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Texte par Emilie Van Taack pour le catalogue de L'EXPOSITION CONSACRÉE A L'OEUVRE DU PÈRE GREGOIRE KROUG
Le père Grégoire Kroug, un prophète de la beauté incréée. De la liberté et de sa signification dans la peinture des icônes
"Voici, je fais toutes choses nouvelles..."
Apocalypse, 21, 5
Le moine iconographe Grégoire fut dès sa vie sur cette terre unanimement reconnu comme une personnalité hors du commun. Et lorsqu'il devint moine, sa dimension spirituelle fut aux yeux de tous celle d'un grand mystique. Après les cinquante ans qui nous séparent de son rappel à Dieu, nous ne devrions jamais l'oublier. Et lorsque nous évoquons sa mémoire, nous devons garder à l'esprit que son art, et particulièrement la liberté qui est la sienne, s'enracinent dans des profondeurs spirituelles rarement atteintes.
Bien que ce soit un artiste exceptionnel, sa liberté n'est pas d'ordre artistique. C'est une liberté spirituelle qu'il a acquise à travers de grandes épreuves, par son renoncement à lui-même et aux choses de la terre, par une obéissance monastique sans faille, vivant dans une humble soumission à un père spirituel tout aussi exceptionnel, l'archimandrite Serge (Chévitch), de bienheureuse mémoire.
Le père Grégoire Kroug, un prophète de la beauté incréée. De la liberté et de sa signification dans la peinture des icônes
"Voici, je fais toutes choses nouvelles..."
Apocalypse, 21, 5
Le moine iconographe Grégoire fut dès sa vie sur cette terre unanimement reconnu comme une personnalité hors du commun. Et lorsqu'il devint moine, sa dimension spirituelle fut aux yeux de tous celle d'un grand mystique. Après les cinquante ans qui nous séparent de son rappel à Dieu, nous ne devrions jamais l'oublier. Et lorsque nous évoquons sa mémoire, nous devons garder à l'esprit que son art, et particulièrement la liberté qui est la sienne, s'enracinent dans des profondeurs spirituelles rarement atteintes.
Bien que ce soit un artiste exceptionnel, sa liberté n'est pas d'ordre artistique. C'est une liberté spirituelle qu'il a acquise à travers de grandes épreuves, par son renoncement à lui-même et aux choses de la terre, par une obéissance monastique sans faille, vivant dans une humble soumission à un père spirituel tout aussi exceptionnel, l'archimandrite Serge (Chévitch), de bienheureuse mémoire.
VIDEO: Carol Saba reçoit Emilie VAN TAAK
Le Seigneur a accordé le père Grégoire à notre génération comme une icône du peintre d'icône. Si ceux qui ne l'ont pas connu ne croient pas en lui, « croyons du moins à ces œuvres » qui témoignent que le Christ est en lui et qu'il est dans le Christ.
Qu'est-ce que l'icône sinon la représentation de la Ressemblance retrouvée de l'Image de Dieu, que le Seigneur nous a révélée lors de la Transfiguration, lorsqu'il manifesta dans Sa personne l'union de la divinité et de l'humanité?
Comment peindre cette Ressemblance si nous ne pouvons porter les yeux sur elle quand nous peignons, si nous n'en possédons pas le reflet dans notre âme? Comment composer par nos propres forces, concevoir dans notre imagination humaine déchue, cette Transfiguration de notre nature si nous n'en avons pas fait l'expérience? Comment l'homme déchu pourrait-il réaliser par ses seules ressources ce miracle entre tous les miracles? Est-ce sans raison que c'est le Seigneur Lui-même qui a imprimé la ressemblance de Son visage sur le Mandylion d'Edesse?
Car, en effet, le seul canon iconographique que les Pères aient jamais édicté est la 82ième règle du Concile Quinisexte qui nous prescrit seulement, en peignant l'icône du Sauveur, de manifester la gloire de Dieu dans la forme du serviteur, à travers l’humilité du Christ incarné. L’icône doit démontrer que « Jésus est le Christ, le Fils de Dieu », pleinement homme et pleinement Dieu. L’Humanité doit être représentée resplendissante d'une gloire "comme la gloire du Fils unique venu du Père » qui a brillé sur les Apôtres lors de la Transfiguration.
Les moyens qui sont mis à notre disposition par la Tradition sont des moyens spirituels, il n'y en a pas d'autres. Comme le dit le saint Apôtre Paul, « nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par Sa grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour des choses spirituelles. »
La vie de père Grégoire, qui a passé sa vie d'anachorète à peindre quasiment nuit et jour, nous enseigne que c'est en tant que peintre et dans son travail de peintre, que doit porter essentiellement le travail ascétique de l'iconographe sur lui-même.
« Nous tous qui sommes hommes, nous sommes à l'image de Dieu; mais d'être à Sa Ressemblance, cela n'appartient qu'à ceux qui par une abondance d'amour ont asservi leur liberté à Dieu. En effet, lorsque nous ne nous appartenons pas, nous ressemblons à Celui qui nous a réconciliés avec Lui par l'amour . »
C'est en renonçant librement à sa propre liberté, que le peintre parvient à la Ressemblance de l'image et qu'il accède à la liberté spirituelle. La vision de la Ressemblance est alors révélée à l'âme du peintre par l'Esprit Saint. Pour recevoir cette vision, le peintre doit purifier lui même et son art, et faire pour cela la rude ascension de la Montagne du Thabor aux côtés du Seigneur. Le peintre doit devenir ressemblant pour peindre la ressemblance.
