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Lire Anne Everett Headley (1943-2013), peintre - Vezelay Anne est d'origine américaine, elle vit et travaille en France. J'aime beaucoup ses oeuvres emplies de poésie, de sensibilité et de tendresse
Véronique Guerrin
Des arabesques aux feuillages élégants dans la petite cour aux vieux puits. Aux fenêtres de bois, s'accrochent des tentures indiennes, en haut du mur, un dragon de papier venu d'Indonésie, dans le coin, un fauteuil usé. Des boîtes de bois, un vieux bureau d'écrivain qui donne envie de travailler, des toiles aux murs : natures mortes, portraits et d' anciennes photographies.
Quelques ustensiles de cuisine posés sur la petite table ; dans la bibliothèque, des livres de peinture et des souvenirs aussi, petits objets ramenés de voyages, cadeaux offerts par des amis de passage.
Ces fragrances dans la pièce de vie viennent du passé, de la campagne, là bas, au pays de son enfance, dont elle ne parlait que peu, et des rires au creux de la cuisine odorante. Une maison qui dépayse, un jardin de simples, d'odorantes flambées de couleurs, des poutres et des bois vieillis, beaucoup de clartés, le chat, le chien et des fleurs et des fruits comme dans un poème. Les deux maisons se ressemblent, une atmosphère douce et humaine, un lieu de repos et de certitude.
Véronique Guerrin
Des arabesques aux feuillages élégants dans la petite cour aux vieux puits. Aux fenêtres de bois, s'accrochent des tentures indiennes, en haut du mur, un dragon de papier venu d'Indonésie, dans le coin, un fauteuil usé. Des boîtes de bois, un vieux bureau d'écrivain qui donne envie de travailler, des toiles aux murs : natures mortes, portraits et d' anciennes photographies.
Quelques ustensiles de cuisine posés sur la petite table ; dans la bibliothèque, des livres de peinture et des souvenirs aussi, petits objets ramenés de voyages, cadeaux offerts par des amis de passage.
Ces fragrances dans la pièce de vie viennent du passé, de la campagne, là bas, au pays de son enfance, dont elle ne parlait que peu, et des rires au creux de la cuisine odorante. Une maison qui dépayse, un jardin de simples, d'odorantes flambées de couleurs, des poutres et des bois vieillis, beaucoup de clartés, le chat, le chien et des fleurs et des fruits comme dans un poème. Les deux maisons se ressemblent, une atmosphère douce et humaine, un lieu de repos et de certitude.
Vezelay m'apparaît vide, sertie d'une lancinante absence. On penserait croiser Anne, au bout de la route, ou tout à l'heure quand on descendra. On penserait l'entendre parler en bas du village, ou sur le parvis de la basilique mais non, elle n'est plus avec nous. De savoir qu’elle peut encore peindre, découvrir, étudier, voilà qui me comblerait. De le croire possible est une joie.
J’aimais capter son regard qui s’enfuyait, par moment, si loin de nous, animé d’une profondeur insondable, comme pris dans une vision d’esquisses et de sons, enlevé dans l’abysse d’un songe ; certainement ses instants de ressourcement. Son regard, percutant ou calme, ironique ou moqueur mais si souvent indocile, turbulent : l’étonnement d’être de l’enfant.
Tout à coup, ainsi, s’arrête la vie. Sans annonce, sans prémices, une rupture douloureuse qui fait éclore au fond de l’âme un bouleversement. J’aimerai pour son œuvre peinte, la pérennité et la reconnaissance mais cela, le voulait elle ? Certainement puisqu’elle désirait scanner ses peintures, ses aquarelles, ses icônes et en faire un blog, peut-être. En même temps, elle savait que le fait de pouvoir travailler son art au quotidien est déjà une grâce de la vie, un possible abandon à soi même, un don aux autres.
Un éparpillement de tableaux et d’insolites réminiscences, en ce moment, en moi m’évoque un palimpseste ; sur toutes les images souvenirs qui sont en mon cœur, les natures mortes se reflètent dans le miroir des saisons : le miroir du jardin aux glycines ; se mêlent aux fleurs des tableaux et à celles des vases flamboyants de pourpre et d’or, les éclats de voix, l’aboiement du chien noir et du chien blanc ; le manteau dans l'entrée, les légumes préparés dans la marmite, l'eau qui chauffe, des éclats citronnés dans une petite assiette ; s’y emmêlent les visages des saints sur le mur de la chapelle orthodoxe et les corps de ceux qui marchent dans le jardin de la petite maison ; s’y entendent les rires des enfants qui jouent au bord de la Cure et les accents étrangers des touristes sur le chemin qui monte.
