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Communication présentée par Emilie Van Taack au Colloque international « L’image chrétienne »
Eminences, chers Pères et Frères, chers amis,
Merci de me donner l’occasion aujourd’hui, alors que nous attendons le Concile Panorthodoxe annoncé pour 2016, d’aborder un thème d’une extrême importance : l’Art sacré dans l’Eglise Orthodoxe en tant que question dogmatique.
Je voudrais rappeler un article publié par Léonide Ouspensky à ce sujet, dans le cadre de la préparation de ce qui était à l’époque le « futur Préconcile ». Cet article est paru au premier trimestre de 1966, dans la revue Contacts, sous le titre : « A propos d’un des sujets du futur Préconcile : la question de l’art sacré » (1)
Les circonstances de la parution
Cette question fit son apparition dans l’ordre du jour, lors de la Première Conférence Panorthodoxe de Rhodes en 1961. Cette liste fut traduite en russe et portée à la connaissance des fidèles dans le Journal du Patriarcat de Moscou, en novembre de la même année . (2)
Voici comment est formulée la question, au deuxième paragraphe des sujets concernant la Liturgie, sous la lettre G : selon la traduction d’Ouspensky, « Etude des moyens pour affermir et développer la vie liturgique de l’Eglise Orthodoxe et l’art byzantin traditionnel et orthodoxe en général dans ses diverses expressions (musique ecclésiastique, iconographie, architecture, vases et ornements sacrés, etc.) »
Eminences, chers Pères et Frères, chers amis,
Merci de me donner l’occasion aujourd’hui, alors que nous attendons le Concile Panorthodoxe annoncé pour 2016, d’aborder un thème d’une extrême importance : l’Art sacré dans l’Eglise Orthodoxe en tant que question dogmatique.
Je voudrais rappeler un article publié par Léonide Ouspensky à ce sujet, dans le cadre de la préparation de ce qui était à l’époque le « futur Préconcile ». Cet article est paru au premier trimestre de 1966, dans la revue Contacts, sous le titre : « A propos d’un des sujets du futur Préconcile : la question de l’art sacré » (1)
Les circonstances de la parution
Cette question fit son apparition dans l’ordre du jour, lors de la Première Conférence Panorthodoxe de Rhodes en 1961. Cette liste fut traduite en russe et portée à la connaissance des fidèles dans le Journal du Patriarcat de Moscou, en novembre de la même année . (2)
Voici comment est formulée la question, au deuxième paragraphe des sujets concernant la Liturgie, sous la lettre G : selon la traduction d’Ouspensky, « Etude des moyens pour affermir et développer la vie liturgique de l’Eglise Orthodoxe et l’art byzantin traditionnel et orthodoxe en général dans ses diverses expressions (musique ecclésiastique, iconographie, architecture, vases et ornements sacrés, etc.) »
En ce qui concerne l’icône à proprement parler, on demandait donc au Concile de rectifier l’usage ecclésiastique alors en vigueur où coexistait, écrit Ouspensky, « deux arts, ou, si l’on veut, deux courants qu’on appelle ‘le style iconographique’ ou, suivant les termes de la liste, ‘byzantin traditionnel’, et le style ‘artistique-réaliste’, [nommé en Russie, ‘style italien’]. On entend par le premier l’art traditionnel orthodoxe qui existe dans l’Eglise depuis les premiers siècles chrétiens, et par le second, l’art qui y domine depuis le XVIIIième siècle. »
1-Les raisons de l’intervention d’Ouspensky
Dans un dossier rassemblé récemment sur les étapes de la préparation du Concile (4) , Vladimir Golovanow nous rapporte qu’entre 1961 et 1986 eut lieu « une première phase très active où les principales structures furent mises en place, l’ordre du jour déterminé et un certain nombre de documents préliminaires mis au point. Cette période connut une mobilisation des Orthodoxes, en particulier en France.»