« Quand l'homme a transgressé le commandement, le diable a recouvert l'âme toute entière d'un sombre voile. Quand donc vient la grâce, elle enlève complètement le voile. Alors l'âme purifiée et rentrée en possession de sa propre nature, créée irréprochable et pure, contemple sans cesse en toute pureté, avec des yeux purifiés, la gloire de la vraie lumière et le vrai soleil de justice, qui brille dans le cœur lui-même . »
C'est l'état décrit ici par saint Macaire qui permettait à père Grégoire de peindre les images envoyées par Dieu dans son âme sans interférence, et de mettre ainsi les fidèles directement en communion avec Dieu, la lumière passant de son cœur dans sa main, de sa main sur son icône et de son icône dans le cœur des hommes.
Cette lumière qui habitait père Grégoire est aussi beauté de Dieu. Il était déjà ressuscité sur cette terre, « le corps glorifié par la lumière ineffable qui habitait dès maintenant en lui, c'est-à-dire par la vertu du Saint Esprit qui était pour lui vêtement, nourriture, boisson, allégresse, joie et paix, ornement et vie éternelle. L'Esprit divin qu'il avait été jugé digne de recevoir dès maintenant devint pour lui beauté totale et éclatante et splendeur céleste . »
En effet, "de même que l'œil corporel, s'il est pur, voit nettement et sans cesse le soleil, ainsi l'intellect parfaitement purifié voit-il continuellement la gloire lumineuse du Christ, il est avec le Seigneur jour et nuit, de la même façon que le corps du Seigneur, uni à Sa divinité, est toujours avec le Saint Esprit. Cependant les hommes n'atteignent pas immédiatement à ces degrés, mais ils y parviennent par beaucoup de peines, de tribulations et de combats ." Père Grégoire en effet, comme le dit saint Macaire, dut affronter beaucoup de peines, de tribulations et de combats.
Lorsque l'homme se consacre totalement à la peinture, ces épreuves et ce combat ont lieu dans l'icône elle-même; c'est l'activité même de peindre qui doit être purifiée de toute passion pour que le miracle soit possible. Il faut que le peintre meure dans l'icône elle-même pour ressusciter en elle quand Dieu le voudra. Le renoncement à la liberté artistique est une mort à soi-même dans le processus entier de l'élaboration de l'icône, depuis le choix des modèles d'inspiration jusqu'au dernières finitions de l'œuvre.
Le développement de la liberté artistique chez les iconographes, au contraire, est une grave catastrophe pour l'Eglise.
ТЕКСТ каталога по русски: Отец Григорий Круг – пророк нетварной красоты О свободе и её значении для иконописи
Le Seigneur a accordé le père Grégoire à notre génération comme une icône du peintre d'icône. Si ceux qui ne l'ont pas connu ne croient pas en lui, « croyons du moins à ces œuvres » qui témoignent que le Christ est en lui et qu'il est dans le Christ.
Qu'est-ce que l'icône sinon la représentation de la Ressemblance retrouvée de l'Image de Dieu, que le Seigneur nous a révélée lors de la Transfiguration, lorsqu'il manifesta dans Sa personne l'union de la divinité et de l'humanité?
Comment peindre cette Ressemblance si nous ne pouvons porter les yeux sur elle quand nous peignons, si nous n'en possédons pas le reflet dans notre âme? Comment composer par nos propres forces, concevoir dans notre imagination humaine déchue, cette Transfiguration de notre nature si nous n'en avons pas fait l'expérience? Comment l'homme déchu pourrait-il réaliser par ses seules ressources ce miracle entre tous les miracles? Est-ce sans raison que c'est le Seigneur Lui-même qui a imprimé la ressemblance de Son visage sur le Mandylion d'Edesse?
Car, en effet, le seul canon iconographique que les Pères aient jamais édicté est la 82ième règle du Concile Quinisexte qui nous prescrit seulement, en peignant l'icône du Sauveur, de manifester la gloire de Dieu dans la forme du serviteur, à travers l’humilité du Christ incarné. L’icône doit démontrer que « Jésus est le Christ, le Fils de Dieu », pleinement homme et pleinement Dieu. L’Humanité doit être représentée resplendissante d'une gloire "comme la gloire du Fils unique venu du Père » qui a brillé sur les Apôtres lors de la Transfiguration.
Les moyens qui sont mis à notre disposition par la Tradition sont des moyens spirituels, il n'y en a pas d'autres. Comme le dit le saint Apôtre Paul, « nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par Sa grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour des choses spirituelles. »
La vie de père Grégoire, qui a passé sa vie d'anachorète à peindre quasiment nuit et jour, nous enseigne que c'est en tant que peintre et dans son travail de peintre, que doit porter essentiellement le travail ascétique de l'iconographe sur lui-même.