J’aimais capter son regard qui s’enfuyait, par moment, si loin de nous, animé d’une profondeur insondable, comme pris dans une vision d’esquisses et de sons, enlevé dans l’abysse d’un songe ; certainement ses instants de ressourcement. Son regard, percutant ou calme, ironique ou moqueur mais si souvent indocile, turbulent : l’étonnement d’être de l’enfant.
Tout à coup, ainsi, s’arrête la vie. Sans annonce, sans prémices, une rupture douloureuse qui fait éclore au fond de l’âme un bouleversement. J’aimerai pour son œuvre peinte, la pérennité et la reconnaissance mais cela, le voulait elle ? Certainement puisqu’elle désirait scanner ses peintures, ses aquarelles, ses icônes et en faire un blog, peut-être. En même temps, elle savait que le fait de pouvoir travailler son art au quotidien est déjà une grâce de la vie, un possible abandon à soi même, un don aux autres.
Un éparpillement de tableaux et d’insolites réminiscences, en ce moment, en moi m’évoque un palimpseste ; sur toutes les images souvenirs qui sont en mon cœur, les natures mortes se reflètent dans le miroir des saisons : le miroir du jardin aux glycines ; se mêlent aux fleurs des tableaux et à celles des vases flamboyants de pourpre et d’or, les éclats de voix, l’aboiement du chien noir et du chien blanc ; le manteau dans l'entrée, les légumes préparés dans la marmite, l'eau qui chauffe, des éclats citronnés dans une petite assiette ; s’y emmêlent les visages des saints sur le mur de la chapelle orthodoxe et les corps de ceux qui marchent dans le jardin de la petite maison ; s’y entendent les rires des enfants qui jouent au bord de la Cure et les accents étrangers des touristes sur le chemin qui monte.
Maintenant, ce sera un autre silence, celui du vent sur la terre humide où quelques fleurs sauvages viennent dire l’amour, le temps qui passe et l’espérance ; celui d’une croix dressée vers le ciel comme un signe de relèvement, comme assurance de cet autre lieu où elle vit, où elle marche, où elle peint.
Autour de la basilique, des oiseaux noirs tournent et se posent, vibrante atmosphère aux couleurs d’un hiver bien froid. Il pleut. Les arbres si lourds se tendent, des battements de pierre, claquements de volets et les pas décroissent sur le passage boueux. Un séjour de repos qui dessine une spirale. Un endroit de fraîcheur : j’imagine une fontaine, dans un beau verger, des pétales légers et des parfums printaniers.
Pourtant, nous ne savons rien de cet ailleurs, entrevu parfois au cours d’un rêve qui nous poursuit alors. Nous voyons le nuage, le soleil mais la terre tourne encore et roule vers l’inconnu et nous ne recevons rien, aucune réponse à la lancinante demande de notre coeur. Le crépuscule semble se dérouler à l’infini, sans fin ? Et revient et nous hante, nous attire vers le fond de la vie, là où la terre est avide, là où l’argile rouge creuse invisiblement nos chairs de rides et de sillons, silence encore qui viendra après les rafales de neige.
Mais quand viendra donc la neige ? Le jour s’efface déjà. Les yeux se ferment sur un atelier lumineux. Des pigments dans des pots de verre. Des chasse-oiseaux, éphémères créations et amusantes, espièglerie. Bouts de fil de fer, de ficelle, d’objets récupérés, qui ressemblent aux accroches rêves des indiens.
J’imagine le meuble blanc et long empli des natures mortes. J’ouvre mentalement les tiroirs et je regarde. Comme j’aime ces couleurs, ces nuances, ces fruits et ces fleurs, ces tissus agencés en apothéose de mouvements. Là, la vie est belle et douce. Même si par la fenêtre arrive la mort. La vie est tendre et calme. Même si le tiroir se referme et que les images dorment. L’atelier est lumineux, d’une clarté d’avril, vide désormais mais est ce bien certain ? Car la présence est là, des oeuvres achevées, d'autres inachevées, des senteurs d’huiles et de pigments, de fleurs d’oranger à l’aube d’un autre jour et des cascades de gourmandises, la saveur de vivre. Peindre : révéler/dévoiler la splendeur de la vie qui nous entoure est une joie et une souffrance. Peser entre ses doigts et ses yeux, sur la balance de l’équilibre l'essentiel, déployer le murmure de la nature pour qu’elle vibre sur le papier. Comme des grains de sable rouge, d’ocre organique, de bleu minéral, des couleurs en mouvements.
Je ressentais pourtant, venant d’elle, une forme d’insatisfaction. Etait ce manque de temps ? De moyens ? Non, c’était plutôt, me semble t’il, cette inlassable recherche et ce désir d’ apprendre, de s’améliorer sans cesse qui l’habitaient ; ce sentiment de n’avoir jamais réalisé le mieux, le plus ; cette volonté de vouloir se tenir encore plus proche du sensible. Et recommencer, reprendre l’ouvrage avec obstination.
