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Interview de l’évêque Savva de Zelenograd à la chaîne de télévision Spas, 1er octobre 2019
Q: En quoi est-ce important ? Pourquoi dit-on de cet événement /la réunion de l’Archevêché à l’Église orthodoxe russe/ qu’il est historique ?
R. : Il faut revenir un peu sur l’histoire.
L’archevêché des paroisses de tradition russe en Europe occidentale a existé sous différents noms – à un certain moment c’était un exarchat – mais peu importe. Il fut créé en 1921 par décision du saint Patriarche Tikhon de Moscou, du Saint Synode, du Conseil Supérieur de l’Église, en conjointe réunion de ces deux organes suprêmes de notre Église. Avant la révolution, il n’existait à l’étranger que peu d’églises orthodoxes russes, essentiellement près les ambassades, et en bord de mer où les russes partaient se reposer ; mais bien sûr, après la révolution et le début de la guerre civile, un très grand nombre de russes se retrouvèrent en France et dans d’autres pays, dont beaucoup de membres du clergé ; des communautés orthodoxes se créèrent, des églises, petites d’abord, furent fondées ; il devenait indispensable de trouver une forme plus régulière d’administration. (Avant la révolution les paroisses étaient gérées par le métropolite de Saint-Pétersbourg.)
En 1921 une entité ecclésiale fut créée, dirigée par l’archevêque puis métropolite Euloge (Gueorguievski).
Q: En quoi est-ce important ? Pourquoi dit-on de cet événement /la réunion de l’Archevêché à l’Église orthodoxe russe/ qu’il est historique ?
R. : Il faut revenir un peu sur l’histoire.
L’archevêché des paroisses de tradition russe en Europe occidentale a existé sous différents noms – à un certain moment c’était un exarchat – mais peu importe. Il fut créé en 1921 par décision du saint Patriarche Tikhon de Moscou, du Saint Synode, du Conseil Supérieur de l’Église, en conjointe réunion de ces deux organes suprêmes de notre Église. Avant la révolution, il n’existait à l’étranger que peu d’églises orthodoxes russes, essentiellement près les ambassades, et en bord de mer où les russes partaient se reposer ; mais bien sûr, après la révolution et le début de la guerre civile, un très grand nombre de russes se retrouvèrent en France et dans d’autres pays, dont beaucoup de membres du clergé ; des communautés orthodoxes se créèrent, des églises, petites d’abord, furent fondées ; il devenait indispensable de trouver une forme plus régulière d’administration. (Avant la révolution les paroisses étaient gérées par le métropolite de Saint-Pétersbourg.)
En 1921 une entité ecclésiale fut créée, dirigée par l’archevêque puis métropolite Euloge (Gueorguievski).
Mais le cours de l’histoire fit que bientôt Mgr Euloge ainsi que la plus grande partie de son clergé et de ses paroisses passèrent au Patriarcat de Constantinople. Vous le savez, à la même époque l’Église russe hors frontières se séparait de l’Église orthodoxe russe, certaines paroisses restèrent fidèles au Patriarcat de Moscou. La troisième partie – les paroisses qui aujourd’hui forment l’Archevêché – passèrent au Patriarcat de Constantinople. Pratiquement depuis tout ce temps, l’Archevêché a vécu au sein du Patriarcat de Constantinople.
Si l’Église russe hors-frontières a restauré son unité ecclésiale avec l’Église orthodoxe russe en 2007, il a fallu pour cela un peu plus de temps à l’Archevêché. Cela était dû en particulier au fait que l’Église russe hors-frontières n’était en communion eucharistique avec aucune Église locale, c’est pourquoi ils ont agi plus vite.
En ce qui concerne l’Archevêché, ce qui s’est passé, c’est qu’à la fin de l’année dernière le Synode de Constantinople a décidé de dissoudre celui-ci. Je ne m’étendrai pas sur les raisons, il faut sans doute poser aux membres du Synode de Constantinople la question de savoir pourquoi ils ont pris cette décision. La décision était prise, mais les membres de l’Archevêché ont compris qu’ils ne voulaient pas de cette dissolution, qu’ils voulaient continuer d’exister selon leurs propres traditions presque centenaires. Mgr Jean, qui est à la tête de l’Archevêché, s’est adressé à Sa Sainteté pour demander s’il était possible de continuer d’exister au sein de l’Église orthodoxe russe, désormais de la seule Église orthodoxe russe. Sa Sainteté a réagi très positivement, a écrit une lettre très profonde, dans laquelle il donnait tout son soutien à Mgr Jean dans cette aspiration ; depuis, durant les mois qui se sont écoulés, des négociations ont été engagées pour savoir comment les choses allaient se faire, il faut bien mettre au clair certains aspects. Si vous vous souvenez, avant la réunion avec l’Église russe hors-frontières, les négociations ont été nettement plus longues, trois ans je crois, pour la période la plus intense.
