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Le cahier juillet-août de l'excellente revue "La Nef" vient d'être mis en ligne. Au sommaire , un dossier consacré à l'orthodoxie russe. Avec l'aimable autorisation de la rédaction de "La Nef" nous vous proposons l'article de Didier Rance
La volonté d’éradiquer toute croyance religieuse fut au cœur du projet bolchevique dès qu’il prit le pouvoir suite à un putsch en 1917. Parler d’une tentative de « déicide » n’est en rien exagéré : en 1932, Staline fit lancer comme slogan du plan quinquennal de « solution finale » de la question religieuse son « Plus de Dieu en 1937 » – l’idée même que Dieu aurait pu exister devant à cette date avoir disparu de la conscience de l’homo sovieticus. Dans les premières décennies du régime, cette éradication de Dieu dans le cœur et la conscience passa largement par celle, physique, des croyants.
Lénine écrivait ainsi le 19 mars 1922 : « Plus nous réussirons à fusiller de représentants de la bourgeoisie réactionnaire et du clergé réactionnaire, et mieux ce sera » ; et il demandait d’être implacable en ce domaine.
La volonté d’éradiquer toute croyance religieuse fut au cœur du projet bolchevique dès qu’il prit le pouvoir suite à un putsch en 1917. Parler d’une tentative de « déicide » n’est en rien exagéré : en 1932, Staline fit lancer comme slogan du plan quinquennal de « solution finale » de la question religieuse son « Plus de Dieu en 1937 » – l’idée même que Dieu aurait pu exister devant à cette date avoir disparu de la conscience de l’homo sovieticus. Dans les premières décennies du régime, cette éradication de Dieu dans le cœur et la conscience passa largement par celle, physique, des croyants.
Lénine écrivait ainsi le 19 mars 1922 : « Plus nous réussirons à fusiller de représentants de la bourgeoisie réactionnaire et du clergé réactionnaire, et mieux ce sera » ; et il demandait d’être implacable en ce domaine.
Cette persécution meurtrière s’accompagna d’ailleurs souvent de blasphèmes de profanations et de sacrilèges d’une violence inouïe. Pour n’en citer qu’un exemple, un prêtre de campagne orthodoxe fut obligé par ses bourreaux de célébrer la Divine Liturgie et fusillé sur l’autel juste après la consécration. Le même objectif déicide fut poursuivi jusque dans les dernières années du régime, quoique de façon moins sanglante.
Toutes les confessions chrétiennes ont payé d’innombrables martyrs le prix de ce projet insensé, mais l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou (comprenant une majorité de Russes, mais aussi, au total, des dizaines de millions d’Ukrainiens, Biélorusses, Baltes et autres) paya le prix le plus élevé en nombre de martyrs, car elle comptait de loin le plus grand nombre de fidèles.
L’éradication fut quasi complète à la veille de la Seconde Guerre mondiale : 99 % de ses paroisses et de ses centres qui existaient en 1917 avaient alors disparu. Le nombre exact de ses martyrs n’est pas connu (le sera-t-il jamais ?), mais il ne fait aucun doute qu’il s’élève à au moins plusieurs centaines de milliers de prêtres, moines, moniales et laïcs engagés avec leur Église, fusillés, exécutés sommairement, ou morts dans les camps du Goulag (1).
Tous les martyrs dont le nom et le témoignage sont connus seraient ici à citer, et leur mémoire honorée. Parmi ceux qui ont déjà été canonisés : le métropolite Vladimir de Kiev († 1918), proto-martyr russe du XXe siècle et celui de Petrograd, Benjamin († 1922), la Grande-Duchesse Élizabeth de Russie devenue moniale et se dévouant aux plus pauvres après l’assassinat de son mari, massacrée avec toute la famille impériale en juillet 1918 (2). S’y ajoutent, entre autres, les martyrs des exécutions de masse à Butovo près de Moscou et à Sandormorch au nord de Leningrad, tout comme les martyrs des îles Solovki.
Nombre de ces martyrs ont donné un témoignage qui ne le cède en rien à ceux des premiers chrétiens quant à l’intrépidité de la foi et au pardon des bourreaux (3). Le dernier martyr orthodoxe russe fut le P. Alexandre Men, massacré à coups de hache en septembre 1990. En bien des lieux, ces martyrs ont péri avec leurs frères orthodoxes d’autres Églises et avec des gréco-catholiques ukrainiens et russes, des catholiques latins baltes et des protestants.
Toutes les confessions chrétiennes ont payé d’innombrables martyrs le prix de ce projet insensé, mais l’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou (comprenant une majorité de Russes, mais aussi, au total, des dizaines de millions d’Ukrainiens, Biélorusses, Baltes et autres) paya le prix le plus élevé en nombre de martyrs, car elle comptait de loin le plus grand nombre de fidèles.
