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En septembre 2019, le Saint-Synode a accepté au sein de l’Église orthodoxe russe le chef de l’Archevêché des paroisses de tradition russe d’Europe occidentale, ainsi que le clergé et les paroisses qui l’ont suivi. L’auteur de la publication offre son opinion personnelle sur l’importance historique de cet événement.
Comparé avec la réunification solennelle de l’Église orthodoxe russe Hors Frontières et de l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou en 2007, le passage récent de la majorité du clergé et des paroisses de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale dans la juridiction du patriarcat de Moscou a été relaté plus modestement dans la presse. Il y a des raisons à cela. Premièrement, un premier tel passage avait déjà eu lieu en 1945, puis été annulée par l’assemblée diocésaine après la mort du métropolite Euloge.
Deuxièmement, la transition de 2019 n’a pas recueilli la majorité nécessaire (2/3 des voix) lors de l’assemblée diocésaine, ce qui pourrait encore donner lieu à de douloureux litiges concernant la propriété des églises. Troisièmement, l’archevêché n’a jamais possédé son propre primat ni synode et n’a jamais rompu la communion eucharistique avec l’Église orthodoxe russe. Enfin, cette transition n’avait été initiée ni par l’Archevêché, ni par le Patriarcat de Moscou, mais par le patriarcat de Constantinople, en abolissant l’Archevêché de manière inattendue en novembre 2018.
Comparé avec la réunification solennelle de l’Église orthodoxe russe Hors Frontières et de l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou en 2007, le passage récent de la majorité du clergé et des paroisses de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale dans la juridiction du patriarcat de Moscou a été relaté plus modestement dans la presse. Il y a des raisons à cela. Premièrement, un premier tel passage avait déjà eu lieu en 1945, puis été annulée par l’assemblée diocésaine après la mort du métropolite Euloge.
Deuxièmement, la transition de 2019 n’a pas recueilli la majorité nécessaire (2/3 des voix) lors de l’assemblée diocésaine, ce qui pourrait encore donner lieu à de douloureux litiges concernant la propriété des églises. Troisièmement, l’archevêché n’a jamais possédé son propre primat ni synode et n’a jamais rompu la communion eucharistique avec l’Église orthodoxe russe. Enfin, cette transition n’avait été initiée ni par l’Archevêché, ni par le Patriarcat de Moscou, mais par le patriarcat de Constantinople, en abolissant l’Archevêché de manière inattendue en novembre 2018.
Néanmoins (et quelle que soit la manière dont les événements évolueront), à mon sens, la réception de l’Archevêché dans l’Église orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou constitue un événement historique. Le 15 septembre, à cette occasion, sa Sainteté le patriarche Cyrille, a déclaré dans un sermon : « l’unification de toute l’émigration russe, l’unification de l’Église russe en dehors de la Russie a été pour nous un rêve précieux depuis longtemps. » Mais pour qui et dans quel sens ce passage est-il historique ? Comment le comprendre et quelle importance peut-il avoir pour l’Église orthodoxe russe elle-même ? Je voudrais exprimer quelques réflexions personnelles à ce sujet, vu le fait que je connais l’Archevêché depuis longtemps et que l’aime.
Entre 1995 et 1999, en tant que paroissien d’une communauté du patriarcat de Moscou, j’ai étudié à l’Institut de Théologie Orthodoxe saint-Serge, qui a des liens historiques profonds avec l’archevêché [1].
En travaillant dans les archives de l’institut, j’y trouvais l’ecclésiologie sobre et saine des collaborateurs du Métropolite Euloge, des personnes profondément attachées à leur culture d’origine [2] comme à l’Orthodoxie universelle [3]. J’y trouvais la vision ecclésiale et administrative claire de ces personnes, parmi lesquelles se trouvaient des participants du Concile de Moscou de 1917-1918.
En même temps, mon séjour à Saint-Serge m’a permis de faire connaissance de l’Archevêché de l’intérieur. Avant tout, j’étais frappé par l’esprit de famille qui régnait dans les relations entre les évêques, le clergé et le peuple. Malgré un profond respect pour les ordres sacrés, ces relations étaient bienveillantes, sans crainte ni maniérisme. Comme dans toute famille, il y avait des conflits et des querelles, il y avait des convictions différentes, et néanmoins tous partagèrent une même vie ecclésiale. Il était frappant de voir comment dans un seul diocèse, des personnes et de communautés tellement différentes trouvaient du terrain commun : des « paroisses de l’ancien régime » (selon l’expression du père Jean Meyendorff), fiers gardiens de l’héritage liturgique russe coexistaient avec des paroisses libérales pratiquant le chant commun dans la langue locale ; on y trouvait monarchistes et républicains, partisans du nouveau et de l’ancien calendrier.
