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Par Dimitris Michalopoulos
VG - Je propose ce court texte pour ouvrir un débat. Il contient en effet bon nombre d’informations érudites intéressantes, mais les diductions del’auteur sont souvent sujette à caution.
DIMITRIS MICHALOPOULOS est en effet un historien spécialiste de l'histoire des Balkans plus que de la religion. Il est Grec francophone, né à Athènes en 1952, diplômé de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et ancien boursier de la Commission franco-américaine Fulbright; actuellement attaché à l’Institut d’Histoire maritime hellène, il enseigne «l’Histoire de la Grèce moderne et contemporaine » à l’Université du Peuple (Athènes).
C’est un habitué des théories historiques paradoxales : dans "Les Argonautes" (Dualpha éditions, 10/09/2013), il cherche à démontrer que le Anciens possédaient des connaissance scientifiques incroyables, qui ont été perdues à cause de l’athéisme, et dans son dernier ouvrage il veut prouver que l’Odyssée d'Homère eut lieu dans l'Océan atlantique …
Dans l’article proposé, il fait une analyse historico-sociologique pour le moins originale du développement de l’Orthodoxie...
VG - Je propose ce court texte pour ouvrir un débat. Il contient en effet bon nombre d’informations érudites intéressantes, mais les diductions del’auteur sont souvent sujette à caution.
DIMITRIS MICHALOPOULOS est en effet un historien spécialiste de l'histoire des Balkans plus que de la religion. Il est Grec francophone, né à Athènes en 1952, diplômé de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et ancien boursier de la Commission franco-américaine Fulbright; actuellement attaché à l’Institut d’Histoire maritime hellène, il enseigne «l’Histoire de la Grèce moderne et contemporaine » à l’Université du Peuple (Athènes).
C’est un habitué des théories historiques paradoxales : dans "Les Argonautes" (Dualpha éditions, 10/09/2013), il cherche à démontrer que le Anciens possédaient des connaissance scientifiques incroyables, qui ont été perdues à cause de l’athéisme, et dans son dernier ouvrage il veut prouver que l’Odyssée d'Homère eut lieu dans l'Océan atlantique …
Dans l’article proposé, il fait une analyse historico-sociologique pour le moins originale du développement de l’Orthodoxie...
J’ai laissé la syntaxe, la présentation et l’orthographe de l’original (cf. lien in fine*), en ne modifiant que l’emplacement des renvois pour faciliter la lecture, et j’ai ajouté les illustrations...
Vladimir Golovanow
LE COMMUNISME A ÉTÉ FOMENTÉ DANS LES MONASTÈRES ORTHODOXES, les Polonais affirment-ils mélancoliquement – et dirigent leurs yeux vers l’est. C’est vrai; or, bien que la relation entre l’Église orthodoxe et le Marxisme soient depuis longtemps abordées, ne furent jamais tirées au clair. On ne peut guère, en effet, comprendre comment il est possible qu’une Église traditionaliste qui se veut la sauvegarde du l’enseignement de Jésus Christ et des Apôtres puisse devenir un ‘compagnon de route’ exemplaire non seulement des Marxistes mais aussi de leurs précurseurs. Autrement dit, il faut chercher l’origine de cette attitude de l’Église orthodoxe aux débuts des temps modernes et pas seulement au XIXe et XXe siècles. Alors, comment peut-on expliquer ce paradoxe? Et quel a été son impact à l’économie des pays orthodoxes?
I. L’AFFINITÉ IDÉOLOGIQUE
C’est un terrible mouvement crypto-païen qui l’avait emporté en Byzance. Malgré la condamnation d’Arius au Ier Concile de Nicée (325), l’arianisme fut très en vogue parmi les couches dirigeants de l’empire. Même Constantin le Grand, qui pratiquement reconnut le Christianisme comme religion d’État, qui fit de Constantinople la nouvelle capitale de l’empire romain (330) et qui est, même de nos jours, vénéré comme le champion de la foi orthodoxe, était un arien convaincu. Pourquoi? Une explication plausible serait l’influence de sainte Hélène, sa mère, ainsi que d’Eusèbe, évêque de Césarée de Palestine - et son ami.
