l’importance de consulter les autres églises locales au sujet de toute autre question
Un libéral ou un conservateur ?
J’ai entendu plusieurs absurdités sur la démission du pape Benoît. Une d’elles touche son passé nazi : comme s’il a démissionné parce qu’on a découvert ses photos en uniforme de la Hitlerjugend (Jeunesses hitlériennes). Raisonner de cette manière signifie reporter sur l’Eglise les mécanismes d’honnêteté et de honte du milieu des intellectuels et même celui des nobles. Mais l’Eglise les surpasse. Croire qu’un garçon qui portait l’uniforme de la hitlerjugend ne peut pas ensuite devenir évêque comme si une pécheresse ne pouvait atteindre la sainteté, ou que le bon Larron n’a pas pu être sauvé, c’est comme nier la parabole des ouvriers de la onzième heure : autrement dit, refuser toutes les raisons pour lesquelles l’Eglise existe. « Parmi vos péchés, il n’y a aucun qui ne soit accomplit par les saints », dit un des personnages d’un roman de Graham Greene. Un pionnier léniniste ainsi qu’un komsomol peuvent devenir évêque : la raison d’être de l’Eglise est là. Le principal est qu’après être ordonnés évêques, ils cesseraient d’être komsomols.
Maintenant on commencera à fouiller dans la vie du pape François pour vérifier s’il est digne du statut papal. Il est évident qu’on trouvera bien quelque chose. L’évêque Bergoglio avait de bonnes relations avec la junte militaire d’Argentine qui était au pouvoir dans les années 1970 jusqu’au début des années 1980 et qui est responsable pour des milliers des morts. Quand on a déclenché un procès contre les participants aux crimes de la junte d’Argentine, le cardinal Bergoglio a été convoqué au tribunal qui l’a écouté et l’a laissé aller. Ce qui, d’ailleurs, ne le sauvera pas, à n’en pas douter, des jugements de la presse progressiste.
Il n’a pas non plus les meilleures relations avec la couple présidentiel Kirchner, populistes de gauche modérés qui gouvernent l’Argentine la dernière décennie. Il a désapprouvé la loi de Kristine Kirchner légalisant le mariage homosexuel, ce qui a été perçu par elle comme une manifestation d’obscurantisme médiéval. Mais en même temps, il ne reportait jamais son attitude négative à l’égard du mariage gay sur les êtres humains. Au contraire, il venait voir les mourants du SIDA à l’hospice et embrassait leurs pieds. Il y allait, bien évidemment, en bus.
Dans le système de coordonnées latino-américain, l’évêque Bergoglio parait d’ailleurs un conservateur modéré. Puisqu’il vient d’Amérique latine, on commence à analyser son attitude envers la théologie de la libération, théorie libérale gauche, presque marxiste. La réponse est évidente : l’évêque Bergoglio ne la partage pas. Cependant, il ne persécutait pas ses partisans et n’interdisait pas à ses prêtres et ses évêques de la partager.
« D’abord, nourrissez et guérissez, puis prêchez le salut », cette phrase résonne comme un appel plutôt socialiste qu’évangélique. Une question se pose : à quel niveau du PIB peut-on être sauvé ? Le nouveau Pape n’applaudit pas les postulats de la théologie de la libération, mais il vient de l’Eglise où elle est apparue et donc ne pouvait éviter les questions de l’élimination de la pauvreté, des droits à l’éducation et à la santé en tant que présupposés du salut. En outre, le service épiscopal dans la mégapole d’un pays du tiers monde avec une population d’une pauvreté que ne connait aucune ville européenne ne peut que rendre sensible à la justice sociale. Le nouveau Pape est donc un pasteur comme il y en a beaucoup dans le monde en développement : conservateur dans les questions familiales, radical dans les questions sociales, scrupuleux dans la question de l’image de l’Eglise – aucune richesse superflue.
Les temps nouveaux
Tout le monde parle actuellement d’une époque étrange dans la vie de l’Eglise, d’une époque de crise. Mais toutes les époques, surtout en Eglise, sont particulières.
Je me permettrai d’exprimer une idée de Sergey Averintsev (j’ai eu le bonheur non seulement de le lire, mais également de l’entendre ayant été son étudiant). Depuis l’époque antique tardive, toutes les tâches de l’Eglise survenaient, puis trouvaient leurs solutions, toutes les crises se sont produites au sein du monde christianisé dans lequel tous, de l’empereur au paysan, étaient chrétiens. Même la Réforme, toute la raillerie de l’Eglise par les Lumières en XVIII, l’athéisme classique du XIXe et du début du XXe siècle existaient dans ce cadre.
Ce monde où l’existence du christianisme était évidente n’existe plus, d’autant que même l’athée contemporain ne nie pas l’idée de l’Eglise, ni l’existence même de Dieu, comme auparavant. Tout simplement il les ignore parce que ces idées ne sont plus d’actualité. L’athée contemporain est prêt à croire en quelque chose de semblable, même en Dieu. Le croyant contemporain peut au contraire croire non pas en Dieu ou en Christ, mais à la renaissance de la nation, les valeurs de la famille, les reliques…
L’Eglise n’a plus cette base à laquelle elle s’est habituée au cours des siècles. Il n’y a plus de nations chrétiennes, d’Etats chrétiens, de gouvernants chrétiens. Toute tentative de faire revenir cette époque n’est qu’une imitation tout à fait artificielle. La tache actuelle de l’Eglise est, selon l’expression d’Averintsev, d’apprendre « à vivre sans l’univers chrétien, sans protection extérieure, dans un monde où rien ne lui vient de par soi-même ». Beaucoup pensent que c’est la fin, mais en réalité, c’est le début. Dans un certain sens, c’est une situation plus naturelle pour l’Eglise, ou bien, plus évangélique. Les apôtres ni les chrétiens des premiers siècles n’ont pas connu un monde chrétien, ils le créaient ex nihilo.
