Elena Maler-Matiazova : 2007-2013  LA GRACE DE L'UNITE RETROUVEE
Le 17 mai 2007 restera dans l’histoire car c’est le jour de la réunion des deux branches de l’Eglise orthodoxe russe.


UNE HISTOIRE, DEUX MISSIONS

L’Eglise orthodoxe russe a vécu pendant la plus grande partie du XX siècle dans un état de division en deux branches : l’Eglise « dans le pays », Patriarcat de Moscou, et celle en dehors du pays, l’Eglise Orthodoxe Russe Hors-frontières (EORHF). Cette division s’est produite à la suite de l’avènement du pouvoir soviétique en 1917. L’existence séparée de ces deux branches s’est déroulée, il convient de le souligner, dans des conditions de très grande dignité.

Les Hors-Frontières ont pendant plus de 80 ans assumé la vie des diocèses et des paroisses étant en charge des fidèles russes, puis non seulement russes, en dehors du pays. L’EORHF a dès sa formation regroupé non seulement les évêques venant d’émigrer mais aussi les paroisses qui se situaient hors du pays, très nombreuses en Europe occidentale, le diocèse d’Amérique du Nord, les deux diocèses de l’Extrême-Orient, etc. ainsi que la mission orthodoxe en Palestine. Au prix d’efforts considérables le Synode de l’EORHF a réussi à regrouper tous les diocèses de Chine, du Japon, d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale.

L’EORHF s’en est tenue pendant toute son existence au maintien de la stricte tradition et a donc immuablement condamné le rénovationnisme et l’œcuménisme ainsi que ceux qui au XX siècle préconisaient ces dérives,essentiellement les représentants du Patriarcat de Constantinople.

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Dès sa formation l’EORHF a pieusement préservé l’identité historique et culturelle russe, ceci dans un environnement sécularisé. De son coté le Patriarcat de Moscou a, en Russie, par la bouche des patriarches Tikhon et Serge, ceci dans des conditions extrêmement difficiles, sévèrement condamné le rénovationnisme et l’œcuménisme. La Conférence panorthodoxe de 1948 convoquée par le patriarche de Moscou Alexis I a durement critiqué ces tendances ainsi que la réforme néo calendaire julienne de même que la politique menée par le Vatican et le patriarcat de Constantinople. Ces positions de l’Eglise orthodoxe russe ont été élaborées et formulées dans un environnement radicalement athée.

Comment ne pas rappeler que pendant le XX siècle les deux branches séparées de l’Eglise russe ont donné de nombreux saints : Saint Jean Maximovitch, archevêque de San Francisco, EORHF, les innombrables Nouveaux Martyrs en Russie ; Sainte Matriona de Moscou et Saint Luc Vojno-Yassenetzki en Russie. Cette sainteté atteste incontestablement du maintien de la grâce des deux branches de l’Eglise russe. C’est en 1981 que l’EOHRF a procédé à la canonisation des Nouveaux Martyrs et Confesseurs dont les premiers sont les membres de la famille impériale. Ce n’est que vingt ans plus tard que le patriarcat de Moscou procède à leur canonisation.

La voie vers l’entente

En 1991 la situation politique en Russie change du tout au tout. Cela concerne également l’Eglise. Terriblement affaiblie par une longue période de persécutions et de répression mais soutenue spirituellement par la cohorte des Nouveaux Martyrs l’Eglise russe connait une renaissance très rapide. D’emblée, elle s’efforce de trouver une solution aux très nombreux problèmes qui s’étaient accumulés. Retrouver l’union est l’une de ses premières tâches. Le Concile des évêques de l’Eglise russe réuni en 2000 a eu en cela un rôle essentiel. Le Concile adopte plusieurs décisions de très grande importance : 1. Le Concile adopte un document « Sur les relations entre l’Eglise et l’Etat » qui exclut tout rapport de confiance entre l’Eglise et des autorités politiques athées quelles qu’elles soient ; 2. Un document définissant « Les principes des relations avec les hétérodoxes » qui fixe les limites des relations canoniques entre orthodoxes et hétérodoxes et condamne sans réserve l’hérésie de l’œcuménisme.
Le Concile des évêques de l’EORHF réuni en octobre 2000 renonce, à la lumière de ces documents, aux revendications qu’il avait à l’égard du patriarcat de Moscou. En vue d’aboutir à l’unité de l’Eglise des Commissions installées par chacune des deux branches procèdent à des réunions conjointes. Ensemble, elles élaborent une attitude commune à l’égard des sujets controversés et trouvent des formes canoniques d’unité dans le respect de l’auto administration de chacune des deux entités.
Les principales divergences portaient sur :