On y trouvait des attitudes complètement différentes vis-à-vis de la Russie et de l’Orthodoxie russe contemporaine : certains étaient hostiles (en effet, il y avait beaucoup de souvenirs douloureux), d’autres montraient de l’intérêt, encore d’autres de l’admiration, voire même de l’idéalisation. Le petit diocèse possédait toutes les institutions nécessaires à une vie diocésaine : un institut théologique pour la formation du clergé et des laïcs, le monastère de la Protection de la Mère de Dieu à Bussy-en Othe en tant que « cœur spirituel » du diocèse, les organes de l’administration diocésaine (où tous les membres œuvraient à titre bénévole), un financement interne sans aide extérieure, un mouvement de jeunesse et un camp d’été. Les paroisses étaient desservies par des prêtres altruistes qui presque toujours combinaient leur sacerdoce avec une vie professionnelle. Et malgré toute cette diversité, dans toutes ces communautés on trouvait un seul et même esprit, toujours reconnaissable.
En même temps, la situation était loin d’être idéale.
L’Archevêché souffrait de ce que le père Alexandre Schmemann l’appelait « le laisser-aller des émigrés » : dans ses structures, à la fois physiques (bâtiments, archives, institut) et organisationnelles, créées autrefois avec une telle inspiration, régnait une certaine fatigue. Les développements liturgiques, fruit du travail d’une pléiade de grands liturgistes (la participation du peuple à l’office, la communion régulière, la lecture de l’anaphore à voix haute, l’homélie après l’Évangile, la célébration de la liturgie des Saints Dons présanctifiées le soir), étaient tenus pour acquis. Il pouvait même y avoir un certain regard moqueur envers ceux qui n’étaient pas encore arrivés à ces conclusions. Beaucoup de choses se faisaient parce que « on a toujours fait comme ça ». L’institut de théologie ne se posait plus la question, qui devrait exactement y étudier – si le clergé est sensé avoir une vie professionnelle, qui peut se permettre de passer 3-4 ans dans un séminaire à temps plein ? Il y avait une certaine faiblesse administrative, dont abusaient parfois des fraudeurs. Il y avait des conflits et des intrigues au sein des instances dirigeantes. Celles-ci s’intensifièrent après la mort de l’archevêque Serge (Konovalov) en 2003, alors qu’il s’était proposé de passer sous l’omophorion du patriarcat de Moscou.
Il y avait un manque de moines et donc d’évêques potentiels – en partie à cause d’une attitude réticente envers le monachisme parmi une partie du clergé. Et derrière tout cela, il y avait une incertitude quant à la vocation de l’Archevêché : est-ce qu’il s’agissait d’une partie de l’Église orthodoxe russe, appelée tôt ou tard à y retourner, ou du fondement d’une église orthodoxe locale en Occident, appelée tôt ou tard à devenir indépendante, tout en préservant son héritage russe ?
À mon avis, ici nous nous trouvons face à un dilemme commun à toutes les communautés orthodoxes en dehors des pays traditionnellement orthodoxes. Sont-elles ce qu’on appelle en langage officiel ecclésiastique des « institutions dans en pays étrangers », des « ambassades ecclésiastiques » desservants des compatriotes, surtout dans l’objectif d’entretenir leur lien avec la patrie ? Sont-elles des centres culturels ? Ou sont-elles appelés à devenir des communautés ecclésiales locales indépendantes, avec leurs propres structures de vie ecclésiale ?
J’ai été témoin de la façon dont ce dilemme passe comme un fil rouge par la vie personnelle de mes contemporains dans l’archevêché. C’étaient des jeunes gens qui parlaient le français entre eux mais qui savaient aussi lire le slavon d’Église et qui chantaient des chants russes. Des personnes qui essayent de créer un milieu ecclésial dans lequel même leurs enfants pourront encore trouver les réponses aux questions essentielles de la vie. Des prêtres qui servaient en français avec conviction mais qui, en s’habillant dans le sanctuaire, pouvaient lire les prières en slavon à voix basse. Il était évident que ces personnes ne pouvaient pas être associées à une seule catégorie : elles étaient porteuses de deux cultures. Elles avaient de l’amour pour leur héritage russe, de l’amour pour la culture de leur pays, de l’amour pour l’Église du Christ en dehors de tout cadre ethnique et politique.
