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Vladimir GOLOVANOW partie 1 et 2
Evolution de la position orthodoxe
A partir du début des années 1990 les difficultés de la participation orthodoxe au COE se font jour de plus en plus clairement sous l'effet de deux phénomène opposés: d'une part les Eglises slaves, libérées du joug communiste, font valoir une position de plus en plus traditionnelle, et ce d'autant plus qu'elles sont attaquée de l'intérieur et de l'extérieur par un mouvement anti-œcuméniste que je crois personnellement majoritaire au niveau des paroisses, et de l'autre côté, je dirais même à l'opposé, certaines Eglises protestantes dérivent vers un libéralisme de plus en plus poussé. Les Eglises orthodoxes ne cachent pas leur malaise vis-à-vis d'une organisation qui leur semble dominée par le protestantisme libéral occidental et ces inquiétudes se sont précisées à la Septième Assemblée du COE (Canberra, Australie, février 1991) dans les "Réflexions des participants orthodoxes à l’attention de la Septième Assemblée" (lire à ce sujet l'intéressante analyse engagée de Nicolas Lossky dans "L’église orthodoxe et le mouvement œcuménique : les difficultés", 2001/2) et ont pris un tour particulièrement aigu à partir de 1998.
Evolution de la position orthodoxe
A partir du début des années 1990 les difficultés de la participation orthodoxe au COE se font jour de plus en plus clairement sous l'effet de deux phénomène opposés: d'une part les Eglises slaves, libérées du joug communiste, font valoir une position de plus en plus traditionnelle, et ce d'autant plus qu'elles sont attaquée de l'intérieur et de l'extérieur par un mouvement anti-œcuméniste que je crois personnellement majoritaire au niveau des paroisses, et de l'autre côté, je dirais même à l'opposé, certaines Eglises protestantes dérivent vers un libéralisme de plus en plus poussé. Les Eglises orthodoxes ne cachent pas leur malaise vis-à-vis d'une organisation qui leur semble dominée par le protestantisme libéral occidental et ces inquiétudes se sont précisées à la Septième Assemblée du COE (Canberra, Australie, février 1991) dans les "Réflexions des participants orthodoxes à l’attention de la Septième Assemblée" (lire à ce sujet l'intéressante analyse engagée de Nicolas Lossky dans "L’église orthodoxe et le mouvement œcuménique : les difficultés", 2001/2) et ont pris un tour particulièrement aigu à partir de 1998.
1998: "Communiqué de Thessalonique"
(D'après Nicolas Lossky, "Faisons route ensemble; Introduction: deuxième partie")
A l'initiative des Eglises russe et serbes, le patriarche de Constantinople réunit formellement les délégués de toutes les Eglises orthodoxes à Thessalonique en avril-mai 1998 pour décider de leur participation à la prochaine assemblée générale du COE qui devait se tenir à Harare (Zimbabwe) en décembre de la même année (voir plus loin).Chaque Eglise était représentée par deux délégués, l'Eglise russe ayant délégué Mgr Cyril de Smolensk et le père Hilarion (actuellement patriarche de Moscou et "ministre des affaires extérieures" du patriarcat).
La délégation de l'Eglise russe proposa de ne pas y envoyer de "délégués" mais de simples "observateurs" et, après discussion, une solution de compromis transcrite dans un "Communiqué" fut unanimement adoptée: après avoir condamné "les groupes schismatiques les extrémistes qui utilisent le thème de l'œcuménisme pour attaquer la direction de l'Eglise elle-même" et déclaré leur détermination de poursuivre leur participation à toutes les "formes d'activité interchrétienne", ils définissent une "participation restreinte" à l'Assemblée du COE, eu égard à leur "situation minoritaire" au sein des instances de décision, ce qui ne leur permettait pas de faire véritablement entendre leur voix sur des questions "inacceptables pour les orthodoxes" mais encouragées par le COE sous l'influence de la majorité protestante (l'intercommunion, le langage inclusif, l'ordination des femmes, les droits de minorités sexuelles et "certaines tendances au syncrétisme religieux"). Les délégués orthodoxes à l'assemblée du COE ne devaient pas participer aux célébrations ou prières communes ni prendre part aux votes et ces restrictions à la participation devaient rester en vigueur jusqu'à ce qu'une Commission théologique spéciale (orthodoxes-COE) n'aurait pas pris des mesures pour permettre une participation véritablement constructive des orthodoxes dans un COE radicalement restructuré.