« Nous tous qui sommes hommes, nous sommes à l'image de Dieu; mais d'être à Sa Ressemblance, cela n'appartient qu'à ceux qui par une abondance d'amour ont asservi leur liberté à Dieu. En effet, lorsque nous ne nous appartenons pas, nous ressemblons à Celui qui nous a réconciliés avec Lui par l'amour . »
C'est en renonçant librement à sa propre liberté, que le peintre parvient à la Ressemblance de l'image et qu'il accède à la liberté spirituelle. La vision de la Ressemblance est alors révélée à l'âme du peintre par l'Esprit Saint. Pour recevoir cette vision, le peintre doit purifier lui même et son art, et faire pour cela la rude ascension de la Montagne du Thabor aux côtés du Seigneur. Le peintre doit devenir ressemblant pour peindre la ressemblance.
« Quand l'homme a transgressé le commandement, le diable a recouvert l'âme toute entière d'un sombre voile. Quand donc vient la grâce, elle enlève complètement le voile. Alors l'âme purifiée et rentrée en possession de sa propre nature, créée irréprochable et pure, contemple sans cesse en toute pureté, avec des yeux purifiés, la gloire de la vraie lumière et le vrai soleil de justice, qui brille dans le cœur lui-même . »
C'est l'état décrit ici par saint Macaire qui permettait à père Grégoire de peindre les images envoyées par Dieu dans son âme sans interférence, et de mettre ainsi les fidèles directement en communion avec Dieu, la lumière passant de son cœur dans sa main, de sa main sur son icône et de son icône dans le cœur des hommes.
Cette lumière qui habitait père Grégoire est aussi beauté de Dieu. Il était déjà ressuscité sur cette terre, « le corps glorifié par la lumière ineffable qui habitait dès maintenant en lui, c'est-à-dire par la vertu du Saint Esprit qui était pour lui vêtement, nourriture, boisson, allégresse, joie et paix, ornement et vie éternelle. L'Esprit divin qu'il avait été jugé digne de recevoir dès maintenant devint pour lui beauté totale et éclatante et splendeur céleste . »
En effet, "de même que l'œil corporel, s'il est pur, voit nettement et sans cesse le soleil, ainsi l'intellect parfaitement purifié voit-il continuellement la gloire lumineuse du Christ, il est avec le Seigneur jour et nuit, de la même façon que le corps du Seigneur, uni à Sa divinité, est toujours avec le Saint Esprit. Cependant les hommes n'atteignent pas immédiatement à ces degrés, mais ils y parviennent par beaucoup de peines, de tribulations et de combats ." Père Grégoire en effet, comme le dit saint Macaire, dut affronter beaucoup de peines, de tribulations et de combats.
Lorsque l'homme se consacre totalement à la peinture, ces épreuves et ce combat ont lieu dans l'icône elle-même; c'est l'activité même de peindre qui doit être purifiée de toute passion pour que le miracle soit possible. Il faut que le peintre meure dans l'icône elle-même pour ressusciter en elle quand Dieu le voudra. Le renoncement à la liberté artistique est une mort à soi-même dans le processus entier de l'élaboration de l'icône, depuis le choix des modèles d'inspiration jusqu'au dernières finitions de l'œuvre.
Le développement de la liberté artistique chez les iconographes, au contraire, est une grave catastrophe pour l'Eglise.
ТЕКСТ каталога по русски: Отец Григорий Круг – пророк нетварной красоты О свободе и её значении для иконописи
Le renoncement à la liberté artistique
C'est le culte de cette liberté qui a détruit complètement la nature prophétique de l'icône en la remplaçant par une œuvre humaine et relative, toujours datée et limitée. Le résultat de cette tendance est qu'il y a autant de variantes que de peintres, chacun ayant substitué à l'art de l'Eglise sa propre posture esthétique, sa propre pose maniériste.
Et, mutatis mutandis, on peut leur appliquer les critiques qu'Ouspensky adressait jadis aux tenants de l'art religieux. :
"Cette liberté consiste en une expression de la personnalité de l'artiste, de son moi. La piété personnelle, les [goûts] individuels, l'expérience de telle ou telle personne humaine passent avant la confession de la vérité objective de la révélation divine [dans l'image qui, par là, n'est plus qu'un prétexte à la création de l'artiste]. C'est, en réalité, le culte de l’arbitraire. Ajoutons que, dans une image [de ce type], cette liberté s'exerce aux dépens de celle des spectateurs [qui sont également sollicités selon leurs goûts personnels et appelés à donner leur adhésion esthétique au style de tel ou tel peintre. L'adhésion au plaisir esthétique devant l'image se substitue à la communion de prière et à l'oubli de soi qui l'accompagne. Les fidèles sont privés de ce que la liturgie devrait leur apporter]: l'artiste leur présente sa personnalité qui s'interpose entre eux et la réalité de l'Église, [l'artiste s'interpose entre eux et Dieu]. Ceci ne peut que provoquer [- peut-être après un enthousiasme esthétique passager - une indifférence, une fatigue, une lassitude, une distraction et un éloignement de Dieu et des Saints, avec lesquels le contact se révèle secondaire, au lieu d'un renouvellement]; et ce qui était destiné à stimuler la piété des croyants, confirme les incroyants dans leur impiété. Un artiste qui, consciemment ou inconsciemment, s'engage dans cette voie, est esclave [de ses goûts, du plaisir esthétique et donc de son ego, de sa réussite en tant qu'artiste, par suite forcément de sa gloire et finalement de l'argent qui l'accompagne]. L'image créée par lui perd inévitablement sa valeur liturgique [comme sa force spirituelle et pastorale].
