Mgr Benjamin (Toupeko), évêque de Borissov
Traduction Dimitri Garmonov

Le temps est venu de discuter des règles du monachisme contemporain qui, lors des décennies de persécutions, ont subi des altérations significatives sur le plan spirituel, canonique et pratique. L’initiative du Concile des évêques et celle de Sa Sainteté Patriarche Cyrille d’organiser une discussion interconciliaire de tel ou tel projet sont donc plus qu’opportunes. Surtout s’il s’agit de débattre du projet des « Règles des monastères et des moines ». Partie1

12. La transformation du monastère en « une institution sociale », « une organisation missionnaire », « un centre de pèlerinage » etc. transgressant l’idée principale de la vie monastique comme une vie dans la solitude, profondément différente d’une vie dans le monde.

Ce n’est qu’une partie des problèmes dont la solution doit être trouvée le plus rapidement possible. Sinon cette situation provoquera l’appauvrissement total du monachisme et l’abandon de nos monastères. Dans certains cas, les confesseurs se montrent prudents à l’égard des jeunes gens qui ont décidé d’apporter leurs vœux. La situation morale actuelle dans le monachisme risque même de faire du tort à une âme immature et inexpérimentée. Ainsi, c’est « le Règlement des monastères et des moines » qui doit permettre de résoudre ces problèmes essentiels.

Nous voudrions proposer les choses suivantes :

1. Il est nécessaire de bien s’imprégner de l’ expérience des meilleurs monastères de l’Orient orthodoxe où la vie monastique a été préservée . Ce sont les monastères du Mont Athos ou les monastères russes où la vraie vie spirituelle s’est bien structurée en conformité avec la tradition patristique.

2. Organiser la vie monastique sur la base du principe du pouvoir unique, sur les fondements de l’évangile et en conformité avec la tradition patristique. Le confesseur (père spirituel) accomplit sa charge en pleine entente avec l’higoumène et lui doit l’obéissance. Etre à la fois le confesseur des frères permettra à l’higoumène d’éviter certaines divisions et l’apparition de petits groupes séparés entre les frères.

3. Elaborer des principes généraux pour les communautés monastiques qui serviront ensuite de base pour l’élaboration de la règle de chaque monastère. Les réunions des représentants des monastères à l’échelle du diocèse et de l’ensemble de l’Eglise orthodoxe russe sont importantes pour approfondir la discussion.

4. Puisque le supérieur du monastère doit se comporter en tant que père de la communauté (comme cela est précisé dans le projet de texte du Règlement), il est nécessaire de définir les principes de son élection et de sa consécration par l’évêque diocésain selon la tradition monastique ancienne. Il est évident que, depuis saint Pacôme le Grand, toute la tradition patristique soutient le principe de libre choix du dirigeant spirituel librement élu par les frères de la communauté. « Celui qui est aimé par les frères est bon devant Dieu », dit saint Alexis le Studite dans son règlement monastique qui, selon les historiens, a été plus largement répandu en Russie qu’aucun autre. On peut y également indiquer quelques points à propos des élections : a) l’élection se produit par les membres du Concile spirituel du monastère, soit par tous les moines tonsurés qui y ont vécu au moins 3 ans (ces détails peuvent évidemment varier, mais le principe général ne doit pas changer) ; b) l’higoumène peut être élu en fonction du nombre des moines qui ont vécu dans le monastère pendant 3 – 6 ans pour garder la succession spirituelle ; c) l’higoumène ne peut être nommé par l’évêque diocésain que dans le cas où les élections sont impossibles pour une raison canonique quelconque, soit à cause d’un désaccord parmi les frères, soit pour un petit nombre de moines, soit une mauvaise organisation du monastère.

5. Participation à la vie du monastère la plus active possible : offices, repas, travaux communs. La distanciation du supérieur à l’égard des autres moines (table à part, accumulation de biens dans le monastère et surtout hors du monastère sont le début d’une détérioration de la vie spirituelle. Le « Règlement » doit obligatoirement se définir sur ces questions ainsi que sur les moyens de ne pas tolérer des abus.

6. Il convient de prévoir une ou deux fois par semaine, de courtes lectures ou entretiens (20 min) avec les frères sur la vie monastique dirigés par l’higoumène ou le confesseur, soit commentaires de la lecture de repas. Dans le monastère, le contact personnel quotidien de l’higoumène et du confesseur avec les frères de la communauté est un gage de l’homogénéité et de la confiance réciproque.