Seuls les délégués de l'Eglise de Russie ont été obligés par un mandat impératif du Synode d'appliquer les décisions de Thessalonique à la lettre. Les autres Orthodoxes ont "interprété" le texte. Ainsi, certains ont fait valoir que ne pas "participer" aux offices pouvait être compris au sens d'être présents sans accepter de prendre un rôle "actif" (présider ou lire un texte biblique ou une prière.) Les Eglises de Géorgie et de Bulgarie ont, elles, quitté le COE avant l'assemblée générale, mais ces deux Eglises ont été malgré tout présentes à Harare en la personne d'invités officiels, un prêtre géorgien et un groupe de Bulgares (avec le professeur Todor Sabev; ce groupe a fait circuler un texte déplorant le départ de leur Eglise). Le prêtre géorgien a pris la parole en séance plénière et a décrit d'une façon extrêmement émouvante la situation impossible du patriarche-catholicos Elie, personnellement très engagé dans le mouvement œcuménique et attaché au COE dont il fut l'un des présidents. Le prêtre a reçu une ovation debout (standing ovation) qui a duré plusieurs minutes. Quant aux orthodoxes, la plupart ont été émus jusqu'aux larmes.
Huitième Assemblée du COE Harare Zimbabwe, 3 - 14 décembre 1998 (D'après Nicolas Lossky, ibidem): Le père Hilarion (Alfeïev), chef de la délégation de l'Eglise de Russie, a fait une déclaration importante:
Citation
"Je représente l'Eglise de loin la plus importante du point de vue numérique au COE: plus de cent millions de fidèles. Notre Eglise a beaucoup contribué au processus d'une CVC («Vers une conception et une vision communes du COE»). L'une des principales lignes de force de ce processus consiste à découvrir s'il y a croissance de la koinonia entre les chrétiens des différentes confessions. Posons-nous la question avec franchise ici: la koinonia est-elle en croissance ou non? Je répondrai 'oui' si nous parlons des processus qui existent à l'intérieur des principales familles d'Eglises. Plusieurs Eglises protestantes qui n'étaient pas en communion eucharistique entre elles il y a cinquante ans sont maintenant en pleine communion. Les Eglises orthodoxes étaient, certes, en pleine communion eucharistique il y a cinquante ans, mais il y avait beaucoup moins de coordination et d'échanges entre elles qu'il n'y en a maintenant. Les représentants des Eglises locales orthodoxes se rencontrent régulièrement à présent et ceci a très souvent lieu dans le cadre du COE. Nous sommes donc reconnaissants au Conseil qui a fourni l'espace et le financement pour ces rencontres. Mais si nous considérons les relations entre les Eglises orthodoxes d'une part et les Eglises des traditions protestante et anglicane d'autre part, il est clair que la koinonia n'est pas en état de croissance. Au contraire, le fossé entre elles s'élargit de plus en plus. Il y a cinquante ou soixante ans, il existait même un espoir de rétablissement d'une pleine communion eucharistique entre les orthodoxes et les Eglises anglicanes. En fin de compte, surtout après la décision des Eglises anglicanes d'ordonner des femmes à la prêtrise, cet espoir a complètement disparu. La même chose est vraie de beaucoup d'Eglises protestantes. Après toutes ces années de notre engagement œcuménique, il devient clair que l'Eglise orthodoxe et les Eglises de tradition protestante se développent dans des directions opposées. L'Eglise orthodoxe maintient les valeurs traditionnelles dans les domaines du dogme, de la spiritualité, du culte et de l'ethos. Plusieurs Eglises protestantes au contraire adoptent certaines caractéristiques de la société libérale occidentale, perdant l'une après l'autre des valeurs chrétiennes traditionnelles. (Beaucoup d'Eglises protestantes ordonnent des femmes, certaines utilisent le langage inclusif appliqué à Dieu dans leur liturgie, certaines approuvent le mariage d'homosexuels, etc.). Toutes ces tendances alarmantes se reflètent dans l'ordre du jour du COE, lequel, comme beaucoup le reconnaissent, est dominé par un ethos protestant occidental. Les orthodoxes ne peuvent pas avoir d'influence sur l'ordre du jour car ils sont toujours minoritaires (et le quota de 25% n'aide en rien la situation).