Un aspect important de cette ecclésiologie est exprimé dans le fait suivant. L’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale n’a jamais complètement rompu les liens avec l’Église orthodoxe russe. Considérant impossible de signer la déclaration du métropolite Serge exprimant la loyauté au régime soviétique, l’Archevêché néanmoins n’a pas fermé la porte à l’Église russe souffrante et a ainsi pu maintenir l’étonnante diversité de positions mentionnées ci-dessus. Étant plus éloigné de la politique que les autres juridictions russes, il pouvait agir en quelque sorte comme un pont entre des approches différentes, une capacité qui pourrait s’avérer tout à fait pertinente à notre époque postmoderne.
Je crois que à l’exception d’un petit nombre d’expatriés, l’attitude envers l’Église comme une « ambassade » n’a pas d’avenir. Il suffit de visiter des paroisses du type « émigré » - toutes origines confondues – pour comprendre qu’il y a peu de jeunes et de jeunes familles, en particulier dans la troisième génération. Les « paroisses-ambassades » regardent l’Église comme un élément de la culture de la patrie et, puisque (contrairement aux émigrés de la première vague) les nouveaux immigrés sont venus en Occident volontairement, cette culture d’origine se perd avec une rapidité surprenante.
En même temps, les paroisses qui se considèrent exclusivement occidentales ont également du mal à survivre. Malgré tout le désir de faire revivre les traditions du christianisme du premier millénaire ou de s’engager dans un travail missionnaire il faut admettre que, pour une personne occidentale en quête de Dieu, l’Orthodoxie sous cette forme n’est pas très attrayante. De nombreuses tentatives visant à créer une orthodoxie « purement » occidentale ont d’ailleurs conduit à des schismes – et cela n’est pas surprenant, car derrière elles on peut trouver la même subordination du religieux au séculier (ou national) qu’on trouve dans les paroisses du type « église-ambassade ».
Au contraire, les paroisses qui savent faire le pont entre les cultures et les approches s’épanouissent. Il s’agit de paroisses multinationales où le culte se déroule principalement dans la langue locale, mais en utilisant les langues et les traditions des personnes présentes dans la communauté. De telles paroisses, où un chant est chanté en roumain, le « Notre Père » en géorgien, un service pour les défunts peut être célébré à la russe ou sous la forme d’un « Trisagion » grec. Ce sont des communautés où chacun sent que ses racines sont mises en valeur, mais que l’essentiel pour tous, c’est le Christ. Ces paroisses qui ne se limitent aux offices et aux sacrements, mais où la « liturgie après la liturgie » se manifeste par des repas commun, des conversations, l’assistance mutuelle, une préoccupation mutuelle pour l’Église et l’office divin; où les membres de la paroisse sont responsables du bâtiment de l’église et des finances, où le conseil l’administration de la paroisse est élue par l’assemblée générale et lui rend des comptes, où la conciliarité (sobornost) n’est pas un slogan ou une idéologie, mais un vécu. Un vécu qui donne aux gens – provenant des pays orthodoxes comme aux résidents locaux – la possibilité d’approcher de l’essentiel, du Royaume de Dieu.
Les personnes provenant des pays traditionnellement orthodoxes, confrontés à ce vécu, sont souvent surpris : est-ce que la vie ecclésiale peut-elle vraiment être ainsi ? Oui, elle le peut. Probablement, elle le devrait. Et à travers de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale, ce vécu est désormais devenu accessible aux croyants et au clergé de l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou. Il me semble que la rencontre avec ce vécu pourrait donner un nouvel élan au développement de la vie paroissiale en Russie. Pourquoi ?
Premièrement, l’Église est appelée à être un pont entre cultures et générations, et cela non seulement dans les pays de la diaspora. N’y a-t-il pas également une distance entre la culture de l’Église et le quotidien des personnes moyennes en Grèce, en Roumanie ou en Russie ? L’Orthodoxie traditionnelle et populaire - hélas ! – s’évapore sous nos yeux, le mode de vie des gens à travers la planète devient de plus en plus similaire. Est-ce que l’Église est-elle vraiment appelée à rester une simple tradition ou une sous-culture marginale avec son propre lexique et petites habitudes ? N’y a-t-il pas également des personnes dans les pays traditionnellement orthodoxes qui réunissent en elles-mêmes plusieurs cultures ou vecteurs culturels ? De quelle expérience religieuse a-t-elle besoin un « géorgien moscovite » ou une personne issue d’une famille mixte ? Et qu’en est-il des nouveaux migrants arrivés dans les pays orthodoxes ? Le vécu de l’Église, cette expérience inestimable, séculaire et vivante, a toujours besoin d’être révélée à des nouvelles générations et catégories de personnes.
