LA MACÉDOINE, « UN TEST POUR L’ÉGLISE ORTHODOXE GRECQUE »
Depuis l’indépendance de la Macédoine en 1991, l’Église orthodoxe grecque s’oppose à ce que ce pays des Balkans adopte le même nom que celui de la région de Thessalonique.

Le chercheur Nicolas Kazarian, spécialiste du monde orthodoxe, revient sur les positions de l’Église.

POURQUOI L’ÉGLISE ORTHODOXE GRECQUE EST-ELLE HOSTILE AU NOM DE MACÉDOINE ?


Nicolas Kazarian
: Au XIXe siècle, la Grèce a mis l’Église au cœur de la machine symbolique qui va forger l’identité grecque. C’est un pays où l’identité est une question sacrée. Ainsi l’appellation de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine est vue comme une réappropriation culturelle par Skopje de l’histoire grecque.

Pour l’Église orthodoxe grecque, l’usage de ce nom de Macédoine est perçu comme une forme de révisionnisme historique. Elle ne voulait pas s’en mêler au début. Cependant, elle a changé d’avis estimant que le pouvoir religieux doit dire au peuple quand il se trompe. L’Église intervient pour protéger la sacralité des éléments constitutifs de l’histoire nationale grecque. Cependant, sur la question territoriale, je doute que l’argument de l’invasion de la Grèce par ce petit pays des Balkans, invoqué par certains partis politiques grecs, soit repris par l’Église. C’est plus une peur agitée par les nationalistes

COMMENT A ÉVOLUÉ LA POSITION DE L’ÉGLISE ORTHODOXE SUR LE SUJET DEPUIS 1991, DATE DE L’INDÉPENDANCE DE LA MACÉDOINE ?

N. K. : Elle ne change pas de position. L’archevêque Jérôme d’Athènes reste sur sa ligne. En fait, ce n’est pas l’Église qui se radicalise mais la société qui se libéralise. La seule évolution qui existe est politique. L’Église reproche au premier ministre grec, Alexis Tsipras, de négocier avec le pouvoir macédonien. Ces dernières années, le premier ministre et l’Église orthodoxe se sont opposés sur des questions économiques et sociétales. La position du pouvoir religieux grec sur la Macédoine serait en somme un prolongement du conflit larvé entre Alexis Tsipras et l’Église.

QUEL EST LE POIDS DE L’ÉGLISE DANS LES NÉGOCIATIONS ACTUELLES ENTRE LES GOUVERNEMENTS GREC ET MACÉDONIEN ?

N. K. : Ce débat autour de la Macédoine est un test pour l’Église orthodoxe grecque. En protestant contre l’appellation de Macédoine, elle prouve qu’elle a encore un poids dans une société grecque qui se sécularise. On peut faire un parallèle avec les manifestations du début des années 2000, lorsque l’Union européenne voulait imposer à la Grèce que la mention de la religion soit retirée des cartes d’identité. Ces protestations étaient dirigées par l’Église, qui s’opposait à l’époque à ce retrait. Elle a perdu ce combat, certes, mais la position de l’ancien archevêque Christodoulos en est tout de même sortie renforcée, relégitimée.
Recueilli par Audrey Parmentier

« LA SAINTE MONTAGNE PROTESTE ÉNERGIQUEMENT »


Le dimanche 4 février dernier, les pères Nicodème (monastère Saint-Paul) et Sisoès (monastère de Xénophon) ont représenté la Sainte Communauté de la Sainte Montagne de l’Athos lors de la manifestation qui a eu lieu à Athènes contre l’inclusion du nom « Macédoine » dans la nouvelle appellation programmée de l’ancienne république yougoslave dont la capitale est Skopje. La lecture du message de la Sainte Communauté par le p. Nicodème a été saluée par une salve d’applaudissements et de slogans.
LA MACÉDOINE, « UN TEST POUR L’ÉGLISE ORTHODOXE GRECQUE »

« Les pères athonites adressent leurs salutations à cet immense meeting, à cet immense rassemblement. Le Mont-Athos évite de commenter l’actualité, mais dans les situations critiques et par crainte de voir naître des développements dangereux, il est parfois contraint de rompre son silence responsable, lorsque la vérité est en jeu et que l’histoire est déformée, comme c’est le cas aujourd’hui avec la mise en question du caractère grec de la Macédoine » a déclaré le p. Nicodème. (orthodoxie.com)

L’ÉGLISE ORTHODOXE DE MACÉDOINE

Cette Église proclama son autocéphalie en 1967, sans la bénédiction de son Église mère, le patriarcat de Serbie. Elle bénéficie du soutien des autorités macédoniennes et regroupe la majorité des Orthodoxes du pays, où l'Orthodoxie est majoritaire (65% contre 33% de Musulmans d'après le recensement de 2002). Elle est en communion avec d'autres Églises dissidentes: le "synode alternatif" bulgare et les "Eglise autocéphale" ukrainienne et monténégrine, toutes hors de l'Orthodoxie mondiale…

Pour compliquer les choses, des démarches ont été entreprises par cette Église auprès du patriarcat de Bulgarie en novembre 2017, avec le soutien du Président bulgare, pour «l’établissement de l’unité eucharistique de l’Église orthodoxe de Bulgarie avec ‘l’archevêché restauré d’Ohrid en l’entité de l’Église orthodoxe de Macédoine’»….
LA MACÉDOINE, « UN TEST POUR L’ÉGLISE ORTHODOXE GRECQUE »

V. Golovanow ILLUSTRATION :
Pour fixer les idées, je propose la carte de la Macédoine en 1892, dans le cadre de l’empire ottoman, à côté de celle d’aujourd’hui. Elle explique la crainte des Grecs concernant d’éventuelles revendication macédoniennes sur un large pan de la Grèce, alors intégré à cette «Grande Macédoine». Elle explique aussi pourquoi la salade où se mélangent plusieurs légumes s’appelle «macédoine»

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 14 Février 2018 à 13:10 | 5 commentaires | Permalien



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