Nous n'avons jamais discuté les questions, importantes pour nous, comme la vénération de la Vierge Marie, la vénération des icônes, la vénération des saints, le monachisme, la prière pour les défunts, parce que ces questions divisent. Mais qu'en est-il du langage inclusif appliqué à Dieu? Qu'en est-il de la prêtrise des femmes? Est-ce que ce ne sont pas des questions qui divisent? Etant forcés d'entrer dans la discussion sur des questions étrangères à notre tradition, nous devenons de plus en plus isolés et marginalisés au sein du COE. Nous nous sentons de moins en moins chez nous ici. Deux Eglises orthodoxes (géorgienne et bulgare) ont déjà quitté le Conseil; elles n'ont pas envoyé de délégués à cette Assemblée. D'autres Eglises (celles de Russie, de Grèce, de Serbie) ont décidé d'envoyer des délégations réduites, ou d'abaisser leur niveau de représentation. Que signifie tout cela? Que les orthodoxes ne sont plus satisfaits de l'ordre du jour et de la structure du COE. Cette insatisfaction fut clairement exprimée à la réunion panorthodoxe officielle qui s'est tenue à Thessalonique en mai 1998: 'Après un siècle de participation orthodoxe au mouvement œcuménique, et 50 ans au COE en particulier, nous ne percevons pas de progrès suffisant dans les discussions théologiques multilatérales entre les chrétiens. Au contraire, le fossé entre les orthodoxes et les protestants s'élargit.' En ce qui concerne les relations entre les Eglises orthodoxes et le COE, la déclaration de Thessalonique suggère que 'le COE doit être radicalement restructuré pour permettre une participation orthodoxe plus adéquate'. Cette proposition a été favorablement reçue par le Comité exécutif et je voudrais appeler tous nos sœurs et nos frères assis ici à soutenir la création de cette Commission (spéciale). Enfin, la déclaration de Thessalonique souligne que 'si les structures du COE ne sont pas radicalement modifiées, d'autres Eglises orthodoxes se retireront aussi du Conseil, comme l'a fait l'Eglise de Géorgie'. Il ne faut pas se laisser abuser par ce discours. Il ne s'agit ni de menace, ni de chantage. Il s'agit plutôt d'un cri de douleur. Il décrit une réalité douloureuse dans laquelle beaucoup d'orthodoxes se trouvent au sein du Conseil, une réalité que nous ne pouvons plus supporter". Fin de citation
Notons que sur un point, le refus de « l’hospitalité eucharistique », les Orthodoxes ont été entendus au sein du COE. En effet, il a été décidé à partir de cette Huitième Assemblée de ne pas inclure de célébration de l’Eucharistie dans le programme officiel. Ceci n’est certainement pas un règlement du débat sur la question de fond mais, au moins, cela exclut le scandale d’une Eucharistie orthodoxe où tous sont présents, mais seuls les Orthodoxes chalcédoniens peuvent communier, comme à Canberra (Nicolas Lossky ibidem).
* * *
1999-2003 La Commission spéciale sur la participation des Orthodoxes au COE: Créée en 1999, la Commission spéciale sur la participation des Orthodoxes au Conseil œcuménique des Eglises se compose de trente représentants des Eglises orthodoxes, aussi bien chalcédoniennes que préchalcédoniennes, et trente représentants des autres Eglises membres du Conseil. Elle est coprésidée par le métropolite Chrysostomos d'Ephèse (Patriarcat de Constantinople) et par l'évêque Rolf Koppe (Eglise évangélique d'Allemagne).
Elle a pour mandat "d'étudier et d'analyser tout l'éventail des questions relatives à la participation orthodoxe au sein du COE" et "de faire des propositions au Comité central de ce dernier concernant les modifications nécessaires à apporter à la structure, au style et à la manière de vivre du Conseil".
La Commission s'est réuni 2 fois en 1999 et 2000. Accueillant les délégués au Caire en 2000 le pape de l'Eglise copte Shenouda III a vigoureusement rappelé certaines des difficultés que rencontrent les orthodoxes en général, et les fidèles de son Eglise en particulier, du fait de leur appartenance au COE. Il s'est notamment arrêté sur des questions qui constituent une menace pour l'unité et la communion fraternelle des Eglises, telles que l'homosexualité, l'ordination des femmes et l'emploi du langage inclusif pour parler de Dieu déjà mentionnées dans le Communiqué de Thessalonique (l'Eglise copte ne faisant pas partie des Eglises chalcédonienne n'avait pas été partir prenante de ce communiqué). Il a déclaré que, dans leur quête de l'unité visible, les Eglises membres devraient rechercher ce qui les unit, plutôt que ce qui les divise. Le "rapport intérimaire" établi à l'issue de la réunion a été approuvé par le Comité central du COE (août 2002), qui a admis en particulier que les décisions ne seraient plus prises à la majorité des voix mais par consensus, et confirmé à la conférence de Thessalonique (juin 2003). Outre le processus de décision il aborde des points de friction importants, de l'ecclésiologie aux prières communes sans leur apporter aucune réponse définitive mais en montrant la voie de recherches ultérieures.