Deuxièmement, selon mes observations, la situation des paroisses en Occident et dans les pays traditionnels devient de plus en plus semblable. Combien de fois les paroisses sont-elles des îlots d’une vie ecclésiale consciente dans un océan d’indifférence générale ? Combien de fois elles sont obligées de révéler le christianisme à des personnes qui ne le connaissent pas ou qui ont de nombreux préjugés ? Combien de fois les gens sont-ils attirés non par l’autorité de l’Église comme l’institution, mais par une communion vivante et chaleureuse avec le Christ et avec les autres chrétiens ?
Troisièmement, je suis convaincu que les paroisses viables doivent s’occuper elles-mêmes des finances et de l’aspect matériel de leur vie. Vous voulez avoir une église ? Ramassez l’argent parmi les paroissiens, construisez ou restaurez, prenez-en soin vous-même. Ne cherchez pas de riches mécènes ou des subventions gouvernementales. Vous voulez avoir un prêtre ? Trouvez un candidat digne, aidez-le à faire des études, aidez-le financièrement s’il est difficile pour lui de combiner une vie professionnelle avec le service de l’Église. Le travail bénévole doit être la pierre angulaire de la vie de l’Église. Personne (y compris ceux qui reçoivent un salaire de la paroisse) ne doivent envisager ceci comme un travail – c’est un ministère. Tous les fonds doivent être sous le contrôle du trésorier et du comité des comptes élu par les paroissiens. Une paroisse doit soutenir financièrement le diocèse, les autres paroisses, la mission et la diaconie. De telles paroisses (et elles existent aujourd’hui) ne seront jamais riches, mais elles auront un avenir comme en Occident, comme dans les pays traditionnellement orthodoxes.
Les principes ci-dessus ont été élaborés dans les statuts paroissiales établies au Concile local de l’Église orthodoxe russe en 1917-1918, selon lesquels l’archevêché vit toujours. Pour des raisons historiques, ces statuts n’ont été appliqués que dans les paroisses russes de la diaspora. Grâce à la réunification, cette expérience précieuse – et surtout vivante – de la vie paroissiale et diocésaine est redevenue accessible pour l’ensemble du plérôme de l’Église orthodoxe russe.
Bien entendu, on ne peut pas supposer que cette expérience de l’Archevêché est tout à fait unique. L’esprit des statuts de paroisse du concile de 1918 se retrouve à la fois dans l’Église orthodoxe russe hors frontières et dans certaines paroisses du patriarcat de Moscou (il était appliqué par le métropolite Antoine de Souroge et l’archevêque de Bruxelles, Basile Krivochéine). On peut trouver ce type de vie paroissiale dans toutes les juridictions des pays occidentaux.
Néanmoins, j’estime que l’importance historique du passage de l’Archevêché dans le patriarcat de Moscou réside principalement dans le fait que la conciliarité comme expérience vivante dans l’esprit du Concile local de 1917-1918 est revenue à la maison. Cette conciliarité n’est pas seulement une chose du passé ; c’est un fondement pour l’avenir.
Est-ce possible ? Je n’en suis pas sûr. Il ne sera pas facile d’éliminer immédiatement la méfiance (ancienne, mutuelle, parfois profonde) entre les communautés de l’Archevêché et du patriarcat de Moscou. Pendant des décennies, les différents côtés se sont construits des caricatures (« Église soviétique », « libéraux », « moscovites », « Phanariotes »). Dans certains endroits, il y a des vielles blessures des conflits du passé. Une compréhension mutuelle est-elle possible entre les cultures ecclésiales et ecclésiastiques ? Un prêtre issu d’un séminaire en Russie et envoyé temporairement en Europe « en mission » peut-il comprendre son confrère français, un prêtre qui combine le ministère de sa paroisse avec une vie professionnelle ? En parlant de choses telles que la conciliarité, la vie paroissiale ou la gouvernance d’église, comment éviter les débats idéologiques ou théoriques et s’entendre vraiment les uns les autres ? [4]
Pendant longtemps nous avons vécu selon les catégories « eux et nous ». Maintenant une autre approche s’ouvre à nous : la diversité des approches à l’intérieur d’une seule tradition. Cherchons des ponts, essayons de s’inspirer mutuellement. Pour nous-mêmes et pour les générations futures.
Prêtre Hildo BOS
Traduction du russe revue par l’auteur.
Version française Claude Lopez-Ginisty
BOGOSLOV.RU
Встреча с собственным прошлым – или будущим? Архиепископия Православных Церквей русской традиции в Западной Европе принята в Московский Патриархат
Père Hildo BOS /Pays-Bas, 1969/ est diplômé de la faculté des langues slaves de l’Université d’Amsterdam et de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Entre 1995 en 2003 il a participé à la fédération mondiale de la jeunesse orthodoxe Syndesmos. Il sert comme prêtre de la paroisse st. Nicolas à Amsterdam / Patriarcat de Moscou/ et comme secrétaire du diocèse de La Haye. Marié, deux enfants. Travaille comme interprète de conférence.
Notes:
[1] les fondateurs de l’Institut, le protopresbytre Serge Boulgakov, le protopresbytre Basile [Zenkovsky], Léon Zander, Michel Ossorguine et Antoine Kartachov étaient parmi les collaborateurs les plus proches du Métropolite Euloge.
[2] Surtout pour l’héritage ecclésiastique ; nulle part j’ai vu un tel amour pour l’esprit comme pour le sens du Typicon.
[3] Cela a été particulièrement ressenti au service de l’Institut Saint-Serge : outre la meilleure tradition monastique russe, on y trouvait l’influence des monastères du Mont-Athos et de la Terre Sainte, transmise par l’archimandrite Cyprien (Kern), ancien chef de la mission spirituelle russe à Jérusalem.
[4] Il est déjà arrivé que des personnes en Russie se déclaraient successeurs de l’émigration russe dans le domaine de la vie paroissiale ou de la vie liturgique, mais qu’ils aient en réalité construit quelque chose de propre.
Lire aussi
Père Hildo Bos: Aux côtés de Nicolas Ossorguine
Entre 1995 et 1999, en tant que paroissien d’une communauté du patriarcat de Moscou, j’ai étudié à l’Institut de Théologie Orthodoxe saint-Serge, qui a des liens historiques profonds avec l’archevêché [1].
En travaillant dans les archives de l’institut, j’y trouvais l’ecclésiologie sobre et saine des collaborateurs du Métropolite Euloge, des personnes profondément attachées à leur culture d’origine [2] comme à l’Orthodoxie universelle [3]. J’y trouvais la vision ecclésiale et administrative claire de ces personnes, parmi lesquelles se trouvaient des participants du Concile de Moscou de 1917-1918.
En même temps, mon séjour à Saint-Serge m’a permis de faire connaissance de l’Archevêché de l’intérieur. Avant tout, j’étais frappé par l’esprit de famille qui régnait dans les relations entre les évêques, le clergé et le peuple. Malgré un profond respect pour les ordres sacrés, ces relations étaient bienveillantes, sans crainte ni maniérisme. Comme dans toute famille, il y avait des conflits et des querelles, il y avait des convictions différentes, et néanmoins tous partagèrent une même vie ecclésiale. Il était frappant de voir comment dans un seul diocèse, des personnes et de communautés tellement différentes trouvaient du terrain commun : des « paroisses de l’ancien régime » (selon l’expression du père Jean Meyendorff), fiers gardiens de l’héritage liturgique russe coexistaient avec des paroisses libérales pratiquant le chant commun dans la langue locale ; on y trouvait monarchistes et républicains, partisans du nouveau et de l’ancien calendrier.
On y trouvait des attitudes complètement différentes vis-à-vis de la Russie et de l’Orthodoxie russe contemporaine : certains étaient hostiles (en effet, il y avait beaucoup de souvenirs douloureux), d’autres montraient de l’intérêt, encore d’autres de l’admiration, voire même de l’idéalisation. Le petit diocèse possédait toutes les institutions nécessaires à une vie diocésaine : un institut théologique pour la formation du clergé et des laïcs, le monastère de la Protection de la Mère de Dieu à Bussy-en Othe en tant que « cœur spirituel » du diocèse, les organes de l’administration diocésaine (où tous les membres œuvraient à titre bénévole), un financement interne sans aide extérieure, un mouvement de jeunesse et un camp d’été. Les paroisses étaient desservies par des prêtres altruistes qui presque toujours combinaient leur sacerdoce avec une vie professionnelle. Et malgré toute cette diversité, dans toutes ces communautés on trouvait un seul et même esprit, toujours reconnaissable.
En même temps, la situation était loin d’être idéale.
L’Archevêché souffrait de ce que le père Alexandre Schmemann l’appelait « le laisser-aller des émigrés » : dans ses structures, à la fois physiques (bâtiments, archives, institut) et organisationnelles, créées autrefois avec une telle inspiration, régnait une certaine fatigue. Les développements liturgiques, fruit du travail d’une pléiade de grands liturgistes (la participation du peuple à l’office, la communion régulière, la lecture de l’anaphore à voix haute, l’homélie après l’Évangile, la célébration de la liturgie des Saints Dons présanctifiées le soir), étaient tenus pour acquis. Il pouvait même y avoir un certain regard moqueur envers ceux qui n’étaient pas encore arrivés à ces conclusions. Beaucoup de choses se faisaient parce que « on a toujours fait comme ça ». L’institut de théologie ne se posait plus la question, qui devrait exactement y étudier – si le clergé est sensé avoir une vie professionnelle, qui peut se permettre de passer 3-4 ans dans un séminaire à temps plein ? Il y avait une certaine faiblesse administrative, dont abusaient parfois des fraudeurs. Il y avait des conflits et des intrigues au sein des instances dirigeantes. Celles-ci s’intensifièrent après la mort de l’archevêque Serge (Konovalov) en 2003, alors qu’il s’était proposé de passer sous l’omophorion du patriarcat de Moscou.
Il y avait un manque de moines et donc d’évêques potentiels – en partie à cause d’une attitude réticente envers le monachisme parmi une partie du clergé. Et derrière tout cela, il y avait une incertitude quant à la vocation de l’Archevêché : est-ce qu’il s’agissait d’une partie de l’Église orthodoxe russe, appelée tôt ou tard à y retourner, ou du fondement d’une église orthodoxe locale en Occident, appelée tôt ou tard à devenir indépendante, tout en préservant son héritage russe ?
À mon avis, ici nous nous trouvons face à un dilemme commun à toutes les communautés orthodoxes en dehors des pays traditionnellement orthodoxes. Sont-elles ce qu’on appelle en langage officiel ecclésiastique des « institutions dans en pays étrangers », des « ambassades ecclésiastiques » desservants des compatriotes, surtout dans l’objectif d’entretenir leur lien avec la patrie ? Sont-elles des centres culturels ? Ou sont-elles appelés à devenir des communautés ecclésiales locales indépendantes, avec leurs propres structures de vie ecclésiale ?
J’ai été témoin de la façon dont ce dilemme passe comme un fil rouge par la vie personnelle de mes contemporains dans l’archevêché. C’étaient des jeunes gens qui parlaient le français entre eux mais qui savaient aussi lire le slavon d’Église et qui chantaient des chants russes. Des personnes qui essayent de créer un milieu ecclésial dans lequel même leurs enfants pourront encore trouver les réponses aux questions essentielles de la vie. Des prêtres qui servaient en français avec conviction mais qui, en s’habillant dans le sanctuaire, pouvaient lire les prières en slavon à voix basse. Il était évident que ces personnes ne pouvaient pas être associées à une seule catégorie : elles étaient porteuses de deux cultures. Elles avaient de l’amour pour leur héritage russe, de l’amour pour la culture de leur pays, de l’amour pour l’Église du Christ en dehors de tout cadre ethnique et politique.
Un aspect important de cette ecclésiologie est exprimé dans le fait suivant. L’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale n’a jamais complètement rompu les liens avec l’Église orthodoxe russe. Considérant impossible de signer la déclaration du métropolite Serge exprimant la loyauté au régime soviétique, l’Archevêché néanmoins n’a pas fermé la porte à l’Église russe souffrante et a ainsi pu maintenir l’étonnante diversité de positions mentionnées ci-dessus. Étant plus éloigné de la politique que les autres juridictions russes, il pouvait agir en quelque sorte comme un pont entre des approches différentes, une capacité qui pourrait s’avérer tout à fait pertinente à notre époque postmoderne.
Je crois que à l’exception d’un petit nombre d’expatriés, l’attitude envers l’Église comme une « ambassade » n’a pas d’avenir. Il suffit de visiter des paroisses du type « émigré » - toutes origines confondues – pour comprendre qu’il y a peu de jeunes et de jeunes familles, en particulier dans la troisième génération. Les « paroisses-ambassades » regardent l’Église comme un élément de la culture de la patrie et, puisque (contrairement aux émigrés de la première vague) les nouveaux immigrés sont venus en Occident volontairement, cette culture d’origine se perd avec une rapidité surprenante.
En même temps, les paroisses qui se considèrent exclusivement occidentales ont également du mal à survivre. Malgré tout le désir de faire revivre les traditions du christianisme du premier millénaire ou de s’engager dans un travail missionnaire il faut admettre que, pour une personne occidentale en quête de Dieu, l’Orthodoxie sous cette forme n’est pas très attrayante. De nombreuses tentatives visant à créer une orthodoxie « purement » occidentale ont d’ailleurs conduit à des schismes – et cela n’est pas surprenant, car derrière elles on peut trouver la même subordination du religieux au séculier (ou national) qu’on trouve dans les paroisses du type « église-ambassade ».
Au contraire, les paroisses qui savent faire le pont entre les cultures et les approches s’épanouissent. Il s’agit de paroisses multinationales où le culte se déroule principalement dans la langue locale, mais en utilisant les langues et les traditions des personnes présentes dans la communauté. De telles paroisses, où un chant est chanté en roumain, le « Notre Père » en géorgien, un service pour les défunts peut être célébré à la russe ou sous la forme d’un « Trisagion » grec. Ce sont des communautés où chacun sent que ses racines sont mises en valeur, mais que l’essentiel pour tous, c’est le Christ. Ces paroisses qui ne se limitent aux offices et aux sacrements, mais où la « liturgie après la liturgie » se manifeste par des repas commun, des conversations, l’assistance mutuelle, une préoccupation mutuelle pour l’Église et l’office divin; où les membres de la paroisse sont responsables du bâtiment de l’église et des finances, où le conseil l’administration de la paroisse est élue par l’assemblée générale et lui rend des comptes, où la conciliarité (sobornost) n’est pas un slogan ou une idéologie, mais un vécu. Un vécu qui donne aux gens – provenant des pays orthodoxes comme aux résidents locaux – la possibilité d’approcher de l’essentiel, du Royaume de Dieu.
Les personnes provenant des pays traditionnellement orthodoxes, confrontés à ce vécu, sont souvent surpris : est-ce que la vie ecclésiale peut-elle vraiment être ainsi ? Oui, elle le peut. Probablement, elle le devrait. Et à travers de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale, ce vécu est désormais devenu accessible aux croyants et au clergé de l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou. Il me semble que la rencontre avec ce vécu pourrait donner un nouvel élan au développement de la vie paroissiale en Russie. Pourquoi ?
Premièrement, l’Église est appelée à être un pont entre cultures et générations, et cela non seulement dans les pays de la diaspora. N’y a-t-il pas également une distance entre la culture de l’Église et le quotidien des personnes moyennes en Grèce, en Roumanie ou en Russie ? L’Orthodoxie traditionnelle et populaire - hélas ! – s’évapore sous nos yeux, le mode de vie des gens à travers la planète devient de plus en plus similaire. Est-ce que l’Église est-elle vraiment appelée à rester une simple tradition ou une sous-culture marginale avec son propre lexique et petites habitudes ? N’y a-t-il pas également des personnes dans les pays traditionnellement orthodoxes qui réunissent en elles-mêmes plusieurs cultures ou vecteurs culturels ? De quelle expérience religieuse a-t-elle besoin un « géorgien moscovite » ou une personne issue d’une famille mixte ? Et qu’en est-il des nouveaux migrants arrivés dans les pays orthodoxes ? Le vécu de l’Église, cette expérience inestimable, séculaire et vivante, a toujours besoin d’être révélée à des nouvelles générations et catégories de personnes.
Deuxièmement, selon mes observations, la situation des paroisses en Occident et dans les pays traditionnels devient de plus en plus semblable. Combien de fois les paroisses sont-elles des îlots d’une vie ecclésiale consciente dans un océan d’indifférence générale ? Combien de fois elles sont obligées de révéler le christianisme à des personnes qui ne le connaissent pas ou qui ont de nombreux préjugés ? Combien de fois les gens sont-ils attirés non par l’autorité de l’Église comme l’institution, mais par une communion vivante et chaleureuse avec le Christ et avec les autres chrétiens ?
Troisièmement, je suis convaincu que les paroisses viables doivent s’occuper elles-mêmes des finances et de l’aspect matériel de leur vie. Vous voulez avoir une église ? Ramassez l’argent parmi les paroissiens, construisez ou restaurez, prenez-en soin vous-même. Ne cherchez pas de riches mécènes ou des subventions gouvernementales. Vous voulez avoir un prêtre ? Trouvez un candidat digne, aidez-le à faire des études, aidez-le financièrement s’il est difficile pour lui de combiner une vie professionnelle avec le service de l’Église. Le travail bénévole doit être la pierre angulaire de la vie de l’Église. Personne (y compris ceux qui reçoivent un salaire de la paroisse) ne doivent envisager ceci comme un travail – c’est un ministère. Tous les fonds doivent être sous le contrôle du trésorier et du comité des comptes élu par les paroissiens. Une paroisse doit soutenir financièrement le diocèse, les autres paroisses, la mission et la diaconie. De telles paroisses (et elles existent aujourd’hui) ne seront jamais riches, mais elles auront un avenir comme en Occident, comme dans les pays traditionnellement orthodoxes.
Les principes ci-dessus ont été élaborés dans les statuts paroissiales établies au Concile local de l’Église orthodoxe russe en 1917-1918, selon lesquels l’archevêché vit toujours. Pour des raisons historiques, ces statuts n’ont été appliqués que dans les paroisses russes de la diaspora. Grâce à la réunification, cette expérience précieuse – et surtout vivante – de la vie paroissiale et diocésaine est redevenue accessible pour l’ensemble du plérôme de l’Église orthodoxe russe.
Bien entendu, on ne peut pas supposer que cette expérience de l’Archevêché est tout à fait unique. L’esprit des statuts de paroisse du concile de 1918 se retrouve à la fois dans l’Église orthodoxe russe hors frontières et dans certaines paroisses du patriarcat de Moscou (il était appliqué par le métropolite Antoine de Souroge et l’archevêque de Bruxelles, Basile Krivochéine). On peut trouver ce type de vie paroissiale dans toutes les juridictions des pays occidentaux.
Néanmoins, j’estime que l’importance historique du passage de l’Archevêché dans le patriarcat de Moscou réside principalement dans le fait que la conciliarité comme expérience vivante dans l’esprit du Concile local de 1917-1918 est revenue à la maison. Cette conciliarité n’est pas seulement une chose du passé ; c’est un fondement pour l’avenir.
Est-ce possible ? Je n’en suis pas sûr. Il ne sera pas facile d’éliminer immédiatement la méfiance (ancienne, mutuelle, parfois profonde) entre les communautés de l’Archevêché et du patriarcat de Moscou. Pendant des décennies, les différents côtés se sont construits des caricatures (« Église soviétique », « libéraux », « moscovites », « Phanariotes »). Dans certains endroits, il y a des vielles blessures des conflits du passé. Une compréhension mutuelle est-elle possible entre les cultures ecclésiales et ecclésiastiques ? Un prêtre issu d’un séminaire en Russie et envoyé temporairement en Europe « en mission » peut-il comprendre son confrère français, un prêtre qui combine le ministère de sa paroisse avec une vie professionnelle ? En parlant de choses telles que la conciliarité, la vie paroissiale ou la gouvernance d’église, comment éviter les débats idéologiques ou théoriques et s’entendre vraiment les uns les autres ? [4]
Pendant longtemps nous avons vécu selon les catégories « eux et nous ». Maintenant une autre approche s’ouvre à nous : la diversité des approches à l’intérieur d’une seule tradition. Cherchons des ponts, essayons de s’inspirer mutuellement. Pour nous-mêmes et pour les générations futures.
Prêtre Hildo BOS
Traduction du russe revue par l’auteur.
Version française Claude Lopez-Ginisty
BOGOSLOV.RU
Встреча с собственным прошлым – или будущим? Архиепископия Православных Церквей русской традиции в Западной Европе принята в Московский Патриархат
Père Hildo BOS /Pays-Bas, 1969/ est diplômé de la faculté des langues slaves de l’Université d’Amsterdam et de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Entre 1995 en 2003 il a participé à la fédération mondiale de la jeunesse orthodoxe Syndesmos. Il sert comme prêtre de la paroisse st. Nicolas à Amsterdam / Patriarcat de Moscou/ et comme secrétaire du diocèse de La Haye. Marié, deux enfants. Travaille comme interprète de conférence.
Notes:
[1] les fondateurs de l’Institut, le protopresbytre Serge Boulgakov, le protopresbytre Basile [Zenkovsky], Léon Zander, Michel Ossorguine et Antoine Kartachov étaient parmi les collaborateurs les plus proches du Métropolite Euloge.
[2] Surtout pour l’héritage ecclésiastique ; nulle part j’ai vu un tel amour pour l’esprit comme pour le sens du Typicon.
[3] Cela a été particulièrement ressenti au service de l’Institut Saint-Serge : outre la meilleure tradition monastique russe, on y trouvait l’influence des monastères du Mont-Athos et de la Terre Sainte, transmise par l’archimandrite Cyprien (Kern), ancien chef de la mission spirituelle russe à Jérusalem.
[4] Il est déjà arrivé que des personnes en Russie se déclaraient successeurs de l’émigration russe dans le domaine de la vie paroissiale ou de la vie liturgique, mais qu’ils aient en réalité construit quelque chose de propre.
Lire aussi
Père Hildo Bos: Aux côtés de Nicolas Ossorguine
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Décembre 2019 à 07:29
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