Sur les sentiers inattendus de la Cappadoce
Si la nature elle-même induit l’idée de la prière, les hommes aussi ont marqué de leur empreinte, la foi qui les animait. Et c’est ainsi qu’une quantité de chapelles et églises orthodoxes – avant que les Ottomans n’étendent ici leur empire – furent creusées dans la pierre ou même bâties au cœur des villages. Dans une église troglodyte où l’on reste muet devant l’iconographie encore si vive du Christ et des apôtres.


Marcher sur les sentiers de la Cappadoce, région historique d’Asie mineure, en plein cœur de la Turquie, c’est comme arpenter une autre planète où la géologie a fait tant et si bien que rien ne saurait nous être familier, si ce n’est, entre les incroyables surgissements rocheux, quelque petit champ d’une vigne plus ou moins abandonnée, une douce prairie telle un havre d’humidité bienfaisante ou bien un morceau de terre cultivé par un vieux paysan qui occupe ainsi sa journée à biner, sarcler, gratter le sol pour en tirer de jolies courges ou quelques tomates et poivrons savoureux.

Sur les sentiers inattendus de la Cappadoce
Là-haut, en cette matinée où se dessine nettement au loin le plus grand volcan de la région – le mont Erciyes qui culmine à 3 916 mètres et dont on perçoit le chapeau enneigé –, le soleil tape déjà avec une certaine franchise, ce qui laisse augurer des heures… transpirantes !

Les pigeonniers source de richesse

L’équipée avance sans mollir le long de la vallée Rouge (ou rousse ou rose, selon la lumière), appelée ainsi en raison de la couleur de la pierre et de la terre. À la pause, notre guide, Ali Bumin (son nom veut dire « chouette », en turc), 43 ans, ancien professeur d’histoire, explique : « Vous êtes en ce moment sur un territoire qui a vu passer environ vingt-trois civilisations. Et bien, malgré tout ce temps, la fleur de jujubier y sent toujours aussi bon ! »

S’approche alors un homme avec sa binette sur le dos. Il s’enquiert de savoir de quel pays viennent les randonneurs. Mais sans doute a-t-il déjà deviné : les Français sont les plus férus de marche à pied. Quant aux Allemands ou bien aux Canadiens, ils préfèrent, paraît-il, faire la Cappadoce en autobus. Ce qui, hélas pour eux, risque de les tenir éloignés des sites les plus fantastiques.

M. Muzaffer, tel est son nom, raconte qu’il cultive ici la terre de ses ancêtres, et qu’il possède un pigeonnier. Taillées dans la roche à l’aide de morceaux d’obsidienne, une pierre issue des irruptions volcaniques, ces demeures de pigeons ont fait la richesse du pays durant des siècles : d’une part, les oiseaux et leurs œufs composaient la nourriture protéinée des populations locales, d’autre part, la fiente de ces volatiles assurait aux champs une fertilité enviée de la Turquie entière.

Reliefs oniriques

Frigiens, Assyriens, Hitites, Perses, tous ont su s’adapter à ce paysage qui peut paraître hostile, avec ses pics et ses pointes comme autant d’aspérités qu’il faut contourner sans arrêt, mais qui ont l’immense mérite de faire rire ou de faire rêver.La vallée de l’amour, autre sentier autour de Göreme, en est un exemple criant. Car l’on y passe de formes arrondies évoquant à merveille le corps féminin à d’autres viriles sculptures naturelles. La dépression la plus profonde s’appelle la vallée aux Moines. Encapuchonnés, comme marchant par petits groupes le dos légèrement voûté, le bréviaire en mains, ils sont en réalité totalement immobiles puisqu’ils ne sont que placides rochers entre lesquels l’érosion a fait de siècles en siècles son lent travail de sape.

Si la nature elle-même induit l’idée de la prière, les hommes aussi ont marqué de leur empreinte, la foi qui les animait. Et c’est ainsi qu’une quantité de chapelles et églises orthodoxes – avant que les Ottomans n’étendent ici leur empire – furent creusées dans la pierre ou même bâties au cœur des villages. « On en a dénombré plus de 3 500 dans toute la Cappadoce », assure notre guide, lui-même ému par la présence de ces chrétiens des premiers siècles, grecs pour la grande majorité, qui devaient souvent se cacher des envahisseurs.

Un patrimoine façonné par les Grecs

Aujourd’hui, la Turquie est officiellement un pays laïque, néanmoins de plus en plus islamisé, ce qui ne réjouit guère Ali qui affirme que sa génération n’est pas dans cet état d’esprit, lui-même se sentant plus proche du chamanisme, lequel, issu de la Sibérie, s’était autrefois introduit par l’Est jusqu’en Asie mineure.

Toujours est-il que sur les chemins de la Cappadoce, les promeneurs s’émerveillent de voir combien demeurent en bon état apparent tous ces vestiges de ferveur. Dans une église troglodyte où l’on reste muet devant l’iconographie encore si vive du Christ et des apôtres, Ali annonce, implacable : « Vous serez parmi les derniers à pouvoir jouir de ce spectacle unique, car en 2016, nombre d’églises seront fermées aux visiteurs. ».....SUITE "La Croix"


LOUIS de COURCY à GÖREME (Turquie)

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 16 Septembre 2012 à 15:57 | 0 commentaire | Permalien



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