André Zoubov:« Le baptême de la Russie »
André Zoubov, historien, professeur à l’Institut des relations internationales
...........................

La Russie commémore le 28 juillet le jour de son baptême. Les chercheurs ne sont pas jusqu’à présent parvenus à s’entendre quant à l’année, la date et le lieu de cet évènement. Nous ne savons pas avec précision où a été baptisé le prince Vladimir, à Kiev, Chersonèse ou Berestov, non loin de Kiev. Il est cependant évident que la christianisation de la « Rus » a déterminé pour l’essentiel l’avenir du pays. Les peuples scandinaves ainsi que les Hongrois reçoivent le baptême simultanément, c'est-à-dire vers la fin du X siècle. Adopter la foi chrétienne a été pour le prince Vladimir une décision pour ainsi dire naturelle. En effet, c’est Vladimir qui suggère à son cousin Olaf, canonisé par la suite, de faire baptiser la Suède ce qui se produit dans les cinq années suivantes.

Le prince Vladimir appartenait à la dynastie des Rurikides a commencé à gouverner Novgorod en 970. En 978 il s’empare du pouvoir à Kiev et en 988 il opte pour le christianisme en tant que religion d’Etat. Les chroniques nous donnent un portrait haut en couleurs du prince Vladimir. La christianisation a été pour lui une décision tout à fait personnelle et intime.

Son propre baptême le fait radicalement changer de vie !

Vladimir était un grand amateur de femmes. Cette propension lui a fait commettre une série de crimes : il tue son frère pour lui prendre sa femme, une moniale grecque défroquée qui au moment des évènements était enceinte du frère de Vladimir. Il tue les parents de son autre épouse, Rognède. Il se disait qu’une femme belle ne se risquait pas à sortir dans Kiev craignant d’être violée. Dès son baptême le prince Vladimir change radicalement et fonde une famille exemplaire. La peine de mort est abrogée. Ses sujets ne sont plus vendus en esclavage, l’esclavage est pratiquement aboli. Vladimir se met à racheter les Slaves prisonniers dans d’autres contrées puisant pour ceci dans sa cassette. Les relations entre Slaves, Varègues et Ougro-finnois subissent de profonds changements. Elles étaient hostiles auparavant car les Varègues s’estimaient être supérieurs. Le prince Vladimir se consacra à fusionner les trois ethnies. L’apparition des Russes anciens fut une conséquence logique de la christianisation. Nous savons aujourd’hui que l’ethnie russe slave s’est constituée grâce au baptême. En voici une simple preuve : les Varègues n’avaient pas d’alphabet alors que les Slaves avaient une écriture. Bien avant Vladimir les Slaves du Sud purent bénéficier de l’alphabet élaboré par Saints Cyrille et Méthode. Le christianisme se fonde sur les Écritures, il est inconcevable sans textes liturgiques. Aussi l’ethnie russe slave qui se forma à l’époque choisit pour langue littéraire commune non les dialectes varègues et ougro-finnois mais le slavon. Cet immense « melting pot » ethnique qui produisit en définitive les anciens Russes comprenait d’ailleurs non seulement les trois peuples énumérés mais aussi les Khazars.

Cette ethnie se divisa historiquement en Russes, Ukrainiens et Biélorusses.

Cette division commença à peu près un siècle après le début de l’occupation mongolo-tatare. A la fin du XIV siècle les princes lituaniens libèrent des Tatars les territoires de l’Ukraine et de la Biélorussie modernes. Cela fait se constituer un monde Russe ouvert sur l’Occident car limitrophe de la Pologne et de la Lituanie. Se constituent alors les ethnies biélorusse et ukrainienne. La Biélorussie moderne est restée dans la composition de la Lituanie après la conclusion de l’Union polono-lituanienne. La Lituanie confie à la Pologne l’administration des territoires qui constituent l’Ukraine moderne. Moscou ainsi que les villes de Vladimir et de Novgorod restent à l’écart de ces formations. Novgorod représentait une forme de culture russe très spécifique qui n’a jamais été tributaire des Tatares. Le monde de Novgorod était ouvert sur l’Occident par la mer Baltique. Il fut, malheureusement, entièrement détruit par Moscou.

La partie orientale de l’ethnie russe donna le type grand-russien, la conscience politique y était tartare. Je pense à une orientation qui se distinguait de ce que qui existait chez les Russes de l’Ouest et aspirait à l’isolement du monde extérieure, à une société fermée, à la réalisation de l’idée de la « Moscou- Troisième Rome ». Cette idéologie prend forme à la fin du XV et au début du XVI siècles. C’est l’époque de la division « objective » entre les trois ethnies. Elles se perçoivent subjectivement chacune à part, Ukrainiens, Biélorusses et Russes, au XVI et surtout au XVII siècles.

Traduction : Nikita Krivocheine
"Radio Liberty", émission André Shary

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 26 Juillet 2012 à 20:00 | 22 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile