Pape François: "L'union ne peut plus attendre"
V.Golovanow d'après l'article du père Jean (Giovanni Guaita), membre du "secrétariat des relations interchrétiennes" du "Département des Relations Ecclésiales Extérieures" (DREE) du Patriarcat de Moscou dans www.bogoslov.ru.

"L'union ne saurait être la soumission des uns aux autres ou une assimilation, mais plutôt la réception de tous les dons que Dieu a généreusement donné à chacun pour faire connaitre au monde entier le grand mystère du salut opéré par le Seigneur Jésus par le Saint Esprit." Pape François; 30/11/2014

Rechercher l'unité sans conditions préalables

La visite du pape François à Constantinople et sa conférence de presse improvisée pendant son vol de retour ont éclairé sa position très avancée concernant le rapprochement avec l'Orthodoxie.

"Se rencontrer et se regarder les yeux dans les yeux, échanger le baiser de paix, prier l'un pour l'autre – ce sont des éléments sur la voie de l'unité complète que nous voulons atteindre" a dit le Souverain Pontife dans son homélie à la fin de la Liturgie dans la cathédrale pontificale du Phanar. S'appuyant sur l'exemple du Saint apôtre André, dont c'était la fête, qui montre que "la vie chrétienne est la rencontre transfigurante avec le Christ", le Pape souligne que "le dialogue entre Chrétiens ne peut éviter cette logique de la rencontre personnelle".


Après avoir souligné que le point de départ du rapprochement entre les deux Églises fut la rencontre du patriarche Athénagoras et du pape Paul VI "dans cette ville où notre Seigneur est mort et a ressuscité" le pape François note que sa visite à Constantinople eu lieu juste après le cinquantième anniversaire du décret du concile Vatican II sur l'œcuménisme "Unitatis Redintegratio" qui fut promulgué par Paul VI le 21 novembre 1964: "C'est un document fondamental qui a ouvert de nouvelles voies aux contacts entre les catholiques et leurs frères orthodoxes. Il reconnait en particulier la validité des sacrements des Églises orthodoxes et d'abord de l'eucharistie et de la prêtrise par leur succession apostolique. De ce fait ces Églises sont les plus proches de nous".

"Ce document affirme que, pour aboutir à la paix entre les Chrétiens de l'Est et de l'Ouest, il est essentiel de maintenir la riche tradition des Églises orientales en ce qui concerne la liturgie et la spiritualité, et aussi pout la discipline canonique," a souligné le Pontife. "L'union ne saurait être la soumission des uns aux autres ou une assimilation, mais plutôt la réception de tous les dons que Dieu a généreusement donné à chacun pour faire connaitre au monde entier le grand mystère du salut opéré par le Seigneur Jésus par l'intervention du Saint Esprit."

"Je peux vous assurer, a fermement affirmé le Pape, que, pour atteindre le but ardemment souhaité de la complète unité, l'Eglise catholique n'a aucune exigence en dehors de la confession d'une foi commune… La seule chose que souhaite l'Eglise catholique et à quoi j'aspire comme évêque de Rome, donc de l'Eglise qui préside dans l'amour, c'est la communion avec l'Eglise orthodoxe," a-t-il ajouté en reprenant la célèbre formule de "l'épitre aux Romains" de saint Ignace d'Antioche. Et il faut noter que, dès sa première homélie "urbi et orbi" le pape François ne se présente pas comme "Pape" ou "Pontife" mais comme "évêque de Rome qui préside dans l'amour"; c'est, semble-t-il, le premier Pape a se contenter de ce qualificatif dans l'histoire de la papauté…

Les trois voix qui crient pour l'unité

Le pape note qu'il y a trois voix qui crient pour exiger l'unité des Chrétiens:

- L'Eglise ne peut rester insensible à l'appel des défavorisés qui nous appellent à lutter à la lumière de l'Evangile contre les causes structurelles de la misère, les inégalités, l'absence de travail. L'unité des Chrétiens est indispensable pour répondre aux besoins des pauvres et des réprouvés. Il faut lutter ensemble contre "la globalisation de l'indifférence" et construire "une nouvelle civilisation de l'amour et de la solidarité".