Ainsi deux demandes concrètes des Orthodoxes ont été satisfaites par le COE, sur l'intercommunion et sur la règle du consensus pour les décisions; par contre tous les sujets doctrinaux restent en suspens.
La position actuelle de l'Eglise russe: L'Eglise russe est, à ma connaissance, la seule à avoir pris et publié une position canonique sur le sujet en adoptant les "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie" (adoptés par le concile épiscopal en 2000 et confirmés par le concile local de 2009). Même s’il s’agit d’un document interne de l’Église orthodoxe russe, il est peu probable « qu’une Église orthodoxe (sous-entendu parmi les autres) veuille critiquer une position dogmatique de l’Église orthodoxe russe. Les évêques de cette Église pensent que lorsqu’ils parlent de divers aspects théologiques et doctrinaux de notre participation à des activités interchrétiennes, ils représentent le point de vue orthodoxe, que partagent certainement les autres Églises orthodoxes » comme l'a dit Mgr Hilarion (Alfeyev) dans une interview donnée à Karin Achtelstetter, responsable des relations avec les médias au COE en 2000 (ibidem "L’église orthodoxe et le mouvement œcuménique : les difficultés").
Il me parait donc intéressant de citer ce que le même métropolite Hilarion déclarait récemment à ce propos dans une conférence au sujet du saint et grand concile de l’Eglise orthodoxe (3.11.2011)Citation (les No sont ceux du texte original)
8. La question de la relation des Églises orthodoxes à l’égard du reste du monde chrétien
La question de la relation des Églises orthodoxes à l’égard du reste du monde chrétien fut discutée la première fois lors de la session de la commission interorthodoxe préparatoire en 1986. Le projet de décision proposé par la commission, où l’attention était portée sur les dialogues de l’Église orthodoxe avec les catholiques-romains, vieux- catholiques, luthériens, anglicans, réformateurs et les représentants des Églises orientales anciennes, fut confirmé par la Réunion préconciliaire panorthodoxe en 1986.
Il convient de mentionner que, à l’époque actuelle, une partie significative du document y relatif est dépassé. Aussi, celui-ci nécessite une révision significative, car beaucoup de données du dialogue interchrétien ont subi un changement sérieux depuis 1986. C’est ainsi, par exemple, que toute une série de dénominations protestantes ont dévié dans des formes extrêmes de libéralisme, légitimant des phénomènes tels que le sacerdoce et l’épiscopat féminins, les mariages d’homosexuels et les ordinations de ceux-ci à la prêtrise. En raison de ces circonstances, l’Église orthodoxe russe a interrompu le dialogue avec toute une série de groupes protestants.
En l’an 2000, le concile des évêques de notre Église a adopté le document « Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie ». Les principaux postulats de ce document, pensons-nous, doivent être pris en compte dans le projet révisé de résolution panorthodoxe relatif à ce thème.
Certains principes reflétés dans ce document [c.-à-d. le projet de décision de la commission], concernant la coordination de l’interaction des Églises orthodoxes autocéphales dans la conduite du dialogue avec les hétérodoxes, nécessitent un réexamen. Toutefois, certaines positions fondamentales du document peuvent être reprises comme base lors de sa nouvelle rédaction.
9. Le thème « L’orthodoxie et le mouvement œcuménique »
Le thème « L’orthodoxie et le mouvement œcuménique », consacré à la participation de l’Église orthodoxe aux différentes organisations interchrétiennes, telles que le Conseil œcuménique des Églises, la Conférence des Églises européennes et autres, a été discuté en 1986. Le texte, préparé par la réunion panorthodoxe préconciliaire, il y a maintenant 25 ans, nécessite une révision fondamentale. Lors du quart de siècle écoulé, hormis les tendances déjà énumérées et confirmées dans les milieux protestants, le niveau de participation des Églises locales orthodoxes dans les organisations interchrétiennes a changé, ainsi que les circonstances à l’intérieur de ces organisations mêmes.