« De plus, la conception individualiste de l'art détruit forcément son unité et prive les artistes du lien qui les unit les uns aux autres et à l'Église. La catholicité cède le pas au culte du personnel, de l'exclusif, de l'original.
« Tout autre [devrait être] le chemin suivi par la peinture liturgique orthodoxe. C'est la voie de la soumission ascétique, de la prière contemplative, [de la pauvreté]. La beauté d'une icône, quoique comprise par chacun de ceux qui la regardent à sa façon personnelle, dans la mesure de ses possibilités, est exprimée par l'artiste objectivement, selon le refus conscient de son moi, s'effaçant devant la vérité révélée. La liberté ici consiste en la « libération de toutes les passions, et de tous les désirs de ce monde et de la chair », suivant saint Syméon le Nouveau Théologien. C'est la liberté spirituelle, celle dont parle saint Paul : « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté . » La qualité liturgique et spirituelle de l'art est proportionnée au degré de liberté spirituelle de l'artiste. Cette voie est la seule qui mène la personnalité de l'artiste à la plénitude de son importance réelle . »
Cette liberté n'est accordée au peintre que par l'Esprit Saint. La grâce collabore à la réalisation d'images qui sont révélées au peintre d'en haut, qui apparaissent en lui sans qu'il fasse aucun effort pour cela . Il est simplement disposé à les recevoir par son amour pour Dieu et son humilité. Sur le plan psychologique, l'exercice de sa volonté consiste à ne pas faire obstacle - par des choix personnels, des goûts, un perfectionnisme tout humain - au don de Dieu.
La liberté spirituelle consiste à ne faire plus qu'un avec la grâce de Dieu. Comme le dit saint Silouane: « Voici la vraie liberté, c'est d'être en Dieu ». (...) La douceur du Saint Esprit régénère l'homme tout entier et lui donne d'aimer Dieu parfaitement. . » Tant que cette grâce n'est pas encore accordée, le Seigneur, dans Sa sagesse, envoie toujours ses dons d'une manière mortifiante pour le peintre.
Le but de l'icône, sa fonction liturgique et spirituelle, en mettant Dieu en relation avec les hommes, est de conformer l'être de l'homme à la Ressemblance avec le Christ, guider l'image de Dieu sur cette voie. Le peintre ne peut le faire que si Dieu le fait en lui et avec lui. « Le Fils ne peut rien faire de Lui-même qu'Il ne le voit faire au Père; ce que fait Celui-ci, le Fils le fait pareillement car le Père aime le Fils et Lui montre tout ce qu'Il fait . Mais le Fils Unique devint le Fils de l'Homme ; Il devint en toutes choses semblable à nous. C'est pourquoi tout ce qu'Il dit à propos du Fils de l'Homme, sur Lui-Même, peut s'appliquer à chacun d'entre nous. Et donc, puisque le Père nous aime, Il nous montrera toutes les choses qu'Il fait et comment Il les fait. Cela veut dire qu'en dernière analyse, chacun de nous est appelé à la collaboration à l'acte créateur éternel du Père. »
Il n'y a que par un repentir profond que le peintre peut s'approcher de la Ressemblance.
« La prière de repentir accompagnée de pleurs profonds, nous arrache au péché sous toutes ses formes. En purifiant l'intellect et le cœur, elle les rend capables de percevoir les opérations de l'Esprit Divin, même jusqu'à voir la lumière incréée. C'est précisément dans cet état que l'homme qui prie devient théologien, car il contemple les réalités du monde d'en haut comme des évidences. C'est cela vivre la théologie . »
Avec le père Grégoire qui a ainsi accédé à la théologie comme état, l'icône devient alors pleinement théologie et nous révèle les mystères de Dieu. Comme le Bon Larron sur la Croix, le peintre parvient par sa confession à la connaissance de la Parole de Dieu . Et « lorsque la mort est morte, le disciple de la théologie est illuminé ».
Dans cette optique ascétique et mystique que nous indique père Grégoire, l’approche ou l’éloignement de l'humilité constitue la boussole du peintre. Comme le dit Saint Silouane de l'Athos: « Je désire la vraie liberté et je la cherche jour et nuit. J'ai compris qu'elle est auprès de Dieu et que Dieu la donne à ceux qui ont le cœur humble, qui se sont repentis et qui ont retranché leur volonté propre devant Lui. (...) Quand le Saint Esprit nous pardonne nos péchés, l'âme reçoit la liberté de prier avec un esprit pur; alors elle contemple librement Dieu et demeure paisible et joyeuse en Lui. C'est cela la vraie liberté .» C'est ainsi seulement que l'iconographe peut reproduire sur sa planche l'image que reflète le miroir de son âme. C'est pourquoi, de telles icônes nous montrent la beauté de Dieu, elles nous montrent le projet de Dieu sur l'homme devenu ressemblant au Christ qui communique à Sa créature Sa propre Beauté, la Beauté incréée.
