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La position de Mgr Euloge
Nicolas Ross, historien et spécialiste reconnu de l'émigration russe en France et de l'histoire de l'Archevêché (*), qui a fait des recherches approfondies dans les archives de l'Archevêché, rappelle très opportunément dans un commentaire deux textes fondamentaux publiés dans son livre "Saint-Alexandre-Nevsky - Centre spirituel de l'émigration russe - 1918-1939, p 276 et 277. Ces textes de 1932 précisent bien la position des fondateurs de l'Archevêché et correspondent exactement aux explications que me donnaient ceux qui participèrent à ces évènements et ne sont plus avec nous. Ils sont tellement importants que je cite in extenso:
Citation: Dans son tomos daté du 17 février 1931, le patriarche de Constantinople Photios II déclarait avoir examiné les documents présentés par le métropolite Euloge qui montraient la «situation anormale et menaçante» de son diocèse, et avoir pris la décision de «l’accepter sous la juridiction directe» du Patriarcat œcuménique «afin de le raffermir et de le protéger».
Nicolas Ross, historien et spécialiste reconnu de l'émigration russe en France et de l'histoire de l'Archevêché (*), qui a fait des recherches approfondies dans les archives de l'Archevêché, rappelle très opportunément dans un commentaire deux textes fondamentaux publiés dans son livre "Saint-Alexandre-Nevsky - Centre spirituel de l'émigration russe - 1918-1939, p 276 et 277. Ces textes de 1932 précisent bien la position des fondateurs de l'Archevêché et correspondent exactement aux explications que me donnaient ceux qui participèrent à ces évènements et ne sont plus avec nous. Ils sont tellement importants que je cite in extenso:
Citation: Dans son tomos daté du 17 février 1931, le patriarche de Constantinople Photios II déclarait avoir examiné les documents présentés par le métropolite Euloge qui montraient la «situation anormale et menaçante» de son diocèse, et avoir pris la décision de «l’accepter sous la juridiction directe» du Patriarcat œcuménique «afin de le raffermir et de le protéger».
Il poursuivait : « Dans ce but, Nous avons statué, sur décision de notre Synode, que toutes les paroisses orthodoxes russes en Europe, tout en conservant sans modification et sans amoindrissement l’autonomie dont elles bénéficiaient à ce jour en tant qu’organisation religieuse particulière de l’Église orthodoxe russe administrant librement ses affaires, soient désormais considérées comme constituant provisoirement un Exarchat particulier du Très Saint Siège Patriarcal Œcuménique sur le territoire de l’Europe, dépendant directement de lui, se trouvant sous sa protection et, dans le domaine religieux, dirigé par lui là où cela est nécessaire.
De la même manière, Nous avons décidé et statué que cet Exarchat Orthodoxe Russe provisoire en Europe de Notre Patriarcat, ainsi constitué, continuera à être confié dans l’avenir à l’attention pastorale centrale et supérieure et à l’administration de Votre Excellence, exerçant ses fonctions avec le titre d’Exarque de Notre Patriarcat, proclamant Notre nom pendant les offices et ayant des rapports directs avec Nous, conformément aux usages ecclésiaux. […] Nous déclarons enfin qu’après qu’eut été assurée par Nous de cette manière la régularisation canonique provisoire de la situation ecclésiale des paroisses orthodoxes russes en Europe, aucunes décisions, dispositions ou interdictions émanant de quiconque, hormis le Très Saint Siège Patriarcal Œcuménique, ne peuvent avoir aucune légitimité et n’ont pas à être exécutées par les paroisses, le clergé et les fidèles».