En 1997, le concile des évêques de l’Église orthodoxe russe a examiné attentivement la question de l’œcuménisme et l’on s’est demandé si l’Église orthodoxe russe pouvait rester membre du COE. Il fut décidé de discuter le problème du mouvement œcuménique actuel à un niveau panorthodoxe. Une réunion panorthodoxe fut convoquée sur l’initiative des Églises orthodoxes russe et serbe en automne 1998 à Thessalonique. Les participants à la réunion témoignèrent du fait que, pendant toutes les années d’existence du COE, le fossé dogmatique et moral entre les orthodoxes et les hétérodoxes non seulement ne s’est pas réduit, mais s’est même agrandi. Il fut déclaré que la structure présente du COE, le mécanisme de prise de décisions, l’organisation de prières communes sont inacceptables pour les Églises orthodoxes. En conséquence, ou bien elles doivent quitter le Conseil, ou bien le Conseil doit être radicalement réformé. Lors de cette réunion, la décision fut prise concernant la nécessité impérative de créer une commission bilatérale paritaire au sujet du dialogue entre le COE et les Églises orthodoxes. L’auteur de cette idée était le président du département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Cyrille (l’actuel patriarche de Moscou et de toute la Russie).
Les principes de participation aux organisations interchrétiennes, élaborées par les réunions panorthodoxes, ont été pris en considération lors de la préparation des «Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie», dont il a été question plus haut. En tout état de cause, ce travail de nombreuses années doit trouver son écho dans le futur document consacré aux liens interchrétiens." Fin de citation
(D'après Nicolas Lossky, "Faisons route ensemble; Introduction: deuxième partie")
A l'initiative des Eglises russe et serbes, le patriarche de Constantinople réunit formellement les délégués de toutes les Eglises orthodoxes à Thessalonique en avril-mai 1998 pour décider de leur participation à la prochaine assemblée générale du COE qui devait se tenir à Harare (Zimbabwe) en décembre de la même année (voir plus loin).Chaque Eglise était représentée par deux délégués, l'Eglise russe ayant délégué Mgr Cyril de Smolensk et le père Hilarion (actuellement patriarche de Moscou et "ministre des affaires extérieures" du patriarcat).
La délégation de l'Eglise russe proposa de ne pas y envoyer de "délégués" mais de simples "observateurs" et, après discussion, une solution de compromis transcrite dans un "Communiqué" fut unanimement adoptée: après avoir condamné "les groupes schismatiques les extrémistes qui utilisent le thème de l'œcuménisme pour attaquer la direction de l'Eglise elle-même" et déclaré leur détermination de poursuivre leur participation à toutes les "formes d'activité interchrétienne", ils définissent une "participation restreinte" à l'Assemblée du COE, eu égard à leur "situation minoritaire" au sein des instances de décision, ce qui ne leur permettait pas de faire véritablement entendre leur voix sur des questions "inacceptables pour les orthodoxes" mais encouragées par le COE sous l'influence de la majorité protestante (l'intercommunion, le langage inclusif, l'ordination des femmes, les droits de minorités sexuelles et "certaines tendances au syncrétisme religieux"). Les délégués orthodoxes à l'assemblée du COE ne devaient pas participer aux célébrations ou prières communes ni prendre part aux votes et ces restrictions à la participation devaient rester en vigueur jusqu'à ce qu'une Commission théologique spéciale (orthodoxes-COE) n'aurait pas pris des mesures pour permettre une participation véritablement constructive des orthodoxes dans un COE radicalement restructuré.
Seuls les délégués de l'Eglise de Russie ont été obligés par un mandat impératif du Synode d'appliquer les décisions de Thessalonique à la lettre. Les autres Orthodoxes ont "interprété" le texte. Ainsi, certains ont fait valoir que ne pas "participer" aux offices pouvait être compris au sens d'être présents sans accepter de prendre un rôle "actif" (présider ou lire un texte biblique ou une prière.) Les Eglises de Géorgie et de Bulgarie ont, elles, quitté le COE avant l'assemblée générale, mais ces deux Eglises ont été malgré tout présentes à Harare en la personne d'invités officiels, un prêtre géorgien et un groupe de Bulgares (avec le professeur Todor Sabev; ce groupe a fait circuler un texte déplorant le départ de leur Eglise). Le prêtre géorgien a pris la parole en séance plénière et a décrit d'une façon extrêmement émouvante la situation impossible du patriarche-catholicos Elie, personnellement très engagé dans le mouvement œcuménique et attaché au COE dont il fut l'un des présidents. Le prêtre a reçu une ovation debout (standing ovation) qui a duré plusieurs minutes. Quant aux orthodoxes, la plupart ont été émus jusqu'aux larmes.