Le second avait travaillé dans la bibliothèque laissée par Origène (185-254) – précisément en Césarée. Il est bien connu, toutefois, qu’Origène, représentant de la gnose orthodoxe, avait réussi à intégrer les théories néo-platoniciennes dans le christianisme. Disciple d’Ammonios Saccas (175?-242?), qui avait abandonné le christianisme pour devenir le fondateur du néo-platonisme en Alexandrie d’Égypte, Origène chercha, tout au long de sa vie, un compromis du paganisme avec le christianisme. Ce compromis a été formulé par Arius (280?-336?), un prêtre précisément en Alexandrie, qui refusa la divinité de Jésus Christ. On a déjà dit qu’Arius se vit condamné au concile de Nicée; cependant, l’adoption des idées d’Origène par sainte Hélène (1) et Eusèbe (2) aboutirent à ce que ces deux se convertirent à l’arianisme; et l’empereur Constantin les imita, car il ne fut baptisé qu’à la fin de sa vie par Eusèbe, son ami (3).
C’est ainsi qu’un « Christianisme dépouillé » devint l’idéologie officielle de l’empire byzantin (autant que cela puisse paraître bizarre). Or, terrible fut, par conséquent, la réaction des populations autochtones du Proche-Orient, qui manifestaient désormais ouvertement une quasi-indifférence à la personne humaine de Jésus. Cette réaction prit la forme du Monophysisme : selon ses adeptes la nature humaine du Christ était –tout simplement- absorbée dans la divine. La brèche entre l’aristocratie grécisée de l’empire de l’Orient, qui, pratiquement, ne voyait en Jésus de Nazareth qu’un « être humain merveilleux » et le menu peuple, qui considérait le Christ comme le Sauveur divin, était donc infranchissable; et ce n’est que grâce à l’épée de l’Islam que cette brèche disparut.
Vladimir Golovanow
LE COMMUNISME A ÉTÉ FOMENTÉ DANS LES MONASTÈRES ORTHODOXES, les Polonais affirment-ils mélancoliquement – et dirigent leurs yeux vers l’est. C’est vrai; or, bien que la relation entre l’Église orthodoxe et le Marxisme soient depuis longtemps abordées, ne furent jamais tirées au clair. On ne peut guère, en effet, comprendre comment il est possible qu’une Église traditionaliste qui se veut la sauvegarde du l’enseignement de Jésus Christ et des Apôtres puisse devenir un ‘compagnon de route’ exemplaire non seulement des Marxistes mais aussi de leurs précurseurs. Autrement dit, il faut chercher l’origine de cette attitude de l’Église orthodoxe aux débuts des temps modernes et pas seulement au XIXe et XXe siècles. Alors, comment peut-on expliquer ce paradoxe? Et quel a été son impact à l’économie des pays orthodoxes?
I. L’AFFINITÉ IDÉOLOGIQUE
C’est un terrible mouvement crypto-païen qui l’avait emporté en Byzance. Malgré la condamnation d’Arius au Ier Concile de Nicée (325), l’arianisme fut très en vogue parmi les couches dirigeants de l’empire. Même Constantin le Grand, qui pratiquement reconnut le Christianisme comme religion d’État, qui fit de Constantinople la nouvelle capitale de l’empire romain (330) et qui est, même de nos jours, vénéré comme le champion de la foi orthodoxe, était un arien convaincu. Pourquoi? Une explication plausible serait l’influence de sainte Hélène, sa mère, ainsi que d’Eusèbe, évêque de Césarée de Palestine - et son ami.