Tel Moïse, « rayonnant de gloire, (...) l'ardent amant de la beauté, recevant ce qui lui apparait continuellement comme une image de ce qu'il désire, aspire à se remplir de l'empreinte même de l'Archétype; et la demande audacieuse de l'âme qui monte la Montagne du désir, c'est de ne pas jouir de la beauté par des miroirs et des reflets, mais face à face ». L'icône met ainsi, paradoxalement, le fidèle en communion Face à face avec son créateur. Le peintre qui s'est totalement effacé dans son travail, unit le fidèle à Dieu sans intermédiaire.
L'objet et l'action d'une telle icône est celle de la Sainte Ecriture: prêcher la Bonne Nouvelle à toute la création! Aux hommes, elle annonce la Bonne Nouvelle du salut.
A la recherche d'une icône catholique
L'icône est une œuvre divino-humaine et ne supporte rien d'étranger à la grâce. Ce n'est que la lute contre le péché et la mort, dans l'image elle-même, et contre l'égoïsme sous toutes ses formes, pour obtenir la collaboration de la grâce de Dieu, qui permet d'accéder à la liberté spirituelle - à travers laquelle s'affirme et se révèle A SON INSU la personnalité du véritable iconographe, et qu'il parvient sans le vouloir à la catholicité de l'image:
"Par l'ascèse, suprême Ressemblance, écrit père Grégoire, l'image de Dieu s'inscrit dans le tréfonds de l'homme et cet effort constructif, ininterrompu et inaliénable est la condition fondamentale de la vie de l'homme, une sorte d'empreinte de l'image du Christ sur les fondements de l'âme ."
C'est alors seulement qu'une icône du Christ est vraiment ressemblante au Seigneur et qu'en retour apparait réellement, comme le dit Ouspensky, « avec la plénitude de son importance réelle», la personne de l'iconographe: « Aussi vrai que Je vis, dit le Seigneur, Je glorifierai ceux qui Me glorifient» et cela, d'une manière qui le rend représentatif de toute l'Eglise, non individuellement mais hypostatiquement.
Par le travail accompli dans l'image, par le ministère prophétique qu'il assume dans l'Eglise, corps du Christ, le peintre accède à l'unité spirituelle avec tous les hommes dans la communion du Saint Esprit. A l'insu du peintre, les caractéristiques individuelles de son travail prennent alors une dimension universelle où tous se reconnaissent, comme si elle était leur bien propre, comme si elle représentait la forme à laquelle le désir de tous aspire à parvenir. Elle apparait à chacun comme son expression naturelle, tous peuvent se l'approprier sans aliénation. Elle est suffisamment souple, sobre et perméable à la grâce pour que le Seigneur s'y manifeste immédiatement, tant sur le plan de la forme que du contenu. Pour que s'y manifeste la liberté de l'Esprit.
C'est pour cela que l'œuvre d'un tel peintre devient catholique. Par l'action de Dieu, l'image créée par lui devient comme l'expression hypostatique de tous, l'icône où tous reconnaissent leur Christ et se reconnaissent dans le Christ.
Et c'est à ce prix qu'une icône peut-être à la fois pleinement traditionnelle et pleinement contemporaine.
Autrement, il s'agit seulement d'un style "à la mode"...
Pour ceux qui ont l'œil un peu exercé, Dieu sait combien les icônes de père Grégoire et celles d'Ouspensky sont différentes. Elles se distinguent au premier coup d'œil et pourtant, l'unité d'inspiration est évidente. Ni l'un ni l'autre ne voulaient entendre parler de style. Ils ne pouvaient pas peindre autrement; tout simplement, ils n'avaient pas le choix. La question ne se posait pas pour eux, ils peignaient avec leur être même, c'était pour eux une question de vie ou de mort spirituelle. Comment, dans ces conditions, adopter telle ou telle posture esthétique? Ils cherchaient seulement une icône qui les sauve; l'important était le but, l'union à Dieu. Ils n'ont pas cherché à se copier l'un l'autre mais chacun, dans sa quête, explorait les sentiers ouverts par l'autre.
Et pourtant, leur peinture, encore trop peu connue, souvent placée sous le boisseau, marque notre époque. En dehors de Kroug et d'Ouspensky, en effet, personne encore n'a réussi à créer de "style" iconographique contemporain, autrement dit une forme iconographique contemporaine qui devienne catholique, c'est-à-dire dont l'évidence s'impose naturellement à toute une génération, sinon plusieurs.
Conclusion
Chez père Grégoire, par suite de la période de souffrances et de ténèbres qu'il a traversée et qui l'a totalement vidé de lui-même et de son ego, le renoncement à la liberté artistique n'a pas été premier, mais plutôt la nécessité de se retrouver lui-même et de laisser l'inspiration d'en haut le posséder tout entier. Pour lui qui était d'un tempérament artistique profondément réaliste, par l'entrée progressive dans la contemplation de la création transfigurée, dans la vision des hommes et des choses couverts de la lumière divine, la liberté spirituelle s'est accomplie dans une liberté artistique d'un autre ordre, transfigurée elle aussi par la riche bénédiction de Dieu. La liberté artistique « lui a été rendue dès ce siècle-ci avec des persécutions », et son art présente un réalisme d'un autre ordre, spirituel, selon lequel il peignait « d'après la nature» transfigurée de la nouvelle création, telle qu'elle vit dans l'éternité de Dieu.