C’est au début de cette période qu’Ouspensky jugea utile de s’exprimer, lorsque certaines données furent portées à sa connaissance. « Certains, en effet, écrit-il, considèrent l’art ‘artistique-réaliste’ comme un développement normal de l’art traditionnel, conformément aux exigences de l’époque et, par conséquent, comme plus accessible à la compréhension de l'homme moderne. C'est pourquoi la possibilité de la coexistence dans l'Eglise de deux arts distincts est souvent considérée comme normale. On propose donc au Préconcile de trancher cette question en reconnaissant l'un et l'autre courant, légitimant ainsi la situation actuelle. » Ouspensky poursuit sa citation : « L'une et l'autre expression des vérités chrétiennes, dit-on, a droit d'existence dans l'Eglise du Christ lorsque, dans les deux courants, est présent l'Esprit vivifiant. » Ces dernières paroles ne livrent-elles pas l'image, indépendamment du courant auquel elle appartient, à une évaluation purement subjective, demande Ouspensky ?
Lire aussi Émilie van Taack : LE PERE SERGE ET SES ENFANTS SPIRITUELS
L'affirmation de la légitimité d'une telle coexistence s'accompagne généralement, il est vrai, d'une réserve : ‘L'icône, toutefois, doit être vénérée de préférence comme reflétant l'Orthodoxie de façon plus entière et exhaustive’. Mais de telles réserves n'ont aucune signification pratique et la préférence reste purement théorique, puisque la majorité écrasante des images dans les églises orthodoxes appartient actuellement au courant dit ‘artistique-réaliste’. » (5)
1-Les raisons de l’intervention d’Ouspensky
Dans un dossier rassemblé récemment sur les étapes de la préparation du Concile (4) , Vladimir Golovanow nous rapporte qu’entre 1961 et 1986 eut lieu « une première phase très active où les principales structures furent mises en place, l’ordre du jour déterminé et un certain nombre de documents préliminaires mis au point. Cette période connut une mobilisation des Orthodoxes, en particulier en France.»
C’est au début de cette période qu’Ouspensky jugea utile de s’exprimer, lorsque certaines données furent portées à sa connaissance. « Certains, en effet, écrit-il, considèrent l’art ‘artistique-réaliste’ comme un développement normal de l’art traditionnel, conformément aux exigences de l’époque et, par conséquent, comme plus accessible à la compréhension de l'homme moderne. C'est pourquoi la possibilité de la coexistence dans l'Eglise de deux arts distincts est souvent considérée comme normale. On propose donc au Préconcile de trancher cette question en reconnaissant l'un et l'autre courant, légitimant ainsi la situation actuelle. » Ouspensky poursuit sa citation : « L'une et l'autre expression des vérités chrétiennes, dit-on, a droit d'existence dans l'Eglise du Christ lorsque, dans les deux courants, est présent l'Esprit vivifiant. » Ces dernières paroles ne livrent-elles pas l'image, indépendamment du courant auquel elle appartient, à une évaluation purement subjective, demande Ouspensky ?