Voilà donc le long cheminement historique qui a ramené aujourd’hui l’Archevêché au sein de l’Église orthodoxe russe.
Q. : Pour poursuivre sur ce long cheminement, je cite Sa Sainteté le Patriarche : « Notre désir le plus profond était de réunir toute l’émigration russe, de réunir l’Église russe au-delà des frontières russes. » Nous sommes donc les témoins de la conclusion de ce périple ?
R. : En effet. Mais il y a deux éléments très importants.
Tout d’abord, bien sûr, ces divisions dans l’Église, ces divisions dans les territoires hors de nos frontières, étaient la conséquence directe de la révolution et de la guerre civile. Nous assistons donc à la cicatrisation de blessures sur le corps de l’Église, à tout le moins des blessures de la division, portées par la révolution et par la guerre civile.
Mais il y a un autre aspect important : on ne peut pas vraiment dire que l’Archevêché est russe. Il est précisément de tradition russe. Parce qu’aujourd’hui, l’archevêché compte dans ses rangs un grand nombre de clercs, de fidèles autochtones, français, belges, hollandais. L’archevêque Jean lui-même est français – un français de Bordeaux, comme on le dit en plaisantant . Beaucoup de gens, habitants de souche de ces pays, se sont convertis à l’orthodoxie grâce à l’héritage et aux efforts des émigrés russes ; vous connaissez beaucoup de noms de grands théologiens russes, de prêtres, issus de l’émigration… Grâce à leur œuvre missionnaire et éducative à l’étranger, essentiellement en France, puis en partie aux États-Unis, un grand nombre de personnes sont venues à l’orthodoxie, à la foi orthodoxe, qui n’ont aucun lien direct avec la Russie. C’est bien pour cela que l’Archevêché se nomme « des paroisses de tradition russe », et non « des paroisses russes ».
Q. : Je ne peux pas ne pas poser la question : pour vous ces événements ont une dimension personnelle. Vous avez grandi à Paris, vous avez un lien direct avec l’Archevêché. À un certain moment, corrigez-moi si je me trompe, vous avez eu à faire un choix, et vous l’avez fait. Que sont pour vous personnellement les événements qui se déroulent sous nos yeux ?
R. : Oui, j’ai grandi dans les églises de l’Archevêché : d’abord dans l’une des premières églises, si ce n’est la première église construite par des émigrés russes après la révolution, dans une banlieue de Paris qui s’appelle Clamart, l’église des saints Constantin et Hélène. J’y ai célébré il n’y a pas longtemps. Cela fait déjà un certain temps qu’elle fait partie du Patriarcat de Moscou, elle y est entré il y a déjà quelques années. Puis j’ai été lecteur, acolyte, hypodiacre à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky, sous feu l’archevêque Serge (Konovalov). Cependant, j’ai toujours eu le désir de revenir en Russie et de servir en Russie. Grâce à Dieu, ce souhait s’est réalisé, et j’espère qu’il continuera d’en être de même.
Mais il y a là-bas un grand nombre de membres de ma famille, ma mère y vit avec mon père, mon frère y vit. Bien sûr cette séparation, elle traversait très souvent les familles, elle continue en fait de les traverser. Mais voilà, petit à petit certaines choses guérissent.
Pour moi, comme il s’agit de mes parents proches, c’est important en soi ; mais bien sûr j’ai chaud au cœur aussi de voir ces églises, de voir la cathédrale, où de façon significative j’ai passé une partie importante de ma jeunesse en église, à nouveau au sein de l’Église orthodoxe russe.
Q. : Que vous ont dit vos proches, vos amis, les fidèles, après qu’ils ont pris appris cet événement historique ?
R. : Ils étaient très heureux. Ils m’ont remercié, moi entre autres, parce que j’ai pris une certaine part dans ce processus.