« Affranchi qu'il était de la servitude de la corruption », rempli de « la liberté de la gloire des enfants de Dieu, » sa liberté spirituelle est le garant de la Vérité et de la Sainteté des images qu'il nous a transmises. Car « le Seigneur, c'est l'Esprit; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. »
Pour les peintres d'icône qui veulent cheminer sur les traces de père Grégoire, le but est donc d'acquérir l'Esprit du Seigneur sans Qui la liberté n'est qu'une illusion. Aussi, comme nous le dit saint Macaire, « mettons notre foi dans le Dieu tout puissant, approchons nous avec un cœur simple et sans complication de Celui qui accorde la participation à l'Esprit au moyen de la foi et non en proportion des œuvres de la nature. (...) Et ainsi nous éprouverons la certitude intime de l'Esprit .»
Renonçons donc à mettre notre confiance dans « les œuvres de la nature» c'est-à-dire dans la virtuosité technique, dans notre expérience de peintre, dans nos choix esthétiques, dans notre érudition historique, dans notre talent, dans le raffinement de nos goûts, mais levant les yeux vers le Seigneur Christ, demandons Lui avec simplicité son Esprit Saint et qu'Il inspire et emplisse notre cœur et notre peinture de Sa grâce, pour le salut de ceux qui prient.
C'est le culte de cette liberté qui a détruit complètement la nature prophétique de l'icône en la remplaçant par une œuvre humaine et relative, toujours datée et limitée. Le résultat de cette tendance est qu'il y a autant de variantes que de peintres, chacun ayant substitué à l'art de l'Eglise sa propre posture esthétique, sa propre pose maniériste.
Et, mutatis mutandis, on peut leur appliquer les critiques qu'Ouspensky adressait jadis aux tenants de l'art religieux. :
"Cette liberté consiste en une expression de la personnalité de l'artiste, de son moi. La piété personnelle, les [goûts] individuels, l'expérience de telle ou telle personne humaine passent avant la confession de la vérité objective de la révélation divine [dans l'image qui, par là, n'est plus qu'un prétexte à la création de l'artiste]. C'est, en réalité, le culte de l’arbitraire. Ajoutons que, dans une image [de ce type], cette liberté s'exerce aux dépens de celle des spectateurs [qui sont également sollicités selon leurs goûts personnels et appelés à donner leur adhésion esthétique au style de tel ou tel peintre. L'adhésion au plaisir esthétique devant l'image se substitue à la communion de prière et à l'oubli de soi qui l'accompagne. Les fidèles sont privés de ce que la liturgie devrait leur apporter]: l'artiste leur présente sa personnalité qui s'interpose entre eux et la réalité de l'Église, [l'artiste s'interpose entre eux et Dieu]. Ceci ne peut que provoquer [- peut-être après un enthousiasme esthétique passager - une indifférence, une fatigue, une lassitude, une distraction et un éloignement de Dieu et des Saints, avec lesquels le contact se révèle secondaire, au lieu d'un renouvellement]; et ce qui était destiné à stimuler la piété des croyants, confirme les incroyants dans leur impiété. Un artiste qui, consciemment ou inconsciemment, s'engage dans cette voie, est esclave [de ses goûts, du plaisir esthétique et donc de son ego, de sa réussite en tant qu'artiste, par suite forcément de sa gloire et finalement de l'argent qui l'accompagne]. L'image créée par lui perd inévitablement sa valeur liturgique [comme sa force spirituelle et pastorale].
« De plus, la conception individualiste de l'art détruit forcément son unité et prive les artistes du lien qui les unit les uns aux autres et à l'Église. La catholicité cède le pas au culte du personnel, de l'exclusif, de l'original.
« Tout autre [devrait être] le chemin suivi par la peinture liturgique orthodoxe. C'est la voie de la soumission ascétique, de la prière contemplative, [de la pauvreté]. La beauté d'une icône, quoique comprise par chacun de ceux qui la regardent à sa façon personnelle, dans la mesure de ses possibilités, est exprimée par l'artiste objectivement, selon le refus conscient de son moi, s'effaçant devant la vérité révélée. La liberté ici consiste en la « libération de toutes les passions, et de tous les désirs de ce monde et de la chair », suivant saint Syméon le Nouveau Théologien. C'est la liberté spirituelle, celle dont parle saint Paul : « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté . » La qualité liturgique et spirituelle de l'art est proportionnée au degré de liberté spirituelle de l'artiste. Cette voie est la seule qui mène la personnalité de l'artiste à la plénitude de son importance réelle . »
Cette liberté n'est accordée au peintre que par l'Esprit Saint. La grâce collabore à la réalisation d'images qui sont révélées au peintre d'en haut, qui apparaissent en lui sans qu'il fasse aucun effort pour cela . Il est simplement disposé à les recevoir par son amour pour Dieu et son humilité. Sur le plan psychologique, l'exercice de sa volonté consiste à ne pas faire obstacle - par des choix personnels, des goûts, un perfectionnisme tout humain - au don de Dieu.