7. Un des buts de la vie monastique étant l’éloignement du monde le Règlement doit obligatoirement mentionner cet effort monacal essentiel sans lequel elle disparaîtra. Il faut donc prévoir des restrictions du contact avec le monde (surtout avec les personnes du sexe opposé), avec les pèlerins et les excursions. Une personne peut être chargée de l’accueil des visiteurs ou de la représentation du monastère à l’extérieur, à condition que ce moine soit constamment contrôlé par le supérieur.

8. L’organisation des différents évènements sociaux et de ceux de bienfaisance doivent être un complément à la vie monastique contemplative. Il ne convient pas d’imposer aux moines d’une manière involontaire des charges dans le monde civil ou des projets diocésains sociaux, missionnaires et autres. L’aspiration de certains évêques à imposer aux monastères un mode de vie qui ne correspond pas à leur règlement interne doit être limitée selon les règlements monastiques des saints pères et le droit canonique de l’Eglise qui précisément définit le pouvoir de l’évêque dans le monastère. Le monastère ne peut être utile à la société qu’avec une vie des moines concentrée et tendue qui se fonderait sur la doctrine évangélique et la tradition patristique.

9. Il faut fonder de nouveaux monastères avec prudence et à condition d’avoir fait le nécessaire pour pouvoir bien organiser la vie monastique. Dans le cas contraire, on peut toujours envoyer ceux qui désirent mener une vie monastique dans les monastères qui existent déjà.

10. La restriction du nombre des gens qui voudraient travailler dans le monastère, surtout ceux qui viennent d’être libérés après avoir purgé une peine et qui peuvent avoir des mauvais penchants. Il faut organiser un travail préparatoire au monastère avec de tels gens pour distinguer ceux qui pourraient être capables de devenir moines et ceux qui feraient tort aux frères et devrons donc quitter la communauté. Les pèlerins doivent être logés en dehors du monastère ou, dans le cas où ce n’est pas possible sans contact direct avec les frères.

11. Les monastères importants qui vivent comme une « grande paroisse » et qui ont des nombreuses activités missionnaires et culturelles doivent tenter de bien régler la vie monastique et souvent en rappeler les principes aux frères.

12. Dans les petits monastères, il faut organiser une vie plus solitaire, conforme à la tradition patristique, évitant la publicité et des pèlerinages et le recours à des salariés, surtout du sexe opposé.

13. Il convient de restreindre la possibilité des moines de sortir du monastère, sauf en cas de besoins de soins médicaux.

14. Les frères supérieurs (membres du Conseil ainsi que le confesseur) doivent soutenir l’higoumène et ses initiatives évitant ainsi les divergences et les divisions qui influencent mal la vie monastique. Dans le cas d’un désaccord, les frères lui en communiquent humblement les causes pour discuter ensuite le problème, si c’est nécessaire, au Concile supérieur du monastère et adopter ensemble une solution agréable à Dieu. L’higoumène ne doit pas être seul prendre des décisions importantes sans en parler d’abord aux frères supérieurs, ’higoumène étant ainsi l’exécuteur de la commune volonté des frères. La réunion de tous les moines du monastère (réunion générale) se rassemble pour un échange d’opinions et une consultation entre les frères, mais ne peut jamais prendre de décisions. C’est le rôle des frères supérieurs (Concile supérieur) avec l’higoumène qui est le chef de la communauté.

15. Il faut également élaborer un emploi du temps opportun à la vie monastique ce qui suppose la participation quotidienne à tous les offices de la journée de même que les prières personnelles (surtout la prière de Jésus avec chapelet et génuflexions). Les années précédentes, à cause de la construction et la restauration de plusieurs monastères, les moines travaillaient pendant 12-14 heures. Il est évident que, avec un tel régime, la participation aux offices quotidiens ainsi que la pratique de la prière personnelle ne sont pas possibles. Les frères perdent ainsi l’habitude de prier ainsi que l’intention d’être constamment attentif à soi. Actuellement, plusieurs monastères ne sont plus dans des conditions pareilles, l’omission des offices et des prières personnelles n’est donc plus admissible. Les moines qui se sont habitués aux travaux viennent à la liturgie à contrecœur et lui préfèrent le travail et les affaires habituelles quotidiennes. D’ailleurs, plusieurs moines qui veulent consacrer plus de leur temps à la prière ne peuvent souvent pas dépasser ces « coutumes » bien établies. Ainsi il faut constater que, dans les monastères, la liturgie doit prévaloir sur tout le reste, les travaux ou, comme on dit à Mont Athos, « les affaires d’obéissance » la suivent. Selon l’exemple de plusieurs monastères bien organisés, il faut limiter le travail à 5-6 heures par jour pour que les moines puissent consacrer leur temps aux offices, à la prière personnelle, à la lecture spirituelle, au repos et à l’isolement nécessaire. Par expérience, sans cela la vie monastique perd de son intensité spirituelle et se transforme en vie d’un ouvrier dans une entreprise et le monastère même, comme on l’observe parfois, en un « kolkhoze orthodoxe ». En aucun cas il ne faut oublier que le but essentiel de demeurer dans un monastère, même s’il est en restauration, n’est pas la construction des murs et des bâtiments, mais la pratique de l’ascèse, de la prière, de l’isolement, de l’attention à soi.