Le panier est là, en bas, dans le salon. Le chien attend sa promenade. Dans la petite cuisine, un parfum de riz et de thé. Sur la table du salon, les tasses sur le plateau. La fenêtre est ouverte vers le jardin.
Je pense aux peintures du Fayoum, empreintes d’une présence " photographique". Les visages peints par Anne en sont très proches. Leurs traits sont pétillants, mobiles et vifs, les tonalités énergiques et intenses. J’ai revu dernièrement ses autoportraits d’une texture tellement ressemblante ; elle est là, on pourrait parler et rire ; ce n’est plus une peinture, c’est son visage écrit avec la lumière.
Malgré un contact extraverti et joyeux, qui pouvait tromper sur sa personnalité Anne était très secrète....SUITE ICI
Autour de la basilique, des oiseaux noirs tournent et se posent, vibrante atmosphère aux couleurs d’un hiver bien froid. Il pleut. Les arbres si lourds se tendent, des battements de pierre, claquements de volets et les pas décroissent sur le passage boueux. Un séjour de repos qui dessine une spirale. Un endroit de fraîcheur : j’imagine une fontaine, dans un beau verger, des pétales légers et des parfums printaniers.
Pourtant, nous ne savons rien de cet ailleurs, entrevu parfois au cours d’un rêve qui nous poursuit alors. Nous voyons le nuage, le soleil mais la terre tourne encore et roule vers l’inconnu et nous ne recevons rien, aucune réponse à la lancinante demande de notre coeur. Le crépuscule semble se dérouler à l’infini, sans fin ? Et revient et nous hante, nous attire vers le fond de la vie, là où la terre est avide, là où l’argile rouge creuse invisiblement nos chairs de rides et de sillons, silence encore qui viendra après les rafales de neige.
Mais quand viendra donc la neige ? Le jour s’efface déjà. Les yeux se ferment sur un atelier lumineux. Des pigments dans des pots de verre. Des chasse-oiseaux, éphémères créations et amusantes, espièglerie. Bouts de fil de fer, de ficelle, d’objets récupérés, qui ressemblent aux accroches rêves des indiens.
J’imagine le meuble blanc et long empli des natures mortes. J’ouvre mentalement les tiroirs et je regarde. Comme j’aime ces couleurs, ces nuances, ces fruits et ces fleurs, ces tissus agencés en apothéose de mouvements. Là, la vie est belle et douce. Même si par la fenêtre arrive la mort. La vie est tendre et calme. Même si le tiroir se referme et que les images dorment. L’atelier est lumineux, d’une clarté d’avril, vide désormais mais est ce bien certain ? Car la présence est là, des oeuvres achevées, d'autres inachevées, des senteurs d’huiles et de pigments, de fleurs d’oranger à l’aube d’un autre jour et des cascades de gourmandises, la saveur de vivre. Peindre : révéler/dévoiler la splendeur de la vie qui nous entoure est une joie et une souffrance. Peser entre ses doigts et ses yeux, sur la balance de l’équilibre l'essentiel, déployer le murmure de la nature pour qu’elle vibre sur le papier. Comme des grains de sable rouge, d’ocre organique, de bleu minéral, des couleurs en mouvements.
Je ressentais pourtant, venant d’elle, une forme d’insatisfaction. Etait ce manque de temps ? De moyens ? Non, c’était plutôt, me semble t’il, cette inlassable recherche et ce désir d’ apprendre, de s’améliorer sans cesse qui l’habitaient ; ce sentiment de n’avoir jamais réalisé le mieux, le plus ; cette volonté de vouloir se tenir encore plus proche du sensible. Et recommencer, reprendre l’ouvrage avec obstination.
Le panier est là, en bas, dans le salon. Le chien attend sa promenade. Dans la petite cuisine, un parfum de riz et de thé. Sur la table du salon, les tasses sur le plateau. La fenêtre est ouverte vers le jardin.
Je pense aux peintures du Fayoum, empreintes d’une présence " photographique". Les visages peints par Anne en sont très proches. Leurs traits sont pétillants, mobiles et vifs, les tonalités énergiques et intenses. J’ai revu dernièrement ses autoportraits d’une texture tellement ressemblante ; elle est là, on pourrait parler et rire ; ce n’est plus une peinture, c’est son visage écrit avec la lumière.
Malgré un contact extraverti et joyeux, qui pouvait tromper sur sa personnalité Anne était très secrète....SUITE ICI
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 16 Mars 2015 à 09:38
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