Le second avait travaillé dans la bibliothèque laissée par Origène (185-254) – précisément en Césarée. Il est bien connu, toutefois, qu’Origène, représentant de la gnose orthodoxe, avait réussi à intégrer les théories néo-platoniciennes dans le christianisme. Disciple d’Ammonios Saccas (175?-242?), qui avait abandonné le christianisme pour devenir le fondateur du néo-platonisme en Alexandrie d’Égypte, Origène chercha, tout au long de sa vie, un compromis du paganisme avec le christianisme. Ce compromis a été formulé par Arius (280?-336?), un prêtre précisément en Alexandrie, qui refusa la divinité de Jésus Christ. On a déjà dit qu’Arius se vit condamné au concile de Nicée; cependant, l’adoption des idées d’Origène par sainte Hélène (1) et Eusèbe (2) aboutirent à ce que ces deux se convertirent à l’arianisme; et l’empereur Constantin les imita, car il ne fut baptisé qu’à la fin de sa vie par Eusèbe, son ami (3).
C’est ainsi qu’un « Christianisme dépouillé » devint l’idéologie officielle de l’empire byzantin (autant que cela puisse paraître bizarre). Or, terrible fut, par conséquent, la réaction des populations autochtones du Proche-Orient, qui manifestaient désormais ouvertement une quasi-indifférence à la personne humaine de Jésus. Cette réaction prit la forme du Monophysisme : selon ses adeptes la nature humaine du Christ était –tout simplement- absorbée dans la divine. La brèche entre l’aristocratie grécisée de l’empire de l’Orient, qui, pratiquement, ne voyait en Jésus de Nazareth qu’un « être humain merveilleux » et le menu peuple, qui considérait le Christ comme le Sauveur divin, était donc infranchissable; et ce n’est que grâce à l’épée de l’Islam que cette brèche disparut.
Cependant, le conflit continua au fil des siècles - bien qu’il acquît une autre forme cette fois-ci. En 867, Photius, patriarche de Constantinople, excommunia le pape de Rome Nicolas Ier le Grand par un concile réuni à Constantinople (4); maintenant c’est une absurdité, le fameux filioque, qui servit de prétexte. L’église orthodoxe affirmait que l’Esprit Saint ne procède que du Père, tandis que Rome soutenait que tant le Père et le Fils, à savoir le Christ, sont tous les deux sources de divinité à titre égal.
À vrai dire, l’insanité de toute cette histoire saute aux yeux très facilement, si l’on tient compte que la question du « principe de la divinité » avait été résolue déjà par Tertullien (150?-222?) et saint Augustin (354-430). Ce dernier, en effet, avec une dextérité incroyable, que "l’on ne put assez louer", avait traité le problème d’une manière suivie et il avait assuré ce qui suit : "Ce n’est pas en vain qu’on appelle Dieu le Père celui dont le Verbe est engendré et dont procède à titre principal (principaliter) le Saint Esprit. J’ai ajouté ‘à titre principal (principaliter) parce que le Saint Esprit procède aussi du Fils". Mais c’est le Père qui le lui a donné… " (5). En d’autres termes, l’église d’Orient reprenait sous Photius le vieux argument des Ariens, qui faisaient une distinction nette entre le Père, qui est le Principe sans autre principe ou commencement que lui-même, et le Fils engendré, qui avait eu un commencement (bien qu’Il eût été créé "avant les siècles"(6). Et l’Occident de prendre le bouclier du Saint Esprit pour ‘protéger’ la divinité de Jésus Christ!
Or, il est archiconnu que tout cela aboutit au grand Schisme des Églises, qui eut lieu en 1054, à savoir quand Michel Cérulaire était le patriarche de Constantinople. Désormais les Latins occidentaux et les Grecs orientaux étaient les uns les ennemis acharnés des autres; et le compromis avec les protestants, voire le calvinisme, entrepris au cours du XVIIe siècle par le patriarche de Constantinople Cyrille Ier Loucaris (1620-1638)(7), n’était que la conséquence directe de ce rejet latent mais très prononcé à la fois de la divinité de Jésus. C’est ainsi donc que le patriarcat grec de Constantinople devint, mutatis mutandis, l’avant-garde de la gauche de l’Europe(8); et il a de l’importance le fait que l’on peut trouver l’écho de cette situation bizarre dans le livre d’Elizabeth Kostova The Historian, récemment publié (9) - et magistralement conçu.
