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Pour les 70 ans de Mgr Michel (1), krest-most.ru présente quelques souvenirs et anecdotes livrés par le prélat au cour d'une interview (repris dans plusieurs autres média orthodoxes russes)
Quand je suis allé en Russie pour la première fois, j'étais particulièrement heureux d'entendre parler russe dans la rue.
Curieuse rencontre
Toute la vie je rêvais de me rendre au village cosaque de Zotovsky sur le Don, où avaient vécu mes ancêtres mais où je n'étais jamais allé. Mon père m'en avait suffisamment parlé pour que je puisse bien me représenter les environs et la maison familiale et c'est ainsi que, quand enfin j'ai eu la possibilité d'y aller, j'ai retrouvai la maison difficulté. Là les curieuses commencèrent: un inconnu se tenait devant la porte et il bougonna en me voyant: "Ha-а! Voilà Michel qui nous rend visite."
Il se révéla qu'il était de la famille. Mais comment m'avait-il reconnu? Je n'avais prévenu personne de mon arrivée et, d'ailleurs, nous n'avions plus aucun contact. Entrant dans la maison nous nous sommes assis autour de la table… et tout s'est éclairci. Cet homme avait servi toute sa vie dans l'armée et avait été régulièrement convoqué au "service spécial" où on lui demandait s'il n'avait pas eu de contacts avec moi. Et on lui montrait mes photos. Voilà pourquoi il savait bien à quoi je ressemblais et mon arrivée ne lui faisait pas particulièrement plaisir: je lui avais causé de sérieux désagréments.
Quand je suis allé en Russie pour la première fois, j'étais particulièrement heureux d'entendre parler russe dans la rue.
Curieuse rencontre
Toute la vie je rêvais de me rendre au village cosaque de Zotovsky sur le Don, où avaient vécu mes ancêtres mais où je n'étais jamais allé. Mon père m'en avait suffisamment parlé pour que je puisse bien me représenter les environs et la maison familiale et c'est ainsi que, quand enfin j'ai eu la possibilité d'y aller, j'ai retrouvai la maison difficulté. Là les curieuses commencèrent: un inconnu se tenait devant la porte et il bougonna en me voyant: "Ha-а! Voilà Michel qui nous rend visite."
Il se révéla qu'il était de la famille. Mais comment m'avait-il reconnu? Je n'avais prévenu personne de mon arrivée et, d'ailleurs, nous n'avions plus aucun contact. Entrant dans la maison nous nous sommes assis autour de la table… et tout s'est éclairci. Cet homme avait servi toute sa vie dans l'armée et avait été régulièrement convoqué au "service spécial" où on lui demandait s'il n'avait pas eu de contacts avec moi. Et on lui montrait mes photos. Voilà pourquoi il savait bien à quoi je ressemblais et mon arrivée ne lui faisait pas particulièrement plaisir: je lui avais causé de sérieux désagréments.
Aussi me reçut-il froidement; et en plus l'Eglise ne lui disait rien qui vaille. Mais nous avons parlé de tout à cœur ouvert, nous avons malgré tout trouvé un terrain d'entente et qu'en nous séparant nous nous sentions réellement parents…
La petite icône
Mon grand-père Semion Platonovitch Donskov a été fusillé dans ce village en 1918 par les rouges et mon père a été l'un des plus jeunes cosaques à rejoindre le général Krasnov pour défendre Don contre les bolcheviks. Il a quitté la Russie avec l'armée du général Wrangel, passant par Constantinople il a traversé l'enfer de Lemnos, où les soldats russes mourraient de faim et de froid (2). Il y eut ensuite de pénibles tribulations en Turquie, en Grèce, dans différentes villes européennes et enfin, déjà marié, ils est arrivé à Paris où je suis né pendant la Deuxième Guerre mondiale.
En quittant la Russie, mon père n'a emporté que son uniforme et deux objets: la photo de mon grand-père et une petite icône de saint Tikhon de Zadonsk que le grand-père avait rapporté de Zadonsk après la canonisation du saint. Cette icône était en laiton et lui a sauvé la vie quand une balle a frappé la poche où il la transportait. J'ai été très surpris quand mon père m'a brusquement donné cette icône, plutôt que de la donner à l'un de mes aînés, car alors je ne pensais pas encore devenir prêtre. Mais mon père a fait cela sans que je sache pourquoi.
