"Le don au monde" : d'après le père Alexandre Schmemann, "La vénération de la Vierge Marie"
V.G.
D'après le père Alexandre Schmemann, "La vénération de la Vierge Marie"."Сauseries sur Radio Liberté"; édition de l'université orthodoxe St Tikhon, Moscou 2009, p.426-427

Ce n'est pas un hasard si de nos jours tout est devenu si "problématique" dans tous les domaines: "problème du bonheur", "problème de l'emploi", "problème sexuel", "problème des femmes"… Cela vient d'abord du fait que les réponses standardisées de la Pensée Unique ont cessé de fonctionner, et ensuite parce qu'il n'y a pas d'autres réponses et où aller les chercher… mystère. Alors s'installent en nous ce vide et ce cynisme que nous voulons étouffer, que nous cherchons à fuir.

Beaucoup commencent alors à comprendre qu'il ne peut y avoir de vraie réponse si l'homme ne se tourne pas vers une connaissance supérieure, s'il ne trouve pas la foi. Mais il y a différentes façon de croire en Dieu: la foi peut n'être qu'une façon de fuir, une espèce d'ivresse psychologique et donc une pseudo-foi. Hélas, même au nom de la foi et au nom de Dieu on peut haïr et faire le mal, détruire et non construire…


Le Christ Lui-même n'a-t-il pas dit "il en viendra beaucoup sous mon nom, …, et ils abuseront bien des gens" (Mt 24-5)? Et n'a-t-il pas ajouté "Ceux qui me disent "Seigneur, Seigneur!" n'entreront pas tous dans le royaume des cieux" (Mt 7-21)? C'est pour cela que, dès les premiers temps, le Christianisme ne se contentait pas de poser la question "Crois-tu?", car il savait que même ceux qui crucifiaient et trahissaient le Christ croyaient en quelque chose. Non, le Christianisme demandait: "Comment crois-tu et en quoi crois-tu?" Et là, quand nous essayons de répondre à cette question, devant notre regard intérieur apparait la figure de la Vierge Marie, la très sainte Mère.

Oh, cela ne signifie aucunement que son image va cacher de quelque façon que ce soit l'image du Christ, ou proposer un autre objet à notre foi qui se distinguerait de Lui. Non, car c'est du Christ et de lui seul que nous tenons cette figure comme une sorte de don, une explication de tout ce qu'enseigne, vers quoi appelle le Christ. Alors voilà, demandons-nous d'où provient sa force, d'où provient son secours aujourd'hui, là, maintenant.

Tout d'abord (et cette réponse va étonner certains) cela vient de ce qu'il s'agit d'une figure féminine. Et de fait; le premier don que nous fait le Christ, la première et la plus profonde explication de son enseignement et de son appel, nous est donné à travers l'icône de la Femme. Pourquoi est-ce si important, si consolant, si ontologique? Mais parce que notre monde est devenu totalement et désespérément "masculin". C'est l'orgueil, l'agressivité, l'antagonisme, la domination qui y règnent. Personne n'est prêt à céder quoi que ce soit, à accepter, à se taire, à se plonger dans les calmes profondeurs de la vie… Et voilà, en face de tout cela, le condamnant par sa seule présence, il y a cette figure de la Vierge Marie, la très sainte Mère, icône d'un absolu abandon, d'une absolue pureté, mais aussi de la beauté et de la force de cet abandon; de la beauté et de la force de cette pureté, icône de l'amour et de sa victoire.

La Vierge Marie, très sainte Mère, n'exige rien – mais reçoit tout, ne lutte pas – mais possède tout. Dans cette figure il y a tout ce dont il ne reste presque plus rien dans notre monde "masculin" orgueilleux et agressif: la compassion, la pitié, la charité, la confiance. Elle se qualifie elle-même: "Je suis la servante du Seigneur" (Lc 1-38), mais nous l'appelons Reine du ciel et de la terre, Souveraine et Notre Dame. La vierge Marie n'enseigne pas, ne prouve pas, mais Sa seule présence, la lumière, la joie de cette présence, enlèvent toutes nos problèmes inventés, extravagués. C'est comme si après une longue journée, terriblement pénible, nous rentrons à la maison et tout est à nouveau clair, tout est plein de ce bonheur qu'aucun mot ne peut définir et qui est, justement, le vrai bonheur.

Le Christ disait: "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu" (cf. Mt 6-33). Et bien c'est dans cette Vierge, Mère, dans son intercession que nous découvrons dans notre cœur, et non par notre intelligence, ce que signifie rechercher et trouver ce Royaume, ce que signifie vivre de ce Royaume.

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"PO" Père Alexandre Schmemann : par Georges Nivat, père Andrew Phillips, Marie Genko, Vladimir Golovanow, etc.

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"LA JOIE DU ROYAUME",
Actes du Colloque international Alexandre Schmemann (11-14 décembre 2008), Paris, YMCA-Press, 2012, 321 p.
Les Editeurs Réunis
Dans ce livre ont été réunies et le cas échéant traduites en français une trentaine de contributions présentées au colloque international qui s’est déroulé en décembre 2008 à l’Institut de Théologie Saint Serge à Paris à l’occasion du 25e anniversaire du décès du père Alexandre Schmemann (1921-1983). Les articles ont été répartis en cinq parties, qui abordent successivement les divers aspects de l’activité multiforme du théologien, liturgiste, homme d’église, pasteur et homme de lettres que fut le père Alexandre. L’ensemble permet de faire le point sur la réception de cette œuvre et l’influence qu’elle exerce aujourd’hui dans les différentes régions du monde orthodoxe (Europe Occidentale, États-Unis, Grèce, Russie, Roumanie…), et au-delà. Héritier du grand renouveau théologique et spirituel russe, élevé dans la culture occidentale, notamment française, le père Alexandre Schmemann a très tôt perçu la crise que traversait l’Église orthodoxe, qui au fil des siècles s’était laissé exclure de l’histoire. Il n’avait dès lors cessé, dans ses œuvres et par sa parole, d’appeler de ses vœux un renouveau, qui permettrait à l’Église orthodoxe de renouer avec son temps, mais aussi avec sa dimension eschatologique, afin de porter au monde non seulement l’héritage de son passé, aussi prestigieux fût-il, mais l’annonce, toujours actuelle et vivante du Royaume.



"Le don au monde" : d'après le père Alexandre Schmemann, "La vénération de la Vierge Marie"

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 8 Novembre 2012 à 10:24 | 9 commentaires | Permalien



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