À vrai dire, l’insanité de toute cette histoire saute aux yeux très facilement, si l’on tient compte que la question du « principe de la divinité » avait été résolue déjà par Tertullien (150?-222?) et saint Augustin (354-430). Ce dernier, en effet, avec une dextérité incroyable, que "l’on ne put assez louer", avait traité le problème d’une manière suivie et il avait assuré ce qui suit : "Ce n’est pas en vain qu’on appelle Dieu le Père celui dont le Verbe est engendré et dont procède à titre principal (principaliter) le Saint Esprit. J’ai ajouté ‘à titre principal (principaliter) parce que le Saint Esprit procède aussi du Fils". Mais c’est le Père qui le lui a donné… " (5). En d’autres termes, l’église d’Orient reprenait sous Photius le vieux argument des Ariens, qui faisaient une distinction nette entre le Père, qui est le Principe sans autre principe ou commencement que lui-même, et le Fils engendré, qui avait eu un commencement (bien qu’Il eût été créé "avant les siècles"(6). Et l’Occident de prendre le bouclier du Saint Esprit pour ‘protéger’ la divinité de Jésus Christ!
Or, il est archiconnu que tout cela aboutit au grand Schisme des Églises, qui eut lieu en 1054, à savoir quand Michel Cérulaire était le patriarche de Constantinople. Désormais les Latins occidentaux et les Grecs orientaux étaient les uns les ennemis acharnés des autres; et le compromis avec les protestants, voire le calvinisme, entrepris au cours du XVIIe siècle par le patriarche de Constantinople Cyrille Ier Loucaris (1620-1638)(7), n’était que la conséquence directe de ce rejet latent mais très prononcé à la fois de la divinité de Jésus. C’est ainsi donc que le patriarcat grec de Constantinople devint, mutatis mutandis, l’avant-garde de la gauche de l’Europe(8); et il a de l’importance le fait que l’on peut trouver l’écho de cette situation bizarre dans le livre d’Elizabeth Kostova The Historian, récemment publié (9) - et magistralement conçu.
II. LES CONSÉQUENCES: UN CAS TYPIQUE… ET SIGNIFICATIF
Les effets de cette situation paradoxale se firent sentir à partir du début du XVIIIe siècle – à savoir quand la Sublime Porte confia l’administration des principautés danubienne à des Phanariotes. Ces derniers étaient des chrétiens orthodoxes regroupés autour du patriarcat de Constantinople. Ayant établi leur demeure à Phanar, le quartier de Constantinople où le patriarcat avait son siège (Phanar<Φανάρι= fanal (qui guide la marche des navires pendant la nuit). En effet, à l’époque des empereurs chrétiens, il y a avait là un petit phare, d’où le nom de ce quartier. Il est à noter que, même aujourd’hui, c’est là le siège du patriarcat,) ils se firent appelé Phanariotes, parce qu’ils étaient les adeptes les plus fervents du patriarcat.
Très cultivés, richissimes et complètement hellénisés (Indépendamment de leur pays d’origine), ils étaient très souvent élevés par le sultan ottoman à la dignité de drogman de la Porte – une sorte de sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Or, le sultan étant le suzerain des principautés danubiennes, Valachie et Moldavie (Ces principautés font partie de la Roumanie actuelle), c’est la Porte qui y contrôlait la nomination des princes régnants; et à partir de la deuxième décennie du XVIIIe siècle on mettait sur les «trônes» des deux principautés que des Phanariotes. Cela dura jusqu’à 1821, à savoir quand éclata dans la Morée la révolution grecque; et, bien entendu, eut des conséquences profondes dans la société et l’économie de la Roumanie actuelle.