- La deuxième voix est celle des victimes des multiples conflits, y compris religieux, et en particuliers celle des Chrétiens persécutés. "Les appels à l'aide des victimes des conflits nous pousse à accélérer le mouvement du rapprochement entre Catholiques et Orthodoxes. Comment pouvons-nous suivre l'appel du Christ à la paix si parmi nous règnent toujours rivalités et désaccords?"

- La troisième voix enfin est celle de la jeunesse: "Beaucoup de jeunes, sous l'influence des valeurs dominantes actuelles, ne recherchent leur bonheur que dans les possessions matérielles et l'assouvissement de leurs pulsions sans lendemain"… Et comme modèle de travail commun avec les jeunes des Orthodoxes, Catholiques et Protestants le Pape cite la communauté œcuménique de Taizé: "ils font cela non pas en ignorant les différences qui nous séparent toujours, mais parce qu'ils sont capables de s'élever au-dessus; ils sont capables d'appréhender ceux qui est essentiel et qui déjà nous uni."

"Nous sommes déjà unis – par l'esprit et par le sang!"

Pendant son vol de retour le Pape a répondu à la question d'un journaliste russe sur les perspectives du dialogue avec le patriarcat de Moscou en rappelant son entretien avec le métropolite Hilarion de Volokolamsk en octobre à Rome au cours duquel ils avaient abordé le travail de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et l'Orthodoxie. "Je pense que nous sommes sur la bonne voie avec les Orthodoxes" a-t-il constaté. "Ils ont les sacrements, la succession apostolique … Qu'attendons-nous? Que les théologiens se mettent d'accord? Je vous assure que cela n'arrivera jamais! Je suis un sceptique! Les théologiens travaillent bien mais, comme Athénagoras avait dit à Paul VI, 'nous irons de l'avant ensemble, et les théologiens n'ont qu'à rester ensemble sur une ile et réfléchir' (je pensais que c'était un conte' mais Bartholomée m'a confirmé que c'est vrai. Il avait vraiment dit cela!)"

"Et nous ne pouvons pas attendre. L'unité c'est un chemin. Un chemin que nous devons franchir ensemble." Et le Pape a rappelé les persécutions des Chrétiens de toutes confessions: "Nos martyrs nous crient: Nous sommes unis! Nous sommes déjà unis – par l'esprit et par le sang!" a dit le Pape en paraphrasant la fin de l'homélie prononcée par le patriarche Bartholomée dans la cathédrale St Georges:"Nous n’avons plus le luxe d’agir séparément. Les persécuteurs contemporains des Chrétiens ne demandent pas à quelle Eglise appartiennent leurs victimes. L’unité́ qui occupe tant nos réflexions est en train de se réaliser dans certaines régions, malheureusement, par le martyre."

"Avec quoi certains peuvent-ils ne pas être d'accord?" continue le Pontife. "Les Églises catholiques orientale ont le droit d'exister, c'est vrai. Mais l'uniatisme en soi appartient au passé et ne convient pas à la situation actuelle. Il faut trouver une autre voie." Je mets en gras cette remarque, dite en passant dans une conversation à bâtons rompus avec des journalistes, car elle répond clairement et positivement à l'une des principales exigences de l'Église orthodoxe russe pour faire progresser le dialogue.

« Je dis au patriarche Kirill ‘si tu m’appelles, je viens’ »

"Revenons-en à Moscou maintenant" continue le Pape. "J'ai fait savoir au patriarche Kirill que je voulais le rencontrer. ‘et viendrais où tu diras; appelles-moi et je viendrais, lui ai-je fait transmettre. Il est d'accord sur le principe mais avec cette guerre et les autres évènements la question de notre rencontre est passée au second plan. Mais nous voulons avancer ensemble." Mais le Pape est aussi conscient de l'opposition interne des conservateurs dans les deux Églises et a insisté sur l'importance qu'il y aurait à s'accorder sur une date commune pour la fête de Pâques.
Pape François: "L'union ne peut plus attendre"

Rédigé par Vladimir Golovanow le 8 Décembre 2014 à 15:21 | 42 commentaires | Permalien



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