Plateforme libre de discussion
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Vladimir Golovanow
« En nous réunissant ensemble, nous avons pleinement et clairement conscience que notre Église est une et catholique, que la préservation et le renforcement de son unité constitue un souci de première importance, qui est à la base de tout notre ministère. Le saint et grand Concile est appelé à être le témoignage visible, clair et convaincant de l’unité de l’Église orthodoxe, et nous comprenons tous que le Concile ne peut être tel que s’il reflète l’unanimité authentique des Églises orthodoxes locales.» Patriarche de Moscou Cyrille à la synaxe des primats de l’Église orthodoxe à Chambésy, 22 janvier 2015
Il y avait dix points à l'ordre du jour de la préparation du Concile après la synaxe de 2014 Voir ICI et ICI : Cinq thèmes font l'objet d'un consensus permettant leur proclamation au Concile (du fait de regroupements ils représentent sept des points précédents) alors que trois sont reportés. Les documents approuvés sont disponibles en français sur le site de l'Église russe (https://mospat.ru/fr/category/documents/ ); il semble intéressant de revenir sur l'histoire de leur préparation, pour pouvoir les mettre en perspectives et mieux analyser leur contenu, et aussi de rappeler les thèmes écartés.
« En nous réunissant ensemble, nous avons pleinement et clairement conscience que notre Église est une et catholique, que la préservation et le renforcement de son unité constitue un souci de première importance, qui est à la base de tout notre ministère. Le saint et grand Concile est appelé à être le témoignage visible, clair et convaincant de l’unité de l’Église orthodoxe, et nous comprenons tous que le Concile ne peut être tel que s’il reflète l’unanimité authentique des Églises orthodoxes locales.» Patriarche de Moscou Cyrille à la synaxe des primats de l’Église orthodoxe à Chambésy, 22 janvier 2015
Il y avait dix points à l'ordre du jour de la préparation du Concile après la synaxe de 2014 Voir ICI et ICI : Cinq thèmes font l'objet d'un consensus permettant leur proclamation au Concile (du fait de regroupements ils représentent sept des points précédents) alors que trois sont reportés. Les documents approuvés sont disponibles en français sur le site de l'Église russe (https://mospat.ru/fr/category/documents/ ); il semble intéressant de revenir sur l'histoire de leur préparation, pour pouvoir les mettre en perspectives et mieux analyser leur contenu, et aussi de rappeler les thèmes écartés.
A. Les documents approuvés
Les thèmes officiellement approuvés pour examen et proclamation par le Saint et Grand Concile sont donc :
- La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain (approuvé à l'unanimité),
- La diaspora orthodoxe, l’autonomie et la façon de la proclamer (deux documents auparavant),
- Le sacrement du mariage et ses empêchements (réserve des ’Églises de Géorgie et d’Antioche),
- L’importance du jeûne et son application aujourd’hui,
- Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien (deux documents auparavant).
Nous allons les reprendre dans l'ordre:
1. La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain, ce texte, qui s'appelait alors "Contribution des Eglises orthodoxes à la réalisation des idéaux chrétiens de paix, de liberté, de fraternité et d'amour entre les peuples, et à la suppression des discriminations raciales" fut adopté en 1986. Il abordait les thèmes de la conception chrétienne du monde, de la dignité de la personne humaine, de la liberté de l’homme, de la question nationale… mais il portait la marque de l'époque et se focalisait sur le désarmement universel conférence du métropolite Hilarion de Volokolamsk le 3/11/2011,.ru/fr/2011/11/03/news50923/
Le changement du titre indique clairement une profonde modification de l'orientation du document que laissait présager "le Message de la synaxe" de mars 2014. Ce message mettait l'accent sur la vague de persécutions qui touche actuellement les Chrétiens et sur les conséquences de la crise économique et parlait de la situation en Ukraine; il n'est toutefois pas certain que tous ces thèmes sont repris dans le document final (le patriarche Cyrille a dit que le cas de l'Ukraine ne serait pas abordé,) en revanche, il semble probable que le thème de l'environnement sera mentionné car le patriarche de Bartholomée est un fervent défenseur et il semble faire l'unanimité (voir par exemple "Les Bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe" ch. XIII. "Eglise et écologie").
2. La diaspora orthodoxe, l’autonomie et la façon de la proclamer: il y avait au départ deux textes qui on donc été regroupés. Ce qui n'est pas illogique: l'organisation de la diaspora et l'octroi de l'autonomie (et de l'autocéphalie que nous verrons plus loin) sont des questions liées sur lesquelles se confrontent deux conceptions de la primauté dans l'organisation ecclésiale, toutes les deux fondées sur des interprétations divergentes du 28è canon du concile œcuménique de Chalcédoine (431): "(…) Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mus par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'Eglise, tout en étant la seconde après elle ; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'Eglise de Constantinople ; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci." (In. "Canons du 4ème Concile de Chalcédoine", http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit%20canon/canons4econcileFR.htm ).
Le patriarcat de Constantinople cherche à conserver son autorité sur la diaspora orthodoxe depuis le patriarcat de SB Mélétios (1921-1923) car c'est en fait pour lui une question de pouvoir et de survie: l'essentiel de son troupeau (et de ses ressources!) appartient à la diaspora. Si le patriarcat ne s'occupait que "de la minorité de nationalité turque et de religion grecque-orthodoxe", comme le stipule le traité de Lausanne (http://www.crypte.fr/eglise/clementconstantinople.html ), il serait l'une des plus petites Eglises orthodoxes, privée de tout moyen financier et de toute influence… À l'opposé, l'Eglise russe, qui est déjà la plus nombreuse et la plus influente, n'a aucun besoin de la diaspora pour assoir son autorité et, appuyée par l'état russe, elle dispose de moyens diplomatiques et financiers autrement plus puissants que Constantinople (voir chez nous les cathédrales de Paris et de Nice, le séminaire d'Épinay, l'église de Strasbourg…)
Pour autant la préparation de ces deux documents fut très différente.