* * *
Le métropolite Euloge rédigea une lettre pastorale (datée du 25 février 1931) et demanda à son clergé de la lire aux fidèles, de même que le tomos patriarcal, lors du prochain office dominical. Il précise, dans sa lettre pastorale : «Il est dit clairement dans le tomos que ce nouvel ordre des choses dans l’administration de nos églises n’a qu’un caractère provisoire. Lorsque sera rétabli un pouvoir ecclésial, central reconnu par tous, et des conditions de vie normales pour l’Église orthodoxe russe, nous reviendrons de nouveau à la situation antérieure. Même maintenant, nous conservons notre autonomie interne, sous la forme d’une organisation particulière, sous la haute protection du Patriarche œcuménique. Pour nous, conservent toute leur force les dispositions légales de l’Église orthodoxe russe qui constituent le fondement de notre administration ecclésiale, de même que restent inchangées toutes nos institutions et organes fondés sur ces dispositions légales. […] En prenant cette voie nous ne nous séparons pas, bien sûr, nous ne rompons pas avec notre mère l’Église russe. Nous continuons à la respecter pieusement et à l’aimer avec ardeur dans ses immenses souffrances, notre Église des confesseurs et des martyrs, et ne mettons pas fin à notre unité avec elle. Nous nous engageons, lorsque le moment sera venu, à présenter à son libre jugement toutes nos actions de la période de notre séparation extérieure involontaire. Et nous continuons à rester dans l’unité de foi, de prière et d’amour avec le Patriarcat de Moscou. Nous n’osons même pas condamner le métropolite Serge, le Remplaçant du Gardien du Siège Patriarcal. Nous ne faisons qu’affirmer résolument qu’ici, hors des frontières de la Russie, nous ne pouvons le suivre, nous ne pouvons obéir à tous ses ordres, dans la mesure où ils sont contraires à notre vie ecclésiale. Ainsi, ce n'est pas une rupture avec l’Église russe, ce n’est qu’une rupture provisoire des liens administratifs officiels avec le métropolite Serge, provoquée par des circonstances particulières de la vie contemporaine». Fin de citation
Et le droit canon?
Je ne suis pas un spécialiste en droit canon et j'espère que de meilleurs experts que moi voudrons bien corriger mes éventuelles erreurs d'interprétation. Mais d'après ce que je comprends, les dirigeants de l'Archevêché considèrent cet organisme comme un diocèse de plein exercice appliquant les recommandations du Concile de 1917. Il apparait pourtant assez clairement, d'après les documents connus, que ce statut n'a jamais été confirmé par aucune instance canonique qui aurait pu le faire.
Au départ, il s'agit d'un groupe de paroisses qui dépendent du diocèse de St Petersbourg. Le saint patriarche Tikhon nomma Mgr Euloge à la tête de ces paroisses "avec les droits et prérogatives d’évêque diocésain" (décret du 8 avril 1921) et le métropolite Benjamin de Pétrograd (nouveau nom de St Petersbourg) confirma la transmission de ces droits et prérogatives par lettre in "Métropolite Euloge (Guéorguievski". Ces paroisses ne sont pas pour autant érigées en diocèse et Mgr Euloge ne porte pas de titre diocésain; il apparait donc comme un exarque vicaire. Les tomos de Constantinople de 1931 et 1999 confirmeront la situation en "formant provisoirement, sur le territoire de l’Europe, un Exarchat unique et spécial du Très saint Trône patriarcal Œcuménique dépendant directement de celui-ci" 1931 3e cité ci-dessus et confirmé en tomos 1999 pt 1 Ce rôle d'exarque vicaire du siège de Constantinople est explicitement confirmé par la dernière lettre du patriarche Bartholomée qui précise le rôle de son exarque: "nous vous engageons à informer régulièrement l’Église Mère du progrès et de la situation de ces paroisses bénies, ainsi qu’à demander et recevoir les instructions de notre Centre sacré sur les questions qui y surgissent." 22 mai 2013.
Toutefois la direction de l'Archevêché a refusé par deux fois la décision de son Eglise-mère et se placer sous "la protection provisoire" de Constantinople est en se fondant sur les recommandations du Concile de 1917 pour ce qui concerne l'élection de l'évêque diocésain par son diocèse: en janvier 1931 (nomination de Mgr Éleuthère Bogoïavlenski, métropolite de Vilnius, à la place du métropolite Euloge) et en 1946 (nomination du métropolite Séraphin Loukianov après la mort de Mgr Euloge, survenue peu de temps après son retour au sein de l'Eglise russe). Il convient de noter que l'Eglise mère n'a jamais accepté ces "actes d'insubordination", considérés comme anticanoniques, et c'est le diocèse de Chersonèse, diocèse de plein exercice, qui est pour elle l'héritier de l'exarchat d'Europe occidentale confié à Mgr Euloge cf. "Quelques mots sur le diocèse de Chersonèse".