Huitième Assemblée du COE Harare Zimbabwe, 3 - 14 décembre 1998 (D'après Nicolas Lossky, ibidem): Le père Hilarion (Alfeïev), chef de la délégation de l'Eglise de Russie, a fait une déclaration importante:
Citation
"Je représente l'Eglise de loin la plus importante du point de vue numérique au COE: plus de cent millions de fidèles. Notre Eglise a beaucoup contribué au processus d'une CVC («Vers une conception et une vision communes du COE»). L'une des principales lignes de force de ce processus consiste à découvrir s'il y a croissance de la koinonia entre les chrétiens des différentes confessions. Posons-nous la question avec franchise ici: la koinonia est-elle en croissance ou non? Je répondrai 'oui' si nous parlons des processus qui existent à l'intérieur des principales familles d'Eglises. Plusieurs Eglises protestantes qui n'étaient pas en communion eucharistique entre elles il y a cinquante ans sont maintenant en pleine communion. Les Eglises orthodoxes étaient, certes, en pleine communion eucharistique il y a cinquante ans, mais il y avait beaucoup moins de coordination et d'échanges entre elles qu'il n'y en a maintenant. Les représentants des Eglises locales orthodoxes se rencontrent régulièrement à présent et ceci a très souvent lieu dans le cadre du COE. Nous sommes donc reconnaissants au Conseil qui a fourni l'espace et le financement pour ces rencontres. Mais si nous considérons les relations entre les Eglises orthodoxes d'une part et les Eglises des traditions protestante et anglicane d'autre part, il est clair que la koinonia n'est pas en état de croissance. Au contraire, le fossé entre elles s'élargit de plus en plus. Il y a cinquante ou soixante ans, il existait même un espoir de rétablissement d'une pleine communion eucharistique entre les orthodoxes et les Eglises anglicanes. En fin de compte, surtout après la décision des Eglises anglicanes d'ordonner des femmes à la prêtrise, cet espoir a complètement disparu. La même chose est vraie de beaucoup d'Eglises protestantes. Après toutes ces années de notre engagement œcuménique, il devient clair que l'Eglise orthodoxe et les Eglises de tradition protestante se développent dans des directions opposées. L'Eglise orthodoxe maintient les valeurs traditionnelles dans les domaines du dogme, de la spiritualité, du culte et de l'ethos. Plusieurs Eglises protestantes au contraire adoptent certaines caractéristiques de la société libérale occidentale, perdant l'une après l'autre des valeurs chrétiennes traditionnelles. (Beaucoup d'Eglises protestantes ordonnent des femmes, certaines utilisent le langage inclusif appliqué à Dieu dans leur liturgie, certaines approuvent le mariage d'homosexuels, etc.). Toutes ces tendances alarmantes se reflètent dans l'ordre du jour du COE, lequel, comme beaucoup le reconnaissent, est dominé par un ethos protestant occidental. Les orthodoxes ne peuvent pas avoir d'influence sur l'ordre du jour car ils sont toujours minoritaires (et le quota de 25% n'aide en rien la situation).
Nous n'avons jamais discuté les questions, importantes pour nous, comme la vénération de la Vierge Marie, la vénération des icônes, la vénération des saints, le monachisme, la prière pour les défunts, parce que ces questions divisent. Mais qu'en est-il du langage inclusif appliqué à Dieu? Qu'en est-il de la prêtrise des femmes? Est-ce que ce ne sont pas des questions qui divisent? Etant forcés d'entrer dans la discussion sur des questions étrangères à notre tradition, nous devenons de plus en plus isolés et marginalisés au sein du COE. Nous nous sentons de moins en moins chez nous ici. Deux Eglises orthodoxes (géorgienne et bulgare) ont déjà quitté le Conseil; elles n'ont pas envoyé de délégués à cette Assemblée. D'autres Eglises (celles de Russie, de Grèce, de Serbie) ont décidé d'envoyer des délégations réduites, ou d'abaisser leur niveau de représentation. Que signifie tout cela? Que les orthodoxes ne sont plus satisfaits de l'ordre du jour et de la structure du COE. Cette insatisfaction fut clairement exprimée à la réunion panorthodoxe officielle qui s'est tenue à Thessalonique en mai 1998: 'Après un siècle de participation orthodoxe au mouvement œcuménique, et 50 ans au COE en particulier, nous ne percevons pas de progrès suffisant dans les discussions théologiques multilatérales entre les chrétiens. Au contraire, le fossé entre les orthodoxes et les protestants s'élargit.' En ce qui concerne les relations entre les Eglises orthodoxes et le COE, la déclaration de Thessalonique suggère que 'le COE doit être radicalement restructuré pour permettre une participation orthodoxe plus adéquate'. Cette proposition a été favorablement reçue par le Comité exécutif et je voudrais appeler tous nos sœurs et nos frères assis ici à soutenir la création de cette Commission (spéciale). Enfin, la déclaration de Thessalonique souligne que 'si les structures du COE ne sont pas radicalement modifiées, d'autres Eglises orthodoxes se retireront aussi du Conseil, comme l'a fait l'Eglise de Géorgie'. Il ne faut pas se laisser abuser par ce discours. Il ne s'agit ni de menace, ni de chantage. Il s'agit plutôt d'un cri de douleur. Il décrit une réalité douloureuse dans laquelle beaucoup d'orthodoxes se trouvent au sein du Conseil, une réalité que nous ne pouvons plus supporter". Fin de citation
Notons que sur un point, le refus de « l’hospitalité eucharistique », les Orthodoxes ont été entendus au sein du COE. En effet, il a été décidé à partir de cette Huitième Assemblée de ne pas inclure de célébration de l’Eucharistie dans le programme officiel. Ceci n’est certainement pas un règlement du débat sur la question de fond mais, au moins, cela exclut le scandale d’une Eucharistie orthodoxe où tous sont présents, mais seuls les Orthodoxes chalcédoniens peuvent communier, comme à Canberra (Nicolas Lossky ibidem).