Sur la diaspora orthodoxe: Mgr Basile Krivochéine, Archevêque de Bruxelles et de Belgique, plaçait la question de la diaspora en tête des problèmes à résoudre par le Concile et estimait "indispensable et même urgent "de résoudre le problème "des orthodoxes habitant en dispersion (diaspora), i.e. hors des frontières canoniques des Églises autocéphales, telles qu’elles furent établies tout au long de l’histoire (…) La question de la diaspora est devenue importante à cause de l’apparition en masse de millions d’orthodoxes sur des territoires «en-dehors des autocéphalies ,en raison des émigrations du XXe siècle et de la conversion d’Occidentaux à l’orthodoxie". (Lettre au métropolite Juvénal de Toula, 1976, In "Messager de l'Église orthodoxe russe" No 25 juin 2014, "Éditions Sainte-Geneviève" ) La situation n'a guère évolué depuis car deux positions s'affrontent au sein de l'Orthodoxie:
- D'un côté l’Église russe, qui "s’est toujours efforcée de permettre la consolidation des communautés orthodoxes vivant dans la diaspora, et aussi de faire murir … les conditions indispensables à l’octroi à celles-ci de degrés croissants d’autonomie ecclésial : autonomie locale, autonomie, autocéphalie comme ce fut le cas pour l'Église de Tchécoslovaquie en 1951 et l'OCA ("Église Orthodoxe en Amériques", voir plus loin) en 1970" explique le métropolite Hilarion de Volokolamsk (ibid.)
- De l'autre le patriarcat de Constantinople qui insiste sur "son droit propre" à se charger de façon privilégiée de la responsabilité pastorale de toute la diaspora orthodoxe "sur la base d’une interprétation très élargie du 28e canon du IVe concile œcuménique" (ibid. Hilarion)
Le document préconciliaire sur la diaspora, adopté en 2009, ne tranche pas entre ces deux positions et constate que, «au stade actuel est impossible… un passage immédiat à l’ordre canonique strict de l’Église concernant cette question, à savoir la présence d’un seul évêque dans le même lieu. Pour cette raison, la décision est prise de proposer la création d’une certaine situation transitoire, qui prépare aussi la base d’une solution strictement canonique du problème » (ibid.) et c'est la décision d'instituer des "Conférences épiscopales" dont la mise en place effective dans 12 régions (il ne semble pas y en avoir dans les pays scandinaves, par contre celle d'Amérique du nord s'est divisée entre Canada et USA) montre que cette décision est bien reçue. Mais les objectifs de cette organisation "transitoire" semblent contradictoires: pour le patriarcat de Constantinople elle permet de maintenir son autorité, puisque les Conférences sont présidées par ses représentants, alors que pour les tenants de la création d'Eglises autocéphales locales les Conférences sont les embryons de futurs synodes d'Eglises indépendantes… Ainsi le débat continue et continuera probablement après le Concile.
Sur l’autonomie et la façon de la proclamer: alors que les deux questions de l’octroi de l’autonomie et celui de l’autocéphalie étaient liées au départ, la délégation de l’Église orthodoxe russe a proposé de les dissocier en laissant l'autocéphalie de côté: que chaque Église locale ait le droit de décider d’attribuer les droits d’autonomie à l’une ou l’autre de ses parties et de définir l’étendue de ces droits de façon indépendante. Le consensus de toutes les Églises fut atteint là-dessus mais le fait que, maintenant, ce thème soit relié à celui de la diaspora semblerait limiter la question aux implantations extérieures au territoire canonique traditionnel des Églises locales. C'est la situation de la majorité des Autonomies du patriarcat de Constantinople (encore que l'Athos, la Crête et Sainte Catherine du Sinaï ne soient pas dans ce cas) alors que l'Église russe a institué plusieurs Autonomie sur son territoire canonique traditionnel (Ukraine, Kazakhstan, Estonie…) aussi bien qu'en dehors (Japon, Chine, Église Russe à l'Étranger). Il sera donc très intéressant de voir quelle solution est finalement retenue…
3. Le sacrement du mariage et ses empêchements: cette question donna lieu à deux textes consensuels dès 1971 et 1972:
- Sur les empêchements canoniques proprement dits (degrés de parenté, mariage des clercs et des moines, remariage) les pratiques existantes sont unifiées en précisant que «dans la question des empêchements au mariage, l’Église doit prendre également en considération les dispositions de la législation civile locale, mais cela va de soi, dans les limites de la tolérance possible du côté de l’Église»
- Sur la question des mariages mixtes: l’acribie canonique s'oppose au mariage des orthodoxes avec les hétérodoxes, mais l'Eglise "peut cependant le bénir par condescendance et humanité sous la condition définie que les enfants de ce mariage soient baptisés et éduqués dans l’Église orthodoxe". Les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent prendre leurs décisions, relativement à l’application de l’économie, dans des cas individuels, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers. "Le mariage entre orthodoxes et fidèles des autres religions ou des non-croyants est absolument interdit…Mais en cas de tels mariages, les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent néanmoins appliquer l’économie pastorale au conjoint orthodoxe, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers" (ibid. conférence du métropolite Hilarion de Volokolamsk)
Mais les questions de la vie et de la famille s'invitèrent dans le débat, comme le mentionne le "Message de la synaxe" de mars dernier déjà cité, et il est très probable que le texte adopté aille plus loin comme "Les Bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe" (ch. X. "Morale personnelle, familiale et sociale"), adoptées au Concile épiscopal jubilaire de l’an 2000 (traduction en français de H. Destivelle, éditions du Cerf, Paris 2007).
4. L’importance du jeûne et son application aujourd’hui: l Le projet de départ prévoyait des allégements très conséquents des principaux jeunes mais il a, là encore, été profondément modifié sous l'impulsion de la délégation de l'Église russe comme l'explique Mgr Hilarion (ibid.): "Le document final contient l’enseignement ecclésial sur le jeûne, en ne faisant qu’expliciter les méthodes, par lesquelles il convient de se diriger, les appliquant dans la pratique pastorale contemporaine. (…) Pour ceux qui éprouvent des difficultés pour observer les dispositions en vigueur du jeûne … il est laissé à l’examen des Églises orthodoxes locales de définir la mesure d’économie et de condescendance, adoucissant dans certains cas la «sévérité» habituelle des saints carêmes. Mais tout cela est défini dans le cadre susmentionné et dans le but de ne pas relâcher l’institution sacrée du carême (…).
