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Le MONDE
Par Nathalie Calmé
L’ancien gendarme, devenu un temps conseiller de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo, a été ordonné diacre en 2018, et demeure un poète hors normes et inclassable, à mille lieues de l’image lisse attendue du dévot
François Esperet a été ordonné diacre en 2018 par Monseigneur Nestor. A 40 ans, ce père de six enfants est aujourd’hui à la tête de la société de conseil qu’il a fondée.
Si, dans sa jeunesse, les premiers pas en religion de François Esperet sont balbutiants, c’est à l’âge de 17 ans qu’il a « une révélation chrétienne ». Bouleversé, l’adolescent recherche alors l’écrin spirituel qui pourrait accueillir cette expérience, et c’est au catholicisme qu’il choisit tout d’abord de confier sa foi.
Né en 1980 à Paris, François Esperet est un homme dont la vie se conjugue au pluriel. Après des études à l’Ecole normale supérieure, il intègre le corps de la gendarmerie en 2002, comme chef de groupe, à Paris. Dans cet univers, le jeune homme, jusqu’alors tourné vers les choses de l’esprit, multiplie les apprentissages qui ont trait au « prochain ».
Par Nathalie Calmé
L’ancien gendarme, devenu un temps conseiller de Bertrand Delanoë puis d’Anne Hidalgo, a été ordonné diacre en 2018, et demeure un poète hors normes et inclassable, à mille lieues de l’image lisse attendue du dévot
François Esperet a été ordonné diacre en 2018 par Monseigneur Nestor. A 40 ans, ce père de six enfants est aujourd’hui à la tête de la société de conseil qu’il a fondée.
Si, dans sa jeunesse, les premiers pas en religion de François Esperet sont balbutiants, c’est à l’âge de 17 ans qu’il a « une révélation chrétienne ». Bouleversé, l’adolescent recherche alors l’écrin spirituel qui pourrait accueillir cette expérience, et c’est au catholicisme qu’il choisit tout d’abord de confier sa foi.
Né en 1980 à Paris, François Esperet est un homme dont la vie se conjugue au pluriel. Après des études à l’Ecole normale supérieure, il intègre le corps de la gendarmerie en 2002, comme chef de groupe, à Paris. Dans cet univers, le jeune homme, jusqu’alors tourné vers les choses de l’esprit, multiplie les apprentissages qui ont trait au « prochain ».
Il découvre le commandement, la direction d’une fraternité d’armes, « l’autorité comme service ». Et quand il croise bandits, voyous ou prostituées, il se dit « frappé par l’éclat du semblable plus que par l’altérité ».
Gendarmes et voleurs
Rattrapé par son passé de normalien, il finit par quitter le feu de l’action et devient chargé de mission au cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale. C’est à ce moment-là qu’il couche sur le papier ses premiers vers : « Le 21 septembre 2008, se souvient-il, jour de la saint Matthieu, j’ai commencé à écrire de la poésie. Il fallait que je sois extrait des aventures pour pouvoir les raconter. »
Sa « vie antérieure », à démanteler trafics de drogue et racolage sur la voie publique, l’inspire à la fois en tant que chrétien et que poète. Dans ses recueils, Larrons (2010), puis Gagneuses (2014), consacrés au banditisme et à la prostitution, il peint, dans un souffle épique dénué de ponctuations, des « âmes à nu », « écorchées vives », « dérogeant à la loi », mais « possédant une grande liberté sociale non encore convertie en liberté spirituelle ».
Pour François Esperet, côtoyer ces milieux en marge de la société a été « un extraordinaire amplificateur d’humanité » et « un approfondissement de l’incarnation ».
Au bout de deux ans de vie de cabinet, l’officier bien noté, brillant, se sent « bloqué dans un mouvement ascendant professionnellement » : « Quand ma carrière menace de s’élever, j’ai tendance à me déporter à l’horizontale », lance-t-il en riant.
Lire aussi L’histoire d’un diplomate français devenu diacre orthodoxe
Gendarmes et voleurs
Rattrapé par son passé de normalien, il finit par quitter le feu de l’action et devient chargé de mission au cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale. C’est à ce moment-là qu’il couche sur le papier ses premiers vers : « Le 21 septembre 2008, se souvient-il, jour de la saint Matthieu, j’ai commencé à écrire de la poésie. Il fallait que je sois extrait des aventures pour pouvoir les raconter. »
Sa « vie antérieure », à démanteler trafics de drogue et racolage sur la voie publique, l’inspire à la fois en tant que chrétien et que poète. Dans ses recueils, Larrons (2010), puis Gagneuses (2014), consacrés au banditisme et à la prostitution, il peint, dans un souffle épique dénué de ponctuations, des « âmes à nu », « écorchées vives », « dérogeant à la loi », mais « possédant une grande liberté sociale non encore convertie en liberté spirituelle ».
Pour François Esperet, côtoyer ces milieux en marge de la société a été « un extraordinaire amplificateur d’humanité » et « un approfondissement de l’incarnation ».