Mais surtout ils ressentent une profonde gratitude envers Mgr Jean, ce « Français de Bordeaux » qui a emmené son troupeau sur le chemin, qui n’a pas eu peur, qui a rassemblé ses forces, même si des voix s’élevaient contre lui disant qu’il n’agissait pas comme il se doit, mais il n’a pas eu peur, il a rassemblé ses forces, il a pris ce chemin, et il l’a suivi jusqu’au bout.
Et ils sont reconnaissants à Sa Sainteté, d’avoir répondu aux aspirations de Mgr Jean, et d’avoir accueilli l’Archevêché.
Mais il y a des disparités, corrigez-moi encore : la langue liturgique, le calendrier (ancien et nouveau style). Qu’en adviendra-t-il ?
R. : Vous savez, cela ne va pas changer grand-chose. Pour eux en fait, cela ne va rien changer du tout.
Mais même parmi les paroisses du Patriarcat de Moscou, en France par exemple, il y en a qui célèbrent en français, à l’étranger nous avons des paroisses qui célèbrent en ce qu’on appelle le nouveau style. J’ai dit qu’un grand nombre d’habitants de souche sont devenus orthodoxes, et ils sont effectivement nombreux dans l’Archevêché, mais il y en a aussi dans les paroisses du Patriarcat de Moscou. Ce qui veut dire que pour nous il n’y a là rien d’inédit.
L’Archevêché a ses spécificités, par exemple dans son administration épiscopale ou paroissiale, et elles seront conservées.
Mais vous savez, notre Église est très diverse, nous sommes faits de beaucoup d’éléments différents. Il y a l’Église russe hors-frontières, depuis maintenant plus de 10 ans, qui a ses traditions, qui lui sont propres aussi. Nous vivons, n’est-ce pas, nous y arrivons.
Q. : Quelle sera la procédure pour la réunification ?
R. : Durant le prochain Synode, que Sa Sainteté a proposé de réunir le 8 octobre, jour de la fête de saint Serge de Radonège, la décision sera prise, décision qui en fait se prépare depuis longtemps, qui en grande partie a été le sujet des discussions tous ces derniers mois, décision qui accordera à l’Archevêché une structure au sein de l’Église orthodoxe russe ; sa structure et ses règles d’administration, disons-le, correspondront à celles que l’Archevêché avait toutes ces années. Simplement nous le formalisons par un acte de notre Saint Synode.
Q. : Je cite Sa Sainteté le Patriarche : « Un événement s’est produit, qui peut devenir historique. Je dis « qui peut devenir », car il reste encore beaucoup à faire, afin que cette action porte ses fruits. » Outre ce que vous avez déjà dit sur les événements récents, que reste-t-il encore à faire au sens large ?
R. : Tout d’abord, Sa Sainteté a prononcé ces mots au moment où Mgr Jean s’est adressé à lui il y a deux semaines, demandant à être réuni, avec tous les clercs et les paroisses qui le souhaiteront.
Il y a quelques jours a eu lieu une assemblée pastorale, durant laquelle les clercs ont se sont exprimé dans le même sens, confirmant le souhait de la majorité. Ainsi…
Q. : Beaucoup de choses ont déjà eu lieu …
R. : Oui, beaucoup de choses.
Maintenant, les années de séparation ont tout de même leur importance. Je peux prendre l’exemple de ce qui s’est passé avec l’Église russe hors-frontières, Après 2007, nous avons communiqué de plus en plus, nous avons organisé des rencontres communes. C’est surtout parmi les jeunes que les relations se sont développées, au sein de l’Église russe hors frontières, des paroisses dépendant directement du Patriarcat de Moscou et des paroisses des autres diocèses du Patriarcat de Moscou à l’étranger. Nous nous sommes parlé, nous avons échangé nos expériences, notre expérience pastorale.
En premier lieu, il est question d’unité canonique, d’unité de gouvernement en quelque sorte, et tout d’abord d’unité eucharistique. En fait, ces dernières années nous n’avons quasiment jamais été en rupture de communion avec l’Archevêché, sauf les deux dernières années, puisque l’archevêché faisait partie du Patriarcat de Constantinople et était donc en rupture de communion avec nous. Mais avant cela, depuis les années 90, nous communiions ensemble, nous nous rendions visite. C’est la différence avec l’Église russe hors frontières jusqu’en 2007.
