En mémoire du hiérarque martyr Nicolas (Dobronravov)
Traduction pour "Parlons d'orthodoxie" Laurence Guillon

Revue " FOMA"

Le 10 décembre, l’Eglise Orthodoxe Russe célèbre la mémoire du Nouveau Martyr Nicolas (Dobronravov), archevêque de Vladimir et Souzdal.

Le prêtre martyr Nicolas est né en 1861 dans le village d’Ignatovka, gouvernement de Moscou., dans la famille du prêtre Paul Dobronravov. En 1881, il est diplômé du séminaire théologique de Moscou, en 1885, de l’Académie de théologie de Moscou et il enseigne au séminaire de Béthanie. Il se marie. Il est ordonné prêtre et affecté à l’église de l’école militaire Alexandrovski, à Moscou. Après la révolution de 1917 et la fermeture de l’école, le père Nicolas fut transféré à l’église de tous les Saints à Koulishki. Il prit une part active au Concile Local de 1917-18 ; il fut élevé au rang d’archiprêtre

Le 19 août 1918 des officiers de la Tchéka sous les ordres de l’enquêteur Redens s’approchèrent de la porte de l’église et en exigèrent les clés auprès du père Nicolas. Celui-ci répondit poliment que pour perquisitionner l’église, la présence d’un représentant du conseil paroissial était obligatoire. A la suite d’une telle réponse, Redens arrêta immédiatement le prêtre et l’emmena à la prison de la Tchéka, à la Loubianka

Au cours de la perquisition, les tchékistes trouvèrent le journal que tenait le prêtre, avec de brèves remarques concernant en particulier le soulèvement des bolcheviks du 3 au 5 juillet 1917, à Petrograd, et aussi la résistance que leur opposèrent les cadets en novembre 1917. A la date du 2 (15) novembre 1917, l’archiprêtre Nicolas avait noté : « terrible jour de la reddition aux bolcheviks ». Interrogé au sujet de tous ces évènements, il répondit qu’en effet, en juillet 1917, il s’était rendu à Petrograd, à l’appel du Saint Synode, pour y participer à la préparation du concile. Mais il n’avait pris aucune part à la répression du soulèvement des bolcheviks, car il se trouvait à ce moment-là en réunion, de même qu’à la manifestation des cadets : en tant que recteur de l’église de l’école, il avait seulement pris part aux funérailles des cadets et des officiers morts pendant la guerre civile.

En conclusion de l’enquête, Redens écrivit : « L’interrogatoire du citoyen Dobronravov m’a laissé l’impression qu’il avait pris part à la vie politique… bien que je n’ai pas de matériel me permettant d’établir son rôle pendant les évènements de juillet 1917, ni pendant la révolution d’octobre ; tout laisse à penser que c’est un « type » nuisible à la révolution, qui, s’il est en liberté, ne se tiendra pas tranquille. C’est pourquoi je propose de l’envoyer en camp de concentration. »

Cependant, une telle synthèse « juridique » ne fut pas acceptée par sa direction, les dirigeants de la Tchéka demandèrent un complément d’enquête qui ne donna rien, et le 16 avril 1919, on prit la décision de libérer le prêtre faute de preuves concluantes..
Au début de 1921, l’archiprêtre Nicolas fut nommé recteur de la cathédrale de l’Assomption de Kroutitzy. Il devint veuf , prit l’habit et fut sacré évêque de Zvénigorod, vicaire de l’éparchie de Moscou. En 1922, beaucoup d’archiprêtres qui ne reconnaissaient pas les réformistes furent arrêtés et parmi eux, l‘évêque Nicolas. Les autorités le condamnèrent à un an d’exil dans la région de Zyriansk.

A son retour à Moscou, il fut nommé archevêque.

Le prélat devint l’un des plus proches compagnons d’épreuve du Patriarche Tikhon, lui apportant son aide dans la défense de l’Eglise contre les tracasseries des réformistes. En 1924, il fut nommé archevêque à la chaire de Vladimir et Souzdal. Après le décès du patriarche Tikhon, le prélat devint l’un des plus proches collaborateurs du Locum Tenens du trône patriarcal, le métropolite Pierre. En conséquence, quand sous la pression du Guépéou apparut le schisme grégorien et que l’archevêque Grégoire obtint que le Locum Tenens transmit la direction de l’Eglise à un collège ecclésial, celui-ci inscrivit en premier sur la liste des hiérarques auxquels il faisait une confiance absolue le nom de l’archevêque Nicolas, qu’il connaissait comme un confesseur, un homme de convictions fermes, un travailleur diligent dans le domaine de l’Eglise.
Mettant en œuvre son plan général de destruction de l’Eglise, le Guépéou, en novembre 1925, arrêta 11 hiérarques parmi les compagnons d’épreuve les plus proches du métropolite Pierre et parmi eux, l’archevêque Nicolas.

A ce moment-là, le chef de la politique antireligieuse du Guépéou Toutchkov était maladivement agité par la question du soi-disant « testament » du Patriarche Tikhon, que celui-ci n’avait pas signé mais qui, cependant, avait été publié après sa mort. L’historien de l’Eglise Sergueï Pavlovitch Mansourov écrivit une lettre au Locum Tenens, établissant que, d’un point de vue canonique, le respect du « testament » n’était pas obligatoire, et l’enquêteur cherchait avec insistance à obtenir de l’archevêque Nicolas qu’il avouât être au courant de cette lettre et qu’il calomniât les gens qui n’avaient pas pris part à cette affaire. Cependant, les réponses raisonnables et paisibles de l’archevêque le convainquirent de renoncer à cette tentative.

