La famille Doubinine – des Chinois d’origine russe
Traduction Elena Lavanant

Descendants des Cosaques Albasiens, citoyens chinois avec mention « Russe » dans leurs passeports. Après son baptême Du Chung Tsi est devenu Vassili Doubinine

Piotr, Kassian et Vassili sont de vrais Chinois et ne comprennent pratiquement pas le russe. Tous les trois portent des croix pectorales orthodoxes, et dans leurs poches ils ont des passeports chinois avec mention « origine ethnique russe ». Les descendants des Cosaques Doubininerestent depuis de nombreuses générations des chrétiens orthodoxes. Le week-end dernier les trois frères ont visité Albasine et ont même participé à la cérémonie du baptême.

Fraternité éternelle

Le Russe et le Chinois sont frères à jamais ! Pour les descendants des Cosaques Doubinine ces paroles du vieil hymne idéologique soviétique ont un sens symbolique. Ces trois frères chinois sont devenus Russes avant même leur naissance. Petits-fils d’un prêtre orthodoxe et arrière-petits-fils d’un évêque orthodoxe, ils sont nés, ont grandi et vivent à Beijing. Récemment ils ont eu l’occasion de visiter le fort d’Albasine, la terre de leurs ancêtres. C’est là qu’a été baptisé Vassili, le benjamin de la famille. Il est le seul à ne pas avoir eu la possibilité de devenir chrétien dès sa naissance.

- C’est la faute à la révolution culturelle, et aujourd’hui j’ai l’impression d’être né à nouveau, - nous confie Vassili après son retour d’Albasine.

– Toute ma vie je regardais mes frères, je voyais leurs croix de baptême, je rêvais d’embrasser la foi orthodoxe. Il pleuvait pendant tout notre voyage de Beijing, qui a duré deux jours, puis le soleil est apparu à Albasine, et aujourd’hui on aperçoit à nouveau quelques gouttes. La nature pleure de joie avec nous.
Il n’y a pas longtemps on l’appelait Du Chung Tsi, ce n’est qu’après le baptême qu’il est devenu Vassili, et le choix d’Albasine n’est pas dû au hasard. L’ancêtre des Chinois russes Doubinine fut l’un des défenseurs du fort d’Albasine. Selon de rares témoignages historiques, en 1685 un détachement de cosaques fut capturé et emmené vers l’Empire Céleste. Quelques dizaines de Russes y commencèrent une nouvelle vie et réussirent même à préserver les traditions orthodoxes. A propos, la première partie – Du – du nom chinois de Vassili désigne le nom de son aïeul Doubinine.

Le baptême a été célébré par l’higoumène local, le père Ignace. Après quelques entretiens avec les compatriotes chinois il répétait : « Mais ce sont des Russes ! Ils parlent, pensent, vivent comme des Russes ! » Pourtant, le dialogue nécessitait la présence d’un interprète. Mais quelques minutes ont suffi pour percevoir des notes familières dans les intonations et le comportement des Doubinine chinois. Il est difficile de décrire les sourires, les mimiques, les éclats de rire, mais tout ceci les distingue de leurs compatriotes chinois.
La famille Doubinine – des Chinois d’origine russe

L’hégoumène Ignace a immédiatement reconnu ses compatriotes


Eglise dans un garage

Vassili est journaliste. Ses frères aînés Piotr et Kassian sont également des intellectuels. Piotr Pavlovitch, enseignant en musique, a déjà pris sa retraite et rêve de fonder une chorale d’église. Pour démontrer les possibilités de sa voix, il chante en ténor puis passe progressivement vers les notes basses. Le diapason est impressionnant. Pour terminer, tous les trois entonnent « Adieu, montagnes rocheuses... »

Kassian Tikhonovitch, spécialiste en électronique, est également retraité. Son rêve est de construire une église orthodoxe à Beijing.

- L’époque qui a suivi la révolution culturelle fut très dure pour nous. Les églises ont disparu, il était très difficile de respecter les traditions. Lorsque les relations entre la Russie et la Chine ont commencé à se normaliser, nous avons essayé d’organiser une petite église, ne serait-ce que dans un garage, mais on n’a pas réussi à obtenir l’autorisation, - se désoleKassian. – Je suis né en 1946, papa était instituteur, maman – médecin. Grâce à eux on a réussi à préserver beaucoup de choses. Nous habitions près de l’église et chaque dimanche les parents nous emmenaient à l’office. Tous les ans nous fêtons Noël, à Pâques nous cassons des œufs colorés. Lorsqu’un membre de la famille décède, nous préparons un collybe et allumons un cierge.

Piotr prend sa tasse de thé, la boit avec une petite cuillère.

- C’est la communion, - devinons-nous, et Piotr acquiesce. Il est le seul à se rappeler quelques mots russes du programme scolaire. Un demi-siècle plus tard il les articule avec difficulté mais se souvient très bien de leur sens. Il saisit un cure-dent et dessine une trace de croix sur son front. C’est l’onction ! Il n’y a aucun doute, c’est un vrai orthodoxe. Le Chinois Piotr PavlovitchDoubinine porte sa croix par-dessus la chemise. A chaque occasion il répète : « Nous sommes des Chinois, mais également des Russes, parce que nous sommes des Doubinine ».