Cependant, après la restauration de notre unité canonique, sans doute célèbrerons-nous ensemble, peut-être Mgr Jean viendra-t-il à Moscou, nous aurons un beau et joyeux office de célébration ; après cela, la vie reprendra simplement son cours, les gens se verront, se parleront ; il n’y a rien de formel, c’est la vie tout simplement.
Q. : Vous avez déjà dit que ces événements ont pour vous une dimension personnelle. Qu’avez-vous ressenti, quand vous avez compris que la réunion avait eu lieu ?
R. : Vous savez, pour moi, dans ma vie, je ne dirai pas que cela n’a pas d’importance, mais ma vie, elle est en Russie. Je vis ici, c’est ici que je sers Dieu, l’Église et les gens. La majeure partie de ma vie est ici.
J’ai ressenti de la joie, tout d’abord pour ma famille.
Ensuite, ayant étudié l’histoire, et particulièrement l’histoire de l’Archevêché durant mes études au séminaire, j’ai éprouvé le sentiment d’une satisfaction historique.
Enfin, j’ai la satisfaction d’un travail bien fait, parce que j’ai pris part à ce processus, au dialogue, et bien sûr de l’heureuse conclusion de ce dialogue …
Q. : De ce long chemin…
R. : De ce long chemin, si on le considère d’un point de vue de son histoire depuis 1921. Mais pour ceux qui ont mené ce dialogue, cela concerne les 8 derniers mois.
Traduction ELISABETH TOUTOUNOV
Si l’Église russe hors-frontières a restauré son unité ecclésiale avec l’Église orthodoxe russe en 2007, il a fallu pour cela un peu plus de temps à l’Archevêché. Cela était dû en particulier au fait que l’Église russe hors-frontières n’était en communion eucharistique avec aucune Église locale, c’est pourquoi ils ont agi plus vite.
En ce qui concerne l’Archevêché, ce qui s’est passé, c’est qu’à la fin de l’année dernière le Synode de Constantinople a décidé de dissoudre celui-ci. Je ne m’étendrai pas sur les raisons, il faut sans doute poser aux membres du Synode de Constantinople la question de savoir pourquoi ils ont pris cette décision. La décision était prise, mais les membres de l’Archevêché ont compris qu’ils ne voulaient pas de cette dissolution, qu’ils voulaient continuer d’exister selon leurs propres traditions presque centenaires. Mgr Jean, qui est à la tête de l’Archevêché, s’est adressé à Sa Sainteté pour demander s’il était possible de continuer d’exister au sein de l’Église orthodoxe russe, désormais de la seule Église orthodoxe russe. Sa Sainteté a réagi très positivement, a écrit une lettre très profonde, dans laquelle il donnait tout son soutien à Mgr Jean dans cette aspiration ; depuis, durant les mois qui se sont écoulés, des négociations ont été engagées pour savoir comment les choses allaient se faire, il faut bien mettre au clair certains aspects. Si vous vous souvenez, avant la réunion avec l’Église russe hors-frontières, les négociations ont été nettement plus longues, trois ans je crois, pour la période la plus intense.
Voilà donc le long cheminement historique qui a ramené aujourd’hui l’Archevêché au sein de l’Église orthodoxe russe.
Q. : Pour poursuivre sur ce long cheminement, je cite Sa Sainteté le Patriarche : « Notre désir le plus profond était de réunir toute l’émigration russe, de réunir l’Église russe au-delà des frontières russes. » Nous sommes donc les témoins de la conclusion de ce périple ?
R. : En effet. Mais il y a deux éléments très importants.
Tout d’abord, bien sûr, ces divisions dans l’Église, ces divisions dans les territoires hors de nos frontières, étaient la conséquence directe de la révolution et de la guerre civile. Nous assistons donc à la cicatrisation de blessures sur le corps de l’Église, à tout le moins des blessures de la division, portées par la révolution et par la guerre civile.
