Aujourd'hui notre Patrie traverse des épreuves difficiles. Vous savez, nous risquons vraiment d'être frappés d'une pandémie due à un terrible virus. Je reçois des nouvelles de différents pays, mais j'ai été particulièrement ému par la lettre d'une croyante orthodoxe d'Italie.
Je le répète, cette lettre m'a profondément ému. Cette femme écrit : " Monseigneur, je comprends très bien les Moscovites, les habitants de Saint-Pétersbourg ou d'autres villes. Il vous semble que cette terrible épidémie est loin et que l'on ne sait pas quand elle viendra jusqu'à vous, qu'on ne sait pas si elle sera aussi terrible. Nous-mêmes nous pensions ainsi il y a deux semaines. Nous pensions que cette épidémie n'arriverait pas jusqu'à Rome. Et aujourd'hui, nous sommes confinés chez nous, les morgues et même les stades regorgent de cadavres que l'on n'arrive même pas à incinérer.
Les gens meurent comme on ne meurt qu'en temps de terrible épidémie. Nous restons parfois sans avoir à manger, la peur au ventre nous nous rendons au magasin le plus proche où nous achetons quelques produits alimentaires et rentrons vite à la maison, si nous traînons, nous risquons les contraventions de la police. Jamais nous n'aurions imaginer vivre cela. " Plus loin elle s'adresse à nous tous : "comment pouvez-vous ne pas comprendre cela ? " Et pourquoi pouvons-nous ne pas comprendre cela ? C'est que, grâce à Dieu, dans aucune famille personne n'est mort, mais si quelqu'un meurt, alors d'un coup tout le monde comprendra, et même ce sera la panique.
Mais l'Église aujourd'hui nous appelle à nous engager à suivre scrupuleusement les recommandations émanant des organismes de santé de Russie. L'exemple de Marie l'Égyptienne témoigne de ce que l'on peut sauver son âme sans fréquenter les églises. Je ne cite pas un exemple quelconque, mais celui d'une sainte dont, cette semaine, nous honorons la mémoire. Une sainte qui a fui les églises et les monastères pour s'isoler dans le désert.
Certes, aujourd'hui, le désert n'est ni à Moscou, ni à Saint-Pétersbourg, ni dans aucune autre ville. Mais il y a un endroit qui peut devenir un désert, c'est notre propre maison. Faisons de nos maisons un désert et élevons-y une ardente prière. Réalisons l'ascèse de ne pas quitter notre maison, comme Marie l'Égyptienne a réalisé l'ascèse de ne pas quitter le désert. Bien qu'elle ait certainement dû connaître et la faim et la soif. Dans nos villes aujourd'hui on peut se procurer à boire et à manger sans quitter son désert.
C'est ainsi que nous devons vivre aujourd'hui. N'écoutez pas les prédications de prêtres insensés, écoutez ce que vous dit aujourd'hui votre Patriarche, non de son propre chef, mais parce qu'il suit l'exemple édifiant de sainte Marie l'Égyptienne qui a sauvé et son corps et son âme en se retirant dans le désert, dans l'isolement de tout entourage humain.
Ce n'est pas un hasard si la célébration de la mémoire de sainte Marie l'Égyptienne coïncide avec le début de la période de confinement due à la propagation du coronavirus. Dieu ne connaît pas le hasard. Tout s'est produit ces derniers jours pour que, à la lumière de l'ascèse de sainte Marie l'Égyptienne, nous apprenions à gagner notre salut en dehors des églises, dans un isolement total. Mais n'oublions pas, gagner notre salut et non pas, excusez l'expression, faire les imbéciles, comme ceux qui, profitant des jours que le gouvernement accorde pour se consacrer à la concentration, au repos, à une réorganisation de sa vie, s'adonnent aux réjouissances en plein-air, aux barbecues, à la musique et autres, sûrs que ce sont des jours de congés qui sont accordés. Ce ne sont pas des congés !
C'est du temps pour concentrer ses pensées, pour régler sa vie de famille, ses relations aux collègues, aux membres de sa famille, à ses proches. Pour que chacun puisse se créer un modèle de relations paisibles, comme celui que, dans son lointain désert, s'est créé sainte Marie l'Égyptienne pour ses relations paisibles au monde gangréné par le péché. Marie a lutté contre le diable qui s'est emparé des âmes humaines, nous, aujourd'hui, nous devons combattre les forces du mal qui s'emparent de nos corps et, à travers eux, de nos âmes.
C'est pourquoi, mes très chers, je vous exhorte à ne pas fréquenter les églises tant que vous n'avez pas reçu une bénédiction patriarcale spéciale et, si quelqu'un vous dit quelque chose, rappelez-lui l'exemple de sainte Marie l'Égyptienne. Nous n'avons pas d'autre réponse, parce que nous aimons nos églises. Cela fait cinquante et un ans que j'y prononce des homélies où j'exhorte les gens à fréquenter les églises, à surmonter les mauvaises volontés personnelles et les circonstances extérieures. J'ai consacré toute ma vie à cet appel !
Et vous comprenez, j'espère, comme il m'est difficile aujourd'hui de vous dire : abstenez-vous de venir à l'église et que je n'aurais certainement jamais dit cela s'il n'y avait l'étonnant et salvateur exemple de sainte Marie l'Égyptienne, cette grande ascète que l'Église orthodoxe honore justement cette semaine et qui a su durant sa vie terrestre acquérir la nature d'un ange. Loin des monastères et des églises, sainte Marie a et sauvé son âme et donné à son corps physique la force de vivre dans des conditions invraisemblablement difficiles autant d'années que le Seigneur lui a données.
Par ses prières, que le Seigneur nous garde tous des infections et des maladies. Mais surtout que l'exemple de sainte Marie l'Égyptienne nous aide, nous tous, à prendre conscience de l'importance d'une retraite dans les déserts intimes que sont nos appartements. Prenons sur nous une part de l'ascèse de Marie l'Égyptienne pour nous sauvegarder ainsi que les nôtres et nos proches et, peut-être aussi, pour éprouver l'exploit d'une sainte qui, dans sa retraite, a vécu la plus grande partie de sa vie uniquement par sa foi en le Seigneur et son obéissance à Sa voix.
Nous croyons qu'aujourd'hui aussi le Seigneur nous appelle à suivre le chemin de la sainte y compris dans nos grandes métropoles contemporaines.
Amen.