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père Jean Meyendorff
Un des paradoxes de la morale chrétienne est que le mariage et le célibat, s’ils supposent des comportements pratiques différents, prennent appui sur la même théologie du Royaume de Dieu, et de ce fait sur la même spiritualité.
La particularité du mariage chrétien consiste à transformer et à transfigurer l’affection humaine et naturelle qui existe entre un homme et une femme en un lien éternel d’amour, lien qui ne peut pas être rompu, pas même par la mort. Le mariage est un sacrement, car par lui le futur Royaume de Dieu, les noces de l’Agneau (Apocalypse 19, 7-9), la pleine union du Christ et de l’Église (Éphésiens 5, 32), sont anticipés et représentés.
Un mariage chrétien trouve sa signification ultime non pas dans la satisfaction charnelle, la stabilité sociale, ou un moyen d’assurer sa postérité, mais dans l' " eschaton ", les " choses dernières ", que le Seigneur prépare pour ses élus.
Un des paradoxes de la morale chrétienne est que le mariage et le célibat, s’ils supposent des comportements pratiques différents, prennent appui sur la même théologie du Royaume de Dieu, et de ce fait sur la même spiritualité.
La particularité du mariage chrétien consiste à transformer et à transfigurer l’affection humaine et naturelle qui existe entre un homme et une femme en un lien éternel d’amour, lien qui ne peut pas être rompu, pas même par la mort. Le mariage est un sacrement, car par lui le futur Royaume de Dieu, les noces de l’Agneau (Apocalypse 19, 7-9), la pleine union du Christ et de l’Église (Éphésiens 5, 32), sont anticipés et représentés.
Un mariage chrétien trouve sa signification ultime non pas dans la satisfaction charnelle, la stabilité sociale, ou un moyen d’assurer sa postérité, mais dans l' " eschaton ", les " choses dernières ", que le Seigneur prépare pour ses élus.
Or, le célibat — et en particulier la vie monastique — est justifié dans les Saintes Écritures et la Tradition par la même référence au Royaume futur.
Le Seigneur lui-même a dit : Car, lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux (Marc 12, 25). Ce passage n’entend pas nier le mariage chrétien comme une réalité continuée dans le Royaume futur, mais que le Seigneur y affirme le caractère temporel de la " chair ". Ainsi le Nouveau Testament, à plusieurs reprises, fait l’éloge du célibat en tant qu’anticipation de la " vie angélique " : Il y a, en effet des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne (Matthieu 19, 12). La grande figure de saint Jean le Baptiste, celles de saint Paul et des cent quarante quatre milliers de l’Apocalypse (Apocalypse 14, 3-4) ont servi de modèles aux innombrables saints chrétiens qui ont gardé la virginité pour la gloire de Dieu.
Lire aussi L'Orthodoxie et les mariages mixtes
C’est pour réagir contre le relâchement sexuel qui prévalait dans le monde païen et également pour exprimer le sens chrétien primitif du détachement à l’égard du monde, que les appels à la virginité sont très nombreux dans les écrits des Pères de l’Église. Le monachisme est apparu à beaucoup comme la solution la plus sûre et la plus élevée des problèmes moraux. En dépit de cette prédominance de l’esprit monastique, qui s’exprime également dans l’instauration d’un épiscopat non marié, l’Église a aussi maintenu de façon intransigeante la valeur positive du mariage. Elle a reconnu universellement dans le mariage un sacrement, tandis que seuls quelques écrivains ecclésiastiques attribuaient également un caractère sacramentel à la cérémonie de la tonsure monastique. Cette valeur positive du mariage est magnifiquement exprimée dans des textes de saint Clément d’Alexandrie, un des fondateurs de la théologie chrétienne (IIIe siècle) et du grand saint Jean Chrysostome (+ 403).
