V. Golovanow
Le texte suivant est une traduction de l'article Eastern Orthodox Churches, par Nicolas Lossky (1), tiré de l'édition révisée du "Dictionnaire du mouvement œcuménique", publié conjointement par le Conseil œcuménique des Eglises et Wm. B. Eerdmans en 2002 (2).

Les titres intermédiaires et les notes sont de VG. Les * renvoient à des articles spécifiques du "Dictionnaire du mouvement œcuménique"

Les origines:
Dans la période récente, on a pris l’habitude de se servir de ce terme, en particulier dans le contexte œcuménique, pour établir une distinction entre les Eglises orthodoxes «chalcédoniennes» et les Eglises orthodoxes «non chalcédoniennes» ou «pré-chalcédoniennes», qu’on appelle aussi parfois «Eglises orthodoxes orientales»*.

A la suite d’une série d’accidents historiques, et en particulier depuis la séparation progressive entre Rome (et le christianisme d’Occident) et les autres patriarcats anciens, on en est venu à identifier les Eglises orthodoxes avec les pays de l’Est. En réalité, l’orthodoxie ne se situe ni à l’Est, ni à l’Ouest. Jusqu’au grand schisme* entre l’Orient et l’Occident, les chrétiens d’Orient (à l’exception des pré-chalcédoniens à partir du ve siècle) et les chrétiens d’Occident constituaient une communion conciliaire unique, qui connaissait néanmoins des tensions occasionnelles

L’année 1054, qui marque officiellement la rupture entre l’Eglise d’Orient et l’Eglise d’Occident, fut celle de l’excommunication* mutuelle entre Rome et Constantinople (la «nouvelle Rome» depuis le Concile de Constantinople de 381). Mais, en réalité, le processus qui aboutit au schisme fut long et compliqué et, malgré plusieurs tentatives de rapprochement (conciles de Lyon [1274], et de Ferrare-Florence [1438-1439]), il n’a pas encore été possible d’aboutir à une réconciliation. Pourtant, au cours de ces dernières décennies, d’importants progrès ont été réalisés, en particulier en 1965 lorsque le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier ont levé, chacun de son côté, les excommunications de 1054. Depuis quelques années, il existe une commission internationale officielle de dialogue (voir dialogue entre orthodoxes et catholiques romains).

Les points fondamentaux


L’Eglise orthodoxe chalcédonienne affirme descendre directement et sans solution de continuité de l’Eglise des apôtres. Cela s’exprime dans sa fidélité à la foi apostolique telle qu’énoncée et explicitée dans les sept conciles œcuméniques* ainsi que dans sa tradition patristique (voir tradition apostolique, apostolicité). Ainsi, les Eglises chalcédoniennes sont unies dans la foi*, et chacune jouit d’une autonomie interne sous la primauté* du Patriarcat de Constantinople, qui est «primus inter pares».
Il convient par ailleurs de souligner la grande importance accordée par l’orthodoxie chalcédonienne aux sacrements*, dont les plus importants sont les sacrements d’initiation: le baptême* (par immersion), la chrismation* et l’Eucharistie (communion sous les deux espèces), à laquelle le nouveau baptisé est immédiatement admis, quel que soit son âge.
Depuis leur séparation d’avec l’Occident chrétien, les Eglises orthodoxes chalcédoniennes suivent, pour l’essentiel, la tradition liturgique syro-byzantine (voir liturgie), dont l’évolution doit beaucoup aux Pères et aux grands centres monastiques (parmi lesquels celui du mont

Athos est aujourd’hui le plus important). Dans cette tradition liturgique, l’iconographie joue un rôle important (voir icône/image).

Structure actuelle:

Du point de vue des structures, on peut dire que les Eglises orthodoxes chalcédoniennes relèvent des classifications ci-après. En premier lieu, elles représentent quatre des cinq patriarcats anciens (qui, avec Rome, constituaient la «pentarchie» bien connue), à savoir: Constantinople (patriarche Bartholomée Ier; environ 2 millions de fidèles, dont quelques milliers seulement se trouvent en Turquie) ; Alexandrie (patriarche Pierre VII; environ 100 000 fidèles) ; Antioche (siège primatial à Damas: patriarche Ignace IV; environ 450000 fidèles) ; et Jérusalem (patriarche Irénée Ier; environ 50000 fidèles).

