LOURDES ET L’ORTHODOXIE
Une étape du Tour de France partant de Lourdes met le projecteur sur ce haut lieu du Catholicisme français mais ceux qui s’y rendent, comme pèlerins ou en touriste, ne se doutent généralement pas qu’ils y trouverons aussi une paroisse orthodoxe.

Il y avait aussi une paroisse orthodoxe il y a vingt ans (Eglise de la Dormition-de-la-Vierge 6, avenue Antoine-Béguière, ce qui semble bien montrer un intérêt des Orthodoxes pour ce lieux, mais je n’ai pas trouvé d’approche théologique orthodoxe fouillée des apparitions de 1858.

En dehors de quelques pages dans un petit livre de A. Merslukine publié en 1961 et consacré à la réfutation du dogme de l’Immaculée Conception (*) et d’un petits dossiers dans le "Feuillet de l’Exarchat" No 44, avril 2012 dont je reprends les principaux éléments.

LE MESSAGE DE LOURDES, POUR LA CONSCIENCE ORTHODOXE

Par Michel Stavrou Professeur à l’Institut Saint-Serge (Paris)

Face aux apparitions de la Sainte Mère de Dieu à Lourdes (et ailleurs en Occident), certains orthodoxes zélés se croient obligés d’être incrédules. Un grand théologien orthodoxe comme Vladimir Lossky, pèlerin assidu de Notre-Dame de La Salette, faisait remarquer qu’à Lourdes, le message de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous, exprimé en provençal : « Que soy era Immaculada Councepciou » et traduit en français : « Je suis l’Immaculée Conception », fut délivré le 25 mars 1858, c’est-à-dire le jour même de la fête de l’Annonciation, et non pas le 8 décembre, fête de la conception de la Vierge ! Ce fait n’échappera à personne : le symbole liturgique prime sur toute explication. En d’autres termes, le message de la Vierge Marie ne dit rien sur la manière dont elle a été conçue, mais indique qu’elle est bien « la Conception immaculée du Fils de Dieu » elle qui, comme le chante la liturgie, « sans corruption enfanta Dieu le Verbe ».

La « corruption » dont parle ce tropaire désigne la vie conjugale mêlée de mort par laquelle tous les hommes viennent à l’existence depuis Adam et dont le Christ, Nouvel Adam, devait s’affranchir pour ressusciter de l’intérieur le genre humain. C’est pourquoi le dogme de la virginité de Marie reste essentiel pour une confession authentique de l’Incarnation du Fils de Dieu.
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A. Merslukine reprend les mêmes arguments en les développant, mais il fait une erreur en écrivant que l’apparition qui suivit celle du 25 mars eut lieu le jour de l’annonciation orthodoxe : elle se produisit le 7 avril 1858 or, au XIXe siècle, le jour de l’Annonciation orthodoxe correspondait au 6 avril grégorien… À trop vouloir prouver!

Une interprétation intéressante vient d’un forum orthodoxe où un connaisseur du parler de la Bigore, le bigourdan, seule langue que parlait Bernadette Soubirous, écrit: "Et elle a parlé, pas écrit ! Or, phonétiquement, on pouvait aussi bien comprendre ce que le curé a compris ("Que soy la Inmaculada Councepcioun") - que ce que je pense (moi, mais aussi quelques autres "provençaux" de langue) qu'Elle a vraiment dit : QU'ES HOY LA INMACULADA COUNCEPCIOUN... = "que c'est aujourd'hui l'Immaculée Conception" et non pas "que je suis l'I.C."

Les deux se prononcent de la même manière. Mais ce jour-là, 25 mars, l'église romaine fêtait la conception immaculée... du Christ ! L'Annonciation. Et dans sa manière à la fois empreinte de discrétion orientale, et de poétiques allégories, Marie la Vierge a répondu aux craintes du bon curé - comme si Elle avait dit que ce jour-là, entre tous les jours, même Satan n'aurait pas eu le droit de la salir en se faisant passer pour Elle."

Fin de citation. Je n’ai jamais rien lu de plus approfondi concernant cette possible interprétation...
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POUR CE QUI CONCERNE L’ICONOGRAPHIE, le sculpteur Joseph-Hugues Fabisch, auteur de la célèbre statue qui se trouve dans la grotte, avait rencontré Bernadette à plusieurs reprises, y compris dans la grotte pour faire des essais avec une silhouette en carton qu'il avait placée dans la niche de l’apparition. « Elle m'a indiqué des corrections, qui, même du point de vue de l'art plastique, ont amélioré ma composition. Je défie le membre de l'Institut le plus fort d'avoir des idées plus justes sur la convenance de l'ajustement que celles de cette pauvre bergère, »écrit-il. Mais quand Bernadette voit le résultat, en mars 1864, elle hésite un instant, dit « c'est bien cela... », puis ajoute « Non, ce n'est pas cela. »

Fabisch avait montré une série de gravures reproduisant de célèbres représentations de la Vierge lors de sa première rencontre avec Bernadette le 17 septembre 1863; elle regarda à peine ces images mais s'arrêta sur une lithographie d'une « Vierge de saint Luc » en disant : « Il y a quelque chose là. ... Mais ce n'est pas ça. Non, ce n'est pas ça » (Cité par René Laurentin, "Vie de Bernadette," Desclée De Brouwer, juin 2007). Ce témoignage est à l'origine de l'identification des icônes orthodoxes de ND "Eléousa" (de tendresse ou de pitié : exemple ND de Cambrai (illustration) ou de Vladimir) ou "Odiguitria" (qui conduit, qui montre le chemin; exemple "la Madonna Salus Populi Romani" à Rome.) à celle que Bernadette aurait reconnue comme la plus ressemblance à l'apparition.

DEUX TÉMOIGNAGES ORTHODOXES :

LE MÉTROPOLITE EULOGE (1868-1946), visita Lourdes entre les deux guerre et le "Feuillet de l’Exarchat" (opus cité) donne le passage qu’il consacre à cette visite dans son livre de souvenirs. C’est une description émouvante du Lourdes d’avant-guerre dont voici la conclusion :

"La visite de Lourdes me convainquit que c’était effectivement un lieu plein de grâces, que la Mère de Dieu l’avait choisi pour le bien du pauvre genre humain. Les foules de pèlerins me laissèrent également une impression lumineuse ; j’ai compris que la France profonde n’était pas athée, n’était pas un pays matérialiste, que les Français étaient un peuple profondément chrétien."

LE PÈRE GEORGES ASHKOV RECTEUR DE LA PAROISSE ORTHODOXE À LOURDES : "En 2007 j'ai fais un pèlerinage à Lourdes avec ma famille. Puis avec des amis et des pèlerins. Cet endroit touche tout de suite le cœur, c'est impossible de l'exprimer avec des mots. Je ne suis pas quelqu'un de sentimental et je ne peux pas expliquer mes émotions. La grâce divine était là. J'ai eu envie d'ouvrir une paroisse orthodoxe dans cette ville…" suite

Illustrations :
- ND de Grâce Cambrai, attribuée à St Luc
- Le père Georges Ashkov dans son église de Lourdes

(*) A. Merslukine, "О католическом догмате 1854 года", en russe, Paris, 1961, p. 46-48. Ouvrage publié avec la bénédiction du métropolite Vladimir, exarque du patriarche de Constantinople (Archevêché des églises russes en Europe occidentale), et du métropolite de Chersonèse Nicolas, exarque du patriarche de Moscou.

V.Golovanow

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 26 Septembre 2018 à 10:13 | 4 commentaires | Permalien



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