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André Desnitzky - traduction Nikita Krivocheine
" Ou des répercussions qu’a eues l’union du patriarcat de Moscou avec l’Eglise hors-frontières sur les contacts entre les fidèles"
En décembre 2012, bloqué dans une ville des Etats-Unis par une tempête de neige j’ai été pour un jour l’hôte d’une famille d’américains orthodoxes. C’étaient, par excellence, des américains moyens mais leurs prénoms étaient « bien de chez nous ». Le père travaillait dans une société de bâtiment, la mère dans une ferme. Ils communiquaient entre eux en anglais et se percevaient américains à 100%. Ils célébraient Noël le 7 janvier selon le calendrier grégorien. La famille appartenait à une paroisse de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières. Le chef de famille était l’un des diacres de cette paroisse.
C’est avec générosité et curiosité à mon égard que, coreligionnaire venant de Russie, j’ai été accueilli dans ce foyer. L’unité canonique entre le patriarcat de Moscou et l’EORHF avait été rétablie en 2007. Certaines paroisses hors frontières avaient refusé d’accepter cette union et formèrent une juridiction ecclésiale à part. Mes nouveaux amis étaient heureux de cette union ; depuis le patriarche de Moscou Cyrille est également commémoré lors des offices. Il importe de rappeler que l’Eglise hors frontières reste totalement indépendante dans ses affaires intérieures et sa gestion.
" Ou des répercussions qu’a eues l’union du patriarcat de Moscou avec l’Eglise hors-frontières sur les contacts entre les fidèles"
En décembre 2012, bloqué dans une ville des Etats-Unis par une tempête de neige j’ai été pour un jour l’hôte d’une famille d’américains orthodoxes. C’étaient, par excellence, des américains moyens mais leurs prénoms étaient « bien de chez nous ». Le père travaillait dans une société de bâtiment, la mère dans une ferme. Ils communiquaient entre eux en anglais et se percevaient américains à 100%. Ils célébraient Noël le 7 janvier selon le calendrier grégorien. La famille appartenait à une paroisse de l’Eglise Orthodoxe Russe hors frontières. Le chef de famille était l’un des diacres de cette paroisse.
C’est avec générosité et curiosité à mon égard que, coreligionnaire venant de Russie, j’ai été accueilli dans ce foyer. L’unité canonique entre le patriarcat de Moscou et l’EORHF avait été rétablie en 2007. Certaines paroisses hors frontières avaient refusé d’accepter cette union et formèrent une juridiction ecclésiale à part. Mes nouveaux amis étaient heureux de cette union ; depuis le patriarche de Moscou Cyrille est également commémoré lors des offices. Il importe de rappeler que l’Eglise hors frontières reste totalement indépendante dans ses affaires intérieures et sa gestion.
L’union des deux branches de l’orthodoxie russe est un évènement d’une immense importance.
Il est peu fréquent, en effet, que des entités ecclésiales s’unissent ; bien plus fréquemment nous sommes témoins de schismes et de scissions. L’union de 2007 véhiculait un message symbolique essentiel : les croyants d’une nation morcelée par la révolution et éparpillée de par le monde se regroupaient. Evènement très important pour les « hors frontières » qui, pendant des décennies se considéraient comme les gardiens de « la russité » que les émigrés de la première génération avaient emporté du pays.
Il ne reste presque plus d’émigrés « d’origine », les paroisses américaines sont depuis longtemps peuplées d’émigrés de la « deuxième vague » (celle de l’après-guerre) et de la « troisième vague » (celle des années 1970). Pour la plupart ils entendent le russe sans toutefois le parler. Comment, dans ces conditions, maintenir la tradition ? Le retour dans le pays d’origine n’était pas réel, ce sont les liens spirituels qu’il s’agissait de maintenir.
L’expérience émigrée était importante pour le patriarcat de Moscou : nos frères de l’étranger avaient appris à exister d’une manière complètement indépendante par rapport à l’Etat et à ne compter que sur leurs propres forces. Cela se voit en tout : les paroisses sont autogérées, ce sont elles qui sont en charge des bâtiments et du clergé, il ne leur viendrait pas à l’esprit de compter sur des sponsors ou sur l’administration. Il incombe aux communautés d’honorer les factures et de s’acquitter des impôts. Et de surcroît il convient, décalage entre les calendriers oblige, de jeûner alors que tout le monde festoie autour de vous et de trouver en cela une véritable raison d’être. Pratique qui, en Russie, ne va pas de soi.