L’éradication fut quasi complète à la veille de la Seconde Guerre mondiale : 99 % de ses paroisses et de ses centres qui existaient en 1917 avaient alors disparu. Le nombre exact de ses martyrs n’est pas connu (le sera-t-il jamais ?), mais il ne fait aucun doute qu’il s’élève à au moins plusieurs centaines de milliers de prêtres, moines, moniales et laïcs engagés avec leur Église, fusillés, exécutés sommairement, ou morts dans les camps du Goulag (1).
Tous les martyrs dont le nom et le témoignage sont connus seraient ici à citer, et leur mémoire honorée. Parmi ceux qui ont déjà été canonisés : le métropolite Vladimir de Kiev († 1918), proto-martyr russe du XXe siècle et celui de Petrograd, Benjamin († 1922), la Grande-Duchesse Élizabeth de Russie devenue moniale et se dévouant aux plus pauvres après l’assassinat de son mari, massacrée avec toute la famille impériale en juillet 1918 (2). S’y ajoutent, entre autres, les martyrs des exécutions de masse à Butovo près de Moscou et à Sandormorch au nord de Leningrad, tout comme les martyrs des îles Solovki.
Nombre de ces martyrs ont donné un témoignage qui ne le cède en rien à ceux des premiers chrétiens quant à l’intrépidité de la foi et au pardon des bourreaux (3). Le dernier martyr orthodoxe russe fut le P. Alexandre Men, massacré à coups de hache en septembre 1990. En bien des lieux, ces martyrs ont péri avec leurs frères orthodoxes d’autres Églises et avec des gréco-catholiques ukrainiens et russes, des catholiques latins baltes et des protestants.
La mémoire de tous ces martyrs est aujourd’hui évoquée par l’Église orthodoxe russe dans sa Liturgie, ses offices, ses prières, voire la dédicace de ses églises - c’est ainsi que l’église russe de Vanves s’appelle Église de la Sainte Trinité et des Nouveaux Saints Martyrs russes Et comme l’œcuménisme du martyre et du Goulag fut une des réalités fondamentales de la vie chrétienne à l’époque soviétique, il devrait unir aujourd’hui les Églises des pays issus de la défunte URSS dans la vénération commune des disciples du Christ jusqu’au don de leur vie.
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(1) Des chiffres divergents ont été donnés. Selon l’Institut saint Tikhon, il y aurait eu entre 500 000 et un million de martyrs orthodoxes russes ; selon Aleksander Jakovlev, président de la Commission pour la réhabilitation des victimes des répressions politiques, on aurait compté au moins 200 000 prêtres, moines et moniales martyrs, dont 85 000 prêtres fusillés pour la seule année 1937. Les chiffres plus récents sont moins élevés.
(2) Vingt et un membres de la famille impériale et de leur suite, massacrés pour la plupart en juillet 1918, ont été canonisés par l’Église Hors Frontières en 1981. Dix-neuf d’entre eux le seront par le patriarcat de Moscou dix-neuf ans plus tard (les deux autres étant un catholique et une luthérienne).
(3) Cf. Martyrs chrétiens d’URSS, éditions de l’AED, 2002.
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(1) Des chiffres divergents ont été donnés. Selon l’Institut saint Tikhon, il y aurait eu entre 500 000 et un million de martyrs orthodoxes russes ; selon Aleksander Jakovlev, président de la Commission pour la réhabilitation des victimes des répressions politiques, on aurait compté au moins 200 000 prêtres, moines et moniales martyrs, dont 85 000 prêtres fusillés pour la seule année 1937. Les chiffres plus récents sont moins élevés.
(2) Vingt et un membres de la famille impériale et de leur suite, massacrés pour la plupart en juillet 1918, ont été canonisés par l’Église Hors Frontières en 1981. Dix-neuf d’entre eux le seront par le patriarcat de Moscou dix-neuf ans plus tard (les deux autres étant un catholique et une luthérienne).
(3) Cf. Martyrs chrétiens d’URSS, éditions de l’AED, 2002.
Didier Rance Ancien directeur national de l'AED, l'Aide à l'Eglise en Détresse, Didier Rance est historien de formation. Il a été ordonné diacre en 1985. En 1989, après la chute du rideau de fer, Didier Rance est le premier à recueillir le témoignage des croyants qui ont survécu à la persécution. Ces martyrs qui "ouvrent les routes de l'avenir", dit-il.
Source : La Nef n°272 de juillet-août 2015
Source : La Nef n°272 de juillet-août 2015
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 13 Octobre 2015 à 09:47
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