Orthodoxes - Catholiques: essai d'analyse des différentes positions. Partie 3
Vladimir GOLOVANOW

Parties 1 et 2
Les orthodoxes opposés à tout contact avec les catholiques

"Pour nous, orthodoxes, le pape est un hérétique, en dehors de l'Église, et, par conséquent, pas même un évêque" a déclaré Mgr Athanase (1), Métropolite de Limassol (Chypre) le 23 mai 2010 en prenant la tête de l'opposition, souvent musclée, à la visite du Pape. Cette prise de position est caractéristique de ceux qui, à l'opposé des prélats dont je parlais précédemment (partie 2), refusent de prendre en considération l'évolution de la doctrine catholique et se référent en particulier à Saint Marc d'Ephèse: «Les Latins ne sont pas simplement schismatiques, mais hérétiques et si notre Eglise ne l'a pas proclamé tout haut, c'est que leur nation était beaucoup plus nombreuse et plus puissante que la nôtre... nos prédécesseurs n'ont pas voulu écraser les Latins en les bafouant et en les flétrissant du nom d'hérétiques, parce qu'ils attendaient leur retour et faisaient tous leurs efforts pour ménager leur amitié (2)».

Cette position est puissamment soutenue par la Sainte Communauté du Mont Athos, bien qu'elle dépende directement du patriarche de Constantinople; ainsi le 8 octobre 2009, la Sainte-Communauté a écrit dans un communiqué: "Ayant été informés que la réunion de la commission mixte internationale de dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et les catholiques-romains, va examiner la question du “rôle de l’évêque de Rome dans la communion des Églises durant le premier millénaire”, notre sainte communauté, ignorant l’ordre du jour exact du dialogue concerné, exprime sa vive inquiétude et sa perplexité, car la primauté papale est discutée sans que le papisme ait préalablement renoncé à ses dogmes hérétiques et son caractère séculier (cf. l’État du Vatican). La seule condition préalable à la discussion de la question de la primauté est le retour des catholiques romains à la foi orthodoxe et à la conciliarité de l’Église orthodoxe, et non “l’union dans la diversité” des dogmes." (Communiqué entier ici). Faut-il souligner que le Mont Athos est considéré comme un véritable gardien de la foi et très respecté DANS TOUTE l'Orthodoxie.

Cette opposition frontale est aussi parfaitement illustrée et développée dans la «Confession de foi contre l’œcuménisme» (ibidem) dont nous avons déjà parlé. Ses tenants s'opposent à toute forme de dialogue interconfessionnel, amalgamé avec l'œcuménisme qui "est le nom commun pour les pseudo-Églises de l’Europe occidentale (…) Leur nom commun est en fait «panhérésie»" et ils condamnent violement "ceux qui se meuvent dans cette irresponsabilité œcuméniste, quelle que soit leur place dans l’organisme ecclésial, se trouvent en contradiction avec la tradition de nos saints et par voie de conséquence en opposition avec eux. (…) C’est pour cette raison que leur attitude doit être condamnée et rejetée par l’ensemble des hiérarques et du peuple fidèle." (Extraits de la «Confession»).

Loin d'être marginale, comme on peut en avoir l'impression en Occident, cette position de refus traverse toutes les Églises orthodoxes et ses représentants, membres des Églises canoniques, font là cause commune avec les organisations non canoniques, qui font de l'anti-œcuménisme leur cheval de bataille; cela augmente évidement le risque de schisme dont fait état le patriarche Bartholomé I. La «Confession» a été signée par plusieurs centaines de personnalités de l'Église de Grèce, du Mont-Athos, de Serbie, de Roumanie et je pense que c'est cette question qui a provoqué le retrait de l'Église de Bulgarie en attisant le schisme vétero-calendariste et la dissidence du métropolite Pimène (je n'ai malheureusement aucune source expliquant précisément les causes du retrait bulgare). Elle explique aussi la "raideur" du patriarcat de Moscou: le soutien que reçoit toujours l'ex évêque Diomède et les troubles plus récents en Moldavie montrent, à mon sens, que cette position de refus est largement rependue parmi les croyants et les prêtres de base. Une analyse plus détaillée de la position du patriarcat de Moscou fera l'objet d'un prochain billet.

Références:

(1) Mgr Athanase est le fils spirituel de l'Ancien Joseph de Vatopaidi et l'une des personnalités les plus influentes de l'Église de Chypre, et son interview constitue de fait un véritable réquisitoire, particulièrement bien argumenté, contre le dialogue avec les Catholiques; lire ici

(2) Cf. J.Karmiris, "Monuments Dogmatiques et Symboliques de I'Eglise catholique orthodoxe", t.1, Athènes 1960 (en grec), p. 419. Cité en commentaire dans un autre fil.



Rédigé par Vladimir Golovanow le 3 Janvier 2011 à 09:04 | 12 commentaires | Permalien



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