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Les origines et l'essence du christianisme sont de toute évidence en Orient. Pourtant ces hommes et ces femmes sont devenus au fil des ans les pestiférés des terres où ils sont nés.
Focus sur Jérusalem, avec un extrait de "Chrétiens d'Orient : Voyage au bout de l'oubli"
"Ce sont les autorités israéliennes qui déterminent ma vie : quand je dois bouger, s’ils veulent bien que je bouge, pour combien de temps, la durée de ma permission."
Jean – appelons-le Jean, car il porte un prénom français, un prénom d’apôtre, et parle français comme la plupart des chrétiens d’un certain âge de ce pays – tient une librairie chrétienne. Une librairie ravissante, coquette et très documentée non seulement sur la vie de Jésus, mais aussi sur l’histoire de Jérusalem. Aucun risque de se méprendre, un Ave Maria hurle dans les haut-parleurs. Des ecclésiastiques noirs vont et viennent, achètent nombre livres et fascicules, comme si la foi chrétienne au fil des ans était devenue l’apanage des seuls Africains. « Ils nous maltraitent tous, mais ils ne veulent pas que cela se sache. La maltraitance sous la chape du secret. Personne ne sait ce que nous souffrons chaque jour. L’Histoire officielle veut que ce soit eux les victimes », m’explique Jean sous le sceau du secret (encore le « écrivez-le, mais ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit, j’aurais de gros ennuis si vous me nommez »).
Focus sur Jérusalem, avec un extrait de "Chrétiens d'Orient : Voyage au bout de l'oubli"
"Ce sont les autorités israéliennes qui déterminent ma vie : quand je dois bouger, s’ils veulent bien que je bouge, pour combien de temps, la durée de ma permission."
Jean – appelons-le Jean, car il porte un prénom français, un prénom d’apôtre, et parle français comme la plupart des chrétiens d’un certain âge de ce pays – tient une librairie chrétienne. Une librairie ravissante, coquette et très documentée non seulement sur la vie de Jésus, mais aussi sur l’histoire de Jérusalem. Aucun risque de se méprendre, un Ave Maria hurle dans les haut-parleurs. Des ecclésiastiques noirs vont et viennent, achètent nombre livres et fascicules, comme si la foi chrétienne au fil des ans était devenue l’apanage des seuls Africains. « Ils nous maltraitent tous, mais ils ne veulent pas que cela se sache. La maltraitance sous la chape du secret. Personne ne sait ce que nous souffrons chaque jour. L’Histoire officielle veut que ce soit eux les victimes », m’explique Jean sous le sceau du secret (encore le « écrivez-le, mais ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit, j’aurais de gros ennuis si vous me nommez »).
l est très inquiet, fébrile, surveille les entrées et sorties, s’arrête de parler à l’approche d’un client. J’écris en catimini.
« Ils maltraitent les chrétiens et les Palestiniens. Et comme je suis Palestinien chrétien, comme beaucoup d’entre nous, vous pouvez imaginer le pire. Ils veulent faire croire qu’ils ont une légère préférence pour nous les chrétiens, mais que nous soyons catholiques, melkites, orthodoxes, ou musulmans, arabes, bédouins, circassiens ou arméniens, ils nous traitent tous aussi mal. Ce sont des stratégies de division, pour que nous fermions les yeux sur la façon dont ils persécutent les Palestiniens dans leur ensemble. Croyez bien que les Palestiniens musulmans en voient aussi de dures. En réalité, tous ceux qui ne sont pas juifs n’ont pas droit de cité à Jérusalem. Ils sont systématiquement ostracisés. Jérusalem-Ouest ne leur suffit pas.
Pour eux, Jérusalem-Est est un territoire à conquérir, presque conquis, ils veulent la ville dans sa totalité. Les indignations internationales n’ont aucun sens pour eux. Jérusalem, selon leurs propres termes, non seulement est “une et indivisible”, mais leur appartient, ce qu’ils ne disent pas. Nous sommes interdits de circuler, d’exister sur notre propre terre. Ils espèrent qu’à force de nous rendre la vie intenable, nous finirons par partir. C’est d’ailleurs ce qui se passe, quand nous en avons les moyens, chrétiens comme musulmans, nous prenons les jambes à notre cou. Il y a une conspiration du silence autour de ce qu’ils nous font mais nous, pauvres misérables, nous n’avons même pas droit au respect le plus élémentaire, celui de la vie privée. Nous sommes privés de notre vie privée. Vouloir garder sa vie privée revient pour eux à se déclarer ennemi d’État. Ma vie privée ne m’appartient pas, elle doit être transparente, je n’ai pas droit au secret. En fait, je n’en ai pas, c’est comme si j’avais fait quelque chose de mal et que j’étais emprisonné pour cela. Je n’ai rien fait de mal, j’ai juste eu le tort d’être né à Jérusalem avant qu’ils n’arrivent.