La famille Doubinine – des Chinois d’origine russe
Piotr Pavlovitch emmènera en Chine une poignée de terre de la tombe de ses ancêtres russes.

Sur la route d’Albasine les trois Chinois russes Doubinine ont fait des escales dans quelques paroisses. Les prêtres offraient immanquablement du borchtch à leurs invités, qui le savouraient en commentant le repas : « C’est comme à la maison ! »

- Nous aussi nous faisons souvent une soupe avec de la viande, des pommes de terre, des tomates, - sourit Vassili.
Ce voyage a pu être organisé grâce à l’initiativedu père Denis Pozdniaev, doyen de l’église des Saints Apôtres Pierre et Paul à Hongkong. Dans la région d’Amour toutes les questions organisationnelles ont été prises en charge par le diocèse de Blagovechtchensk.

- Nous avons passé trois jours en route en rencontrant beaucoup de gens, et j’avais l’impression de baigner dans notre propre histoire. Nous avons tellement de choses en commun, - a confié Olga Anikina, représentant du département missionnaire du diocèse.

- Avec mon frère Kassian nous avons décidé sans l’ombre d’une hésitation d’accompagner Vassili en Russie, - ajoute Piotr. – J’ai même organisé une petite réception familiale à cette occasion.

Il sort de son sac de voyage un petit flacon rempli de terre.
- J’ai apporté à Albasine une poignée de terre de la tombe de mes parents, je l’ai dispersée au cimetière. Je ramène la terre de mes ancêtres, - sourit Piotr Pavlovitch. – Maman et papa n’ont jamais pu visiter leur terre natale, et mon devoir est de leur donner cette possibilité ne serait-ce qu’après leur mort.

Lors de la cérémonie du baptême de Vassili ses frères aînés ne sont pas restés de simples observateurs. Après l’immersion de leur cadet dans les eaux du fleuve Amour tous les trois ont communié.

Actuellement Vassili étudie les documents d’archives, il y cherche les traces des événements du passé et chérit l’idée d’écrire un livre consacré à l’histoire du clan des Doubinine. Son projet immédiat est le baptême de son fils.
Piotr sort une photo le représentant en compagnie d’un jeune Chinois et d’une femme de type européen, avec un bébé dans ses bras.

- C’est mon neveu André Du, qui poursuit actuellement ses études à Moscou, avec sa femme Julia et leur enfant. – Piotr est très fier de sa famille. Puis il sort de sa poche une carte plastifiée avec sa photo et beaucoup d’hiéroglyphes.

- C’est une pièce d’identité chinoise, - explique l’interprète. – Avec mention « Russe » comme appartenance ethnique.

- Russe, russe, - sourit Piotr en nous quittant. – Nous sommes tous des Russes ici.

Selon eux, les Doubinine sont très nombreux en Chine. Pendant des siècles les racines des Cosaques russes ont donné à l’arbre généalogique de grandes branches ramifiées. La dernière fois ils se sont tous réunis en 2003. Plus d’une centaine de personnes sont venues de tous les coins de la Chine pour assister à une prière commune. Aujourd’hui ils suivent attentivement les échos de la visite du Patriarche Cyrille qui s’est déroulée au mois de mai. Il y a l’espoir que les relations entre les deux pays deviennent encore plus proches, et l’orthodoxie puisse vivre un certain renouveau. Aujourd’hui deux prêtres orthodoxes chinois poursuivent leur formation à Moscou. C’est peu, mais ce ne sont que les premiers pas.


La famille Doubinine – des Chinois d’origine russe
La garde russe de l’empereur

L’histoire des Albasiens exilés est contradictoire et présente beaucoup de taches blanches, et on pourrait la résumer comme suit. Au début de l’été 1685 le fort d’Albasine fut assiégé par une armée chinoise de près de dix mille soldats. Le fort fut pris, une cinquantaine de prisonniers Cosaques furent emmenés avec leurs familles à Pékin. L’empereur de Chine leur offrit un vaste terrain pour qu’ils puissent s’y installer.

Plus tard une compagnie impériale spéciale prénommée « Drapeau au liséré jaune » fut formée, avec la participation de Cosaques Albasiens.

La base de cette compagnie fut constituée de Russes avec des noms Yakovlev, Doubinine et Romanov. L’empereur a offert aux exilés et au prêtre qui les accompagnait un temple lamaïste, des offices furent célébrés dans ses locaux. En quittant Albasine, les Cosaques ont pu emporter quelques icônes, dont l’icône de Saint Nicolas le Thaumaturge (Saint Nicolas de Mojaïsk).

250 descendants d’Albasiens vivent actuellement sur le territoire de la Chine.

André Anokhine

Мы русские китайцы Дубинины! PRAVMIR

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Un témoignage reçu de Chine

L'archiprêtre Dionisy Pozdniaiev, recteur de la cathédrale des Saints Apôtres Pierre et Paul à Hongkong, parle de l’orthodoxie en Chine

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Novembre 2014 à 10:11 | 1 commentaire | Permalien



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