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1999-2003 La Commission spéciale sur la participation des Orthodoxes au COE: Créée en 1999, la Commission spéciale sur la participation des Orthodoxes au Conseil œcuménique des Eglises se compose de trente représentants des Eglises orthodoxes, aussi bien chalcédoniennes que préchalcédoniennes, et trente représentants des autres Eglises membres du Conseil. Elle est coprésidée par le métropolite Chrysostomos d'Ephèse (Patriarcat de Constantinople) et par l'évêque Rolf Koppe (Eglise évangélique d'Allemagne).
Elle a pour mandat "d'étudier et d'analyser tout l'éventail des questions relatives à la participation orthodoxe au sein du COE" et "de faire des propositions au Comité central de ce dernier concernant les modifications nécessaires à apporter à la structure, au style et à la manière de vivre du Conseil".
La Commission s'est réuni 2 fois en 1999 et 2000. Accueillant les délégués au Caire en 2000 le pape de l'Eglise copte Shenouda III a vigoureusement rappelé certaines des difficultés que rencontrent les orthodoxes en général, et les fidèles de son Eglise en particulier, du fait de leur appartenance au COE. Il s'est notamment arrêté sur des questions qui constituent une menace pour l'unité et la communion fraternelle des Eglises, telles que l'homosexualité, l'ordination des femmes et l'emploi du langage inclusif pour parler de Dieu déjà mentionnées dans le Communiqué de Thessalonique (l'Eglise copte ne faisant pas partie des Eglises chalcédonienne n'avait pas été partir prenante de ce communiqué). Il a déclaré que, dans leur quête de l'unité visible, les Eglises membres devraient rechercher ce qui les unit, plutôt que ce qui les divise. Le "rapport intérimaire" établi à l'issue de la réunion a été approuvé par le Comité central du COE (août 2002), qui a admis en particulier que les décisions ne seraient plus prises à la majorité des voix mais par consensus, et confirmé à la conférence de Thessalonique (juin 2003). Outre le processus de décision il aborde des points de friction importants, de l'ecclésiologie aux prières communes sans leur apporter aucune réponse définitive mais en montrant la voie de recherches ultérieures.
Ainsi deux demandes concrètes des Orthodoxes ont été satisfaites par le COE, sur l'intercommunion et sur la règle du consensus pour les décisions; par contre tous les sujets doctrinaux restent en suspens.
La position actuelle de l'Eglise russe: L'Eglise russe est, à ma connaissance, la seule à avoir pris et publié une position canonique sur le sujet en adoptant les "Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie" (adoptés par le concile épiscopal en 2000 et confirmés par le concile local de 2009). Même s’il s’agit d’un document interne de l’Église orthodoxe russe, il est peu probable « qu’une Église orthodoxe (sous-entendu parmi les autres) veuille critiquer une position dogmatique de l’Église orthodoxe russe. Les évêques de cette Église pensent que lorsqu’ils parlent de divers aspects théologiques et doctrinaux de notre participation à des activités interchrétiennes, ils représentent le point de vue orthodoxe, que partagent certainement les autres Églises orthodoxes » comme l'a dit Mgr Hilarion (Alfeyev) dans une interview donnée à Karin Achtelstetter, responsable des relations avec les médias au COE en 2000 (ibidem "L’église orthodoxe et le mouvement œcuménique : les difficultés").