Les péripéties qui viennent de survenir avec l'élection de l'archevêque Job montrent que cette fière indépendance a vécu et c'est souligné par des informations officieuses sur le déroulement de l'Assemblée Générale du 1 novembre; Mgr Emmanuel de France y a clairement signifié l'abandon de la référence au concile de 1917 en répondant à ceux qui protestaient contre la violation des statuts par le Phanar: "l’Eglise n’est pas née en 1917" (bien que recoupée, cette information est mentionnée ici sous toute réserve en attendant la publication d'un compte rendu officiel). Seuls 21% des délégués se sont opposés à cette position en déposant des bulletins blancs ou nuls au moment du vote (40 sur 191)… Cela semble bien être la fin d'une époque!
(*) Publications de N. Ross sur PO:
NICOLAS ROSS : À qui appartient la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski de Paris ?
Nicolas Ross: Réunion rue Daru
NICOLAS ROSS: Aux origines de la paroisse orthodoxe russe de la rue Daru
Nicolas Ross: " Saint-Alexandre-Nevski, centre spirituel de l'émigration russe, 1918-1939"
V.Golovanow
De la même manière, Nous avons décidé et statué que cet Exarchat Orthodoxe Russe provisoire en Europe de Notre Patriarcat, ainsi constitué, continuera à être confié dans l’avenir à l’attention pastorale centrale et supérieure et à l’administration de Votre Excellence, exerçant ses fonctions avec le titre d’Exarque de Notre Patriarcat, proclamant Notre nom pendant les offices et ayant des rapports directs avec Nous, conformément aux usages ecclésiaux. […] Nous déclarons enfin qu’après qu’eut été assurée par Nous de cette manière la régularisation canonique provisoire de la situation ecclésiale des paroisses orthodoxes russes en Europe, aucunes décisions, dispositions ou interdictions émanant de quiconque, hormis le Très Saint Siège Patriarcal Œcuménique, ne peuvent avoir aucune légitimité et n’ont pas à être exécutées par les paroisses, le clergé et les fidèles».
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Le métropolite Euloge rédigea une lettre pastorale (datée du 25 février 1931) et demanda à son clergé de la lire aux fidèles, de même que le tomos patriarcal, lors du prochain office dominical. Il précise, dans sa lettre pastorale : «Il est dit clairement dans le tomos que ce nouvel ordre des choses dans l’administration de nos églises n’a qu’un caractère provisoire. Lorsque sera rétabli un pouvoir ecclésial, central reconnu par tous, et des conditions de vie normales pour l’Église orthodoxe russe, nous reviendrons de nouveau à la situation antérieure. Même maintenant, nous conservons notre autonomie interne, sous la forme d’une organisation particulière, sous la haute protection du Patriarche œcuménique. Pour nous, conservent toute leur force les dispositions légales de l’Église orthodoxe russe qui constituent le fondement de notre administration ecclésiale, de même que restent inchangées toutes nos institutions et organes fondés sur ces dispositions légales. […] En prenant cette voie nous ne nous séparons pas, bien sûr, nous ne rompons pas avec notre mère l’Église russe. Nous continuons à la respecter pieusement et à l’aimer avec ardeur dans ses immenses souffrances, notre Église des confesseurs et des martyrs, et ne mettons pas fin à notre unité avec elle. Nous nous engageons, lorsque le moment sera venu, à présenter à son libre jugement toutes nos actions de la période de notre séparation extérieure involontaire. Et nous continuons à rester dans l’unité de foi, de prière et d’amour avec le Patriarcat de Moscou. Nous n’osons même pas condamner le métropolite Serge, le Remplaçant du Gardien du Siège Patriarcal. Nous ne faisons qu’affirmer résolument qu’ici, hors des frontières de la Russie, nous ne pouvons le suivre, nous ne pouvons obéir à tous ses ordres, dans la mesure où ils sont contraires à notre vie ecclésiale. Ainsi, ce n'est pas une rupture avec l’Église russe, ce n’est qu’une rupture provisoire des liens administratifs officiels avec le métropolite Serge, provoquée par des circonstances particulières de la vie contemporaine». Fin de citation
Et le droit canon?