L’orthodoxie compte plusieurs Eglises autocéphales, c’est-à-dire des Eglises qui élisent leur primat sans référence à une autre Eglise autocéphale. La plus importante en nombre est l’Eglise russe (patriarche Alexis II; environ 100 millions de fidèles en 1917, à peu près le même nombre de baptisés aujourd’hui). Il y a aussi l’Eglise roumaine (patriarche Théoctiste, environ 14 millions de fidèles) ; l’Eglise serbe de l’ex-Yougoslavie (patriarcat à Belgrade: patriarche Paul; environ 8 millions de fidèles) ; l’Eglise de Grèce, séparée du Patriarcat de Constantinople depuis 1833, avec son propre primat, l’archevêque d’Athènes (Christodoulos; environ 7.5 millions de fidèles) ; l’Eglise bulgare (patriarche Maxime, environ 6 millions de fidèles) ; l’Eglise de Géorgie, beaucoup plus ancienne que l’Eglise russe: elle fut en effet fondée au ve siècle grâce à l’activité missionnaire d’une femme, sainte Nino, considérée comme «égale des apôtres» dans le sanctoral orthodoxe (patriarche: le catholicos Elias II; 2.5 millions de fidèles en 1917) ; l’Eglise de Chypre, autocéphale depuis le Concile d’Ephèse en 431 (archevêque Chrysostome; environ 450000 fidèles).

Un troisième type d’Eglise orthodoxe chalcédonienne est celui les Eglises autocéphales qui, dans un pays particulier, représentent une minorité orthodoxe parmi d’autres chrétiens: ce sont l’Eglise orthodoxe des pays tchèques et de Slovaquie (environ 350000 fidèles en 1950), l’Eglise orthodoxe de Pologne (environ 350000 fidèles) et l’Eglise orthodoxe d’Albanie (environ 210000 fidèles en 1944), qui a commencé à renaître sous la direction de l’archevêque Anastase (Yannoulatos).
On trouve aussi, parmi les Eglises orthodoxes chalcédoniennes, des Eglises autonomes ou semi-autonomes, c’est-à-dire des Eglises qui jouissent d’une autonomie interne mais dont le primat est élu sous l’égide de l’une des Eglises autocéphales. C’est le cas, entre autres, de l’Eglise de Finlande (environ 70000 fidèles, relevant de la juridiction de Constantinople), de l’Eglise de Crète (qui dépend elle aussi de Constantinople), de l’Eglise orthodoxe du Japon (environ 36000 fidèles, relevant de la juridiction de Moscou) et de la Mission orthodoxe russe en Chine (probablement quelque 20000 fidèles).

Une autre catégorie est celle des missions non encore autonomes: c’est le cas en particulier de la Mission russe en Corée (relevant de la juridiction de l’Archidiocèse grec d’Amérique du Nord) et de l’orthodoxie africaine, fondée en Ouganda par des dissidents de l’Eglise anglicane et actuellement présente au Kenya, en République démocratique du Congo, au Ghana et au Zimbabwe, qui relève de la juridiction du Patriarcat d’Alexandrie. Enfin, il y a la diaspora* orthodoxe: aux xixe et xxe siècles, beaucoup d’orthodoxes ont émigré dans des pays occidentaux pour des raisons politiques et économiques. De ce fait, on trouve des orthodoxes pratiquement dans le monde entier.
Bien qu’un synode qui s’est tenu à Constantinople en 1872 (mais qui a été reçu par toutes les Eglises orthodoxes) ait condamné le «phylétisme» – c’est-à-dire le principe selon lequel l’orthodoxie était identifiée à un groupe ethnique particulier – en tant qu’hérésie*, la situation actuelle ressemble à un puzzle complexe de multiples juridictions dans la plupart des pays occidentaux, où les Eglises mères ont tendance à vouloir soumettre à leurs juridictions respectives les orthodoxes d’origines différentes en fonction de leur ethnicité*.

