LA CORRESPONDANCE DU PERE SERGE (CHEVITCH)
Conférence d'Emilie Van Taack pour les 30 ans du rappel à Dieu de père Serge

P.O. met en ligne un extrait de cette conférence, texte complet en P.J.

LA CORRESPONDANCE DU PERE SERGE
/CHEVITCH/ TELLE QU'ELLE NOUS EST PARVENUE JUSQU'A PRESENT

La Providence, jusqu'à présent, nous a mis en possession de lettres du père Serge Chévitch de types bien différents.

Il utilisait volontiers le courrier et écrivait souvent. Ce qui ne l'empêchait pas de téléphoner presque chaque jour, lorsque c'était possible, à ceux pour lesquels il était animé d'un souci particulier.

Il écrivait à ses enfants spirituels proprement dits mais aussi à tous ceux avec qui il entretenait une relation - en fait avec tous ceux qu'il rencontrait et qui avaient besoin d'un signe de sa part, d'un encouragement, d'un avertissement, ou d'une parole quelconque pour poursuivre leur chemin. Il s'agissait le plus souvent de brèves missives de congratulation pour les fêtes ou pour d'autres occasions, ou transmettant simplement sa bénédiction, souvent écrites au dos de petites images saintes.

Il y avait aussi des lettres plus développées quoique simples et brèves dans leur ensemble, soit contenant des conseils spirituels pour ceux qui se destinaient à la vie monastique soit donnant des nouvelles et relatant des évènements importants mais malgré tout extrêmement dépouillées. Elles ne révèlent rien de sa vie intérieure.

Toutes les lettres de ce type que nous connaissons sont postérieures aux années 1960. Elles sont, pour tout autre que le destinataire, d'une banalité déroutante. Père Serge n'y enseigne quasiment pas mais en revanche il console, soigne, guérit.

Cela n'est perceptible évidemment qu'à celui à qui elles sont adressées. En effet, d'un mot ou deux, apparemment tout à fait banals, il applique le remède approprié à son interlocuteur, ravive l'amour pour Dieu, redonne courage et restaure la grâce: les mots en eux-mêmes paraissent si insignifiant qu'on serait tenté d'y voir plutôt comme un toucher par la parole, analogue au toucher de la robe du Christ qui guérissait ceux qui s'approchaient de Lui dans la foi .

Les mots sont pleins de la grâce que père Serge y mettait par sa prière, par son amour, par son soucis spirituel pour la personne et par son sacrifice personnel. A cause de son reniement de soi, ces mots si simples sont lestés d'une charge spirituelle d'autant plus grande qu'il attribuait plus complètement à Dieu tout ce qui pourrait arriver de bon. On pourrait faire la même remarque, à propos de lettres du père Sophrony qui ont été publiées récemment. Son expérience lui avaient montré qu'il n'était pas utile de rien livrer de lui-même.

On peut même aller plus loin en disant qu'en accord avec le commandement de haïr "même sa propre vie", il ne s'intéressait pas du tout à ce qui le concernait personnellement. Non seulement cela : sans tristesse aucune, il avait horreur de lui-même. Plus grand l'amour, plus grande aussi la volonté de disparaître, de se cacher.

Encore une fois, de telles lettres, pour tout autre lecteur que le destinataire, présentent peu d'intérêt - à moins d'une lecture extrêmement attentive et éclairée, à moins d'en être fait soi-même, par la Providence de Dieu, un nouveau destinataire.

Une image de Père Serge Chevitch produite par l'Atelier.
LA CORRESPONDANCE DU PERE SERGE (CHEVITCH)

Mais récemment, nous ont été communiquées une série de lettres beaucoup plus anciennes et d'un type bien différent. Malheureusement, nous n'en possédons pas le texte complet mais seulement des extraits, la personne qui en est dépositaire craignant que quelqu'un puisse reconnaître la destinataire. Ces extraits, au nombre d'une quinzaine et dont la longueur varie d'un paragraphe à une page, seront publiés intégralement dans le journal de l'Association Saint Silouane, le Buisson ardent, à l'automne prochain.