La petite icône
Mon grand-père Semion Platonovitch Donskov a été fusillé dans ce village en 1918 par les rouges et mon père a été l'un des plus jeunes cosaques à rejoindre le général Krasnov pour défendre Don contre les bolcheviks. Il a quitté la Russie avec l'armée du général Wrangel, passant par Constantinople il a traversé l'enfer de Lemnos, où les soldats russes mourraient de faim et de froid (2). Il y eut ensuite de pénibles tribulations en Turquie, en Grèce, dans différentes villes européennes et enfin, déjà marié, ils est arrivé à Paris où je suis né pendant la Deuxième Guerre mondiale.
En quittant la Russie, mon père n'a emporté que son uniforme et deux objets: la photo de mon grand-père et une petite icône de saint Tikhon de Zadonsk que le grand-père avait rapporté de Zadonsk après la canonisation du saint. Cette icône était en laiton et lui a sauvé la vie quand une balle a frappé la poche où il la transportait. J'ai été très surpris quand mon père m'a brusquement donné cette icône, plutôt que de la donner à l'un de mes aînés, car alors je ne pensais pas encore devenir prêtre. Mais mon père a fait cela sans que je sache pourquoi.
Le baptême sous les bombes
Une bombe est tombée sur l'église parisienne que fréquentait notre famille quand je suis né, et le bâtiment a été entièrement détruit. À ce moment nous avons reçu la visite par l'évêque orthodoxe polonais Matfej (Семашко) qui demande à mon père quand allait-on baptiser le nouveau-né. Mon père a répondu : «Quand l'église sera restauré». Mgr a répliqué qu'on ne pouvait attendre 20 ans et m'a baptisé chez nous, à la maison.
«C'est votre "Pâques russe" (en français dans le texte)?»
J'ai fait mes études dans l'internat Saint George à Meudon et, au milieu des années 60 j'ai fait mon service militaire. Pour Pâques j'ai fait une demande de permission, bien qu'on m'avait prévenu que je risquai d'être puni si les raisons de la demande n'étaient pas reconnues valables (les raisons valables étaient la naissance d'un enfant ou le décès d'un parent…) Je suis allé au PC et j'ai demandé un formulaire au sergent qui s'est mis à rire:
— Tu as pris une insolation pendant la marche ? J'ai répondu vertement et, le ton étant monté, le colonel est sorti demandant de quoi il s'agissait.
— Je veux être à la maison pour Pâques.
— Vous êtes Russe ? А c'est votre Pâques russe?
Et voilà qu'il envoie le sergent éberlué chercher formulaires et tampons puis, pointant le doigt au ciel, il ajoute:
— J'ai des chefs, mais au dessus il y a un Chef Suprême. Et en conscience je ne peux pas vous le refuser…
Ainsi je n'ai pas jamais raté Pâques dans la vie.
Une bombe est tombée sur l'église parisienne que fréquentait notre famille quand je suis né, et le bâtiment a été entièrement détruit. À ce moment nous avons reçu la visite par l'évêque orthodoxe polonais Matfej (Семашко) qui demande à mon père quand allait-on baptiser le nouveau-né. Mon père a répondu : «Quand l'église sera restauré». Mgr a répliqué qu'on ne pouvait attendre 20 ans et m'a baptisé chez nous, à la maison.
«C'est votre "Pâques russe" (en français dans le texte)?»
J'ai fait mes études dans l'internat Saint George à Meudon et, au milieu des années 60 j'ai fait mon service militaire. Pour Pâques j'ai fait une demande de permission, bien qu'on m'avait prévenu que je risquai d'être puni si les raisons de la demande n'étaient pas reconnues valables (les raisons valables étaient la naissance d'un enfant ou le décès d'un parent…) Je suis allé au PC et j'ai demandé un formulaire au sergent qui s'est mis à rire:
— Tu as pris une insolation pendant la marche ? J'ai répondu vertement et, le ton étant monté, le colonel est sorti demandant de quoi il s'agissait.
