Le père Pierre Adalbert Mottier nous a fait parvenir ce commentaire que nous mettons en ligne en tant que contribution.

Bonjour à tous!
Il y a quelques années nous avons reçu en Suisse un document fédéral invitant au don d'organes, ainsi qu'une carte de donneur à remplir et à insérer dans le portefeuille. Le fait est que les pays qui sont en carence d'organes ont une legislation basée sur le volontariat, et non sur le consentement présumé.
Devant l'importance d'une telle question, je me suis alors mis en recherche d'informations de type médical, légal, bioéthique et spirituel. Je vous livre ici quelques résultats de mes découvertes sur le sujet, ainsi que quelques questionnements.

1) La raison profonde de la position négative de l'Église orthodoxe vis-à-vis de la crémation tient justement au respect du processus de la mort et de la favorisation des meilleures conditions pour un bon passage de l'âme vers le lieu sans douleur ni peine, parmi les saints.

Décès, séparation de l'âme, trépas, premier jugement. Et je ne rentre pas dans la question des péages qui est en soi une problématique distincte. Ces étapes sont sanctionnées par différents offices ou prières particulières pour l'agonisant ou le nouveau défunt. Le processus de la mort, en partant du physique jusqu'au spirituel prend donc un certain temps et nécessite un accompagnement adéquat. Je trouve la question du don d'organes statim post-mortem violente, parce qu'on "invite" la personne a éluder la question de la mort, comme si ce processus pouvait être économisé ou nié. On a en fait affaire à une question purement matérialiste.

2) La soi-disant évolution de la législation concernant la définition de la mort est liée à l'impossibilité de prélever des organes viables sur un défunt. On a une personne décédée, mais pas encore défunte, et la nuance est de taille. L'ancienne défintion obligeait au constat de l'arrêt des fonctions cardio-respiratoires. La nouvelle définition n'implique que l'arrêt des fonctions du tronc cérébral. On a consulté des prêtres, des imams et des rabbins (lesquels ? ) qui ne se sont apparement basés sur aucune référence spirituelle pour rendre leur jugement. Sinon on aurait tout de même une petite publication argumentée à se mettre sous la dent.

3) Au moment du prélèvement le donneur (supposé mort) est non seulement anesthésié mais aussi curarisé et c'est le clampage de l'aorte qui est la cause du décès aussitôt consigné. L'équipe d'anesthésie quitte ensuite la salle d'op., et les organes pré-dégagés sont extraits en quelques minutes. Données françaises officielles d'il y a environ dix ans (je rechercherai les références si nécessaire ... et si je retrouve le fichier !).

4) Chacun remarquera que la question du don d'organes est toujours présentée sous l'angle du receveur, et jamais sous celui du donneur. Comme c'est au donneur potentiel qu'on pose la question sans présenter équitablement le problème de son point de vue, il n'a en fait aucun moyen de prendre une décision sereine, qu'on reconnaît pourtant être grave, si ce n'est sur le plan émotif. Or toute l'argumentation positive des autorités religieuses est basée sur l'assimilation du don à un acte charitable (ce qui n'est pas faux) mais sans jamais dépasser le stade organique et matériel puisqu'on oublie systématiquement que la mort (du donneur) est un continuum et non une polarité quantique où il passerait subitement de vivant à mort. La question se situe donc au minimum tout autant sur un plan spirituel que matériel : quelle est la valeur réelle d'un don provisoire et précaire face au passage qui introduit l'âme d'un appelé à la vie éternelle ? Autrement dit : a-t-on le droit moral de prendre un risque avec sa propre introduction dans l'au-delà pour préserver ce qui n'est que temporaire chez autrui ? Et si oui sous quelles conditions ? Et peut-on décider pour autrui en étant garanti de ne pas induire une douleur néfaste dans sa mort ? Ne prie-t-on pas pour une mort sans douleur ? Qui sait à quel stade de la mort la douleur s'arrête ? Qui connaît l'impact ou l'inocuité d'une violence effectuée sur un corps encore biologiquement vivant ?

Donc mon ultime questionnement : les autorités de l'Église sont-elles habilitées à se positionner pour le prélèvement d'organes vitaux ou assimilés sans avoir consulté : a) l'Écriture sainte en tous ses aspects sur le sujet b) les Pères anciens et actuels c) le Seigneur dans sa divine Volonté au moyen de la prière et du jeûne durant tout le processus de positionnement. Ce qui implique une démarche spirituelle, théologique, concertée à défaut d'être conciliaire... Quant aux exemples respectables, édifiants et héroïques, sont-ils pour autant des normes spirituelles ? Peut-on les exposer dans le cadre d'un cas de conscience en confession ?

Tout ceci ne concerne bien entendu que les dons post mortem.

Quant à la greffe de jambe des saints Côme et Damien, si l'histoire est véridique il ne peut s'agir à l'évidence que d'un miracle, on est loin d'une systématisation, ce n'est pas un organe vital, et l'éthiopien est froid. On est là dans un contexte de résurrection plus que de médecine, ce qui démontre une fois de plus que la foi sans faille et l'amour véritable et désintéressé sont les motifs essentiels d'un tel événement.

Paix et joie.

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 16 Juillet 2015 à 10:39 | 5 commentaires | Permalien



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