Lire aussi Émilie van Taack : LE PERE SERGE ET SES ENFANTS SPIRITUELS
L'affirmation de la légitimité d'une telle coexistence s'accompagne généralement, il est vrai, d'une réserve : ‘L'icône, toutefois, doit être vénérée de préférence comme reflétant l'Orthodoxie de façon plus entière et exhaustive’. Mais de telles réserves n'ont aucune signification pratique et la préférence reste purement théorique, puisque la majorité écrasante des images dans les églises orthodoxes appartient actuellement au courant dit ‘artistique-réaliste’. » (5)
A cette époque, Ouspensky voyait se dessiner en Europe de l’Ouest, sous l’influence de théologiens tels que Lossky et Florovsky d’abord, puis Schmemann et Meyendorf par la suite, ce qu’il décrit comme « un profond processus de purification de la science théologique, sa libération des influences hétérodoxes occidentales et, en même temps, une prise de conscience plus profonde de la théologie patristique. » (6)
Cette tendance, encouragée par la proche perspective des mises en œuvres conciliaires, suggéra à Ouspensky de s’adresser en langue française de préférence aux Orthodoxes occidentaux, le plus souvent convertis et plus ouverts à l’essentiel . (7)
« Dans le domaine de l’Art sacré, écrit-il, ce processus [de purification] ne fait que commencer et se heurte au conservatisme et parfois à l’ignorance, surtout parmi les Orthodoxes eux-mêmes. Cette prise de conscience est plus intense aux points de rencontre entre l’Orthodoxie et les confessions occidentales, c’est-à-dire précisément là où l’icône se manifeste comme une expression visible de l’Orthodoxie et acquiert ainsi une importance sur le plan œcuménique .» (8)
Ce dont témoigne, par exemple, une réaction protestante à la publication de L’essai sur la théologie de l’icône dans l’Eglise orthodoxe en 1960: « Le présent ouvrage est salutaire et dur à lire pour tous ceux des Protestants qui s’imaginent trop facilement qu’entre l’Orthodoxie orientale et nous il n’existe finalement aucune opposition fondamentale et décisive. Beaucoup de thèses historiques de l’auteur pourraient être contestées, et il n’en disconviendrait sans doute pas puisqu’il revendique le droit de reconstituer le passé « non en vertu de quelque preuve formelle et évidente » mais sur la seule base de ses présupposés dogmatiques. La valeur du livre vient de ce qu’il nous présente bien ce qu’est la pensée orthodoxe contemporaine. Ses analyses sur les différences fondamentales entre l’art religieux occidental et l’iconographie orientale sont riches et éclairantes.(9)
« Là, poursuit-il, (…) il n’y a pas deux façons de voir l’Art sacré : le ‘style iconographique’ est considéré comme la seule expression artistique possible de l'Orthodoxie, de sa doctrine et de son expérience spirituelle. Chez les non-orthodoxes, d’autre part, la tendance se fait jour de plus en plus de comprendre l'essence de l'icône et, par elle, l'Orthodoxie [elle-même]. Quant au ‘courant artistique-réaliste’ ou ‘style italien’, (…) on y voit une pâle imitation d'un art catholique-romain appartenant déjà au passé, et cela même dans l'Eglise romaine qui lui donna naissance. Non seulement on n'y voit pas une ‘expression des vérités chrétiennes’, mais on considère qu'il s'est écarté de ces vérités. » (10)
« Cette situation montre avec évidence, poursuit Ouspensky, que la question de l’icône n’est pas une question de goût personnel, qu’on ne la pose pas pour sacrifier à une mode ou par un désir de retour au passé. Des objections de cette sorte n’ont aucun fondement réel. (…) En réalité, cette question est bien plus sérieuse et profonde : elle se pose et exige sa solution dans le cadre d’une prise de conscience dogmatique au sein de l’Orthodoxie. » (11)
Cette tendance, encouragée par la proche perspective des mises en œuvres conciliaires, suggéra à Ouspensky de s’adresser en langue française de préférence aux Orthodoxes occidentaux, le plus souvent convertis et plus ouverts à l’essentiel . (7)
« Dans le domaine de l’Art sacré, écrit-il, ce processus [de purification] ne fait que commencer et se heurte au conservatisme et parfois à l’ignorance, surtout parmi les Orthodoxes eux-mêmes. Cette prise de conscience est plus intense aux points de rencontre entre l’Orthodoxie et les confessions occidentales, c’est-à-dire précisément là où l’icône se manifeste comme une expression visible de l’Orthodoxie et acquiert ainsi une importance sur le plan œcuménique .» (8)