1) L’absence de liberté politique et idéologique du patriarcat de Moscou. Divergence surmontée grâce à l’adoption conciliaire du document « Relations entre l’Eglise et l’Etat » ainsi qu’à la canonisation des Nouveaux Martyrs à commencer par les membres de la famille impériale. L’Eglise russe devient idéologiquement libre à l’égard du régime soviétique ;

2) « La doctrine sociale de l’Eglise orthodoxe Russe » adoptée en 2004 apporte une solution au problème du « serguianisme » c’est-à-dire du compromis avec le régime soviétique. Le métropolite Serge, devenu ensuite patriarche, avait promulgué une Déclaration instaurant ce compromis. Cette Déclaration fut répudiée en 2000 car en contradiction avec les relations normales entre l’Eglise et l’Etat.

3) Le problème de l’œcuménisme, forme non canonique de relations avec les hétérodoxes déjà condamnée d’une manière univoque par la Conférence panorthodoxe de Moscou en 1948. Cette condamnation a été reprise dans un document conciliaire de 2000 intitulé « Principes régissant l’attitude à l’égard des hétérodoxes ».

4) Les litiges fonciers : en effet il y avait sur le territoire canonique de patriarcat de Moscou un certains de paroisses relevant de l’EORHF. Ces litiges seront résolus en partant de l’impossibilité de telles formes de « coexistence ecclésiale ». Le statut des évêques et des prêtres présents au sein de ces entités parallèles sera défini en fonction de la raison ecclésiale, compassion et efficacité dans l’approche de difficultés d’ordre non dogmatique.

5) Le statut de l’EORHF sera défini par l’Acte d’union canonique conformément auquel cette entité demeure une partie inaliénable et auto administrée de l’Eglise Russe Locale. L’EORHF reste indépendante dans son action pastorale, missionnaire, administrative et budgétaire ainsi que dans son statut juridique, elle reste propriétaire des biens qu’elle possède. L’unité canonique avec le plérome de l’Eglise orthodoxe russe est complète.

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Les efforts concertés des deux commissions ont réussi à éliminer tous les obstacles d’ordre canonique ainsi qu’à résoudre les questions litigieuses qui faisaient obstacle à l’union. Les décisions des deux commissions ont été validées le Saint Synode de l’Eglise russe ainsi que par le Synode de l’EOHRF.

En même temps plusieurs projets conjoints sont mis en œuvre qui préparent et accélèrent la signature de l’Acte d’union entre les deux branches de l’Eglise russe.

En avril 2003 le patriarche Alexis II adresse un message d’une très grande importance au clergé et aux laïcs des paroisses orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale les appelant à revenir au sein de la juridiction canonique du patriarcat de Moscou et à créer une Métropole unique de l’Eglise orthodoxe russe qui regrouperait les trois branches de l’émigration/ EORHF, archevêché « eulogien » ainsi que les diocèses du patriarcat de Moscou en Europe occidentale.

C’est en septembre 2003 que survient, au Consulat Russe à New York l’entrevue historique entre le métropolite Laure accompagné par plusieurs membres du Synode des évêques avec le Président Vladimir Poutine qui exprime son espoir de voir se poursuivre et aboutir le processus de rapprochement des deux branches de l’Eglise russe.

Un an plus tard, en 2004, le métropolite Laure, président du synode de l’EORHF se rend à Moscou où il a des entretiens avec le patriarche Alexis II. La délégation conduite par le métropolite Laure visite plusieurs lieux emblématiques liés au destin des Saints martyrs impériaux. Le patriarche de Moscou et le primat de l’EORHF consacrent la future église des Nouveaux Martyrs à Boutovo (charnier laissé par la terreur soviétique dans la banlieue de Moscou) ainsi que celle de la Vivifiante Trinité en l’honneur du millénaire du baptême de la Russie. L’union liturgique entre les deux branches de l’Eglise russe est définitivement rétablie.