Les paroisses hors frontières sont bien plus traditionalistes que la moyenne des paroisses russes. Cela dit les orthodoxes hors frontières vivent au sein d’une société libérale où la religion reste l’affaire personnelle de chacun. Tous les américains orthodoxes, loin de là, suivent dans les médias la vie politique et ecclésiale de la Russie. Cependant ces orthodoxes attachent une grande importance à la possibilité d’avoir des contacts, de voyager en Russie, ne fût-ce que rarement, d’avoir des rencontres avec des gens du pays et de prier avec eux. C’est au nom de tout ceci que les deux branches de l’Eglise se sont unies.
Il importe peu à nos coreligionnaires américains de savoir qui est le président de la Fédération de Russie, comment s’y déroulent les élections et quelles sont les revendications de la rue. Mais il ne leur est pas indifférent du tout de savoir si la vie dans le pays est chrétienne. Souvent on m’a posé au cours de mon voyage à travers l’Amérique des questions portant sur la loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains. Mes interlocuteurs ne parvenaient pas à comprendre les comment et les pourquoi de cette loi. Ils savaient d’expérience qu’il n’y a pas d’ogres aux Etats-Unis et qu’on n’y convertit personne par la force à d’autres religions. La liberté de conscience fait partie des fondements sacrés de la société américaine. De nombreux adoptants américains ont connu l’orthodoxie précisément parce que leurs nouveaux enfants appartenaient à cette religion. Certaines de ces familles adoptantes ont même embrassé l’orthodoxie.
Il est peu fréquent, en effet, que des entités ecclésiales s’unissent ; bien plus fréquemment nous sommes témoins de schismes et de scissions. L’union de 2007 véhiculait un message symbolique essentiel : les croyants d’une nation morcelée par la révolution et éparpillée de par le monde se regroupaient. Evènement très important pour les « hors frontières » qui, pendant des décennies se considéraient comme les gardiens de « la russité » que les émigrés de la première génération avaient emporté du pays.
Il ne reste presque plus d’émigrés « d’origine », les paroisses américaines sont depuis longtemps peuplées d’émigrés de la « deuxième vague » (celle de l’après-guerre) et de la « troisième vague » (celle des années 1970). Pour la plupart ils entendent le russe sans toutefois le parler. Comment, dans ces conditions, maintenir la tradition ? Le retour dans le pays d’origine n’était pas réel, ce sont les liens spirituels qu’il s’agissait de maintenir.
L’expérience émigrée était importante pour le patriarcat de Moscou : nos frères de l’étranger avaient appris à exister d’une manière complètement indépendante par rapport à l’Etat et à ne compter que sur leurs propres forces. Cela se voit en tout : les paroisses sont autogérées, ce sont elles qui sont en charge des bâtiments et du clergé, il ne leur viendrait pas à l’esprit de compter sur des sponsors ou sur l’administration. Il incombe aux communautés d’honorer les factures et de s’acquitter des impôts. Et de surcroît il convient, décalage entre les calendriers oblige, de jeûner alors que tout le monde festoie autour de vous et de trouver en cela une véritable raison d’être. Pratique qui, en Russie, ne va pas de soi.
Les paroisses hors frontières sont bien plus traditionalistes que la moyenne des paroisses russes. Cela dit les orthodoxes hors frontières vivent au sein d’une société libérale où la religion reste l’affaire personnelle de chacun. Tous les américains orthodoxes, loin de là, suivent dans les médias la vie politique et ecclésiale de la Russie. Cependant ces orthodoxes attachent une grande importance à la possibilité d’avoir des contacts, de voyager en Russie, ne fût-ce que rarement, d’avoir des rencontres avec des gens du pays et de prier avec eux. C’est au nom de tout ceci que les deux branches de l’Eglise se sont unies.