Ainsi, mariage et célibat sont deux manières de vivre l’Évangile en anticipant le Royaume, Royaume qui a déjà été révélé dans le Christ, et qui doit apparaître dans sa force au dernier jour. Évidemment seul un mariage " en Christ ", scellé par l’Eucharistie et un célibat " au nom de Jésus Christ ", portent cette signification chrétienne " eschatologique ". Ni un mariage conclu au hasard, comme un contrat temporaire, ni la pratique sexuelle dite " libre ", ni d’ailleurs un célibat accepté par inertie, ou pire, par égoïsme et irresponsabilité auto-protectrice, n’ont la valeur spirituelle décrite plus haut.
Un mariage chrétien présuppose des sacrifices, la responsabilité familiale, dévouement et maturité.
De même le célibat chrétien est inimaginable sans la prière, le jeûne, l’obéissance, l’humilité, la charité et une ascèse constante. La psychologie moderne n’a pas " découvert " le fait que l’absence de vie sexuelle créait des problèmes ; les Pères de l’Église le savaient très bien, et ont élaboré un système remarquable de préceptes ascétiques — base de toute règle monastique — préceptes qui rendent la chasteté possible et heureuse. Ils savaient, parfois beaucoup mieux que les psychologues modernes, que l’instinct naturel d’amour et de procréation ne peut pas être isolé du reste de l’existence humaine, mais en est son véritable centre. Il ne peut pas être supprimé, mais seulement transformé, transfiguré et canalisé, en tant qu’amour de Dieu et du prochain, par la prière, le jeûne et l’obéissance au nom de Jésus Christ. Ces vertus sont codifiées et systématisées dans les règles monastiques, mais d’une autre façon elles conditionnent aussi la vie chrétienne de ceux qui choisissent une vie célibataire au service du monde.
L’une des causes les plus importantes du problème actuel concernant le célibat des prêtres dans l’Église catholique romaine est que l’exigence du célibat est encore obligatoire, alors que la spiritualité, qui sert habituellement de cadre naturel et sans laquelle le célibat apparaît insupportable et sans nécessité, ne l’est plus. Le bréviaire, la messe quotidienne, un mode de vie sacerdotal particulier, l’isolement du monde, la pauvreté, le jeûne, tout cela a maintenant été abandonné. Le prêtre n’est plus spécialement limité dans la satisfaction naturelle de ses désirs de nourriture, de boisson, de confort et d’argent et il ne suit plus de réelle discipline de prières. Son célibat est ainsi privé de sa signification spirituelle — dirigée vers le Royaume — qui seule peut être eschatologique. À quelle distance du Royaume se trouvent les habituels presbytères confortables et combien contradictoires saut les appels de la théologie moderne à un engagement dans le monde et à une responsabilité sociale, seules formes par lesquelles le Royaume sera révélé : Pourquoi alors le célibat ?
La tradition de l’Église dans son ensemble est absolument unanime pour maintenir l’idée qu’une pureté authentique et la vie monastique ne peuvent être pratiquées que dans des communautés monastiques.
Seules des personnalités isolées et particulièrement fortes peuvent vivre un célibat véritable tout en vivant dans le monde. L’humilité est probablement la seule vertu qui peut réellement les aider à surmonter les difficultés de cette vie mais, comme nous le savons tous, c’est de loin la vertu la plus difficile et par conséquent la plus rare.
Le Seigneur lui-même a dit : Car, lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux (Marc 12, 25). Ce passage n’entend pas nier le mariage chrétien comme une réalité continuée dans le Royaume futur, mais que le Seigneur y affirme le caractère temporel de la " chair ". Ainsi le Nouveau Testament, à plusieurs reprises, fait l’éloge du célibat en tant qu’anticipation de la " vie angélique " : Il y a, en effet des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne (Matthieu 19, 12). La grande figure de saint Jean le Baptiste, celles de saint Paul et des cent quarante quatre milliers de l’Apocalypse (Apocalypse 14, 3-4) ont servi de modèles aux innombrables saints chrétiens qui ont gardé la virginité pour la gloire de Dieu.