Les princes régnants Phanariotes fondèrent dans leurs capitales, Bucarest (Capitale de la Valachie) et Jassy (Capitale de la Moldavie), les ainsi dites « académies princières », une sorte d’universités. C’est là donc, par le biais de l’enseignement assuré dans ces «académies» que le matérialisme aristotélicien, que le patriarcat de Constantinople véhiculait dans l’Orient, s’éleva au niveau d’idéologie d’État (11). À vrai dire, si l’on veut chercher les origines intellectuelles, voire spirituelles, des quarante-huitards roumains qui, à juste raison, sont considérés les révolutionnaires les plus radicaux d’alors, c’est dans les idées propagées par ces « académies » que l’on peut les trouver (12).
C’est ainsi qu’une situation paradoxale se créa : une aristocratie étrangère, progressiste opprimait une masse agricole profondément conservatrice (13). On avait beau émanciper les serfs déjà en 1746 en Valachie et en 1749 en Moldavie (14); on avait beau donner aux femmes une liberté inconcevable dans les autres pays de l’Europe (15); on avait beau voir le métropolitain de Valachie Neofit prendre la tête du… mouvement quarante-huitard à Bucarest (16). La Valachie et la Moldavie restèrent des pays où, malgré les productions du sol et les richesses du sous-sol, la commercialisation et la monétarisation–voire la modernisation- de l’économie se firent à des pas très ralentis (16); et c’est là que l’on peut chercher l’origine des maux de la Roumanie actuelle.
Bref, l’église orthodoxe, dont le noyau était –autant que cela puisse paraître bizarre- très proche du marxisme, empêchait la nette distinction de camps adverses à l’instar des pays de l’ouest européen; mais en même temps, elle entravait la revitalisation de la commune agricole – à savoir de la structure sociale traditionnelle des pays slaves et balkaniques. Et il est, à ce titre, très significatif le fait que le seul pays du sud-est européen qui, pratiquement, ne connut pas de « crises de propriété » fut justement la Bulgarie, où depuis le Moyen Âge, un mouvement religieux contraire à l’orthodoxie byzantine et au patriarcat de Constantinople se développa… et l’emporta au sein de la société. Le corollaire en a été que l’artisanat et même l’industrie bulgares prirent, assez tôt, un essor tout à fait remarquable.
III. UNE GÉNÉRALISATION… EN GUISE D’ÉPILOGUE
Ce n’est qu’en Russie, où grâce aux réformes de l’empereur Alexandre II, on procéda à la création d’une couche de petits propriétaires agricoles, que l’émancipation des agriculteurs (ou, au moins, son début) eut lieu.
***
Les effets de cette situation paradoxale se firent sentir à partir du début du XVIIIe siècle – à savoir quand la Sublime Porte confia l’administration des principautés danubienne à des Phanariotes. Ces derniers étaient des chrétiens orthodoxes regroupés autour du patriarcat de Constantinople. Ayant établi leur demeure à Phanar, le quartier de Constantinople où le patriarcat avait son siège (Phanar<Φανάρι= fanal (qui guide la marche des navires pendant la nuit). En effet, à l’époque des empereurs chrétiens, il y a avait là un petit phare, d’où le nom de ce quartier. Il est à noter que, même aujourd’hui, c’est là le siège du patriarcat,) ils se firent appelé Phanariotes, parce qu’ils étaient les adeptes les plus fervents du patriarcat.
Très cultivés, richissimes et complètement hellénisés (Indépendamment de leur pays d’origine), ils étaient très souvent élevés par le sultan ottoman à la dignité de drogman de la Porte – une sorte de sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Or, le sultan étant le suzerain des principautés danubiennes, Valachie et Moldavie (Ces principautés font partie de la Roumanie actuelle), c’est la Porte qui y contrôlait la nomination des princes régnants; et à partir de la deuxième décennie du XVIIIe siècle on mettait sur les «trônes» des deux principautés que des Phanariotes. Cela dura jusqu’à 1821, à savoir quand éclata dans la Morée la révolution grecque; et, bien entendu, eut des conséquences profondes dans la société et l’économie de la Roumanie actuelle.