Il me parait donc intéressant de citer ce que le même métropolite Hilarion déclarait récemment à ce propos dans une conférence au sujet du saint et grand concile de l’Eglise orthodoxe (3.11.2011)Citation (les No sont ceux du texte original)
8. La question de la relation des Églises orthodoxes à l’égard du reste du monde chrétien
La question de la relation des Églises orthodoxes à l’égard du reste du monde chrétien fut discutée la première fois lors de la session de la commission interorthodoxe préparatoire en 1986. Le projet de décision proposé par la commission, où l’attention était portée sur les dialogues de l’Église orthodoxe avec les catholiques-romains, vieux- catholiques, luthériens, anglicans, réformateurs et les représentants des Églises orientales anciennes, fut confirmé par la Réunion préconciliaire panorthodoxe en 1986.
Il convient de mentionner que, à l’époque actuelle, une partie significative du document y relatif est dépassé. Aussi, celui-ci nécessite une révision significative, car beaucoup de données du dialogue interchrétien ont subi un changement sérieux depuis 1986. C’est ainsi, par exemple, que toute une série de dénominations protestantes ont dévié dans des formes extrêmes de libéralisme, légitimant des phénomènes tels que le sacerdoce et l’épiscopat féminins, les mariages d’homosexuels et les ordinations de ceux-ci à la prêtrise. En raison de ces circonstances, l’Église orthodoxe russe a interrompu le dialogue avec toute une série de groupes protestants.
En l’an 2000, le concile des évêques de notre Église a adopté le document « Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie ». Les principaux postulats de ce document, pensons-nous, doivent être pris en compte dans le projet révisé de résolution panorthodoxe relatif à ce thème.
Certains principes reflétés dans ce document [c.-à-d. le projet de décision de la commission], concernant la coordination de l’interaction des Églises orthodoxes autocéphales dans la conduite du dialogue avec les hétérodoxes, nécessitent un réexamen. Toutefois, certaines positions fondamentales du document peuvent être reprises comme base lors de sa nouvelle rédaction.
9. Le thème « L’orthodoxie et le mouvement œcuménique »
Le thème « L’orthodoxie et le mouvement œcuménique », consacré à la participation de l’Église orthodoxe aux différentes organisations interchrétiennes, telles que le Conseil œcuménique des Églises, la Conférence des Églises européennes et autres, a été discuté en 1986. Le texte, préparé par la réunion panorthodoxe préconciliaire, il y a maintenant 25 ans, nécessite une révision fondamentale. Lors du quart de siècle écoulé, hormis les tendances déjà énumérées et confirmées dans les milieux protestants, le niveau de participation des Églises locales orthodoxes dans les organisations interchrétiennes a changé, ainsi que les circonstances à l’intérieur de ces organisations mêmes.
En 1997, le concile des évêques de l’Église orthodoxe russe a examiné attentivement la question de l’œcuménisme et l’on s’est demandé si l’Église orthodoxe russe pouvait rester membre du COE. Il fut décidé de discuter le problème du mouvement œcuménique actuel à un niveau panorthodoxe. Une réunion panorthodoxe fut convoquée sur l’initiative des Églises orthodoxes russe et serbe en automne 1998 à Thessalonique. Les participants à la réunion témoignèrent du fait que, pendant toutes les années d’existence du COE, le fossé dogmatique et moral entre les orthodoxes et les hétérodoxes non seulement ne s’est pas réduit, mais s’est même agrandi. Il fut déclaré que la structure présente du COE, le mécanisme de prise de décisions, l’organisation de prières communes sont inacceptables pour les Églises orthodoxes. En conséquence, ou bien elles doivent quitter le Conseil, ou bien le Conseil doit être radicalement réformé. Lors de cette réunion, la décision fut prise concernant la nécessité impérative de créer une commission bilatérale paritaire au sujet du dialogue entre le COE et les Églises orthodoxes. L’auteur de cette idée était le président du département des affaires extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Cyrille (l’actuel patriarche de Moscou et de toute la Russie).
Les principes de participation aux organisations interchrétiennes, élaborées par les réunions panorthodoxes, ont été pris en considération lors de la préparation des «Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie», dont il a été question plus haut. En tout état de cause, ce travail de nombreuses années doit trouver son écho dans le futur document consacré aux liens interchrétiens." Fin de citation
Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 10 Juillet 2012 à 09:37
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