Il importe peu à nos coreligionnaires américains de savoir qui est le président de la Fédération de Russie, comment s’y déroulent les élections et quelles sont les revendications de la rue. Mais il ne leur est pas indifférent du tout de savoir si la vie dans le pays est chrétienne. Souvent on m’a posé au cours de mon voyage à travers l’Amérique des questions portant sur la loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains. Mes interlocuteurs ne parvenaient pas à comprendre les comment et les pourquoi de cette loi. Ils savaient d’expérience qu’il n’y a pas d’ogres aux Etats-Unis et qu’on n’y convertit personne par la force à d’autres religions. La liberté de conscience fait partie des fondements sacrés de la société américaine. De nombreux adoptants américains ont connu l’orthodoxie précisément parce que leurs nouveaux enfants appartenaient à cette religion. Certaines de ces familles adoptantes ont même embrassé l’orthodoxie.
Autre question fréquente à laquelle il m’a fallu répondre : vénérons-nous en Russie nos nouveaux martyrs, savons qui avaient été leurs bourreaux, sommes-nous conscients de la responsabilité qui incombe aux générations précédentes ? Dans quelle mesure les croyants, le peuple entier s’imprègnent du sens de la vénération des nouveaux martyrs ? N’oublions pas que l’union de 2007 n’a été possible qu’à la suite de la canonisation par le patriarcat de Moscou des croyants massacrés par les bolcheviks pour leur foi.
Hélas, je n’avais pas à ces questions de réponses univoques. Je parlai de l’église construite au « polygone » de Boutovo, de l’exposition « Victoire : l’Eglise et le pouvoir soviétique » dans les murs de l’ancien musée de la révolution et de bien d’autres choses.... Mais il m’a également fallu mentionner les « icônes » à l’effigie de Staline, la nostalgie « d’une main forte et d’une grande idée » qui, on ne sait pourquoi, se laissent si facilement identifier. Je précisais, bien sûr, que jamais l’Eglise n’acceptera de glorifier « le Père des peuples ». Malheureusement il faut cependant constater que certaines notions ont été embrouillées à souhait.
Il m’arrive de plus en plus souvent d’entendre dire, y compris par des orthodoxes, de la nécessité pour la Ruissie d’un pouvoir fort, d’une idéologie tranchée, de s’opposer à l’Occident. « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », me répéte-t-on, à l’instar de ceux qui, dans précisément cet état d’esprit, acheminaient vers Boutovo des gens simples vénérés aujourd’hui par l’Eglise en tant que nouveaux martyrs. Est-ce que l’expérience de l’Eglise hors-frontières nous immunisera des dangers « du stalinisme orthodoxe » ? Ou, au contraire, le discours chauvin tenu au sein de l’Eglise, rebutera non seulement les libéraux mais aussi les coreligionnaires les plus conservateurs à l’étranger ? Il se peut que la division entre conservateurs et libéraux ait perdu son sens et que la question se pose désormais autrement : rendons nous à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César ?
Moscow News
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Nikita Krivocheine "STALINE, UNE ICÔNE?"
Hélas, je n’avais pas à ces questions de réponses univoques. Je parlai de l’église construite au « polygone » de Boutovo, de l’exposition « Victoire : l’Eglise et le pouvoir soviétique » dans les murs de l’ancien musée de la révolution et de bien d’autres choses.... Mais il m’a également fallu mentionner les « icônes » à l’effigie de Staline, la nostalgie « d’une main forte et d’une grande idée » qui, on ne sait pourquoi, se laissent si facilement identifier. Je précisais, bien sûr, que jamais l’Eglise n’acceptera de glorifier « le Père des peuples ». Malheureusement il faut cependant constater que certaines notions ont été embrouillées à souhait.
Il m’arrive de plus en plus souvent d’entendre dire, y compris par des orthodoxes, de la nécessité pour la Ruissie d’un pouvoir fort, d’une idéologie tranchée, de s’opposer à l’Occident. « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », me répéte-t-on, à l’instar de ceux qui, dans précisément cet état d’esprit, acheminaient vers Boutovo des gens simples vénérés aujourd’hui par l’Eglise en tant que nouveaux martyrs. Est-ce que l’expérience de l’Eglise hors-frontières nous immunisera des dangers « du stalinisme orthodoxe » ? Ou, au contraire, le discours chauvin tenu au sein de l’Eglise, rebutera non seulement les libéraux mais aussi les coreligionnaires les plus conservateurs à l’étranger ? Il se peut que la division entre conservateurs et libéraux ait perdu son sens et que la question se pose désormais autrement : rendons nous à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César ?
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Nikita Krivocheine "STALINE, UNE ICÔNE?"
Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 6 Mars 2013 à 13:18
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