La liberté spirituelle consiste à ne faire plus qu'un avec la grâce de Dieu. Comme le dit saint Silouane: « Voici la vraie liberté, c'est d'être en Dieu ». (...) La douceur du Saint Esprit régénère l'homme tout entier et lui donne d'aimer Dieu parfaitement. . » Tant que cette grâce n'est pas encore accordée, le Seigneur, dans Sa sagesse, envoie toujours ses dons d'une manière mortifiante pour le peintre.
Le but de l'icône, sa fonction liturgique et spirituelle, en mettant Dieu en relation avec les hommes, est de conformer l'être de l'homme à la Ressemblance avec le Christ, guider l'image de Dieu sur cette voie. Le peintre ne peut le faire que si Dieu le fait en lui et avec lui. « Le Fils ne peut rien faire de Lui-même qu'Il ne le voit faire au Père; ce que fait Celui-ci, le Fils le fait pareillement car le Père aime le Fils et Lui montre tout ce qu'Il fait . Mais le Fils Unique devint le Fils de l'Homme ; Il devint en toutes choses semblable à nous. C'est pourquoi tout ce qu'Il dit à propos du Fils de l'Homme, sur Lui-Même, peut s'appliquer à chacun d'entre nous. Et donc, puisque le Père nous aime, Il nous montrera toutes les choses qu'Il fait et comment Il les fait. Cela veut dire qu'en dernière analyse, chacun de nous est appelé à la collaboration à l'acte créateur éternel du Père. »
Il n'y a que par un repentir profond que le peintre peut s'approcher de la Ressemblance.
« La prière de repentir accompagnée de pleurs profonds, nous arrache au péché sous toutes ses formes. En purifiant l'intellect et le cœur, elle les rend capables de percevoir les opérations de l'Esprit Divin, même jusqu'à voir la lumière incréée. C'est précisément dans cet état que l'homme qui prie devient théologien, car il contemple les réalités du monde d'en haut comme des évidences. C'est cela vivre la théologie . »
Avec le père Grégoire qui a ainsi accédé à la théologie comme état, l'icône devient alors pleinement théologie et nous révèle les mystères de Dieu. Comme le Bon Larron sur la Croix, le peintre parvient par sa confession à la connaissance de la Parole de Dieu . Et « lorsque la mort est morte, le disciple de la théologie est illuminé ».
Dans cette optique ascétique et mystique que nous indique père Grégoire, l’approche ou l’éloignement de l'humilité constitue la boussole du peintre. Comme le dit Saint Silouane de l'Athos: « Je désire la vraie liberté et je la cherche jour et nuit. J'ai compris qu'elle est auprès de Dieu et que Dieu la donne à ceux qui ont le cœur humble, qui se sont repentis et qui ont retranché leur volonté propre devant Lui. (...) Quand le Saint Esprit nous pardonne nos péchés, l'âme reçoit la liberté de prier avec un esprit pur; alors elle contemple librement Dieu et demeure paisible et joyeuse en Lui. C'est cela la vraie liberté .» C'est ainsi seulement que l'iconographe peut reproduire sur sa planche l'image que reflète le miroir de son âme. C'est pourquoi, de telles icônes nous montrent la beauté de Dieu, elles nous montrent le projet de Dieu sur l'homme devenu ressemblant au Christ qui communique à Sa créature Sa propre Beauté, la Beauté incréée.
Tel Moïse, « rayonnant de gloire, (...) l'ardent amant de la beauté, recevant ce qui lui apparait continuellement comme une image de ce qu'il désire, aspire à se remplir de l'empreinte même de l'Archétype; et la demande audacieuse de l'âme qui monte la Montagne du désir, c'est de ne pas jouir de la beauté par des miroirs et des reflets, mais face à face ». L'icône met ainsi, paradoxalement, le fidèle en communion Face à face avec son créateur. Le peintre qui s'est totalement effacé dans son travail, unit le fidèle à Dieu sans intermédiaire.
L'objet et l'action d'une telle icône est celle de la Sainte Ecriture: prêcher la Bonne Nouvelle à toute la création! Aux hommes, elle annonce la Bonne Nouvelle du salut.
A la recherche d'une icône catholique
L'icône est une œuvre divino-humaine et ne supporte rien d'étranger à la grâce. Ce n'est que la lute contre le péché et la mort, dans l'image elle-même, et contre l'égoïsme sous toutes ses formes, pour obtenir la collaboration de la grâce de Dieu, qui permet d'accéder à la liberté spirituelle - à travers laquelle s'affirme et se révèle A SON INSU la personnalité du véritable iconographe, et qu'il parvient sans le vouloir à la catholicité de l'image:
"Par l'ascèse, suprême Ressemblance, écrit père Grégoire, l'image de Dieu s'inscrit dans le tréfonds de l'homme et cet effort constructif, ininterrompu et inaliénable est la condition fondamentale de la vie de l'homme, une sorte d'empreinte de l'image du Christ sur les fondements de l'âme ."