Le prêtre Serge Sidorov, arrêté pour cette même affaire, raconta par la suite : « Lors de mon premier interrogatoire, en novembre 1925, l’enquêteur exigeait de moi que lui fût livré le nom de l’auteur de la lettre au métropolite Pierre. Je refusai et Toutchkov exigea une confrontation nocturne entre l’archevêque Nicolas et moi. Je me souviens de la grisaille du crépuscule… le cri rauque de Toutchkov et l’apostrophe
incompréhensible… de l’enquêteur qui dirigeait sans cesse vers la fenêtre, au dessus de ma tête, un petit browning. L’archevêque Nicolas entra, jeta un regard… sur moi et le fixa avec attention sur l’enquêteur…
Ses yeux las étaient d’une froideur sévère. Se levant de sa chaise, l’enquêteur poussa de tels hurlements que les vitres des portes et des fenêtres en vibrèrent. Le très saint Nicolas l’interrompit impérieusement : « Prenez de la valériane et calmez-vous. Je ne comprends pas le rugissement des bêtes et vous répondrai quand vous tiendrez un langage humain. Et cachez votre petit jouet…» L’enquêteur cacha le revolver et se mit à interroger Monseigneur poliment… au cours de l’interrogatoire, celui-ci réussit à complètement blanchir Sergueï Pavlovitch Mansourov. ..

Quand se dissipèrent un les souffrances de mon passage en prison, il me fut donné de connaître les détails du séjour de Monseigneur Nicolas à la Loubianka.

J’appris avec horreur les tourments qu’on lui avait infligés, son séjour dans la cave de la prison, les interrogatoires nocturnes incessants. Et c’est avec d’autant plus de reconnaissance que je m’incline devant la grandeur de son esprit, grâce auquel Monseigneur put sauver beaucoup de personnes et préserver de nombreux secrets de l’Eglise Dans la prison moscovite, sa personnalité exigeante et juste se révéla avec une clarté particulière, le visage brave d’un homme qui ne songeait plus à lui-même et se tenait prêt à mourir pour sa foi.

Je lui suis très reconnaissant en ce qui concerne mon destin personnel. Jusqu’au 8 janvier 1926, je subis vingt-trois interrogatoires, toute la nuit du 9 janvier je fus interrogé pratiquement sans relâche. Epuisé moralement et physiquement, j’étais prêt à céder aux exigences de l’enquêteur, à calomnier mes amis et moi-même. Il était quatre heures du matin quand on m’appela auprès de l’enquêteur. Son interrogatoire tournait sur place, il exigeait la dénonciation de gens qui n’avaient pas pris part à la rédaction de la lettre au métropolite Pierre. On amena l’archevêque Nicolas. « J’exige, dit Monseigneur, que vous laissiez Sidorov tranquille. Je sais que c’est un homme aux nerfs malades et vous, ajouta-t-il à mon intention, je vous interdis, de par mon autorité d’évêque, de dire quoi que ce soit à l’enquêteur. » On m’emmena dans le couloir, j’entendais le flot d’injures incessant de l’enquêteur.
Ces lignes ont peu de chances d’être lues…mais si… mes proches les lisent, qu’ils s’inclinent devant la face divine de l’archevêque Nicolas qui, dans les geôles du Guépéou, me délivra du plus grand des malheurs, en m’évitant de livrer mes amis aux ennemis de la foi et de l’Eglise. »


En mémoire du hiérarque martyr Nicolas (Dobronravov)
Le 21 mai 1926, une réunion spéciale du conseil d’administration du Guépéou condamna l’archevêque Nicolas à trois ans de déportation en Sibérie. A la fin de sa peine, le prélat s’installa à Moscou.

Lors des persécutions de 1937, les autorités se donnèrent pour but de détruire la majorité des hiérarques et des prêtres et interrogèrent ceux qui pouvaient devenir des témoins à charge. Le 10 novembre 1937, les collaborateurs du NKVD interrogèrent deux prêtres de Moscou qui fournirent des témoignages contre l’archevêque Nicolas. Le 27 novembre, les autorités arrêtèrent le prélat et l’incarcérèrent à la prison des Boutirky. Pendant son interrogatoire, l’archevêque nia toutes les accusations portées contre lui.
Le 7 décembre 1937, le triumvirat du NKVD pour la région de Moscou condamna l’évêque à être fusillé. L’archevêque Nicolas (Dobronravov) fut exécuté le 10 décembre 1937, cinq jours avant son soixante sixième aniversaire, et enseveli dans une fosse commune inconnue au polygone de Boutovo, près de Moscou. *

Higoumène Damascène (Orlovski)

Notes:
1) Les réformistes et les grégoriens : schismes à l’intérieur de l’Eglise Orthodoxe, suscités par le Guépéou dans le but de détruire l’Eglise Orthodoxe Russe, du début au milieu du XX° siècle. Leurs archiprêtres et leurs clercs furent interdits d’exercer par la direction de l’Eglise Russe. Dans les années 40, ils furent éliminés par le NKVD, qui avait reconnu leur activité comme inefficace pour les objectifs du gouvernement. (Rédaction

*Обновленцы и григориане — расколы в Русской Православной Церкви начала — середины 20-х гг. XX в., созданные ОГПУ с целью уничтожения Русской Православной Церкви. Их архиереи и клирики были запрещены в священнослужении священноначалием Русской Церкви. В 1940-х годах были упразднены НКВД, признавшим их деятельность для целей государства неэффективной. — Ред.
Илл.:
Архиепископ Николай (Добронравов). Бутырская тюрьма. 1937 год
Выписка из протокола заседания тройки НКВД. «Постановили: РАССТРЕЛЯТЬ»

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Rédigé par Laurence Guillon le 9 Mai 2012 à 21:00 | 2 commentaires | Permalien



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