Nouvel An et calendrier julien en Russie
Vladimir Golovanow

Une fête très populaire

L'année commence le 1er janvier en Russie depuis Pierre le Grand (1699) mais le "tsar modernisateur" n'est pas aller jusqu'à imposer le calendrier grégorien et le calendrier julien restera en vigueur jusqu'en 1918. Le Nouvel an tombe donc durant la période festive qui suit Noël, les "sviatki". Chômé depuis 1897, il donne lieu à des réjouissances populaires. L'impératrice Elisabeth avait lancé la tradition d'ouvrir son palais au peuple et de recevoir les diplomates ce jour là et ses successeurs s'y tiennent (Joseph de Maistre parle de "saturnales monarchiques" en 1816 en laissant percevoir le caractère grandiose de la cérémonie. c'est une fête mondaine et populaire, le peuple pénètre dans le palais de son souverain, alors que l'empereur effectue " la cérémonie de la sortie du Nouvel an " : " sortie " à 11 heures, office religieux, réception des diplomates et des dignitaires, banquet et " baisemain " /source: ICI /Pour l'Eglise il s'agit de la fête de la Circoncision du Seigneur et c'est la Liturgie de saint Basile le Grand qui est célébrée.

La fête du Nouvel an est interdite après 1917, avec toutes les fêtes traditionnelles, mais le "vieux nouvel an" (staryi novyi god) restera commémoré par la population le 13 janvier après le changement de calendrier...

Et puis le Nouvel an civil est rapidement récupéré par le pouvoir soviétique pour remplacer Noël avec d'autant plus de vigueur qu'il tombe maintenant en plein carême (il en est de même pour le 8 mars, "journée de la femme", qui toombe pendent le Grand carème). Les coutumes de Noël sont reprises pour le Nouvel an: le "sapin de Noël" (roždestvennaja elka) devient le "sapin du Nouvel an" (novgodnjaja elka), "ded Moroz" (le Père Gel, père Noël russe), qui était timidement apparu au début du XXe siècle dans les élites occidentalisées, revient accompagné d'une nièce (sniegourochka), pour apporter des cadeaux; l'horloge du Kremlin sonne à minuit alors qu'aucune cloche ne sonne plus. Mais surtout le 1er janvier est un jour chômé et devient l'une des plus grandes fête de l'année, avec réveillons arrosés, pétards et cadeaux à minuit, feux d'artifice… Cet aspect particulièrement festif a été encore accentué en 2005 quand 6 jours chômés ont été instaurés après le 1 janvier pour créer une période de vacances qui va jusqu'au Noël orthodoxe.

Mais pour les Orthodoxes c'est le carême…

Fête laïque en carême

Interview du père Tykhon higoumène du monastère de la Rencontre à pravoslavie.ru

"Le Nouvel An est peut-être la seule fête familiale qui a subsisté aujourd’hui en Russie, lorsque toute la famille se rassemble et peut se ressentir effectivement comme une famille. Il y a très peu de tels événements dans la vie de l’homme contemporain, et il ne faut pas le supprimer… Nous disons toujours à nos paroissiens que si leurs parents et leurs proches veulent fêter le nouvel an, il ne faut pas les priver de cette joie - étant entendu que le chrétien orthodoxe ne doit pas transgresser le carême - mais le devoir de celui-ci est aussi d’apporter, en cette fête, la lumière du Christ, la joie de l’attente de la Nativité du Christ. En conséquence, sur la base de tous ces problèmes et préoccupations, nous décidâmes de célébrer la sainte liturgie durant la nuit du nouvel an. …

Au début, nous pensions qu'il n'y aurait que nos moines à l’office voire, peut-être, quelques uns de nos paroissiens les plus assidus. Mais, à notre grande surprise, l’église était pleine… Pour nos paroissiens, dont les familles sont orthodoxes, c'était une excellente manière de résoudre cette question de la célébration du Nouvel an... L’année suivante il y eut encore plus de monde et, chaque année encore plus ! Puis nous avons appris que cette pratique a été adoptée dans d’autres églises (*). Notre monastère se trouve dans le centre même de Moscou et, à minuit précises, le bruit des feux d’artifices et les explosions des pétards couvrent la première ecténie. Nous acceptons cela avec calme. Personne, ni les moines, ni nos paroissiens ne condamnent ceux qui ne viennent pas à l’église à cette occasion. …Nous célébrons en cette nuit un peu plus rapidement que d’habitude, afin que les fidèles puissent encore prendre le métro pour rentrer. La communion est distribuée de quatre ou cinq calices. La liturgie dure environ une heure et demie. Tous les moines, et même la plupart des paroissiens, communient aux saints mystères du Christ.

Il y eut dans le christianisme la pratique d’ecclésialiser les fêtes et les traditions païennes. Peut-être est-ce là, aujourd’hui, quelque chose de semblable"

(*) http://www.pravoslavie.ru/news/58449.htm donne la liste des églises de Moscou célébrant une Liturgie le 31/12 à minuit; il en est de même à la cathédrale des Trois Saints Docteurs à Paris.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 28 Décembre 2013 à 04:43 | 3 commentaires | Permalien



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