Il convient que tous les membres fidèles de l’Église jeûnent avant la sainte communion et qu’ils s’accoutument au jeûne pour marquer le repentir, réaliser une promesse spirituelle, atteindre l’un ou l’autre but sacré, ou encore au moment des tentations, lors de la demande de quelque chose à Dieu, lors des catastrophes naturelles, lors du baptême (pour ceux qui reçoivent le baptême à l’âge adulte), avant les ordinations, en cas d’épitimie, lors des pèlerinages et autres circonstances semblables" (ibid. Conférence de Mgr Hilarion).
Déjà en1976 l'Archevêque de Basile Krivochéine écrivait: "Encore plus inadmissibles apparaissent toute sorte de tentatives de changement ou d’affaiblissement des règles du jeûne établies par les saints Pères (…) Le concile panorthodoxe ne doit pas supprimer les jeûnes, mais appeler les fidèles à les observer plus fermement," (ibid)… et l'Eglise russe s'en tient à cette position en s'opposant à toute dérive moderniste!
5. Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien: Les deux documents adoptés en 1986 sur "Les dialogues bilatéraux" et "le Conseil Œcuménique des Eglise (COE)" furent les premiers a être revus par la Commission spéciale "en tenant compte des changements significatifs qui ont eu lieu durant les dernières décennies au sein de nombreuses dénominations protestantes" (mospat.ru04/10/2014).) Ce thème nécessitait évidement un réexamen et l'Eglise avait proposé que les «Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie», adoptés en 2000 par son Concile épiscopal, soient pris en compte dans les projets révisés.
Lors d'un colloque organisé à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge (Paris) en 2012 Tamara Grzelidze (Église Orthodoxe de Géorgie, Commission œcuménique "Foi et Constitution") a évoqué l’engagement des orthodoxes en faveur du dialogue œcuménique, tout en signalant l'ambiguïté dans cet engagement qui ressort de plusieurs déclarations et documents orthodoxes officiels. Les orthodoxes font preuve d’une fluctuation permanente entre des modèles ecclésiologiques exclusivistes et des approches plus "inclusivistes"(1). Selon elle, le futur Concile devra se pencher à nouveau sérieusement sur la question de la coresponsabilité des Eglises orthodoxes territoriales «à la lumière de l’ecclésiologie eucharistique orthodoxe et de ses implications œcuméniques» (cf. "CONTACTS" No 243, juillet-décembre 2013.)
(1) Pour les théologiens orthodoxes "l'inclusivisme" reconnait "une grâce incomplète" chez les autres confessions chrétiennes alors que l'exclusivisme ne leur en reconnait aucune, réservant l'exclusivité de la grâce aux Eglise orthodoxes canoniques…
Il est probable aussi que les deux "réunions au sommet" entre le Pape de Rome et le patriarche de Constantinople qui se sont tenues en 2014 ainsi que le redémarrage du dialogue théologique en septembre 2015 (https://mospat.ru/fr/2015/09/18/news122803/) ont influé sur le débat...
***
B. Trois documents n'ont pas été repris faute de consensus
1. Sur la question du calendrier le document proposé au départ disait: "actuellement, selon l’opinion des savants astronomes, le nouveau calendrier est plus juste que l’ancien. Il en résulte que le meilleur moyen de résoudre la question du calendrier et de la pascalie (2) est la reconnaissance par toutes les Églises orthodoxes du nouveau calendrier, tant en ce qui concerne les fêtes fixes que pour la pascalie…" Les Églises russe, serbe et de Jérusalem s'y opposèrent en arguant de difficultés pastorales et le document finalement adopté (en 1982), se limite à constater qu’«actuellement, le passage de toutes les Églises locales au calendrier julien rectifié s’avère impossible» et souligne que «les anomalies qui se sont produites en relation avec le calendrier ne doivent pas mener à la division, aux différends et aux schismes et que, même si l’on n’est pas d’accord avec son Église, on doit accepter le principe sacré, sanctifié par la tradition, d’obéissance à l’Église canonique et de réunion à celle-ci dans la communion eucharistique, guidé par le principe que «le sabbat est pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat» (Mc 2.27)"(ibid. Hilarion de Volokolamsk). (2) Il s'agit des tables calculant les dates de Pâques adoptées par le concile de Nicée en 325
Mais ce débat se poursuit toujours trente ans après. Pierre Sollogoub (laïc orthodoxe membre de la fraternité orthodoxe en Europe occidentale) expliqua pourquoi une réforme du calendrier et une date commune de Pâques seraient nécessaires en reprenant la même argumentation scientifique que celle du document de 1982 (colloque organisé à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge (Paris) en 2012,) alors que le père Vladimir Khoulap (Académie théologique de Saint-Pétersbourg) développait les obstacles pastoraux dus à l'attachement des croyants aux dates traditionnelles… (cf."CONTACTS" No 243, juillet-décembre 2013.) Et la proposition du pape François d'unifier la date de Pâques, bien accueillie à Constantinople mais sèchement repoussée par Moscou n'a certainement pas facilité l'obtention du consensus puisque le patriarche Cyrille a jugé utile de souligner que la question de la date de Pâques n'est pas à l'ordre du jour pour les orthodoxes…
2. Sur l’autocéphalie et les modes de sa proclamation: Le débat porte sur les rôles respectif de l'Église-mère et du patriarcat œcuménique: "les Églises hellénophones (Constantinople, Alexandrie, Jérusalem et l’Église d’Hellade) réprouvent unanimement le droit unilatéral d’une Église à accorder l’autocéphalie à l’une de ses parties, plaçant au premier plan la procédure conciliaire de prise de décision d’autocéphalie", explique Mgr Hilarion (ibid.), alors que Église russe affirmait le principe de l’égalité de toutes les Églises, indépendamment de leur ancienneté et de leur origine apostolique et le droit de chaque Église-mère d'octroyer l’autocéphalie à l’une de ses parties.