Ce dont témoigne, par exemple, une réaction protestante à la publication de L’essai sur la théologie de l’icône dans l’Eglise orthodoxe en 1960: « Le présent ouvrage est salutaire et dur à lire pour tous ceux des Protestants qui s’imaginent trop facilement qu’entre l’Orthodoxie orientale et nous il n’existe finalement aucune opposition fondamentale et décisive. Beaucoup de thèses historiques de l’auteur pourraient être contestées, et il n’en disconviendrait sans doute pas puisqu’il revendique le droit de reconstituer le passé « non en vertu de quelque preuve formelle et évidente » mais sur la seule base de ses présupposés dogmatiques. La valeur du livre vient de ce qu’il nous présente bien ce qu’est la pensée orthodoxe contemporaine. Ses analyses sur les différences fondamentales entre l’art religieux occidental et l’iconographie orientale sont riches et éclairantes.(9)
« Là, poursuit-il, (…) il n’y a pas deux façons de voir l’Art sacré : le ‘style iconographique’ est considéré comme la seule expression artistique possible de l'Orthodoxie, de sa doctrine et de son expérience spirituelle. Chez les non-orthodoxes, d’autre part, la tendance se fait jour de plus en plus de comprendre l'essence de l'icône et, par elle, l'Orthodoxie [elle-même]. Quant au ‘courant artistique-réaliste’ ou ‘style italien’, (…) on y voit une pâle imitation d'un art catholique-romain appartenant déjà au passé, et cela même dans l'Eglise romaine qui lui donna naissance. Non seulement on n'y voit pas une ‘expression des vérités chrétiennes’, mais on considère qu'il s'est écarté de ces vérités. » (10)
« Cette situation montre avec évidence, poursuit Ouspensky, que la question de l’icône n’est pas une question de goût personnel, qu’on ne la pose pas pour sacrifier à une mode ou par un désir de retour au passé. Des objections de cette sorte n’ont aucun fondement réel. (…) En réalité, cette question est bien plus sérieuse et profonde : elle se pose et exige sa solution dans le cadre d’une prise de conscience dogmatique au sein de l’Orthodoxie. » (11)
Texte in extenso SUITE en PJ
1- Contacts n°53, 1er trimestre 1966, pp. 24-36.
2- JPM, 1961, N°11, p. 25, en russe.
3- Ouspensky, Ibid., p. 25.
4 - V. Golovanow, « Introduction sur l’étape actuelle de la préparation », Dossier sur la préparation du Concile Panorthodoxe, Messager de l’Eglise Orthodoxe Russe, N°25, avril-juin 2014, pp.39-40.
5 - Ouspensky, Ibid., p. 26.
6- Ouspensky, Ibid., p. 36.
7- Il faut noter qu’Ouspensky publia cet article seulement en français et non aussi en russe, comme il le faisait d’habitude dans le Messager de l’Exarque du Patriarcat de Moscou en Europe Occidentale.
8- Ouspensky, Ibid., p. 36.
9- Cf. J-M. Hornus, « Compte-rendu sur l’Essai sur la Théologie de l’icône, dans l’Eglise Orthodoxe », dans le Bulletin du Centre Protestant d’études et de documentation, n° 52, p. 6, le 22 juillet 1960 (Archives du Diocèse de Chersonèse).
10 - Ouspensky, Ibid., pp. 26-27.
11- Ouspensky, Ibid., pp. 26-27.
1- Contacts n°53, 1er trimestre 1966, pp. 24-36.
2- JPM, 1961, N°11, p. 25, en russe.
3- Ouspensky, Ibid., p. 25.
4 - V. Golovanow, « Introduction sur l’étape actuelle de la préparation », Dossier sur la préparation du Concile Panorthodoxe, Messager de l’Eglise Orthodoxe Russe, N°25, avril-juin 2014, pp.39-40.
5 - Ouspensky, Ibid., p. 26.
6- Ouspensky, Ibid., p. 36.
7- Il faut noter qu’Ouspensky publia cet article seulement en français et non aussi en russe, comme il le faisait d’habitude dans le Messager de l’Exarque du Patriarcat de Moscou en Europe Occidentale.
8- Ouspensky, Ibid., p. 36.
9- Cf. J-M. Hornus, « Compte-rendu sur l’Essai sur la Théologie de l’icône, dans l’Eglise Orthodoxe », dans le Bulletin du Centre Protestant d’études et de documentation, n° 52, p. 6, le 22 juillet 1960 (Archives du Diocèse de Chersonèse).
10 - Ouspensky, Ibid., pp. 26-27.
11- Ouspensky, Ibid., pp. 26-27.
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Mars 2015 à 13:16
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