Le libéralisme superficiel peut contenter l’opinion publique. Alors que le conservatisme peut également être une volonté de complaire au « peuple ». Le conservatisme superficiel sanctionne la haine envers tout ce qui est étranger, ou nouveau, ce qui est d’autant plus étonnant dans la religion dont le texte fondateur est le Nouveau Testament. Tous les deux s’emploient, de la même manière, à adapter l’Eglise aux choses extérieures.
Quand l’Eglise discute de la possibilité d’ordination des femmes ou des homosexuels sous la pression des féministes ou de la presse de gauche parce qu’ « il est temps », c’est une chose. Une autre est si elle le fait parce qu’elle a découvert une nouvelle source d’amour et d’humilité. Ce qui paraît parfois une manière de se laisser influencer par les circonstances peut faire découvrir des richesses intérieures. C’est ainsi (pardonnez-moi cette comparaison) que les chiens peuvent bien dormir dans la basilique de Buenos-Aires. Alors que ce qui ressemble à la fermeté peut au contraire être un pur conformisme.
Quand on n’a plus de fondement, la seule base qui reste à l’Eglise est une attitude réfléchie envers soi-même. La même chose se passe dans l’enseignement : il est clair que les jeunes gens sérieux n’iront pas là où on les attire en facilitant de plus en plus les programmes mais pas non plus là où tout revient au bachotage et au par cœur.
Peut être, aurait-il été préférable si le pape de cette nouvelle époque du christianisme avait pris le nom d’un saint des premiers siècles, mais le nom et, ce qui vaut mieux, le mode de vie de saint François vont si bien à notre monde – tant mieux !
Lien en russe Slon.ru
Tout le monde parle actuellement d’une époque étrange dans la vie de l’Eglise, d’une époque de crise. Mais toutes les époques, surtout en Eglise, sont particulières.
Je me permettrai d’exprimer une idée de Sergey Averintsev (j’ai eu le bonheur non seulement de le lire, mais également de l’entendre ayant été son étudiant). Depuis l’époque antique tardive, toutes les tâches de l’Eglise survenaient, puis trouvaient leurs solutions, toutes les crises se sont produites au sein du monde christianisé dans lequel tous, de l’empereur au paysan, étaient chrétiens. Même la Réforme, toute la raillerie de l’Eglise par les Lumières en XVIII, l’athéisme classique du XIXe et du début du XXe siècle existaient dans ce cadre.
Ce monde où l’existence du christianisme était évidente n’existe plus, d’autant que même l’athée contemporain ne nie pas l’idée de l’Eglise, ni l’existence même de Dieu, comme auparavant. Tout simplement il les ignore parce que ces idées ne sont plus d’actualité. L’athée contemporain est prêt à croire en quelque chose de semblable, même en Dieu. Le croyant contemporain peut au contraire croire non pas en Dieu ou en Christ, mais à la renaissance de la nation, les valeurs de la famille, les reliques…
L’Eglise n’a plus cette base à laquelle elle s’est habituée au cours des siècles. Il n’y a plus de nations chrétiennes, d’Etats chrétiens, de gouvernants chrétiens. Toute tentative de faire revenir cette époque n’est qu’une imitation tout à fait artificielle. La tache actuelle de l’Eglise est, selon l’expression d’Averintsev, d’apprendre « à vivre sans l’univers chrétien, sans protection extérieure, dans un monde où rien ne lui vient de par soi-même ». Beaucoup pensent que c’est la fin, mais en réalité, c’est le début. Dans un certain sens, c’est une situation plus naturelle pour l’Eglise, ou bien, plus évangélique. Les apôtres ni les chrétiens des premiers siècles n’ont pas connu un monde chrétien, ils le créaient ex nihilo.
Le libéralisme superficiel peut contenter l’opinion publique. Alors que le conservatisme peut également être une volonté de complaire au « peuple ». Le conservatisme superficiel sanctionne la haine envers tout ce qui est étranger, ou nouveau, ce qui est d’autant plus étonnant dans la religion dont le texte fondateur est le Nouveau Testament. Tous les deux s’emploient, de la même manière, à adapter l’Eglise aux choses extérieures.
Quand l’Eglise discute de la possibilité d’ordination des femmes ou des homosexuels sous la pression des féministes ou de la presse de gauche parce qu’ « il est temps », c’est une chose. Une autre est si elle le fait parce qu’elle a découvert une nouvelle source d’amour et d’humilité. Ce qui paraît parfois une manière de se laisser influencer par les circonstances peut faire découvrir des richesses intérieures. C’est ainsi (pardonnez-moi cette comparaison) que les chiens peuvent bien dormir dans la basilique de Buenos-Aires. Alors que ce qui ressemble à la fermeté peut au contraire être un pur conformisme.
Quand on n’a plus de fondement, la seule base qui reste à l’Eglise est une attitude réfléchie envers soi-même. La même chose se passe dans l’enseignement : il est clair que les jeunes gens sérieux n’iront pas là où on les attire en facilitant de plus en plus les programmes mais pas non plus là où tout revient au bachotage et au par cœur.
Peut être, aurait-il été préférable si le pape de cette nouvelle époque du christianisme avait pris le nom d’un saint des premiers siècles, mais le nom et, ce qui vaut mieux, le mode de vie de saint François vont si bien à notre monde – tant mieux !
Lien en russe Slon.ru
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 28 Mars 2013 à 13:13
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