Lors de la session de la commission préparatoire de décembre 2009, il fut convenu unanimement que la proclamation d’une nouvelle Église autocéphale se fait sur demande de l’Église-mère et par un tomos d’autocéphalie contresigné par les primats de toutes les Églises autocéphales. Il reste alors à élaborer le projet du tomos type d’octroi de l’autocéphalie et à définir le processus de proclamation… mais les discussions qui eurent lieu à Chambésy en février 2011 ne purent aboutir à un consensus sur ces modalités pratiques, "l’initiative de ladite proclamation devant revenir au trône œcuménique", selon les rapports grecs, alors que pour Moscou "la compétence du Patriarcat œcuménique serait limitée en l’espèce à son devoir honorifique d’adresser un message patriarcal à toutes les Églises locales et «rechercher» l’expression d’un consensus panorthodoxe. (…) «en exprimant l’accord de l’Église-Mère et le consensus panorthodoxe, le patriarche œcuménique proclame officiellement l’autocéphalie de l’Église demanderesse par la publication d’un tomos patriarcal», qui est signé obligatoirement par les primats de l’Église de Constantinople et de l’Église-mère et, de façon souhaitable, également par les autres primats" (ibid.) Mais de plus, lors de cette synaxe, le patriarche Cyrile a introduit une proposition durcissant les règles d'octroi de l'autocéphalie qui devrait faire l'objet de l'accord unanime de toutes les Églises (possibilité d'avoir un droit de veto si la question d'une autocéphalie ukrainienne se posait?)
L'autonomie de l'OCA (3) "est peut-être, la question centrale et essentielle du Concile, et s’il se trouvait qu’à la conférence panorthodoxe, les Grecs étaient absolument opposés à l’autocéphalie américaine, il vaudrait peut-être mieux ne jamais convoquer le concile," écrivait l'archevêque Basile Krivochèine (ibid.). Les questions de la reconnaissance de l'OCA et de l'immixtion de Constantinople dans l'élection du primat de l'Église des Terres tchèques et de Slovaquie (qui n'a été reconnu qu'in extrémis avant la synaxe sous la pression de Moscou) pèsent aussi sur les débats et expliquent l'exclusion du thème de l'ordre du jour! (3) Rappelons que l'OCA est l'ancienne métropole en Amériques de l'Eglise orthodoxe russe qui lui a accordé l'autocéphalie en 1970. Cette autocéphalie n'est pas reconnue par le patriarcat de Constantinople et d'autres Eglises et cette Eglise non plus n'est pas invitée…
3. Sur les dyptiques (4): l'ordre de ces listes diffère entre les Eglise par le rang des Églises géorgienne et polonaise et par la présence ou l’absence de l’Église orthodoxe en Amérique (OCA); l'Eglise de Chypre souhaite aussi que son rang soit avancé. Cette question encore peu explorée est à relier à celle du nationalisme ecclésial chez les Orthodoxes. "Aucune décision dans ce domaine ne doit être prise par la pression de la majorité sur la minorité. Il est indispensable de suivre le principe du consensus panorthodoxe…" avait souligné Mgr Hilarion de Volokolamsk en soulignant que, si l’unanimité à ce sujet ne serait pas inutile, on pouvait aussi conserver la pratique en vigueur avec des dyptiques différents. De fait, il apparait bien pour lui que ce thème "ne revêt pas une importance pratique aussi importante que, par exemple, les questions de la diaspora, l’autonomie et l’autocéphalie … et son examen a été rapporté plus d’une fois," ce qui explique pourquoi aucun consensus n'a encore pu être trouvé (ibid.)
C. CONCLUSION
Publié conformément à une résolution de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales, 21-28 janvier 2016.
1.LE SACREMENT DU MARIAGE ET SES EMPÊCHEMENTS
Document approuvé par les participants de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016, à l’exception des représentants des Eglises orthodoxes d’Antioche et de Géorgie.
2. L’AUTONOMIE ET LA MANIÈRE DE LA PROCLAMER
Résolution de la Conférence panorthodoxe préconciliaire, 10-17 octobre 2015.
3. LES RELATIONS DE L’EGLISE ORTHODOXE AVEC L’ENSEMBLE DU MONDE CHRETIEN
Projet de document du Concile panorthodoxe, adopté à la V Conférence panorthodoxe préconciliaire de Chambésy, 10-17 octobre 2015.
4. L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui Publié conformément à la résolution de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016.
5. La mission de l’Eglise Orthodoxe dans le monde contemporain Projet de document du Concile panorthodoxe, approuvé par la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016
6. RÈGLEMENT D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DU SAINT ET GRAND CONCILE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE Document approuvé par les participants de la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales à Chambésy (21-28 janvier 2016) à l’exception des représentants du Patriarcat d’Antioche.
7. La Diaspora orthodoxe Chambésy, 6-12 juin 2009
8. Règlement de fonctionnement des Assemblées épiscopales dans la Diaspora orthodoxe Chambésy, 6-12 juin 2009
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Опубликованы проекты документов Всеправославного Собора
Lire Six projets de textes qui seront présentés à l'examen du Concile viennent d'être publiés
Mgr Hilarion concluait ainsi sa conférence de 2011(ibid.) et cela me semble toujours d'actualité: "Aujourd’hui, des voix se font entendre, selon lesquelles un tel concile, en général, est inutile, car on a bien vécu treize siècles sans conciles panorthodoxes, et nous vivrons bien encore autant. Il y a une certaine vérité dans cette position. L’Église orthodoxe reste conciliaire même si les conciles généraux orthodoxes ne sont pas convoqués : il y a en fait d’autres mécanismes de conciliarité, comme les réunions panorthodoxes, l’échange de messages entre les primats, des rencontres de primats, etc. Et si le concile panorthodoxe ne se réunit pas, les Églises locales continueront leur service à Dieu et aux hommes « gardant l’unité dans le lien de la paix » (Éph. 4,3).
Dans le même temps, si aujourd’hui les Églises locales parviennent à dépasser leurs différends internes et témoignent « d’une seule bouche et d’un seul cœur » l’union qui lui est intrinsèquement inhérente, ce sera un événement important et significatif. Cela, indubitablement, renforcera l’interaction panorthodoxe, aidera à formuler et à faire connaître la position panorthodoxe au sujet de toute une série de questions actuelles, cela rendra l’Église orthodoxe plus forte et capable de répondre aux défis du temps. Le saint et grand concile de l’Église orthodoxe peut devenir un véritable triomphe de l’orthodoxie, à condition, naturellement, que, dans un esprit authentiquement fraternel et de respect mutuel, soient pris en compte les convictions, traditions et points de vue de toutes les Églises orthodoxes locales.
Permettez-moi de terminer mon intervention par les paroles du métropolite Nicodème, prononcées en 1961 à la première réunion préparatoire panorthodoxe à Rhodes et qui, cinquante ans après, a gardé son actualité : « Nous sommes confrontés à une tâche grande et difficile. Mais nous n’en avons pas peur et n’en sommes point effrayés, car notre entreprise est une œuvre de Dieu. Nous croyons, que le Seigneur renforcera et complètera nos modestes forces, nous conduira sur la voie de la vérité et nous aidera à accomplir notre haut fait pour le bien et la gloire de l’Église une, sainte, catholique et apostolique ».