Lire aussi L'Orthodoxie et les mariages mixtes
C’est pour réagir contre le relâchement sexuel qui prévalait dans le monde païen et également pour exprimer le sens chrétien primitif du détachement à l’égard du monde, que les appels à la virginité sont très nombreux dans les écrits des Pères de l’Église. Le monachisme est apparu à beaucoup comme la solution la plus sûre et la plus élevée des problèmes moraux. En dépit de cette prédominance de l’esprit monastique, qui s’exprime également dans l’instauration d’un épiscopat non marié, l’Église a aussi maintenu de façon intransigeante la valeur positive du mariage. Elle a reconnu universellement dans le mariage un sacrement, tandis que seuls quelques écrivains ecclésiastiques attribuaient également un caractère sacramentel à la cérémonie de la tonsure monastique. Cette valeur positive du mariage est magnifiquement exprimée dans des textes de saint Clément d’Alexandrie, un des fondateurs de la théologie chrétienne (IIIe siècle) et du grand saint Jean Chrysostome (+ 403).
Ainsi, mariage et célibat sont deux manières de vivre l’Évangile en anticipant le Royaume, Royaume qui a déjà été révélé dans le Christ, et qui doit apparaître dans sa force au dernier jour. Évidemment seul un mariage " en Christ ", scellé par l’Eucharistie et un célibat " au nom de Jésus Christ ", portent cette signification chrétienne " eschatologique ". Ni un mariage conclu au hasard, comme un contrat temporaire, ni la pratique sexuelle dite " libre ", ni d’ailleurs un célibat accepté par inertie, ou pire, par égoïsme et irresponsabilité auto-protectrice, n’ont la valeur spirituelle décrite plus haut.
Un mariage chrétien présuppose des sacrifices, la responsabilité familiale, dévouement et maturité.
De même le célibat chrétien est inimaginable sans la prière, le jeûne, l’obéissance, l’humilité, la charité et une ascèse constante. La psychologie moderne n’a pas " découvert " le fait que l’absence de vie sexuelle créait des problèmes ; les Pères de l’Église le savaient très bien, et ont élaboré un système remarquable de préceptes ascétiques — base de toute règle monastique — préceptes qui rendent la chasteté possible et heureuse. Ils savaient, parfois beaucoup mieux que les psychologues modernes, que l’instinct naturel d’amour et de procréation ne peut pas être isolé du reste de l’existence humaine, mais en est son véritable centre. Il ne peut pas être supprimé, mais seulement transformé, transfiguré et canalisé, en tant qu’amour de Dieu et du prochain, par la prière, le jeûne et l’obéissance au nom de Jésus Christ. Ces vertus sont codifiées et systématisées dans les règles monastiques, mais d’une autre façon elles conditionnent aussi la vie chrétienne de ceux qui choisissent une vie célibataire au service du monde.
L’une des causes les plus importantes du problème actuel concernant le célibat des prêtres dans l’Église catholique romaine est que l’exigence du célibat est encore obligatoire, alors que la spiritualité, qui sert habituellement de cadre naturel et sans laquelle le célibat apparaît insupportable et sans nécessité, ne l’est plus. Le bréviaire, la messe quotidienne, un mode de vie sacerdotal particulier, l’isolement du monde, la pauvreté, le jeûne, tout cela a maintenant été abandonné. Le prêtre n’est plus spécialement limité dans la satisfaction naturelle de ses désirs de nourriture, de boisson, de confort et d’argent et il ne suit plus de réelle discipline de prières. Son célibat est ainsi privé de sa signification spirituelle — dirigée vers le Royaume — qui seule peut être eschatologique. À quelle distance du Royaume se trouvent les habituels presbytères confortables et combien contradictoires saut les appels de la théologie moderne à un engagement dans le monde et à une responsabilité sociale, seules formes par lesquelles le Royaume sera révélé : Pourquoi alors le célibat ?
La tradition de l’Église dans son ensemble est absolument unanime pour maintenir l’idée qu’une pureté authentique et la vie monastique ne peuvent être pratiquées que dans des communautés monastiques.
Seules des personnalités isolées et particulièrement fortes peuvent vivre un célibat véritable tout en vivant dans le monde. L’humilité est probablement la seule vertu qui peut réellement les aider à surmonter les difficultés de cette vie mais, comme nous le savons tous, c’est de loin la vertu la plus difficile et par conséquent la plus rare.