Mais il y a un autre aspect important : on ne peut pas vraiment dire que l’Archevêché est russe. Il est précisément de tradition russe. Parce qu’aujourd’hui, l’archevêché compte dans ses rangs un grand nombre de clercs, de fidèles autochtones, français, belges, hollandais. L’archevêque Jean lui-même est français – un français de Bordeaux, comme on le dit en plaisantant . Beaucoup de gens, habitants de souche de ces pays, se sont convertis à l’orthodoxie grâce à l’héritage et aux efforts des émigrés russes ; vous connaissez beaucoup de noms de grands théologiens russes, de prêtres, issus de l’émigration… Grâce à leur œuvre missionnaire et éducative à l’étranger, essentiellement en France, puis en partie aux États-Unis, un grand nombre de personnes sont venues à l’orthodoxie, à la foi orthodoxe, qui n’ont aucun lien direct avec la Russie. C’est bien pour cela que l’Archevêché se nomme « des paroisses de tradition russe », et non « des paroisses russes ».
Q. : Je ne peux pas ne pas poser la question : pour vous ces événements ont une dimension personnelle. Vous avez grandi à Paris, vous avez un lien direct avec l’Archevêché. À un certain moment, corrigez-moi si je me trompe, vous avez eu à faire un choix, et vous l’avez fait. Que sont pour vous personnellement les événements qui se déroulent sous nos yeux ?
R. : Oui, j’ai grandi dans les églises de l’Archevêché : d’abord dans l’une des premières églises, si ce n’est la première église construite par des émigrés russes après la révolution, dans une banlieue de Paris qui s’appelle Clamart, l’église des saints Constantin et Hélène. J’y ai célébré il n’y a pas longtemps. Cela fait déjà un certain temps qu’elle fait partie du Patriarcat de Moscou, elle y est entré il y a déjà quelques années. Puis j’ai été lecteur, acolyte, hypodiacre à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky, sous feu l’archevêque Serge (Konovalov). Cependant, j’ai toujours eu le désir de revenir en Russie et de servir en Russie. Grâce à Dieu, ce souhait s’est réalisé, et j’espère qu’il continuera d’en être de même.
Mais il y a là-bas un grand nombre de membres de ma famille, ma mère y vit avec mon père, mon frère y vit. Bien sûr cette séparation, elle traversait très souvent les familles, elle continue en fait de les traverser. Mais voilà, petit à petit certaines choses guérissent.
Pour moi, comme il s’agit de mes parents proches, c’est important en soi ; mais bien sûr j’ai chaud au cœur aussi de voir ces églises, de voir la cathédrale, où de façon significative j’ai passé une partie importante de ma jeunesse en église, à nouveau au sein de l’Église orthodoxe russe.
Q. : Que vous ont dit vos proches, vos amis, les fidèles, après qu’ils ont pris appris cet événement historique ?
R. : Ils étaient très heureux. Ils m’ont remercié, moi entre autres, parce que j’ai pris une certaine part dans ce processus.
Mais surtout ils ressentent une profonde gratitude envers Mgr Jean, ce « Français de Bordeaux » qui a emmené son troupeau sur le chemin, qui n’a pas eu peur, qui a rassemblé ses forces, même si des voix s’élevaient contre lui disant qu’il n’agissait pas comme il se doit, mais il n’a pas eu peur, il a rassemblé ses forces, il a pris ce chemin, et il l’a suivi jusqu’au bout.
Et ils sont reconnaissants à Sa Sainteté, d’avoir répondu aux aspirations de Mgr Jean, et d’avoir accueilli l’Archevêché.
Mais il y a des disparités, corrigez-moi encore : la langue liturgique, le calendrier (ancien et nouveau style). Qu’en adviendra-t-il ?
R. : Vous savez, cela ne va pas changer grand-chose. Pour eux en fait, cela ne va rien changer du tout.
Mais même parmi les paroisses du Patriarcat de Moscou, en France par exemple, il y en a qui célèbrent en français, à l’étranger nous avons des paroisses qui célèbrent en ce qu’on appelle le nouveau style. J’ai dit qu’un grand nombre d’habitants de souche sont devenus orthodoxes, et ils sont effectivement nombreux dans l’Archevêché, mais il y en a aussi dans les paroisses du Patriarcat de Moscou. Ce qui veut dire que pour nous il n’y a là rien d’inédit.
L’Archevêché a ses spécificités, par exemple dans son administration épiscopale ou paroissiale, et elles seront conservées.