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L'Eglise russe en chiffres
D'après le discours du patriarche Cyrille devant le Concile épiscopal de l'Église russe le 2 février 2016
L'Église compte 57 métropoles et 293 diocèses, 354 évêques, près de 35 171 prêtres et 4 816 diacres, 455 monastères masculins et 471 couvents féminins. Il y a 34 764 églises ou lieux de cultes assimilés et plusieurs milliers de chapelles et églises en constructions: il y en a plus de 6 000 rien qu'en Russie oz plus de 5 000 églises ont été construites ou restaurées depuis 2009 (prés de 1000 églises par an)
Dans les pays de "l'étranger lointain", dont nous faisons partie ici, l'Église russe compte 891 paroisses et 56 monastères en comptant l'Église russe é l'Étranger.
Les thèmes officiellement approuvés pour examen et proclamation par le Saint et Grand Concile sont donc :
- La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain (approuvé à l'unanimité),
- La diaspora orthodoxe, l’autonomie et la façon de la proclamer (deux documents auparavant),
- Le sacrement du mariage et ses empêchements (réserve des ’Églises de Géorgie et d’Antioche),
- L’importance du jeûne et son application aujourd’hui,
- Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien (deux documents auparavant).
Nous allons les reprendre dans l'ordre:
1. La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain, ce texte, qui s'appelait alors "Contribution des Eglises orthodoxes à la réalisation des idéaux chrétiens de paix, de liberté, de fraternité et d'amour entre les peuples, et à la suppression des discriminations raciales" fut adopté en 1986. Il abordait les thèmes de la conception chrétienne du monde, de la dignité de la personne humaine, de la liberté de l’homme, de la question nationale… mais il portait la marque de l'époque et se focalisait sur le désarmement universel conférence du métropolite Hilarion de Volokolamsk le 3/11/2011,.ru/fr/2011/11/03/news50923/
Le changement du titre indique clairement une profonde modification de l'orientation du document que laissait présager "le Message de la synaxe" de mars 2014. Ce message mettait l'accent sur la vague de persécutions qui touche actuellement les Chrétiens et sur les conséquences de la crise économique et parlait de la situation en Ukraine; il n'est toutefois pas certain que tous ces thèmes sont repris dans le document final (le patriarche Cyrille a dit que le cas de l'Ukraine ne serait pas abordé,) en revanche, il semble probable que le thème de l'environnement sera mentionné car le patriarche de Bartholomée est un fervent défenseur et il semble faire l'unanimité (voir par exemple "Les Bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe" ch. XIII. "Eglise et écologie").
2. La diaspora orthodoxe, l’autonomie et la façon de la proclamer: il y avait au départ deux textes qui on donc été regroupés. Ce qui n'est pas illogique: l'organisation de la diaspora et l'octroi de l'autonomie (et de l'autocéphalie que nous verrons plus loin) sont des questions liées sur lesquelles se confrontent deux conceptions de la primauté dans l'organisation ecclésiale, toutes les deux fondées sur des interprétations divergentes du 28è canon du concile œcuménique de Chalcédoine (431): "(…) Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mus par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'Eglise, tout en étant la seconde après elle ; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'Eglise de Constantinople ; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci." (In. "Canons du 4ème Concile de Chalcédoine", http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit%20canon/canons4econcileFR.htm ).
Le patriarcat de Constantinople cherche à conserver son autorité sur la diaspora orthodoxe depuis le patriarcat de SB Mélétios (1921-1923) car c'est en fait pour lui une question de pouvoir et de survie: l'essentiel de son troupeau (et de ses ressources!) appartient à la diaspora. Si le patriarcat ne s'occupait que "de la minorité de nationalité turque et de religion grecque-orthodoxe", comme le stipule le traité de Lausanne (http://www.crypte.fr/eglise/clementconstantinople.html ), il serait l'une des plus petites Eglises orthodoxes, privée de tout moyen financier et de toute influence… À l'opposé, l'Eglise russe, qui est déjà la plus nombreuse et la plus influente, n'a aucun besoin de la diaspora pour assoir son autorité et, appuyée par l'état russe, elle dispose de moyens diplomatiques et financiers autrement plus puissants que Constantinople (voir chez nous les cathédrales de Paris et de Nice, le séminaire d'Épinay, l'église de Strasbourg…)
Pour autant la préparation de ces deux documents fut très différente.
Sur la diaspora orthodoxe: Mgr Basile Krivochéine, Archevêque de Bruxelles et de Belgique, plaçait la question de la diaspora en tête des problèmes à résoudre par le Concile et estimait "indispensable et même urgent "de résoudre le problème "des orthodoxes habitant en dispersion (diaspora), i.e. hors des frontières canoniques des Églises autocéphales, telles qu’elles furent établies tout au long de l’histoire (…) La question de la diaspora est devenue importante à cause de l’apparition en masse de millions d’orthodoxes sur des territoires «en-dehors des autocéphalies ,en raison des émigrations du XXe siècle et de la conversion d’Occidentaux à l’orthodoxie". (Lettre au métropolite Juvénal de Toula, 1976, In "Messager de l'Église orthodoxe russe" No 25 juin 2014, "Éditions Sainte-Geneviève" ) La situation n'a guère évolué depuis car deux positions s'affrontent au sein de l'Orthodoxie:
- D'un côté l’Église russe, qui "s’est toujours efforcée de permettre la consolidation des communautés orthodoxes vivant dans la diaspora, et aussi de faire murir … les conditions indispensables à l’octroi à celles-ci de degrés croissants d’autonomie ecclésial : autonomie locale, autonomie, autocéphalie comme ce fut le cas pour l'Église de Tchécoslovaquie en 1951 et l'OCA ("Église Orthodoxe en Amériques", voir plus loin) en 1970" explique le métropolite Hilarion de Volokolamsk (ibid.)