Cette lettres sont utiles pour tous. Elles sont précieuses pour ceux qui s'intéressent à l'approfondissement de leur vie chrétienne mais aussi pour ceux qui veulent mieux connaître le père Serge. Donnant un enseignement positif, il révèle inévitablement certains aspects de sa vie personnelle qui resteraient autrement cachés.

Les lettres ne sont pas datées et il est difficile sinon impossible de reconstituer un ordre. Nous savons cependant que le père Serge fut en relation avec cette correspondante depuis la seconde moitié des années 1930 jusqu'au décès de cette dernière en 1960. C'était une dame russe émigrée vivant à Paris avec sa fille. Elle avait perdu toute sa famille pendant la révolution, et traversé de dures épreuves. Grâce au père Serge, elle se détacha aussi complètement du monde que le lui permettait sa vie familiale et centra sa vie exclusivement sur la relation avec le Seigneur. Etant donné son ardeur pour la prière, ce sont des lettres qu'on dirait monastiques - quoiqu'adressée à une personne vivant dans le monde, mais dont l'unique préoccupation est spirituelle.

Le père Serge éclaire sa correspondante sur ce qu'elle est entrain de vivre. Sans jamais parler de lui-même, mais ayant lui-même l'expérience de ce qu'elle éprouve, il peut lui révéler des aspects dont elle n'a pas conscience, lui en donner le sens et lui montrer comment répondre à ce que le Seigneur lui envoie, ce qu'Il attend d'elle. Père Serge signant " Higoumène Serge", on peut en déduire que l'échange épistolaire portant sur les questions spirituelles a débuté peu après son ordination monastique en novembre 1941.

Etant sans doute nettement plus jeune que sa correspondante, son ouverture n'est pas gênée par la crainte d'entraîner dans l'orgueil son interlocutrice en la plaçant sur un plan d'égalité - ce qu'un tel partage n'aurait pas manqué de faire pour d'autres correspondants.

Pour qu'un homme spirituel se livre, il faut que ce soit indispensable spirituellement pour son interlocuteur ou bien que l'interlocuteur, ayant atteint le même niveau, apparaisse comme un ami .
De nombreux thèmes sont abordés au cours de cet échange mais certains le sont d'une manière très originale. Je voudrais en abordé essentiellement six:
- La relation entre l'amour et la prière;
- L'oraison et l'intercession par la vie;
- Le repentir et la joie;
- Vie monastique ou vie laïque
- La prière et la violence exercée sur soi;
- Le sentiment de la présence du Seigneur.

LA CORRESPONDANCE DU PERE SERGE (CHEVITCH)

1) La relation entre l'amour et la prière

En guise d'introduction, je voudrais rapporter quelques paroles qui m'ont été adressée dans les années 1970:

"Vous savez, les sentiments d'amour, cela ne veut pas dire grand-chose! Un moment ils sont là, puis le moment d'après, ils ont disparu, pourquoi, comment, c'est difficile à savoir et, en réalité, dans la vie spirituelle, cela nous intéresse peu! C'est bien souvent simplement l'effet des passions. Ce qui compte, c'est l'amour de Dieu, le seul amour véritable! Cet amour s'exprime par excellence dans la prière pour les autres - pour ceux qu'on aime mais surtout aussi pour ceux qu'on aime pas, pour les ennemis comme pour les amis, pour tous les hommes, sans exception! Pour ce qui dépend de nous, l'amour véritable, c'est la prière. Et la prière produira en vous l'amour (et dans le cœur des autres aussi), mais un amour différent, cet amour incorruptible qui ne cherche pas la réciprocité, qui ne dépend ni des affinités ni des ressemblances, qui est sans fluctuation ." SUITE PJ

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 31 Juillet 2017 à 20:51 | -1 commentaire | Permalien



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