Au bout de deux ans de vie de cabinet, l’officier bien noté, brillant, se sent « bloqué dans un mouvement ascendant professionnellement » : « Quand ma carrière menace de s’élever, j’ai tendance à me déporter à l’horizontale », lance-t-il en riant.
Lire aussi L’histoire d’un diplomate français devenu diacre orthodoxe
De conseiller des princes aux rives de l’Orient
C’est vers la Mairie de Paris que François Esperet se « déporte » donc, de 2010 à 2016, comme conseiller spécial de maires Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo. Une nouvelle vie en politique, non pas comme « chrétien de gauche », mais comme « pèlerin et nomade dans le champ politique ». Electron libre dans l’âme, celui qui s’est fait tatouer le corps de représentations du Christ et de citations latines se reconnaît dans ces paroles du théologien carthaginois Tertullien : « Pour nous chrétiens, que la passion de la gloire et les honneurs laissent froids, en vérité (…) nous ne connaissons qu’une chose publique, commune à tous : le monde. »
En 2016, il converge du catholicisme vers l’orthodoxie, après sa découverte de la voie hésychaste, ou prière du cœur (méthode ascétique d’oraison qui utilise l’invocation du nom de Jésus sur le rythme de la respiration et, finalement, celui du cœur), et fréquente le séminaire orthodoxe russe à Epinay-sous-Sénart (Essonne).
Après une année de lecture des pères grecs et des théologiens orthodoxes du XXe siècle – en particulier Olivier Clément – et de la pratique de la prière du nom de Jésus, les astres se sont alignés du côté de l’Orient ! »
Un homme est aussi à l’origine de ce basculement, le père Alexandre Siniakov, figure du dialogue Orient-Occident.
« Mais, précise-t-il, je ne renie rien du christianisme catholique. Je lis toujours avec autant de joie sainte Thérèse d’Avila, dont les plus belles pages font écho à celles des Récits d’un pèlerin russe ! » Epris de mystique orthodoxe, François Esperet voit en elle « moins une échappatoire merveilleuse et abyssale – privilège des âmes d’élite – qu’un simple pain quotidien ».
Lire aussi COMMENT UN FRANCAIS A DEMENAGE A IVANOVO ET TROUVE UN SENS A SA VIE : L’HISTOIRE DE JEAN-MICHEL COSNIEAU
C’est vers la Mairie de Paris que François Esperet se « déporte » donc, de 2010 à 2016, comme conseiller spécial de maires Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo. Une nouvelle vie en politique, non pas comme « chrétien de gauche », mais comme « pèlerin et nomade dans le champ politique ». Electron libre dans l’âme, celui qui s’est fait tatouer le corps de représentations du Christ et de citations latines se reconnaît dans ces paroles du théologien carthaginois Tertullien : « Pour nous chrétiens, que la passion de la gloire et les honneurs laissent froids, en vérité (…) nous ne connaissons qu’une chose publique, commune à tous : le monde. »
En 2016, il converge du catholicisme vers l’orthodoxie, après sa découverte de la voie hésychaste, ou prière du cœur (méthode ascétique d’oraison qui utilise l’invocation du nom de Jésus sur le rythme de la respiration et, finalement, celui du cœur), et fréquente le séminaire orthodoxe russe à Epinay-sous-Sénart (Essonne).
Après une année de lecture des pères grecs et des théologiens orthodoxes du XXe siècle – en particulier Olivier Clément – et de la pratique de la prière du nom de Jésus, les astres se sont alignés du côté de l’Orient ! »
Un homme est aussi à l’origine de ce basculement, le père Alexandre Siniakov, figure du dialogue Orient-Occident.
« Mais, précise-t-il, je ne renie rien du christianisme catholique. Je lis toujours avec autant de joie sainte Thérèse d’Avila, dont les plus belles pages font écho à celles des Récits d’un pèlerin russe ! » Epris de mystique orthodoxe, François Esperet voit en elle « moins une échappatoire merveilleuse et abyssale – privilège des âmes d’élite – qu’un simple pain quotidien ».
Lire aussi COMMENT UN FRANCAIS A DEMENAGE A IVANOVO ET TROUVE UN SENS A SA VIE : L’HISTOIRE DE JEAN-MICHEL COSNIEAU
Fugues autour du Royaume
En 2018, le croyant hors normes publie « Visions de Jacob » (2018). Comme dans ses recueils précédents, il y tisse une toile narrative où s’entremêlent le langage biblique et l’argot. Le poète aime citer ses grands frères, Apollinaire, Rimbaud, Kerouac, Bloy, « des gens qui ont une authentique piété vis-à-vis de la parole de Dieu, et qui osent tout. C’est dans l’esprit du “je peux tout en celui qui me donne la force”, de Paul, que j’aborde l’écriture ».