- De l'autre le patriarcat de Constantinople qui insiste sur "son droit propre" à se charger de façon privilégiée de la responsabilité pastorale de toute la diaspora orthodoxe "sur la base d’une interprétation très élargie du 28e canon du IVe concile œcuménique" (ibid. Hilarion)
Le document préconciliaire sur la diaspora, adopté en 2009, ne tranche pas entre ces deux positions et constate que, «au stade actuel est impossible… un passage immédiat à l’ordre canonique strict de l’Église concernant cette question, à savoir la présence d’un seul évêque dans le même lieu. Pour cette raison, la décision est prise de proposer la création d’une certaine situation transitoire, qui prépare aussi la base d’une solution strictement canonique du problème » (ibid.) et c'est la décision d'instituer des "Conférences épiscopales" dont la mise en place effective dans 12 régions (il ne semble pas y en avoir dans les pays scandinaves, par contre celle d'Amérique du nord s'est divisée entre Canada et USA) montre que cette décision est bien reçue. Mais les objectifs de cette organisation "transitoire" semblent contradictoires: pour le patriarcat de Constantinople elle permet de maintenir son autorité, puisque les Conférences sont présidées par ses représentants, alors que pour les tenants de la création d'Eglises autocéphales locales les Conférences sont les embryons de futurs synodes d'Eglises indépendantes… Ainsi le débat continue et continuera probablement après le Concile.
Sur l’autonomie et la façon de la proclamer: alors que les deux questions de l’octroi de l’autonomie et celui de l’autocéphalie étaient liées au départ, la délégation de l’Église orthodoxe russe a proposé de les dissocier en laissant l'autocéphalie de côté: que chaque Église locale ait le droit de décider d’attribuer les droits d’autonomie à l’une ou l’autre de ses parties et de définir l’étendue de ces droits de façon indépendante. Le consensus de toutes les Églises fut atteint là-dessus mais le fait que, maintenant, ce thème soit relié à celui de la diaspora semblerait limiter la question aux implantations extérieures au territoire canonique traditionnel des Églises locales. C'est la situation de la majorité des Autonomies du patriarcat de Constantinople (encore que l'Athos, la Crête et Sainte Catherine du Sinaï ne soient pas dans ce cas) alors que l'Église russe a institué plusieurs Autonomie sur son territoire canonique traditionnel (Ukraine, Kazakhstan, Estonie…) aussi bien qu'en dehors (Japon, Chine, Église Russe à l'Étranger). Il sera donc très intéressant de voir quelle solution est finalement retenue…
3. Le sacrement du mariage et ses empêchements: cette question donna lieu à deux textes consensuels dès 1971 et 1972:
- Sur les empêchements canoniques proprement dits (degrés de parenté, mariage des clercs et des moines, remariage) les pratiques existantes sont unifiées en précisant que «dans la question des empêchements au mariage, l’Église doit prendre également en considération les dispositions de la législation civile locale, mais cela va de soi, dans les limites de la tolérance possible du côté de l’Église»
- Sur la question des mariages mixtes: l’acribie canonique s'oppose au mariage des orthodoxes avec les hétérodoxes, mais l'Eglise "peut cependant le bénir par condescendance et humanité sous la condition définie que les enfants de ce mariage soient baptisés et éduqués dans l’Église orthodoxe". Les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent prendre leurs décisions, relativement à l’application de l’économie, dans des cas individuels, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers. "Le mariage entre orthodoxes et fidèles des autres religions ou des non-croyants est absolument interdit…Mais en cas de tels mariages, les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent néanmoins appliquer l’économie pastorale au conjoint orthodoxe, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers" (ibid. conférence du métropolite Hilarion de Volokolamsk)
Mais les questions de la vie et de la famille s'invitèrent dans le débat, comme le mentionne le "Message de la synaxe" de mars dernier déjà cité, et il est très probable que le texte adopté aille plus loin comme "Les Bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe" (ch. X. "Morale personnelle, familiale et sociale"), adoptées au Concile épiscopal jubilaire de l’an 2000 (traduction en français de H. Destivelle, éditions du Cerf, Paris 2007).
4. L’importance du jeûne et son application aujourd’hui: l Le projet de départ prévoyait des allégements très conséquents des principaux jeunes mais il a, là encore, été profondément modifié sous l'impulsion de la délégation de l'Église russe comme l'explique Mgr Hilarion (ibid.): "Le document final contient l’enseignement ecclésial sur le jeûne, en ne faisant qu’expliciter les méthodes, par lesquelles il convient de se diriger, les appliquant dans la pratique pastorale contemporaine. (…) Pour ceux qui éprouvent des difficultés pour observer les dispositions en vigueur du jeûne … il est laissé à l’examen des Églises orthodoxes locales de définir la mesure d’économie et de condescendance, adoucissant dans certains cas la «sévérité» habituelle des saints carêmes. Mais tout cela est défini dans le cadre susmentionné et dans le but de ne pas relâcher l’institution sacrée du carême (…).
Il convient que tous les membres fidèles de l’Église jeûnent avant la sainte communion et qu’ils s’accoutument au jeûne pour marquer le repentir, réaliser une promesse spirituelle, atteindre l’un ou l’autre but sacré, ou encore au moment des tentations, lors de la demande de quelque chose à Dieu, lors des catastrophes naturelles, lors du baptême (pour ceux qui reçoivent le baptême à l’âge adulte), avant les ordinations, en cas d’épitimie, lors des pèlerinages et autres circonstances semblables" (ibid. Conférence de Mgr Hilarion).
Déjà en1976 l'Archevêque de Basile Krivochéine écrivait: "Encore plus inadmissibles apparaissent toute sorte de tentatives de changement ou d’affaiblissement des règles du jeûne établies par les saints Pères (…) Le concile panorthodoxe ne doit pas supprimer les jeûnes, mais appeler les fidèles à les observer plus fermement," (ibid)… et l'Eglise russe s'en tient à cette position en s'opposant à toute dérive moderniste!
5. Les relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien: Les deux documents adoptés en 1986 sur "Les dialogues bilatéraux" et "le Conseil Œcuménique des Eglise (COE)" furent les premiers a être revus par la Commission spéciale "en tenant compte des changements significatifs qui ont eu lieu durant les dernières décennies au sein de nombreuses dénominations protestantes" (mospat.ru04/10/2014).) Ce thème nécessitait évidement un réexamen et l'Eglise avait proposé que les «Principes de base des relations de l’Église orthodoxe russe à l’égard de l’hétérodoxie», adoptés en 2000 par son Concile épiscopal, soient pris en compte dans les projets révisés.