C'est alors seulement qu'une icône du Christ est vraiment ressemblante au Seigneur et qu'en retour apparait réellement, comme le dit Ouspensky, « avec la plénitude de son importance réelle», la personne de l'iconographe: « Aussi vrai que Je vis, dit le Seigneur, Je glorifierai ceux qui Me glorifient» et cela, d'une manière qui le rend représentatif de toute l'Eglise, non individuellement mais hypostatiquement.
Par le travail accompli dans l'image, par le ministère prophétique qu'il assume dans l'Eglise, corps du Christ, le peintre accède à l'unité spirituelle avec tous les hommes dans la communion du Saint Esprit. A l'insu du peintre, les caractéristiques individuelles de son travail prennent alors une dimension universelle où tous se reconnaissent, comme si elle était leur bien propre, comme si elle représentait la forme à laquelle le désir de tous aspire à parvenir. Elle apparait à chacun comme son expression naturelle, tous peuvent se l'approprier sans aliénation. Elle est suffisamment souple, sobre et perméable à la grâce pour que le Seigneur s'y manifeste immédiatement, tant sur le plan de la forme que du contenu. Pour que s'y manifeste la liberté de l'Esprit.
C'est pour cela que l'œuvre d'un tel peintre devient catholique. Par l'action de Dieu, l'image créée par lui devient comme l'expression hypostatique de tous, l'icône où tous reconnaissent leur Christ et se reconnaissent dans le Christ.
Et c'est à ce prix qu'une icône peut-être à la fois pleinement traditionnelle et pleinement contemporaine.
Autrement, il s'agit seulement d'un style "à la mode"...
Pour ceux qui ont l'œil un peu exercé, Dieu sait combien les icônes de père Grégoire et celles d'Ouspensky sont différentes. Elles se distinguent au premier coup d'œil et pourtant, l'unité d'inspiration est évidente. Ni l'un ni l'autre ne voulaient entendre parler de style. Ils ne pouvaient pas peindre autrement; tout simplement, ils n'avaient pas le choix. La question ne se posait pas pour eux, ils peignaient avec leur être même, c'était pour eux une question de vie ou de mort spirituelle. Comment, dans ces conditions, adopter telle ou telle posture esthétique? Ils cherchaient seulement une icône qui les sauve; l'important était le but, l'union à Dieu. Ils n'ont pas cherché à se copier l'un l'autre mais chacun, dans sa quête, explorait les sentiers ouverts par l'autre.
Et pourtant, leur peinture, encore trop peu connue, souvent placée sous le boisseau, marque notre époque. En dehors de Kroug et d'Ouspensky, en effet, personne encore n'a réussi à créer de "style" iconographique contemporain, autrement dit une forme iconographique contemporaine qui devienne catholique, c'est-à-dire dont l'évidence s'impose naturellement à toute une génération, sinon plusieurs.
Conclusion
Chez père Grégoire, par suite de la période de souffrances et de ténèbres qu'il a traversée et qui l'a totalement vidé de lui-même et de son ego, le renoncement à la liberté artistique n'a pas été premier, mais plutôt la nécessité de se retrouver lui-même et de laisser l'inspiration d'en haut le posséder tout entier. Pour lui qui était d'un tempérament artistique profondément réaliste, par l'entrée progressive dans la contemplation de la création transfigurée, dans la vision des hommes et des choses couverts de la lumière divine, la liberté spirituelle s'est accomplie dans une liberté artistique d'un autre ordre, transfigurée elle aussi par la riche bénédiction de Dieu. La liberté artistique « lui a été rendue dès ce siècle-ci avec des persécutions », et son art présente un réalisme d'un autre ordre, spirituel, selon lequel il peignait « d'après la nature» transfigurée de la nouvelle création, telle qu'elle vit dans l'éternité de Dieu.
« Affranchi qu'il était de la servitude de la corruption », rempli de « la liberté de la gloire des enfants de Dieu, » sa liberté spirituelle est le garant de la Vérité et de la Sainteté des images qu'il nous a transmises. Car « le Seigneur, c'est l'Esprit; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. »
Pour les peintres d'icône qui veulent cheminer sur les traces de père Grégoire, le but est donc d'acquérir l'Esprit du Seigneur sans Qui la liberté n'est qu'une illusion. Aussi, comme nous le dit saint Macaire, « mettons notre foi dans le Dieu tout puissant, approchons nous avec un cœur simple et sans complication de Celui qui accorde la participation à l'Esprit au moyen de la foi et non en proportion des œuvres de la nature. (...) Et ainsi nous éprouverons la certitude intime de l'Esprit .»
Renonçons donc à mettre notre confiance dans « les œuvres de la nature» c'est-à-dire dans la virtuosité technique, dans notre expérience de peintre, dans nos choix esthétiques, dans notre érudition historique, dans notre talent, dans le raffinement de nos goûts, mais levant les yeux vers le Seigneur Christ, demandons Lui avec simplicité son Esprit Saint et qu'Il inspire et emplisse notre cœur et notre peinture de Sa grâce, pour le salut de ceux qui prient.
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Mai 2019 à 19:57
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