A la suite du verdict dans l’affaire Pussy Riot P.O. met en lignes plusieurs réactions de prêtres et de laïcs russes.
Les polémiques continuent bon train en Russie. Nous considérons avoir fait de notre mieux pour informer nos lecteurs de cette affaire. Désormais nous allons essayer de nous limiter aux documents officiels et aux articles de presse les plus importants. Nous comptons sur la compréhension de nos amis.

L'archipretre Alexis Ouminsky : "la Déclaration du Conseil ecclésial suprême a été publiée trop tard"

Le Tribunal du district de Khamovniki (Moscou) a déclaré coupables les participants du groupe punk « Pussy Riot » suite à leur manifestation scandaleuse dans la cathédrale du Christ Sauveur. Nadezhda Tolokonnikova, Yekaterina Samoutsevich et Maria Alyokhina sont condamnées à 2 ans de « colonie ». Le Conseil ecclésial suprême de l’Eglise Orthodoxe Russe a publié une déclaration officielle à cet égard. L’acte du groupe Pussy Riot a été blasphématoire. La sentence, cependant, nuit aux intérêts de l’Eglise. Selon le protopresbytre Alexis Ouminsky, recteur de l’église de la Sainte-Trinité de Khokhli (Moscou), confesseur du séminaire Saint Vladimir, une condamnation de ce genre de manifestation ressort uniquement de la compétence de la justice ecclésiale : J’ai suivi le procès dès le début et j’ai l’impression que la sentence est déterminée plutôt par des considérations politiques que par la protection des intérêts de l’Eglise. Comme tous les chrétiens je suis indigné par cet acte, qualifié de blasphématoire dans la déclaration du Conseil ecclésial suprême. Je suis d’accord avec cette définition. Or, la sentence me semble purement politique et punitive.

La déclaration du Conseil ecclésial suprême survient trop tard. Elle aurait été opportune tout de suite après la manifestation. Le Conseil aurait pu la qualifier de blasphème, appeler les participants au repentir et leur expliquer leurs torts. En effet, à en juger selon les dires de ces femmes elles n’ont toujours pas pris conscience de ce qu’elles avaient fait. Elles disent qu’elles n’avaient pas envisagé d’offenser des croyants. C’était une protestation politique. Il n’y a pas de raison de ne pas les croire. Mais la protestation elle-même a été effectuée sous une forme blasphématoire. Il faut en prendre conscience, la condamner et essayer de l’expliquer aux participants. Si tout cela avait été fait dès le début l’Eglise aurait pu ne pas participer au procès. Maintenant, lorsque la déclaration est faite à posteriori, l’appel aux autorités pour adoucir la sentence n’est pas convaincant par rapport à l’accusation de blasphème.
Il s’en suit « une double sentence ». En effet, la condamnation de l’acte blasphématoire par l’Eglise est également une sentence, celle de la cour ecclésiale. Elle aurait dû être prononcée bien plus tôt. Il a fallu attendre la condamnation de l’Etat pour que l’Eglise se prononce également à cet égard.

Elles sont déjà punies ayant passé 6 mois en prison pour un acte qui n’est pas prévu par le Code Pénal. Il n’existe pas d’article portant sur la protection des sentiments religieux. Il y en a un condamnant sur la haine religieuse. Elles n’ont pas appelé à la haine religieuse. Elles ont commis un acte blasphématoire à l’égard de l’Eglise.

L’appréciation d’un tel acte est dans la compétence de la cour ecclésiale. Cette cour aurait pu appeler au repentir et l’Eglise n’aurait pas été impliquée dans le scandale qui divise actuellement la société. Au moment où le patriarche appelle à la paix et au pardon les peuples russes et polonais nous constatons un clivage dans notre société. Je pense que la sentence est nuisible à l’Eglise. Les médias ont présenté l’Eglise comme un instrument punitif ce qu’elle n’est pas.

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L’archiprêtre Alexandre Sorokine, président du service d’information et d’édition du diocèse de Saint-Pétersbourg se dit plutôt attristé que satisfait de la sentence.

Une sentence plus clémente serait justifiée. La peine prononcée est à mes yeux trop dure. Cette situation dure depuis plusieurs mois, elle nous à tous infligé de grands tourments et il serait temps d’en finir. Cela d’autant plus qu’il est impossible d’humilier celui que l’on voulait atteindre, c’est-à-dire le Christ. Ni Dieu, ni tout ce qui est saint ne peuvent être sujets à humiliation. D’un point de vue purement chrétien je pense que nous aurions dû manifester un simple bon sens plutôt que de la miséricorde ou de la compassion. Je suis loin d’être certain que la sentence va faire cesser les tensions et mettra un point final à cette pénible situation.

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André Eroféev, critique d’art, commissaire de l’exposition « Attention, religion ».