Lors d'un colloque organisé à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge (Paris) en 2012 Tamara Grzelidze (Église Orthodoxe de Géorgie, Commission œcuménique "Foi et Constitution") a évoqué l’engagement des orthodoxes en faveur du dialogue œcuménique, tout en signalant l'ambiguïté dans cet engagement qui ressort de plusieurs déclarations et documents orthodoxes officiels. Les orthodoxes font preuve d’une fluctuation permanente entre des modèles ecclésiologiques exclusivistes et des approches plus "inclusivistes"(1). Selon elle, le futur Concile devra se pencher à nouveau sérieusement sur la question de la coresponsabilité des Eglises orthodoxes territoriales «à la lumière de l’ecclésiologie eucharistique orthodoxe et de ses implications œcuméniques» (cf. "CONTACTS" No 243, juillet-décembre 2013.)
(1) Pour les théologiens orthodoxes "l'inclusivisme" reconnait "une grâce incomplète" chez les autres confessions chrétiennes alors que l'exclusivisme ne leur en reconnait aucune, réservant l'exclusivité de la grâce aux Eglise orthodoxes canoniques…
Il est probable aussi que les deux "réunions au sommet" entre le Pape de Rome et le patriarche de Constantinople qui se sont tenues en 2014 ainsi que le redémarrage du dialogue théologique en septembre 2015 (https://mospat.ru/fr/2015/09/18/news122803/) ont influé sur le débat...
***
B. Trois documents n'ont pas été repris faute de consensus
1. Sur la question du calendrier le document proposé au départ disait: "actuellement, selon l’opinion des savants astronomes, le nouveau calendrier est plus juste que l’ancien. Il en résulte que le meilleur moyen de résoudre la question du calendrier et de la pascalie (2) est la reconnaissance par toutes les Églises orthodoxes du nouveau calendrier, tant en ce qui concerne les fêtes fixes que pour la pascalie…" Les Églises russe, serbe et de Jérusalem s'y opposèrent en arguant de difficultés pastorales et le document finalement adopté (en 1982), se limite à constater qu’«actuellement, le passage de toutes les Églises locales au calendrier julien rectifié s’avère impossible» et souligne que «les anomalies qui se sont produites en relation avec le calendrier ne doivent pas mener à la division, aux différends et aux schismes et que, même si l’on n’est pas d’accord avec son Église, on doit accepter le principe sacré, sanctifié par la tradition, d’obéissance à l’Église canonique et de réunion à celle-ci dans la communion eucharistique, guidé par le principe que «le sabbat est pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat» (Mc 2.27)"(ibid. Hilarion de Volokolamsk). (2) Il s'agit des tables calculant les dates de Pâques adoptées par le concile de Nicée en 325
Mais ce débat se poursuit toujours trente ans après. Pierre Sollogoub (laïc orthodoxe membre de la fraternité orthodoxe en Europe occidentale) expliqua pourquoi une réforme du calendrier et une date commune de Pâques seraient nécessaires en reprenant la même argumentation scientifique que celle du document de 1982 (colloque organisé à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge (Paris) en 2012,) alors que le père Vladimir Khoulap (Académie théologique de Saint-Pétersbourg) développait les obstacles pastoraux dus à l'attachement des croyants aux dates traditionnelles… (cf."CONTACTS" No 243, juillet-décembre 2013.) Et la proposition du pape François d'unifier la date de Pâques, bien accueillie à Constantinople mais sèchement repoussée par Moscou n'a certainement pas facilité l'obtention du consensus puisque le patriarche Cyrille a jugé utile de souligner que la question de la date de Pâques n'est pas à l'ordre du jour pour les orthodoxes…
2. Sur l’autocéphalie et les modes de sa proclamation: Le débat porte sur les rôles respectif de l'Église-mère et du patriarcat œcuménique: "les Églises hellénophones (Constantinople, Alexandrie, Jérusalem et l’Église d’Hellade) réprouvent unanimement le droit unilatéral d’une Église à accorder l’autocéphalie à l’une de ses parties, plaçant au premier plan la procédure conciliaire de prise de décision d’autocéphalie", explique Mgr Hilarion (ibid.), alors que Église russe affirmait le principe de l’égalité de toutes les Églises, indépendamment de leur ancienneté et de leur origine apostolique et le droit de chaque Église-mère d'octroyer l’autocéphalie à l’une de ses parties.
Lors de la session de la commission préparatoire de décembre 2009, il fut convenu unanimement que la proclamation d’une nouvelle Église autocéphale se fait sur demande de l’Église-mère et par un tomos d’autocéphalie contresigné par les primats de toutes les Églises autocéphales. Il reste alors à élaborer le projet du tomos type d’octroi de l’autocéphalie et à définir le processus de proclamation… mais les discussions qui eurent lieu à Chambésy en février 2011 ne purent aboutir à un consensus sur ces modalités pratiques, "l’initiative de ladite proclamation devant revenir au trône œcuménique", selon les rapports grecs, alors que pour Moscou "la compétence du Patriarcat œcuménique serait limitée en l’espèce à son devoir honorifique d’adresser un message patriarcal à toutes les Églises locales et «rechercher» l’expression d’un consensus panorthodoxe. (…) «en exprimant l’accord de l’Église-Mère et le consensus panorthodoxe, le patriarche œcuménique proclame officiellement l’autocéphalie de l’Église demanderesse par la publication d’un tomos patriarcal», qui est signé obligatoirement par les primats de l’Église de Constantinople et de l’Église-mère et, de façon souhaitable, également par les autres primats" (ibid.) Mais de plus, lors de cette synaxe, le patriarche Cyrile a introduit une proposition durcissant les règles d'octroi de l'autocéphalie qui devrait faire l'objet de l'accord unanime de toutes les Églises (possibilité d'avoir un droit de veto si la question d'une autocéphalie ukrainienne se posait?)