Je ne suis pas un spécialiste en droit canon et j'espère que de meilleurs experts que moi voudrons bien corriger mes éventuelles erreurs d'interprétation. Mais d'après ce que je comprends, les dirigeants de l'Archevêché considèrent cet organisme comme un diocèse de plein exercice appliquant les recommandations du Concile de 1917. Il apparait pourtant assez clairement, d'après les documents connus, que ce statut n'a jamais été confirmé par aucune instance canonique qui aurait pu le faire.
Au départ, il s'agit d'un groupe de paroisses qui dépendent du diocèse de St Petersbourg. Le saint patriarche Tikhon nomma Mgr Euloge à la tête de ces paroisses "avec les droits et prérogatives d’évêque diocésain" (décret du 8 avril 1921) et le métropolite Benjamin de Pétrograd (nouveau nom de St Petersbourg) confirma la transmission de ces droits et prérogatives par lettre in "Métropolite Euloge (Guéorguievski". Ces paroisses ne sont pas pour autant érigées en diocèse et Mgr Euloge ne porte pas de titre diocésain; il apparait donc comme un exarque vicaire. Les tomos de Constantinople de 1931 et 1999 confirmeront la situation en "formant provisoirement, sur le territoire de l’Europe, un Exarchat unique et spécial du Très saint Trône patriarcal Œcuménique dépendant directement de celui-ci" 1931 3e cité ci-dessus et confirmé en tomos 1999 pt 1 Ce rôle d'exarque vicaire du siège de Constantinople est explicitement confirmé par la dernière lettre du patriarche Bartholomée qui précise le rôle de son exarque: "nous vous engageons à informer régulièrement l’Église Mère du progrès et de la situation de ces paroisses bénies, ainsi qu’à demander et recevoir les instructions de notre Centre sacré sur les questions qui y surgissent." 22 mai 2013.
Toutefois la direction de l'Archevêché a refusé par deux fois la décision de son Eglise-mère et se placer sous "la protection provisoire" de Constantinople est en se fondant sur les recommandations du Concile de 1917 pour ce qui concerne l'élection de l'évêque diocésain par son diocèse: en janvier 1931 (nomination de Mgr Éleuthère Bogoïavlenski, métropolite de Vilnius, à la place du métropolite Euloge) et en 1946 (nomination du métropolite Séraphin Loukianov après la mort de Mgr Euloge, survenue peu de temps après son retour au sein de l'Eglise russe). Il convient de noter que l'Eglise mère n'a jamais accepté ces "actes d'insubordination", considérés comme anticanoniques, et c'est le diocèse de Chersonèse, diocèse de plein exercice, qui est pour elle l'héritier de l'exarchat d'Europe occidentale confié à Mgr Euloge cf. "Quelques mots sur le diocèse de Chersonèse".
Les péripéties qui viennent de survenir avec l'élection de l'archevêque Job montrent que cette fière indépendance a vécu et c'est souligné par des informations officieuses sur le déroulement de l'Assemblée Générale du 1 novembre; Mgr Emmanuel de France y a clairement signifié l'abandon de la référence au concile de 1917 en répondant à ceux qui protestaient contre la violation des statuts par le Phanar: "l’Eglise n’est pas née en 1917" (bien que recoupée, cette information est mentionnée ici sous toute réserve en attendant la publication d'un compte rendu officiel). Seuls 21% des délégués se sont opposés à cette position en déposant des bulletins blancs ou nuls au moment du vote (40 sur 191)… Cela semble bien être la fin d'une époque!
(*) Publications de N. Ross sur PO:
NICOLAS ROSS : À qui appartient la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski de Paris ?
Nicolas Ross: Réunion rue Daru
NICOLAS ROSS: Aux origines de la paroisse orthodoxe russe de la rue Daru
Nicolas Ross: " Saint-Alexandre-Nevski, centre spirituel de l'émigration russe, 1918-1939"
V.Golovanow
Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 4 Novembre 2013 à 21:18
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