— Je veux être à la maison pour Pâques.
— Vous êtes Russe ? А c'est votre Pâques russe?
Et voilà qu'il envoie le sergent éberlué chercher formulaires et tampons puis, pointant le doigt au ciel, il ajoute:
— J'ai des chefs, mais au dessus il y a un Chef Suprême. Et en conscience je ne peux pas vous le refuser…
Ainsi je n'ai pas jamais raté Pâques dans la vie.
Une autre vie
Quand je suis allé en Russie pour la première fois, j'étais particulièrement heureux d'entendre parler russe dans la rue. Ceux qui vivent en Russie ne peuvent le comprendre: ici il est normal qu'il y ait des Russes à l'église, dehors, partout … Mais pour nous, en émigration, en sortant de l'église nous nous retrouvions dans un monde absolument étranger. Pour Pâques nous nous avions l'habitude de nous congratuler dans l'église, dehors ce n'était plus possible et il semblait qu'il ne pouvait en être autrement… Mais brusquement je me retrouve dans un pays où on peut échanger les congratulations pascales dans la rue. C'est une joie et un bonheur.
Traduction et notes de VG
Quand je suis allé en Russie pour la première fois, j'étais particulièrement heureux d'entendre parler russe dans la rue. Ceux qui vivent en Russie ne peuvent le comprendre: ici il est normal qu'il y ait des Russes à l'église, dehors, partout … Mais pour nous, en émigration, en sortant de l'église nous nous retrouvions dans un monde absolument étranger. Pour Pâques nous nous avions l'habitude de nous congratuler dans l'église, dehors ce n'était plus possible et il semblait qu'il ne pouvait en être autrement… Mais brusquement je me retrouve dans un pays où on peut échanger les congratulations pascales dans la rue. C'est une joie et un bonheur.
Traduction et notes de VG
Notes:
(1) Notice biographique: Simon Donskoff, le futur archevêque, est né le 29 Mars 1943 à Paris. Il a été élève au collège jésuite St Georges à Meudon et au lycée russe. Il a servi dans le corps médical pendent son service militaire puis il a travaillé dans des hôpitaux cliniques de réanimation à Paris. Il a été moniteur et directeur de camps "Vitiaz" (1959-66), y compris en Russie (1994-1995). Ordonné diacre en 1981, prêtre en 91, il a été sacré évêque en 1996 et promu archevêque en 2011. Il est l'ordinaire du diocèse de Genève et d'Europe occidentale de l'EORHF depuis mai 2006.
(2) Plus de 21 000 Cosaques de l'Armée Blanche ont été internés à Lemnos par l'armée française de novembre 1920 à juin 1921 (cf. Bruno Bagni, « Lemnos, l'île aux Cosaques », Cahiers du monde russe, n° 50/1, janvier-mars 2009). Les tombes des victimes des épidémies et des mauvaises conditions sanitaires sont le dernier témoignage de cet épisode tragique.
(1) Notice biographique: Simon Donskoff, le futur archevêque, est né le 29 Mars 1943 à Paris. Il a été élève au collège jésuite St Georges à Meudon et au lycée russe. Il a servi dans le corps médical pendent son service militaire puis il a travaillé dans des hôpitaux cliniques de réanimation à Paris. Il a été moniteur et directeur de camps "Vitiaz" (1959-66), y compris en Russie (1994-1995). Ordonné diacre en 1981, prêtre en 91, il a été sacré évêque en 1996 et promu archevêque en 2011. Il est l'ordinaire du diocèse de Genève et d'Europe occidentale de l'EORHF depuis mai 2006.
(2) Plus de 21 000 Cosaques de l'Armée Blanche ont été internés à Lemnos par l'armée française de novembre 1920 à juin 1921 (cf. Bruno Bagni, « Lemnos, l'île aux Cosaques », Cahiers du monde russe, n° 50/1, janvier-mars 2009). Les tombes des victimes des épidémies et des mauvaises conditions sanitaires sont le dernier témoignage de cet épisode tragique.
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 31 Mai 2013 à 17:27
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