16. La pratique du changement de monastère par les moines trouve certainement son fondement dans le droit canonique de l’Eglise orthodoxe (voir règle 21 du 7e Concile œcuménique). Cependant, l’higoumène du monastère et ce moine doivent être en accord mutuel pour ces changements. Par expérience, les moines qui ont du, sans l’avoir désiré, changer leur monastère éprouvent des souffrances qui parfois peuvent même les faire quitter la vie monastique. L’accord du moine pour aller dans une autre communauté est nécessaire pour des raisons morales et humaines, mais également canoniques. La nomination à des charges hors du monastère doit être précédée par l’accord de l’évêque, ensuite celui de l’higoumène et des frères du monastère d’où le moine est issu, celui de l’higoumène et des frères du deuxième monastère où il entrera et enfin celui du moine nommé.

17. Actuellement la pratique de l’ordination épiscopale d’higoumènes de certains grands monastères se répand de plus en plus, ainsi que celle de la nomination des évêques en tant qu’higoumènes. Elle doit rester une exclusion parce qu’elle trouble un principe ecclésiologique : l’évêque est le chef de la communauté chrétienne d’une région et ne peut pas être en même temps à la tête d’une communauté monastique. Ce sont des fonctions différentes relevant de différents niveaux de la hiérarchie ecclésiale. Le faible nombre d’évêques qui discutent de ce projet en témoigne. Dans la plupart des cas, la dignité épiscopale sépare les frères de leur higoumène ce qui est au tort à la vie du monastère.

18. Il faut également prêter une grande attention dans le Règlement sur le fait qu’uniquement un prêtre marié peut être confesseur dans un monastère féminin, ceci est établi par le Concile des cent chapitres. Cependant, il s’agit dans le texte du Concile de l’interdiction du logement d’un moine dans un monastère féminin, mais pas de l’interdiction de la direction spirituelle des moniales. Il faut remarquer donc que, malgré ce qui est dit dans le projet du Règlement, le droit canonique ne contient pas d’interdictions concernant la direction spirituelle des moniales par un confesseur moine. En outre, l’histoire de l’Eglise ainsi que celle de la plupart des monastères féminins nous montre le contraire : il est même inutile de se rappeler des exemples du monastère de Diveiévo, celui de Chamardino et l’exemple plus récent du monastère de la Sainte Trinité sur l’île d’Egine, fondé au début du XXe siècle par saint Nectaire d’Egine.

Pour conclure, nous voulons constater une lacune du projet des « Règlement des monastères et des moines » - la tradition patristique n’y est pas assez présente. Il faut tenir compte du travail de recherche du moine Diodore (Larionov) « De certains problèmes du droit monastique : la discussion du projet « Règlements des monastères et des moines » », ainsi que de deux articles de l’archiprêtre Valentin Asmus : « Le rapport sur le projet « Règlements des monastères et des moines » et « Des relations entre l’évêque et le monastère, et quelle indépendance demandent les moines ? ». Ces textes qui relèvent les principaux défauts de ce projet et donnent de bons fondements pour les résoudre ont été publiés sur le site Bogoslov.ru. Il faut également tenir compte des auteurs anonymes qui discutent de ces thèmes en se fondant sur une riche expérience monastique et une connaissance profonde de la patristique.

Les monastères de l’Eglise orthodoxe russe ont besoin de documents bien élaborés et canoniquement justes qui pourront régler la vie monastique et servir de base pour l’élaboration de Règlements locaux. J’espère que cette discussion des Règlements des monastères et des moines se poursuivra dans un esprit d’amour.

BOGOSLOV.ru Вениамин (Тупеко), епископ Борисовский: Отзыв о проекте «Положения о монастырях и монашествующих»

Quelques aspects de la vie monastique en Russie et ailleurs...

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 25 Novembre 2014 à 20:00 | 0 commentaire | Permalien



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