Notre pays n’a pas été désoviétisé et en voici les résultats. Comment ne pas s’étonner du silence des instituts sociaux face à ce genre de procès ? Ne fût-ce que du mutisme du ministre de la culture ? Ce qu’ont fait les membres du groupe appartient sans conteste à l’art moderne. Et cela a été considéré comme un acte délictueux. Souvenons de l’époque soviétique : c’est bien ainsi qu’était traité l’art non conformiste : Rabine, Tzelkov, Neizvestny, voilà de grands noms. Mais ils étaient considérés comme des voyous. De nos jours les toiles d’Oscar Rabine sont exposées à la galerie Tretiakov. Lorsque nos collègues occidentaux voulaient savoir pourquoi ces artistes ne sont pas exposés, on leur répondait qu’on ne les connaissait pas et que c’étaient des voyous. Maintenant la Russie s’enorgueillit de cette école de peinture.

P.O. (Un premier procès avait été intenté par un groupe d'orthodoxes qui souhaitaient faire interdire l'exposition "Attention, religion!" au Musée Sakharov à Moscou. Malgré un recours en appel les parties civiles, Youri Samodourov et André Eroféev ont été condamnés pour "offense aux sentiments religieux des croyants", la justice avait ordonné de fermer l'exposition jugée blasphématoire. "Art Interdit 2006" était un remake de la première exposition par la nature essentiellement blasphématoire des objets exposés. Entre-temps Youri Samodourov s'est vu contrait de démissionner de son poste, son comparse Eroféev a été licencié du Musée "Nouvelle galerie Tretiakov").

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L’archimandrite Tikhon Chevkounov (higoumène du monastère de la Sainte Rencontre) estime que la sentence est assez dure.

Ce qui a été fait dans la cathédrale du Christ Sauveur est un crime, il est par conséquent logique et justifié d’avoir condamné les membres du groupe. Aux yeux d’un orthodoxe ce que ces jeunes femmes ont fait à la cathédrale de la Théophanie ainsi que dans celle du Christ Sauveur sont des vilénies. Auparavant ces jeunes femmes se sont livrées à des actes immondes avec un poulet congelé dans un magasin, se sont produites de la pire manière dans un Musée, etc. Non, ce ne sont pas actes blasphématoire mais un comportement de voyous qui a été condamné, ceci conformément à l’article adéquat du Code pénal. Leur comportement dévoyé avec un poulet, dans un musée, etc. n’a pas fait l’objet d’une condamnation. La sentence est, dure, en effet, comment na pas plaindre ces femmes ? Deux ans, c’est long. Et puis, elles ont des enfants en bas âge. Elles font bonne mise à mauvais jeu et gardent le sourire. Mais il n’y a vraiment pas de quoi les envier. Le Conseil ecclésial suprême a lancé un appel à la clémence. Est-ce que la prison les aidera « à se racheter une conduite » ?

Un exemple : il y a dix ou douze ans le fils de l’un des membres du groupe « Pink Floyd » a décroché le drapeau qui ornait un monument aux anciens combattants. Cela lui a valu seize mois d’emprisonnement. L’Etat doit vivre selon des lois et ces lois doivent être observées. Alors qu’en Russie ont voit des manipulations douteuses avec des poulets effectuées en présence d’enfants, des actes délétères dans un musée, des voitures renversées, tout ceci « couronné » par des actes de hooliganisme à la cathédrale du Christ Sauveur. Tout ceci dans le laissez-faire.
Je le redis : cette sentence, appliquée à de jeunes femmes, est très dure. Il convient de faire tout le nécessaire, j’en suis convaincu, pour cette sentence soit atténuée, cela dans toute la mesure du possible.

Le Conseil ecclésial suprême dit entre autre « L’Eglise s’adresse à ceux dont les sentiments religieux et nationaux ont été profondément humiliés par ces comportements ainsi que la par la campagne de propagande qui les a suivi les priant de s’abstenir de toute volonté de vengeance et de tout acte illicite et d’autant plus violent » Ce n’est pas à la manière de Tolstoï, en n’opposant pas la violence au mal qu’il nous faut réagir mais, comme le préconisait le philosophe Ivan Iline en résistant par la force au mal. Nous avons le droit à protester pacifiquement, à organiser des actions de grâce comme celle qui a réunit une multitude de croyants près de la cathédrale du Christ Sauveur.

Les auteurs de la déclaration avaient en vue ce genre de protestations. Il faut espérer que ce précédent fera réfléchir à deux reprises ceux qui aimeraient imiter le comportement du groupe. Si l’Etat et la société ne dressent pas de barrières, juridiques en particulier, que valons nous ?

Traduction "Parlons d'orthodoxie" et Elena Tastevin






Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 18 Août 2012 à 19:22 | 10 commentaires | Permalien



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