Je n’ai aucune autonomie ; à mon âge, je suis traité comme un enfant indiscipliné, mauvais, jamais à court de bêtises, je dois demander la permission pour tout…
Que ma mère tombe malade, je ne peux me précipiter à son chevet comme n’importe quel fils aimant, car elle habite Bethléem, pourtant à côté d’ici. Je dois demander la permission de circuler dans mon propre pays. Le temps que la permission me soit accordée, que je m’y rende enfin, que je patiente à tous les check points, dans le meilleur des cas, elle sera guérie, au pire morte. Et je n’aurais pas pu rester plus d’une demi-heure auprès d’elle, car ma permission n’aurait été valable qu’une journée, jusqu’à 18 heures. De sorte qu’il faudrait que vraiment je sois très aimant, car autant de tracasseries pour une demi-heure de visite dans le meilleur des cas, c’est beaucoup demander à un homme.
Ce sont les autorités israéliennes qui déterminent ma vie : quand je dois bouger, s’ils veulent bien que je bouge, pour combien de temps, la durée de ma permission. Et ils décrètent que je ne dois rester au chevet de ma mère qu’une journée, comme c’est le plus souvent le cas, car nos familles pour elles n’ont pas à exiger plus de temps. Étant donné les check points et les mille tracasseries rencontrées sur la route, si je finis par voir ma mère, qui n’est pourtant qu’à 10 kilomètres d’ici, je ne pourrais lui accorder plus d’une demi-heure », répète-t-il exaspéré, car c’est exactement ce qui lui est arrivé quinze jours avant ma venue. « Et encore, je serais très heureux d’avoir pu la voir. On nage dans l’absurde. » SUITE Atlantico
Extrait de "Chrétiens d'Orient : Voyage au bout de l'oubli", Marie de Varney, (François Bourin Editeur), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici
« Ils maltraitent les chrétiens et les Palestiniens. Et comme je suis Palestinien chrétien, comme beaucoup d’entre nous, vous pouvez imaginer le pire. Ils veulent faire croire qu’ils ont une légère préférence pour nous les chrétiens, mais que nous soyons catholiques, melkites, orthodoxes, ou musulmans, arabes, bédouins, circassiens ou arméniens, ils nous traitent tous aussi mal. Ce sont des stratégies de division, pour que nous fermions les yeux sur la façon dont ils persécutent les Palestiniens dans leur ensemble. Croyez bien que les Palestiniens musulmans en voient aussi de dures. En réalité, tous ceux qui ne sont pas juifs n’ont pas droit de cité à Jérusalem. Ils sont systématiquement ostracisés. Jérusalem-Ouest ne leur suffit pas.
Pour eux, Jérusalem-Est est un territoire à conquérir, presque conquis, ils veulent la ville dans sa totalité. Les indignations internationales n’ont aucun sens pour eux. Jérusalem, selon leurs propres termes, non seulement est “une et indivisible”, mais leur appartient, ce qu’ils ne disent pas. Nous sommes interdits de circuler, d’exister sur notre propre terre. Ils espèrent qu’à force de nous rendre la vie intenable, nous finirons par partir. C’est d’ailleurs ce qui se passe, quand nous en avons les moyens, chrétiens comme musulmans, nous prenons les jambes à notre cou. Il y a une conspiration du silence autour de ce qu’ils nous font mais nous, pauvres misérables, nous n’avons même pas droit au respect le plus élémentaire, celui de la vie privée. Nous sommes privés de notre vie privée. Vouloir garder sa vie privée revient pour eux à se déclarer ennemi d’État. Ma vie privée ne m’appartient pas, elle doit être transparente, je n’ai pas droit au secret. En fait, je n’en ai pas, c’est comme si j’avais fait quelque chose de mal et que j’étais emprisonné pour cela. Je n’ai rien fait de mal, j’ai juste eu le tort d’être né à Jérusalem avant qu’ils n’arrivent.
Je n’ai aucune autonomie ; à mon âge, je suis traité comme un enfant indiscipliné, mauvais, jamais à court de bêtises, je dois demander la permission pour tout…
Que ma mère tombe malade, je ne peux me précipiter à son chevet comme n’importe quel fils aimant, car elle habite Bethléem, pourtant à côté d’ici. Je dois demander la permission de circuler dans mon propre pays. Le temps que la permission me soit accordée, que je m’y rende enfin, que je patiente à tous les check points, dans le meilleur des cas, elle sera guérie, au pire morte. Et je n’aurais pas pu rester plus d’une demi-heure auprès d’elle, car ma permission n’aurait été valable qu’une journée, jusqu’à 18 heures. De sorte qu’il faudrait que vraiment je sois très aimant, car autant de tracasseries pour une demi-heure de visite dans le meilleur des cas, c’est beaucoup demander à un homme.
Ce sont les autorités israéliennes qui déterminent ma vie : quand je dois bouger, s’ils veulent bien que je bouge, pour combien de temps, la durée de ma permission. Et ils décrètent que je ne dois rester au chevet de ma mère qu’une journée, comme c’est le plus souvent le cas, car nos familles pour elles n’ont pas à exiger plus de temps. Étant donné les check points et les mille tracasseries rencontrées sur la route, si je finis par voir ma mère, qui n’est pourtant qu’à 10 kilomètres d’ici, je ne pourrais lui accorder plus d’une demi-heure », répète-t-il exaspéré, car c’est exactement ce qui lui est arrivé quinze jours avant ma venue. « Et encore, je serais très heureux d’avoir pu la voir. On nage dans l’absurde. » SUITE Atlantico
Extrait de "Chrétiens d'Orient : Voyage au bout de l'oubli", Marie de Varney, (François Bourin Editeur), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 16 Juillet 2013 à 18:40
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