Les princes régnants Phanariotes fondèrent dans leurs capitales, Bucarest (Capitale de la Valachie) et Jassy (Capitale de la Moldavie), les ainsi dites « académies princières », une sorte d’universités. C’est là donc, par le biais de l’enseignement assuré dans ces «académies» que le matérialisme aristotélicien, que le patriarcat de Constantinople véhiculait dans l’Orient, s’éleva au niveau d’idéologie d’État (11). À vrai dire, si l’on veut chercher les origines intellectuelles, voire spirituelles, des quarante-huitards roumains qui, à juste raison, sont considérés les révolutionnaires les plus radicaux d’alors, c’est dans les idées propagées par ces « académies » que l’on peut les trouver (12).
C’est ainsi qu’une situation paradoxale se créa : une aristocratie étrangère, progressiste opprimait une masse agricole profondément conservatrice (13). On avait beau émanciper les serfs déjà en 1746 en Valachie et en 1749 en Moldavie (14); on avait beau donner aux femmes une liberté inconcevable dans les autres pays de l’Europe (15); on avait beau voir le métropolitain de Valachie Neofit prendre la tête du… mouvement quarante-huitard à Bucarest (16). La Valachie et la Moldavie restèrent des pays où, malgré les productions du sol et les richesses du sous-sol, la commercialisation et la monétarisation–voire la modernisation- de l’économie se firent à des pas très ralentis (16); et c’est là que l’on peut chercher l’origine des maux de la Roumanie actuelle.
Bref, l’église orthodoxe, dont le noyau était –autant que cela puisse paraître bizarre- très proche du marxisme, empêchait la nette distinction de camps adverses à l’instar des pays de l’ouest européen; mais en même temps, elle entravait la revitalisation de la commune agricole – à savoir de la structure sociale traditionnelle des pays slaves et balkaniques. Et il est, à ce titre, très significatif le fait que le seul pays du sud-est européen qui, pratiquement, ne connut pas de « crises de propriété » fut justement la Bulgarie, où depuis le Moyen Âge, un mouvement religieux contraire à l’orthodoxie byzantine et au patriarcat de Constantinople se développa… et l’emporta au sein de la société. Le corollaire en a été que l’artisanat et même l’industrie bulgares prirent, assez tôt, un essor tout à fait remarquable.
III. UNE GÉNÉRALISATION… EN GUISE D’ÉPILOGUE
Ce n’est qu’en Russie, où grâce aux réformes de l’empereur Alexandre II, on procéda à la création d’une couche de petits propriétaires agricoles, que l’émancipation des agriculteurs (ou, au moins, son début) eut lieu.
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Sources données par l’auteur
(1) Voir notamment A. A. M. Jones, Constantine and the Conversion of Europe. Traduit en grec par Alexandre Kotzias (Athènes : Galaxias, 1962), p. 191.
(2) Ibidem, p. 204 sqq.
(3) Ibidem, p. 253.
(4) Voir T. C. Lounghis, Les ambassades byzantines en Occident depuis la fondation des États barbares jusqu’aux Croisades (407-1096), Athènes 1980, p. 189 sqq.
(5) Voir Yves Congar, « Le Père, source absolue de la divinité », Istina (Paris), 1980, No 3 (juillet-septembre), p. 239.
(6) Ibidem, p. 238.
(7) Voir à titre d’exemple Cléobule Tsourkas, Les débuts de l’enseignement philosophique et de la libre pensée dans les Balkans. La vie et l’oeuvre de Théophile Corydalée (1570-1646), Salonique: Institute for Balkan Studies, 1967, p. 179 sqq.
(8) Ibidem, p. 195.
(9) Elisabeth Kostova, The Historian, London : Little Brown, 2005.
(10) Voir notamment A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow (Jassy: The Center for Romanian Studies. The Romanian Cultural Foundation, 1996), p. 195 sqq.