Dans le prologue de son dernier livre « Ne restons pas ce que nous sommes », qui vient de paraître chez Robert Laffont, François Esperet observe : « Quand la parole humaine vient se lover contre la parole divine (…), une mélodie nouvelle se fait entendre. » C’est cette langue nouvelle que l’auteur a appris à parler au cours de l’année liturgique qui a suivi son ordination diaconale à la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité, à Paris – en 2018, le jour de la fête de Lazare, la veille du dimanche des Rameaux. Unemission lui est confiée : commenter, tous les dimanches et jours de fête, la première lecture, dite « apostolique », pour l’assemblée des fidèles. Et ce sont ses homélies autour des Epîtres de Paul que le diacre-poète a réunies dans son livre.
Il compare les épîtres pauliniennes à des « portulans » – ces anciennes cartes de navigation : « Paul est un vrai navigateur humain, qui nous a rendus visible le tracé des côtes du Royaume. »Quant au titre, il est inspiré d’une phrase du théologien Grégoire de Nazianze, au IVe siècle : « Ne restons pas ce que nous sommes, mais devenons qui nous étions », parole qui conserve à ses yeux une part de mystère. « Elle pourrait signifier, pense-t-il, ne nous laissons pas enfermer à un moment de nous-mêmes, ne nous laissons pas réifier, mais devenons des participants du Royaume… et renouons en toute liberté avec ce que Maxime le Confesseur [théologien byzantin du VIIe siècle] appelle notre logos, notre identité et notre vocation primordiales. »
A 40 ans, ce père de six enfants est aujourd’hui à la tête de la société de conseil qu’il a fondée, Beltassar (le nom babylonien du prophète Daniel, celui qui interprétait les songes du roi Nabuchodonosor), auprès de grands dirigeants d’entreprises. Et aspire à endosser l’habit de prêtre orthodoxe, « avec cette impatience, confie-t-il, qui est le péché de l’espérance et dont j’ai toujours peiné à me départir. Mais aussi, au fil des mois et des années, avec une sérénité souriante ».... SUITE
Lire François Esperet :
Larrons (Le Temps des cerises, 2013, 114 pages, 12 euros) ; Gagneuses(Le Temps des cerises, 2014, 100 pages, 10 euros) ; Visions de Jacob(Editions du Sandre, 2018, 200 pages, 18 euros)
En 2018, le croyant hors normes publie « Visions de Jacob » (2018). Comme dans ses recueils précédents, il y tisse une toile narrative où s’entremêlent le langage biblique et l’argot. Le poète aime citer ses grands frères, Apollinaire, Rimbaud, Kerouac, Bloy, « des gens qui ont une authentique piété vis-à-vis de la parole de Dieu, et qui osent tout. C’est dans l’esprit du “je peux tout en celui qui me donne la force”, de Paul, que j’aborde l’écriture ».
Dans le prologue de son dernier livre « Ne restons pas ce que nous sommes », qui vient de paraître chez Robert Laffont, François Esperet observe : « Quand la parole humaine vient se lover contre la parole divine (…), une mélodie nouvelle se fait entendre. » C’est cette langue nouvelle que l’auteur a appris à parler au cours de l’année liturgique qui a suivi son ordination diaconale à la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité, à Paris – en 2018, le jour de la fête de Lazare, la veille du dimanche des Rameaux. Unemission lui est confiée : commenter, tous les dimanches et jours de fête, la première lecture, dite « apostolique », pour l’assemblée des fidèles. Et ce sont ses homélies autour des Epîtres de Paul que le diacre-poète a réunies dans son livre.
Il compare les épîtres pauliniennes à des « portulans » – ces anciennes cartes de navigation : « Paul est un vrai navigateur humain, qui nous a rendus visible le tracé des côtes du Royaume. »Quant au titre, il est inspiré d’une phrase du théologien Grégoire de Nazianze, au IVe siècle : « Ne restons pas ce que nous sommes, mais devenons qui nous étions », parole qui conserve à ses yeux une part de mystère. « Elle pourrait signifier, pense-t-il, ne nous laissons pas enfermer à un moment de nous-mêmes, ne nous laissons pas réifier, mais devenons des participants du Royaume… et renouons en toute liberté avec ce que Maxime le Confesseur [théologien byzantin du VIIe siècle] appelle notre logos, notre identité et notre vocation primordiales. »
A 40 ans, ce père de six enfants est aujourd’hui à la tête de la société de conseil qu’il a fondée, Beltassar (le nom babylonien du prophète Daniel, celui qui interprétait les songes du roi Nabuchodonosor), auprès de grands dirigeants d’entreprises. Et aspire à endosser l’habit de prêtre orthodoxe, « avec cette impatience, confie-t-il, qui est le péché de l’espérance et dont j’ai toujours peiné à me départir. Mais aussi, au fil des mois et des années, avec une sérénité souriante ».... SUITE
Lire François Esperet :
Larrons (Le Temps des cerises, 2013, 114 pages, 12 euros) ; Gagneuses(Le Temps des cerises, 2014, 100 pages, 10 euros) ; Visions de Jacob(Editions du Sandre, 2018, 200 pages, 18 euros)
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 15 Décembre 2020 à 19:34
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