L’année 2006 est marquée par des évènements importants. En septembres les cendres de l’impératrice douairière Maria Fedorovna sont inhumées dans la cathédrale Saints Pierre et Paul de saint Pétersbourg avec le soutien de la Reine du Danemark Margareth II et du président Poutine. L’office est célébré conjointement par les clergés des deux branches de l’Eglise russe.

En octobre 2006 a lieu à Moscou, au cimetière du monastère de la Vierge du Don, l’inhumation des cendres du général Antoine Denikine et du philosophe Ivan Iline, deux personnalités éminentes de l’émigration russe. Le patriarche Alexis II officie une panikhide à la mémoire des émigrés russes et consacre une chapelle qui « symbolise la réconciliation et l’union entre tous les Russes résidant dans le pays ainsi qu’à l’étranger ».

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Oppositions et résistances

Le projet d’union des deux branches de l’Eglise russe se heurte à des critiques et à beaucoup d’hostilité. L’attitude à l’égard du rapprochement entre les deux branches de l’Eglise est un test pour les nombreux ennemis du patriarcat de Moscou. Cela n’a rien d’étonnant car ces critiques émanant essentiellement de diverses entités para ecclésiales schismatiques et rénovationnistes.

Il s’agit d’abord de la prétendue « Eglise orthodoxe russe autonome » dite également « schisme de Souzdal ». Cette entité s’est formée en 1994. Elle est dirigée par Valentin Roussantzev, interdit a divinis et non reconnu par aucune des deux branches de l’Eglise russe.
Il y a là également « l’église orthodoxe authentique », dirigée par Tikhon Passetchnik. Cette entité n’est également pas reconnue.

Parmi ceux qui ont rejeté l’Acte d’union il y également certains clercs s’étant brouillé avec leur hiérarchie et par conséquent interdits par l’une ou les deux branches de l’Eglise. Nous pouvons nommer « Credo.ru », site de la prétendue église orthodoxe autonome russe. Ce site est piloté par le journaliste Alexandre Soldatov, ennemi acharné de l’Eglise. Ce groupe schismatique y exprime ses positions en ce qui concerne tous les aspects de la politique ecclésiale.

Des adversaires de l’union se sont également manifestés au sein de l’EORHF. Il s’agit d’un groupe schismatique avec à sa tête le défunt métropolite Vitali qui a quitté l’Eglise hors frontières en 2001. Leur sigle est désormais « EORHF /V/ ». Seuls peu de prêtres en Amérique, au Canada et en France pont rejoint ce groupuscule. L’immense majorité des clercs et des laïcs sont restés fidèles au Synode présidé par le métropolite Laure (EORHF/L/).

Il faut également rappeler que certains émigrés russes qui ne veulent pas admettre la réalité des changements survenus en Russie en 1991 rejettent l’Acte d’union. Ils exhortent les membres de l’EORHF à ne pas s’unir avec le patriarcat de Moscou.
Peu avant la signature de l’Acte ses adversaires se sont livrés à diverses provocations : rumeurs sur l’état de santé, voire le décès du patriarche Alexis II, missives comminatoires de l’évêque d’Anadyr Diomède, etc.

Plus de la moitié des évêques et près d’un tiers des prêtres de l’EORHF étaient présents aux solennités du 17 mai 2007 à Moscou. Ce jour-là huit processions se sont mises en marche dans le pays, bénies par le patriarche Alexis II. Elles partaient de St Petersburg, Arkhangelsk, Rostov sur le Don ainsi que de Jérusalem et du Mont Athos.

L’Union des deux branches de l’Eglise russe est signifiante pour le rétablissement de l’unité nationale et culturelle perdue suite à la guerre civile. Les diocèses de l’Extrême-Orient, d’Europe occidentale, d’Amérique du Nord et de l’Est, d’Australie et de Nouvelle-Zélande se sont ainsi unis avec l’Eglise russe. Le patriarcat de Moscou a étendu son territoire canonique d’une manière significative, facteur de poids dans le processus de la renaissance orthodoxe partout dans le monde.

17 mai 2007-2013
Traduction Nikita Krivocheine

Елена Малер-Матьязова
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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Mai 2013 à 10:44 | -1 commentaire | Permalien



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