Selon l’ecclésiologie orthodoxe traditionnelle, tous les orthodoxes se trouvant en un lieu donné, quelle que soit leur origine ethnique, devraient constituer une communion conciliaire unique. Telle était la situation, par exemple, aux Etats-Unis jusqu’en 1917: tous les orthodoxes constituaient un seul diocèse, dont l’origine remontait à la mission russe auprès des Aléoutiens et des Indiens d’Alaska au xviiie siècle. En 1917, au Concile de Moscou, Tikhon (récemment canonisé), qui avait été évêque du diocèse américain, fut élu patriarche. Lorsque, quelques années plus tard, il put envoyer un nouvel évêque à New York, celui-ci constata que toutes les Eglises mères du monde orthodoxe avaient créé leurs propres juridictions, auxquelles elles avaient soumis leurs ressortissants respectifs. En 1970, l’Eglise russe accorda l’autocéphalie aux Eglises de son ancien diocèse d’Amérique, créant ainsi l’Eglise orthodoxe en Amérique (primat: le métropolite Théodose). Cependant, l’une des plus grandes difficultés de l’orthodoxie actuelle est toujours de trouver une solution au problème de la diaspora orthodoxe, et cela constitue d’ailleurs l’un des principaux points de l’ordre du jour du Concile panorthodoxe. Récemment, les Eglises ont progressé vers un consensus dans ce domaine.

L'œcuménisme

Les Eglises orthodoxes chalcédoniennes ont joué un rôle dans le mouvement œcuménique dès le début du XXe siècle, comme en témoigne l’encyclique* du patriarche œcuménique de Constantinople envoyée, en 1920, à «toutes les Eglises du Christ» et portant sur «des relations plus étroites et une coopération mutuelle». De son côté, la diaspora orthodoxe a grandement contribué à la rencontre avec les chrétiens d’Occident, à une meilleure compréhension mutuelle et à une renaissance commune de la réflexion théologique patristique. La plupart des Eglises orthodoxes chalcédoniennes ont adhéré au COE et ont entamé des dialogues* bilatéraux avec un grand nombre d’Eglises chrétiennes. Il n’en existe pas moins, au sein de l’orthodoxie, une certain courant anti-œcuménique: certains considèrent en effet que le dialogue œcuménique implique nécessairement une trahison de la pureté de la foi orthodoxe. Poussées par cette tendance, les Eglises orthodoxes de Géorgie et de Bulgarie ont quitté le COE en 1998.

Les Eglises orthodoxes chalcédoniennes ne croient pas à l’«intercommunion»*; pour elles, seule la pleine communion* a un sens. C’est la principale raison pour laquelle, de façon générale, les orthodoxes refusent de pratiquer ce qu’on appelle l’hospitalité eucharistique. Selon leur conception de la nature de l’Eglise*, la communion n’est possible que lorsqu’on peut pleinement confesser ensemble la foi apostolique. (Dans des cas très particuliers, certains pasteurs pratiquent l’hospitalité eucharistique, mais cela ne relève que de leur conscience dans le cadre de leurs responsabilités pastorales personnelles). Pour l’instant, les Eglises orthodoxes chalcédoniennes ne sont pas prêtes à admettre une hospitalité eucharistique générale, pas même au sens d’une mesure d’économie*. En réalité, prendre une telle décision reviendrait à établir une règle, et le principe de l’économie constitue précisément une exception pédagogique à une règle qui n’abolit en rien la règle existante. Dans la perspective orthodoxe, la pleine communion se rétablira naturellement d’elle-même lorsqu’il sera véritablement possible de confesser ensemble la foi apostolique dans sa totalité.

Lecture recommandée:

• p.S. Bulgakov, The Orthodox Church, Londres 1935
• O. Clément, L’Eglise orthodoxe, édition révisée, PUF - Que sais-je?, Paris 1985
• P. Evdokimov, L’orthodoxie, Desclée de Brouwer, Paris 1979
• p.J. Meyendorff, The Orthodox Church: Its Past and Its Role in the World Today, éd. revue et augmentée par N. Lossky, St Vladimir’s, New York 1996
• p.A. Schmemann, The Historical Road of Eastern Orthodoxy, St Vladimir’s, New York, 1977
• T. Ware, The Orthodox Church, Pelican, Harmondsworth, Royaume-Uni, 1963, éd. mise à jour 1993.

Source: ICI

Notes du rédacteurs:
(1) et ICI
(2)




Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 11 Août 2012 à 10:48 | 0 commentaire | Permalien



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