Mais vous savez, notre Église est très diverse, nous sommes faits de beaucoup d’éléments différents. Il y a l’Église russe hors-frontières, depuis maintenant plus de 10 ans, qui a ses traditions, qui lui sont propres aussi. Nous vivons, n’est-ce pas, nous y arrivons.
Q. : Quelle sera la procédure pour la réunification ?
R. : Durant le prochain Synode, que Sa Sainteté a proposé de réunir le 8 octobre, jour de la fête de saint Serge de Radonège, la décision sera prise, décision qui en fait se prépare depuis longtemps, qui en grande partie a été le sujet des discussions tous ces derniers mois, décision qui accordera à l’Archevêché une structure au sein de l’Église orthodoxe russe ; sa structure et ses règles d’administration, disons-le, correspondront à celles que l’Archevêché avait toutes ces années. Simplement nous le formalisons par un acte de notre Saint Synode.
Q. : Je cite Sa Sainteté le Patriarche : « Un événement s’est produit, qui peut devenir historique. Je dis « qui peut devenir », car il reste encore beaucoup à faire, afin que cette action porte ses fruits. » Outre ce que vous avez déjà dit sur les événements récents, que reste-t-il encore à faire au sens large ?
R. : Tout d’abord, Sa Sainteté a prononcé ces mots au moment où Mgr Jean s’est adressé à lui il y a deux semaines, demandant à être réuni, avec tous les clercs et les paroisses qui le souhaiteront.
Il y a quelques jours a eu lieu une assemblée pastorale, durant laquelle les clercs ont se sont exprimé dans le même sens, confirmant le souhait de la majorité. Ainsi…
Q. : Beaucoup de choses ont déjà eu lieu …
R. : Oui, beaucoup de choses.
Maintenant, les années de séparation ont tout de même leur importance. Je peux prendre l’exemple de ce qui s’est passé avec l’Église russe hors-frontières, Après 2007, nous avons communiqué de plus en plus, nous avons organisé des rencontres communes. C’est surtout parmi les jeunes que les relations se sont développées, au sein de l’Église russe hors frontières, des paroisses dépendant directement du Patriarcat de Moscou et des paroisses des autres diocèses du Patriarcat de Moscou à l’étranger. Nous nous sommes parlé, nous avons échangé nos expériences, notre expérience pastorale.
En premier lieu, il est question d’unité canonique, d’unité de gouvernement en quelque sorte, et tout d’abord d’unité eucharistique. En fait, ces dernières années nous n’avons quasiment jamais été en rupture de communion avec l’Archevêché, sauf les deux dernières années, puisque l’archevêché faisait partie du Patriarcat de Constantinople et était donc en rupture de communion avec nous. Mais avant cela, depuis les années 90, nous communiions ensemble, nous nous rendions visite. C’est la différence avec l’Église russe hors frontières jusqu’en 2007.
Cependant, après la restauration de notre unité canonique, sans doute célèbrerons-nous ensemble, peut-être Mgr Jean viendra-t-il à Moscou, nous aurons un beau et joyeux office de célébration ; après cela, la vie reprendra simplement son cours, les gens se verront, se parleront ; il n’y a rien de formel, c’est la vie tout simplement.
Q. : Vous avez déjà dit que ces événements ont pour vous une dimension personnelle. Qu’avez-vous ressenti, quand vous avez compris que la réunion avait eu lieu ?
R. : Vous savez, pour moi, dans ma vie, je ne dirai pas que cela n’a pas d’importance, mais ma vie, elle est en Russie. Je vis ici, c’est ici que je sers Dieu, l’Église et les gens. La majeure partie de ma vie est ici.
J’ai ressenti de la joie, tout d’abord pour ma famille.
Ensuite, ayant étudié l’histoire, et particulièrement l’histoire de l’Archevêché durant mes études au séminaire, j’ai éprouvé le sentiment d’une satisfaction historique.
Enfin, j’ai la satisfaction d’un travail bien fait, parce que j’ai pris part à ce processus, au dialogue, et bien sûr de l’heureuse conclusion de ce dialogue …
Q. : De ce long chemin…
R. : De ce long chemin, si on le considère d’un point de vue de son histoire depuis 1921. Mais pour ceux qui ont mené ce dialogue, cela concerne les 8 derniers mois.
Traduction ELISABETH TOUTOUNOV
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 14 Octobre 2019 à 10:04
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