La tradition monastique a toujours été reconnue dans l’Orthodoxie comme le témoignage le plus authentique de l’Évangile du Christ.
Comme les prophètes de l’Ancien Testament, comme les martyrs (témoins) du christianisme des premiers siècles, les moines rendent le christianisme crédible. En montrant que l’on peut mener une vie de prière et de culte lumineuse, joyeuse, pleine de sens, sans être dépendant des " conditions normales " de ce monde, ils donnaient une preuve vivante que le Royaume de Dieu était vraiment au milieu de nous. Le retour à une telle tradition serait particulièrement significatif au milieu de notre monde sécularisé et militant. Une humanité qui prétend aujourd’hui qu’elle a " atteint sa majorité " ne demande pas l’aide du christianisme dans sa quête pour un " monde meilleur ". Elle peut cependant être de nouveau intéressée par l’Église, si l’Église est capable de montrer un monde non seulement meilleur mais vraiment nouveau et différent. C’est ce que tant de jeunes recherchent, mais ils découvrent malheureusement au mieux le bouddhisme Zen, et le plus souvent des moyens psychédéliques ou autres de s’échapper vers… la mort.
Les moines sont les témoins de ce nouveau monde. S’il y avait plus de communautés monastiques authentiques parmi nous, notre témoignage serait plus fort. Cependant, la nouvelle création du Christ est accessible à tous, dans toute sa beauté, à travers l’amour dans le mariage, à condition qu’avec saint Paul, nous l’acceptions et le comprenions par rapport au Christ et à l’Église.
Extrait de "Le mariage dans la perspective orthodoxe"
YMCA Press/ŒIL, Paris, 1986. ORTHODOXIE
..........................................
Parlons d'orthodoxie Actualité de Jean Meyendorff (1926-1992)
Colloque international : L’héritage du Père Jean Meyendorff, érudit et homme d’Église (1926-1992)
Compte-rendu du colloque international sur l’héritage du Père Jean Meyendorff, érudit et homme d’Eglise (1926-1992) à l’Institut Saint-Serge à Paris
Comme les prophètes de l’Ancien Testament, comme les martyrs (témoins) du christianisme des premiers siècles, les moines rendent le christianisme crédible. En montrant que l’on peut mener une vie de prière et de culte lumineuse, joyeuse, pleine de sens, sans être dépendant des " conditions normales " de ce monde, ils donnaient une preuve vivante que le Royaume de Dieu était vraiment au milieu de nous. Le retour à une telle tradition serait particulièrement significatif au milieu de notre monde sécularisé et militant. Une humanité qui prétend aujourd’hui qu’elle a " atteint sa majorité " ne demande pas l’aide du christianisme dans sa quête pour un " monde meilleur ". Elle peut cependant être de nouveau intéressée par l’Église, si l’Église est capable de montrer un monde non seulement meilleur mais vraiment nouveau et différent. C’est ce que tant de jeunes recherchent, mais ils découvrent malheureusement au mieux le bouddhisme Zen, et le plus souvent des moyens psychédéliques ou autres de s’échapper vers… la mort.
Les moines sont les témoins de ce nouveau monde. S’il y avait plus de communautés monastiques authentiques parmi nous, notre témoignage serait plus fort. Cependant, la nouvelle création du Christ est accessible à tous, dans toute sa beauté, à travers l’amour dans le mariage, à condition qu’avec saint Paul, nous l’acceptions et le comprenions par rapport au Christ et à l’Église.
Extrait de "Le mariage dans la perspective orthodoxe"
YMCA Press/ŒIL, Paris, 1986. ORTHODOXIE
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Parlons d'orthodoxie Actualité de Jean Meyendorff (1926-1992)
Colloque international : L’héritage du Père Jean Meyendorff, érudit et homme d’Église (1926-1992)
Compte-rendu du colloque international sur l’héritage du Père Jean Meyendorff, érudit et homme d’Eglise (1926-1992) à l’Institut Saint-Serge à Paris
Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 2 Juin 2018 à 13:34
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