(11) Voir Ariadna Camariano-Cioran, Les académies princières de Bucarest et de Jassy et leurs professeurs (Salonique: Institute for Balkan Studies, 1974), pp. 667, 671.
18 Ibidem, p. 677.
(12) Ibidem, p. 677
(13) Voir notamment le livre de N. Bălcescu, Question économique des principautés danubiennes, Paris : Librairie de Charpentier, 1850.
(14) A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow, op. cit., p. 209.
(15) Voir surtout Dimitris Michalopoulos, Arsachi. Sa pensée et son activité politique (en grec), Athènes : Kaktos, 2005, pp. 121-122.
(16) A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow, op. cit., p. 264.
(17) Voir Mircea N. Popa, La circulation monétaire et l’évolution des prix en Valachie (1704-1831), Bucarest : Association internationale des études du sud-est européen, 1978, notamment pp. 50-51; et aussi les livre de Marcel Emmerit, Victor Place et la politique française en Roumanie à l’époque de l’union, Bucarest: E. Marvan, 1931, passim et Frédéric Damé, Histoire de la Roumanie contemporaine depuis l’avènement des princes indigènes jusqu’à nos jours (1822-1900), Paris : Félix Alcan, 1900, passim.
* Le texte peut être téléchargé sur Academia
(1) Voir notamment A. A. M. Jones, Constantine and the Conversion of Europe. Traduit en grec par Alexandre Kotzias (Athènes : Galaxias, 1962), p. 191.
(2) Ibidem, p. 204 sqq.
(3) Ibidem, p. 253.
(4) Voir T. C. Lounghis, Les ambassades byzantines en Occident depuis la fondation des États barbares jusqu’aux Croisades (407-1096), Athènes 1980, p. 189 sqq.
(5) Voir Yves Congar, « Le Père, source absolue de la divinité », Istina (Paris), 1980, No 3 (juillet-septembre), p. 239.
(6) Ibidem, p. 238.
(7) Voir à titre d’exemple Cléobule Tsourkas, Les débuts de l’enseignement philosophique et de la libre pensée dans les Balkans. La vie et l’oeuvre de Théophile Corydalée (1570-1646), Salonique: Institute for Balkan Studies, 1967, p. 179 sqq.
(8) Ibidem, p. 195.
(9) Elisabeth Kostova, The Historian, London : Little Brown, 2005.
(10) Voir notamment A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow (Jassy: The Center for Romanian Studies. The Romanian Cultural Foundation, 1996), p. 195 sqq.
(11) Voir Ariadna Camariano-Cioran, Les académies princières de Bucarest et de Jassy et leurs professeurs (Salonique: Institute for Balkan Studies, 1974), pp. 667, 671.
18 Ibidem, p. 677.
(12) Ibidem, p. 677
(13) Voir notamment le livre de N. Bălcescu, Question économique des principautés danubiennes, Paris : Librairie de Charpentier, 1850.
(14) A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow, op. cit., p. 209.
(15) Voir surtout Dimitris Michalopoulos, Arsachi. Sa pensée et son activité politique (en grec), Athènes : Kaktos, 2005, pp. 121-122.
(16) A History of Romania. Edited by Kurt W. Treptow, op. cit., p. 264.
(17) Voir Mircea N. Popa, La circulation monétaire et l’évolution des prix en Valachie (1704-1831), Bucarest : Association internationale des études du sud-est européen, 1978, notamment pp. 50-51; et aussi les livre de Marcel Emmerit, Victor Place et la politique française en Roumanie à l’époque de l’union, Bucarest: E. Marvan, 1931, passim et Frédéric Damé, Histoire de la Roumanie contemporaine depuis l’avènement des princes indigènes jusqu’à nos jours (1822-1900), Paris : Félix Alcan, 1900, passim.
* Le texte peut être téléchargé sur Academia
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Octobre 2018 à 10:47
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