L'autonomie de l'OCA (3) "est peut-être, la question centrale et essentielle du Concile, et s’il se trouvait qu’à la conférence panorthodoxe, les Grecs étaient absolument opposés à l’autocéphalie américaine, il vaudrait peut-être mieux ne jamais convoquer le concile," écrivait l'archevêque Basile Krivochèine (ibid.). Les questions de la reconnaissance de l'OCA et de l'immixtion de Constantinople dans l'élection du primat de l'Église des Terres tchèques et de Slovaquie (qui n'a été reconnu qu'in extrémis avant la synaxe sous la pression de Moscou) pèsent aussi sur les débats et expliquent l'exclusion du thème de l'ordre du jour! (3) Rappelons que l'OCA est l'ancienne métropole en Amériques de l'Eglise orthodoxe russe qui lui a accordé l'autocéphalie en 1970. Cette autocéphalie n'est pas reconnue par le patriarcat de Constantinople et d'autres Eglises et cette Eglise non plus n'est pas invitée…
3. Sur les dyptiques (4): l'ordre de ces listes diffère entre les Eglise par le rang des Églises géorgienne et polonaise et par la présence ou l’absence de l’Église orthodoxe en Amérique (OCA); l'Eglise de Chypre souhaite aussi que son rang soit avancé. Cette question encore peu explorée est à relier à celle du nationalisme ecclésial chez les Orthodoxes. "Aucune décision dans ce domaine ne doit être prise par la pression de la majorité sur la minorité. Il est indispensable de suivre le principe du consensus panorthodoxe…" avait souligné Mgr Hilarion de Volokolamsk en soulignant que, si l’unanimité à ce sujet ne serait pas inutile, on pouvait aussi conserver la pratique en vigueur avec des dyptiques différents. De fait, il apparait bien pour lui que ce thème "ne revêt pas une importance pratique aussi importante que, par exemple, les questions de la diaspora, l’autonomie et l’autocéphalie … et son examen a été rapporté plus d’une fois," ce qui explique pourquoi aucun consensus n'a encore pu être trouvé (ibid.)
C. CONCLUSION
Publié conformément à une résolution de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales, 21-28 janvier 2016.
1.LE SACREMENT DU MARIAGE ET SES EMPÊCHEMENTS
Document approuvé par les participants de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016, à l’exception des représentants des Eglises orthodoxes d’Antioche et de Géorgie.
2. L’AUTONOMIE ET LA MANIÈRE DE LA PROCLAMER
Résolution de la Conférence panorthodoxe préconciliaire, 10-17 octobre 2015.
3. LES RELATIONS DE L’EGLISE ORTHODOXE AVEC L’ENSEMBLE DU MONDE CHRETIEN
Projet de document du Concile panorthodoxe, adopté à la V Conférence panorthodoxe préconciliaire de Chambésy, 10-17 octobre 2015.
4. L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui Publié conformément à la résolution de la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016.
5. La mission de l’Eglise Orthodoxe dans le monde contemporain Projet de document du Concile panorthodoxe, approuvé par la Synaxe des Primats des Eglises orthodoxes locales à Chambésy, 21-28 janvier 2016
6. RÈGLEMENT D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DU SAINT ET GRAND CONCILE DE L’ÉGLISE ORTHODOXE Document approuvé par les participants de la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales à Chambésy (21-28 janvier 2016) à l’exception des représentants du Patriarcat d’Antioche.
7. La Diaspora orthodoxe Chambésy, 6-12 juin 2009
8. Règlement de fonctionnement des Assemblées épiscopales dans la Diaspora orthodoxe Chambésy, 6-12 juin 2009
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Опубликованы проекты документов Всеправославного Собора
Lire Six projets de textes qui seront présentés à l'examen du Concile viennent d'être publiés
Mgr Hilarion concluait ainsi sa conférence de 2011(ibid.) et cela me semble toujours d'actualité: "Aujourd’hui, des voix se font entendre, selon lesquelles un tel concile, en général, est inutile, car on a bien vécu treize siècles sans conciles panorthodoxes, et nous vivrons bien encore autant. Il y a une certaine vérité dans cette position. L’Église orthodoxe reste conciliaire même si les conciles généraux orthodoxes ne sont pas convoqués : il y a en fait d’autres mécanismes de conciliarité, comme les réunions panorthodoxes, l’échange de messages entre les primats, des rencontres de primats, etc. Et si le concile panorthodoxe ne se réunit pas, les Églises locales continueront leur service à Dieu et aux hommes « gardant l’unité dans le lien de la paix » (Éph. 4,3).
Dans le même temps, si aujourd’hui les Églises locales parviennent à dépasser leurs différends internes et témoignent « d’une seule bouche et d’un seul cœur » l’union qui lui est intrinsèquement inhérente, ce sera un événement important et significatif. Cela, indubitablement, renforcera l’interaction panorthodoxe, aidera à formuler et à faire connaître la position panorthodoxe au sujet de toute une série de questions actuelles, cela rendra l’Église orthodoxe plus forte et capable de répondre aux défis du temps. Le saint et grand concile de l’Église orthodoxe peut devenir un véritable triomphe de l’orthodoxie, à condition, naturellement, que, dans un esprit authentiquement fraternel et de respect mutuel, soient pris en compte les convictions, traditions et points de vue de toutes les Églises orthodoxes locales.
Permettez-moi de terminer mon intervention par les paroles du métropolite Nicodème, prononcées en 1961 à la première réunion préparatoire panorthodoxe à Rhodes et qui, cinquante ans après, a gardé son actualité : « Nous sommes confrontés à une tâche grande et difficile. Mais nous n’en avons pas peur et n’en sommes point effrayés, car notre entreprise est une œuvre de Dieu. Nous croyons, que le Seigneur renforcera et complètera nos modestes forces, nous conduira sur la voie de la vérité et nous aidera à accomplir notre haut fait pour le bien et la gloire de l’Église une, sainte, catholique et apostolique ».
..............................................
L'Eglise russe en chiffres
D'après le discours du patriarche Cyrille devant le Concile épiscopal de l'Église russe le 2 février 2016
L'Église compte 57 métropoles et 293 diocèses, 354 évêques, près de 35 171 prêtres et 4 816 diacres, 455 monastères masculins et 471 couvents féminins. Il y a 34 764 églises ou lieux de cultes assimilés et plusieurs milliers de chapelles et églises en constructions: il y en a plus de 6 000 rien qu'en Russie oz plus de 5 000 églises ont été construites ou restaurées depuis 2009 (prés de 1000 églises par an)
Dans les pays de "l'étranger lointain", dont nous faisons partie ici, l'Église russe compte 891 paroisses et 56 monastères en comptant l'Église russe é l'Étranger.
Reportage CAROL SABA En marche vers le grand Concile des Eglises orthodoxes
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 29 Janvier 2016 à 20:30
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